Lundi 8 novembre 1 08 /11 /Nov 06:49

{Ce post est entièrement écrit par Inrain. Y compris l'en tête. Bonne lecture les filles!}

 

 

Hello !


Me revoilà avec le chapitre deux.

Alors, je voulais juste préciser que j'ai situer l'action à Prague parce que c'est une ville qui me fascine et que ça changeais un peu. Je n'y suis jamais allé et même si je me suis renseigné comme j'ai pu (notamment pour les quartiers - la photo est d'ailleurs une vieille image de celui de Zizkov où vit Stef' - le système scolaire, ce genre de chose) je n'ai pas la prétention d'être parfaitement cohérente avec le lieu. J'espère qu'il n'y aura rien d'aberrant par rapport à ça (normalement non, j'ai vérifié).



Sinon, la chanson Cubicle est du groupe Rinôçérôse, de l'album Schizophonia. D'ailleurs c'est ma propre sonnerie de portable.


Voilà voilà.


Bonne lecture !

Chapitre 2:

 

ZIZKOV.JPG

 

 

Musique électronique, et la voix nasillarde de je ne sais plus son nom.

                You got them bruise's placed upon your legs…              

Je ne sais plus exactement si c’était mon idée de mettre Cubicle comme sonnerie associé à Mandy. Je voulais quelque chose de nerveux, d’obsédant, d’assommant, à son image. J’avais oublié que Mandy a un don très particulier : elle parvient toujours à m’appeler quand je suis endormie. Ça ne rate jamais, que ce soit un matin où j’ai décidé de faire la grasse matinée ou un soir quand je m’étais couché tôt, elle ne loupe jamais son coup. Même quand je dors à… 16 heures. Ah. Ceci explique cela.

                « M-allô ?

                -Steeeeef’ ! Viens m’ouvrir, ça fait une heure que je frappe à ta porte, je vais me faire dégager par le concierge !! »

                Je pourrai très bien la laisser poireauter encore une heure histoire de, mais bon, maintenant que je suis réveillée… Je me traîne péniblement jusqu’à l’entrée de mon deux-pièces minuscules, et, comme je m’y était attendu, elle me saute dessus à peine la porte déverrouillée.

                « Stef’, mais qu’est-ce que tu faisais ? J’ai eu peur !!

                -J’étais en train de dormir pauvre tache, et je t’ai déjà dit d’arrêter de te prendre pour ma mère, je suis pas obligée de te faire un bilan de santé toutes les deux heures… »

                Elle est encore plus agitée que d’habitude, ce qui lui fait ressembler à ces jouets mécaniques qu’on donne aux chats, les souris en plastique qu’on remonte, qu’on remonte, et quand on les lâche, elles partent comme des flèches en sillonnant l’appartement pour échapper à leur prédateur. On en avait une pour notre siamois quand j’étais enfant, et Mandy se comporte comme ce truc quand elle est excitée – ou énervée, mais bon, c’est tellement rare…

                « Bon, qu’est-ce qu’il t’arrive encore ? »

J’ai vraiment l’impression d’être sa mère parfois. Ou au moins sa grande sœur. Elle ne s’en plaint pas, parce qu’elle est fille unique, qu’elle n’a jamais connu son père, et que sa mère préfère consacrer sa vie à lui chercher un remplaçant plutôt qu’à prendre soin de sa progéniture – je ne comprendrais jamais les mères.

                « Bah en fait je voulais juste venir te voir pour savoir comment tu allais, vu que tu es partie super vite hier, et en fait je t’ai pas vu de la soirée, tu étais où ?

                -Abrège !

                -Oui bon bref, et donc je suis arrivée depuis l’autre bout de la rue vu que j’ai pris le bus, mais je me suis pas arrêtée à ton arrêt, je voulais marcher un peu tu vois, histoire de bouger, parce que j’aimerais bien perdre quelques kilos, enfin bref, donc je suis passée devant une rue en bas de chez toi et… y’avait un type tu vois, et il était attaché au mur ! En plus il avait l’air mal en point, mais j’ai pas réussi à le réveiller, alors je me suis dit que j’allais te demander de m’aider, vu que tu vois toi t’es super forte, et puis t’as peut-être de quoi le libérer toi parce que du coup moi j’ai rien sur moi, j’avais pas prévu de devoir forcer une serrure pour aider un mec moi tu vois… enfin… ça va ? »

                Mais comment fait-elle pour débiter aussi vite ? Enfin, le problème n’est pas là : le crétin est toujours dans la ruelle, ce qui signifie que personne n’a jugé utile de l’aider. En fait, ça ne m’étonne qu’à moitié. Ils sont tous comme moi, dans le coin… Mandy, c’est différent. On pourrait écrire son nom dans le dictionnaire pour illustrer un bon nombre de traits de caractère embarrassant, dont « naïveté » et « bavard » feraient partie, mais elle figurerait également à côté de la définition de l’altruisme. Ou de l’expression « avoir le cœur sur la main ». Mandy aime le monde entier et elle se sent obligée d’aider tous ceux qui croisent sa route. Tous. Les clochards, les mamans débordées, les types malheureux, les pannes d’essence, les mamies dans le bus. Un jour, elle m’a avoué, éméchée, qu’elle avait envie de m’aider moi aussi, parce qu’elle voyait bien que j’étais triste et que je me fermais au monde et que ce n’était pas sain. Je lui ai promis de ne plus jamais lui adresser la parole si elle continuait sur sa lancée, et elle s’est tue. Je ne crois pas qu’elle s’en souvienne. Moi si. C’est peut-être une autre des raisons qui fait que je ne peux pas me résoudre à la dégager.

                « Et bien sûr, tu veux l’aider parce que…

                -Ben… Parce qu’il a besoin d’aide. »

Pour elle, le don de soi est évident. Elle veut être prof au collège, c’est dire.

                « Bon très bien, on descend. »

Je prends au passage le bout de ferraille qui me serre en général à forcer les serrures, et à l’occasion à ouvrir ma propre porte quand j’ai oublié mes clés, ce qui m’arrive fréquemment, et aussi à démarrer la 125 que j’ai trouvé dans le parc l’an dernier.

                Il ne me faut que quelques minutes pour venir à bout des menottes du jeune homme toujours dans les vapes, bien que l’obscurité de la ruelle coincée entre deux immeubles d’une dizaine étages ne me facilite pas la tâche. Pas un rayon de soleil pour éclairer mon labeur. Enfin bref. Le métal a laissé des traces de brûlures sur ses poignets, il faut croire que je n’avais pas rêvé la fumée qui s’en échappait hier, mais bon, ce n’est plus mon problème. Libéré de ses entraves, l’adolescent s’effondre sur le sol comme une loque et je me prépare à rentrer chez moi quand la voix fluette de Mandy me retient.

                « Stef’… Tu vas pas le laisser là ? »

Elle a le ton incrédule de celle qui n’en revient pas, qui ne veut même pas croire ce qu’elle vient d’évoquer. Pourtant c’est bien mon intention.

                « Quoi ? Il est libre, non ? Il va bien s’en sortir tout seul.

                -Stef’… »

Je déteste, j’ai HORREUR qu’elle prenne ce ton-là. Elle pourrait me faire un sermon, être méprisante, et ça ne me ferait rien, parce que les gens qui me méprisent se comptent par centaine et que je me moque de l’opinion que l’on peut avoir de moi. Mais ça, ça n’a rien à voir. Elle, elle est vraiment blessée. Au bord des larmes que je sois aussi insensible et cruelle. Elle me fait une tête qui signifie clairement « Tu rigoles hein ? Tu vas pas faire ça ? ». Et je suis incapable de lui dire que si, que j’en ai rien à foutre, qu’il peut bien crever la gueule ouverte et que je ne lèverais pas un doigt de pied pour l’aider. Parce que cette idiote est trop innocente et trop naïve et que je ne peux pas briser impunément ses illusions d’enfant gâté.

                « C’est bon c’est bon, pleure pas ou j’te cogne. Je vais l’emmener chez moi, ça t’ va ? »

Et elle me sourit. Encore. Avec ce sourire qui lui donne un air con. Et elle est heureuse. Parce ce que je ramasse la loque et que je le hisse avec peine sur mon dos. Je suis vraiment trop faible devant ses mimiques d’enfant. Elle me fait penser à ma jeune sœur, c’est pour ça que je n’arrive pas à lui dire non. Cela fait des années que je ne l’ai plus vue, ni elle ni les autres… Enfin bref. A peine engagé hors de la ruelle aux poubelles, enfin éclairé par la lumière du jour, le poids sur mon dos se met à s’agiter. Et puis il hurle.

                « Stef’ ! Stef’, recule ! »

Aussitôt dit, aussitôt fait, je me re-planque dans le passage obscur.

                « Mais putain c’est quoi ce bordel ?

                -Je sais pas, je crois que c’est le soleil. Regarde »

Effectivement, ses mains sont devenues aussi rouges que les marques qu’il avait aux poignets.

                « Il est peut-être allergique aux rayons du soleil ? Tu sais, comme les enfants de Nicole Kidman dans Les Autres. J’ai vu une émission là-dessus une fois….

                -Mandy. Ta gueule. »

Mon dos douloureux me pousse à reposer l’adolescent sur le sol, à l’abri derrière une grosse benne verte pleine à ras-bord.

                « Bon bah tant pis alors. »

Encore une fois, je tente une esquive en direction de mon immeuble et de mon lit pliant qui m’appelle avec une voix mielleuse.

                « Mais qu’est-ce que tu fais ?

                -Et bah je rentre chez moi, qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Je peux pas le bouger sans qu’il grille comme un steak sur un barbecue !

                -Bah ouais mais…

                -T’as une meilleure idée mère Theresa ? »

Elle a encore les larmes aux yeux, elle ressemble vraiment à une enfant de huit ans à qui on vient de dire qu’on quittait la fête foraine sans passer par le vendeur de barbe à papa.

                « Il faudra repasser ce soir alors. »

Mais elle pas croyable cette nana !

                « Et puis quoi encore ?

                -Stef’, s’il te plait… »

Et c’est comme ça que cinq heures plus tard je me suis retrouvée à refaire le porteur pour le nouveau protégé de la meilleure amie des nécessiteux.

                « Bon, tu peux rentrer chez toi maintenant, à trois dans mon apart’ ça commence à faire juste.

                -D’accord mais…

                -C’est bon, je vais m’occuper de lui, je vais pas le jeter par la fenêtre. »

Elle a l’air sincèrement soulagée. Sans doute parce qu’elle pensait vraiment que j’allais virer l’invité surprise aussitôt qu’elle aurait eu le dos tourné. Et en fait c’est bien mon plan. Mais je vais attendre qu’elle soit montée dans le bus, je ne voudrais pas éveiller ses soupçons.

                « Je repasserais demain matin, voir si tout va bien.

                -Putain Mandy, t’es pas ma mère ! »

En fait, elle me connaît aussi bien que je la connais. Et elle veut venir vérifier parce qu’elle n’a aucune confiance en moi et qu’elle a bien raison. Il y a vraiment des fois où je me déteste. Et où je la déteste aussi. Surtout.

                « Très bien je le garde, mais alors tu ramènes le petit dej’.

                -Des pains au chocolat ça ira ?

                -Prends-en une demi-douzaine, et des maxi hein, sinon on va crever la dalle. Bon aller, dégage maintenant. »

Je finis toujours par la virer comme ça, et elle ne s’en formalise jamais. Au fond il doit y avoir quelque chose en plus derrière son insupportable enthousiasme permanent, ce n’est pas possible autrement. La porte claque dans le silence retrouvé de mon modeste logement. J’ai allongé le colis sur mon clic-clac (je ne le replie jamais), où il dort comme un bienheureux. Je peux faire une croix sur ma nuit moi. Oh et puis après tout, il fait deux places ce lit, et l’autre prends pas vraiment un espace conséquent – il est tout maigre. Allez, adjugé, de toute façon, je suis chez moi non ? Je m’étale sur le lit à côté de l’idiot sur ces pensées philosophiques, et je me rendors.   

 

A suivre....

 

{La réponse aux reviews du chapitre précédent sera publiée ce soir.}

 

 

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Auteurs Sadiques
Ecrire un commentaire - Voir les 2 commentaires
Lundi 8 novembre 1 08 /11 /Nov 07:28

Et un nouveau Chapitre de Deadly, je pense que ça va être un chouette lundi pour vous les filles!

D'autant plus que je suis complètement fana de cette histoire, et que je crève d'envie de connaitre la suite.

On remarquera la longueur de ce chapitre, six pages, l'auteur est fière, y a de quoi. Et nous on se régale ^^. Si vous pouviez la harceler sur son blog ou ici de ma part pour qu'elle embraye sur le chapitre suivant, ça me ferait plaisir.

Bisous!

ps: je sais, l'image n'a rien à voir, mais j'aime beaucoup xD

 

42dad09089ec987e49a2335ffbfba57e.jpg

 

Chapitre 2

                En s'installant à côté d'un des piliers de la place principale de Lima, Andrès vit passer une jeune femme si élégante qu'elle lui donnait mal à la tête. Elle baissa un regard dédaigneux sur lui mais releva bien vite la tête, resserrant sa légère veste rouge autour d'elle. Le jeune homme roula des yeux. Il était un être humain, pas une bactérie. Cette femme était le stéréotype parfait de la bourgeoise méprisante. Les gens riches croyaient pouvoir tout se permettre et même s'il leur arrivait de donner aux œuvres de charité, ils détestaient ouvertement les personnes comme lui, les pauvres. Il ne pouvait pas s'empêcher de grincer des dents face à un tel comportement hypocrite. Ces dons ne leur servaient qu'à se faire bien voir dans leur société fermée.

                D'ailleurs cela faisait une semaine qu'il n'avait pas vu le "photographe", ce qui prouvait qu'on ne pouvait se fier aux riches. Pas qu'il eut envie d'accepter sa proposition mais, par principe… A vrai dire, ces derniers temps, Andrès y avait quand même réfléchit. Il avait de plus en plus de mal à s'organiser, il manquait énormément de sommeil. Se lever tous les jours à quatre heures, parcourir la ville toute la journée et rentrer se coucher à plus ou moins minuit sur un lit pire qu'inconfortable était extrêmement épuisant. Il n'avait même plus le temps de se rendre chez Maria, son odeur corporelle le lui rappelait constamment…  Y réfléchir ne signifiait en aucun cas qu’il envisagerait ne serait-ce qu’une seconde d’accepter réellement. Et c'était une bonne chose qu'il ne se soit plus montré car il l'aurait surement eu à l'usure puisque la seule chose qui le retenait était sa fierté.

                Le jeune homme s’adossa au mur en soupirant. Il rentrerait plus tôt ce soir-là, il ne tenait plus debout. Ne pas aller à Miraflores lui ferait perdre de l’argent qui lui serait plus que bénéfique mais, son train de vie devenait insupportable.

                Un bruit de talons frénétique s’arrêtant devant lui lui fit ouvrir les yeux et lever la tête. Une jeune fille très élégante aux longs cheveux roux s’accroupit et lui sourit en ouvrant son sac à main.

     Ça fait trois jours que je te vois ici, tu es si maigre, j’ai pensé que tu aurais faim.

Elle lui tendit un sac plastique où il trouva un sandwich complet, une petite bouteille d’Inka Cola (Ndla : Soda péruvien jaune fluo, plus populaire que le coca) et même un dessert ! Il la remercia les yeux brillants de gratitude. C’était si rare qu’on lui offre quelque chose à manger qui lui soit destiné du début à la fin. D’ordinaire c’était des restes qu’il récoltait…

La jeune femme se releva, toujours en souriant et s’éloigna sous le regard d’Andrès. Il entama son diner aussitôt, affamé. Il avait presque oublié le goût de la viande.

De l’autre côté de la rue, la jeune femme rousse s’avança vers un homme vêtu de noir aux longs cheveux qu’elle salua. L’homme se tourna vers lui, lui fit un clin d’œil, passa un bras autour de la taille de sa compagne et s’éloigna. Il avait parlé trop vite…

Andrès regarda autour de lui, il n’y avait plus grand monde dans les parages. Gaya et lui n’allaient pas tarder à lever le camp. Le jeune homme fixa un instant la chienne d’un air triste. Cela faisait pratiquement deux semaines que Nathalia avait disparue. Soit elle avait joué sa Viviane et trouvé son Edward à la mode Pretty Woman, soit elle était morte – dans le pire des cas.

Il espérait vraiment qu’il ne lui soit rien arrivé de grave. Il ne la connaissait pas plus que ça mais, voir quelqu’un qu’on avait côtoyé disparaître sans explications était inquiétant. Surtout que maintenant Gaya ne le lâchait plus. Andrès n’était pas un grand fan des animaux à la base mais la chienne lui faisait beaucoup de peine et il n’avait pas l’intention de la laisser errer seule dans la ville. En deux semaines, il avait eu le temps de s’y attacher… Et, par respect envers sa maitresse, il se devait moralement de veiller sur elle. Nathalia n’était définitivement pas ce qu’on pouvait appeler une lumière mais elle serait heureuse de retrouver Gaya en bonne santé quand elle reviendrait. Si elle revenait un jour…

Le beau labrador sable frotta sa truffe contre le coude du jeune homme pour passer sa tête dessous. Andrès souleva docilement son bras et la chienne posa son museau sur sa cuisse en le regardant de ses grands yeux humides. Il la caressa derrière les oreilles un instant.

     Toi aussi tu veux rentrer ?

Il prit le clignement de paupières qu’elle lui adressa comme un assentiment.

     Ok, alors on y va.

Le jeune homme se leva, attrapa la laisse de Gaya et ils rentrèrent. A peine arrivés à destination, il se mit à pleuvoir. Une légère bruine. Andrès leva les yeux vers le ciel. Le bleu clair éclatant avait laissé la place à un joli gris perlé percé de touches lumineuses mais, l’énorme nuage anthracite qui se dirigeait droit sur eux ne lui disait rien qui vaille. Ça allait empirer dans peu de temps. Et avec le froid qu’il faisait ce jour là, il pourrait s’estimer heureux s’il ne tombait pas malade.

 

                Ce soir-là, il s’endormit rapidement, la fatigue le rattrapant.

Le réveil le lendemain matin fut nettement moins joyeux. Tout d’abord, il n’avait pas entendu le coq chanter, ce qui était inhabituel. Ensuite il avait la désagréable impression d’être trempé. Andrès remua et fut surpris de constater que ses orteils et ses doigts étaient plus que gelés. Le vent qui soufflait violemment au dehors faisait trembler leur cabane et gémir le bois qui la composait en une plainte agonisante. Le crissement des branches de l’arbre voisin sur la tôle du toit n’aidait pas non plus à se sentir très à l’aise dans leur placard. Andrès se releva sur un coude et le sentit s’enfoncer dans une matière spongieuse inondée. Gaya s’agitait dans tous les sens, elle tentait de se mettre les pattes au sec. Peine perdue. Le jeune homme observait le sol dépité. Il y avait bien cinq centimètres d’eau par terre ! Pas étonnant que tout soit trempé… Il se releva et ramassa la couverture qui lui servait de matelas mais qui, pour l’heure, avait tout de la serpillère détrempée qu’elle avait été dans la nuit. Il soupira en tremblotant. Avec un peu de chance elle aurait le temps de sécher quand il rentrerait.  

 

*

 

Ce jour là, il aperçut de nouveau l’étranger. Toujours au même endroit. Seulement cette fois-ci il s’était installé sur une chaise au pied de la fontaine et l’avait observé durant une heure en enchainant les cigarettes.

 

*

 

La nuit suivante fut pire. Il avait un peu plu durant la journée et son « matelas » de secours n’avait absolument pas séché. Au lieu du repos bien mérité qu’il avait espéré toute la soirée, il n’eut droit qu’à quelques malheureuses heures de somnolence grelottante. Le lendemain fut très pénible. Il se leva avec un éternuement qui lui heurta les côtes et un mal de gorge divin. Ce qu’il pouvait haïr ces dérèglements climatiques ! Le temps ne pouvait-il pas respecter ses foutues saisons au lieu de n’en faire qu’à sa tête ? Il espérait que ce mauvais temps s’arrête rapidement et qu’il ne tombe pas davantage malade. Il n’avait franchement pas les moyens de se soigner et il commençait à être à bout de nerfs. Deux mois qu’il dormait à peine. Deux mois qu’il ne mangeait pratiquement rien. Deux de mois qu’il n’avait quasiment plus de rapports sociaux. Deux putains de mois qui l’avaient épuisé autant physiquement que moralement. Il se demandait s’il était encore légitime d’espérer s’en sortir un jour.

                Le lendemain le soleil et la chaleur était de nouveau au rendez vous ce qui amoindrit légèrement sa désespérance. Sans doute pas assez. Quand il s’installa à sa place habituelle sur la place il tremblait. Autant à cause de ses efforts de la matinée à Gamarra que de fatigue et de froid. Il resta là toute l’après midi comme d’habitude, à ceci près qu’il somnola jusqu’à ce qu’on lui tape sur l’épaule. Andrès ouvrit difficilement ses paupières lourdes de lassitude. Une silhouette se découpa en ombre chinoise sur le soleil couchant devant lui. Une haute silhouette. Masculine. De longs cheveux noirs lui chatouillant les hanches. Il referma les yeux quelques secondes en soupirant quand un arôme délicieusement amer et chaud lui titilla les narines.

     Tiens. Tu crèves de froid.

Le jeune homme leva les yeux vers lui et prit la tasse de café qu’il lui offrait en murmurant un « merci » à peine audible. Il but à petites gorgées appréciant de sentir la chaleur couler le long de sa trachée.

     Toujours pas intéressé ?

Andrès éternua violemment en évitant de s’ébouillanter les mains avec le café.

     Non.

     Sûr ? Lui demanda Dante, un sourcil levé, perplexe.

     Sûr.

Le jeune homme ne put retenir un second éternuement qui le secoua tout autant que le premier.

     Très bien…

Le photographe l’observa quelques secondes avant qu’Andrès agacé se lève et fasse mine de partir.

     Où vas-tu ?

     Je rentre. Répondit-il sèchement.

     Viens je te ramène.

     Non merci. Je peux très bien marcher.

     Fais pas l’idiot, t’arriveras jamais vivant dans cet état.

Il laissa courir ses yeux sur le bitume en pesant le pour et le contre. A dire vrai, il y avait plus de pour que de contre. C’est pourquoi, à bout de force, il suivit l’inconnu. Inconnu qui avait une bien trop belle voiture. Voiture qui devait bien coûter trois ou quatre fois la modeste maison de Maria.

                Dante posa une couverture sur les sièges en cuir arrière de sa berline pour Gaya et lui fit signe de se placer à l’avant. Il n’était pas encore monté qu’une bruine se mit à dégringoler des nuages. Andrès pesta silencieusement et tenta de s’installer en touchant le moins de choses possible, il ne voulait pas salir la voiture de cet homme, aussi arrogant soit-il. Au fur et à mesure qu’ils roulaient, la pluie se fit plus drue. Ça allait être encore une nuit désastreuse pour le jeune homme. Andrès se renfrogna rien qu’à l’idée que son abri allait être inondé une fois de plus. Apparemment on avait oublié de prévenir l’hémisphère sud que c’était l’été et que, par conséquent, il était censé faire beau au Pérou…

Le trajet fut silencieux, le photographe comprenant que son passager n’était pas disposé à discuter ne prit pas le risque de le braquer une nouvelle fois alors que sa proposition était toujours en suspens. Néanmoins au vu du délabrement moral, qui transparaissait intensément sur le physique de son futur modèle, il savait qu’il finirait par craquer bientôt au moins pour avoir l’occasion de se reposer quelques temps malgré son orgueil. Il pouvait peut-être se permettre de jouer sur ce tableau.

     Est-ce que tu vivais dans les montagnes avant ?

Le jeune homme se retourna vers lui en plissant les yeux.

     Non… Répondit-il méfiant. Pourquoi ?

     Ça aurait pu expliquer le fait que tu refuses si vivement d’être pris en photo.

     Pardon ?

     Tu sais toutes ces superstitions comme quoi tu perdrais ton âme si on prenait un cliché de toi…

Andrès sourit mais se reprit vite. Il n’appréciait pas le ton narquois qu’avait pris cet homme pour parler de son peuple. Certes, ces superstitions étaient absurdes mais il estimait que chacun pouvait croire en ce qu’il désirait. En quoi cela regardait autrui ? Ceux qui vivaient dans les montagnes n’étaient pas vraiment rattachés à ce qui se passait en ville et étaient plutôt arriérés. Arriérés dans le sens qu’ils vivaient de la même façon depuis au moins cinquante ans et qu’ils n’avaient pas fait évoluer leurs méthodes ni leur façon de penser depuis cette époque. Néanmoins ils avaient des croyances et ces croyances étaient les leurs. Qui était-il pour se permettre de les juger ?

     Vous n’êtes pas d’ici, vous n’avez pas le droit de mépriser ces gens !

     Avoue tout de même que c’est stupide.

     Non ce n’est pas stupide ! Ils ne connaissent tout simplement pas cette technologie aussi bien que nous. Et puis, il y sans doute beaucoup de croyances occidentales qui seraient risibles pour nous.

Ils étaient presque arrivés à destination et Andrès lui indiqua où aller.

     Bien, je te le concède. Chacun sa culture.

Andrès descendit rapidement de la berline avant d’ouvrir la portière arrière pour libérer Gaya. Dante les rejoignit près de leur taudis qu’il jaugea d’un œil circonspect. Il pleuvait nettement plus maintenant et il voyait les gouttes d’eau s’engouffrer par toutes les ouvertures possibles et inimaginables de cet amas de ferrailles.

     Bon, maintenant que la parenthèse est fermée, qu’est-ce que tu n’apprécies pas dans la photographie ?

     Rien.

     Alors pourquoi refuses-tu ma proposition ? Demanda-t-il en jetant un regard presque désabusé à l’endroit où vivait le garçon.

Le jeune homme leva les yeux vers lui.

     Parce que je ne vous aime pas. Je n’aime pas votre façon d’être. Je n’aime pas votre façon de mépriser tout ce qui vous entoure. Ni celle que vous avez de juger ce que vous ne connaissez pas.

     C’est tout ?

Dante paraissait presque incrédule.

     Je ne te demande pas de m’aimer. Tout ce que je veux ce sont des photos et en échange je t’offre le gite et le couvert. C’est équitable tu ne penses pas ?

     Peut-être mais je n’en ai pas envie.

Andrès pénétra dans son abri, laissant l’autre homme dehors. De toute évidence ce n’était pas comme s’il y avait la place pour deux là dedans… Il ne tenait pas à accepter cette proposition ! Mais le temps en avait décidé autrement apparemment… Une bourrasque secoua les tôles et écarta légèrement les deux qui servaient de toit. Toute l’eau qui s’était amassée dessus dégringola à l’intérieur juste sur lui. Ça c’était le bouquet ! Andrès, à cet instant eut envie de se laisser aller à la faiblesse et de pleurer. Toute la tension accumulée depuis ces deux mois ne souhaitait qu’une chose : sortir. Mais il ne pouvait pas. Dante était encore là et le regardait. Il se tourna vers lui, le photographe l’observait.

     Tu ne peux pas dormir ici…

Ça c’était certain…

     Alors… Tu acceptes pour les photos ?

Ce n’était plus comme s’il avait réellement le choix… Jouer les kleenex qu’on jette après usage ne lui plaisait pas plus que ça mais, au moins il aurait un toit au dessus de la tête.

     A une seule condition.

     Laquelle ?

     Aucune photo de nu.

     Tu as ma parole.

Andrès rejoignit alors Dante comme s’il montait à l’échafaud.

     Hum… C’est ton chien ?

     Oui. Enfin non mais j’en ai la garde.

Il hocha la tête les lèvres pincées, fit la grimace en voyant les pattes couvertes de boue de Gaya mais ne dit rien. Une fois tous installés dans l’habitacle la voiture démarra et s’éloigna vers une nouvelle partie de la vie d’Andrès. 

Par Absynthe - Publié dans : Sensitiv' Photograph' par Deadly - Communauté : A l'ombre des romances...
Ecrire un commentaire - Voir les 5 commentaires
Dimanche 14 novembre 7 14 /11 /Nov 14:06

Maj du dimanche, qui cette fois arrive bien le dimanche, et pas le lundi, je sais pas ce que j'ai foutu la semaine dernière, mes excuses. Bon, donc voici le nouveau chapitre d'Inrainbows, que j'aime beaucoup ^^ Autant les personnages féminins me gonflent, autant Stef me dérange finalement pas tant que ça =P Et à voir vos réactions, vous aussi vous l'aimez bien!

Bref c'est super, j'ai mis les réponses aux coms du premier chapitre en ligne, désolée pour le retard. Et ceux du second, qui tombent à l'heure, je suis assez fière.

 

Place à Inrain!

ps: j'adore cette image, t'as bon gout ;)

  

 

Bonjour bonjour, tout ça…

 

Chapitre 3 : Powa ! Je l’ai amélioré autant que j’ai pu suite aux conseils d’Absynthe, j’espère que ça vous plaira. Pour celle qui se plaigne de la courtitude (?) des chapitres (Sinoa, c’est à toi que je parle) et bah… Et bah tant pis ! ^^ Tout est déjà écrit, découpé et prédécoupé, donc il faudra s’en contenter. Je sais, c’est dur. Par contre comme je rajoute des trucs au fur et à mesure peut-être que ce sera de plus en plus long. Ou pas. C’est pas si simple…

 

Sur ces sages paroles, place au chapitre 3.

 

Bonne lecture !

 

(image : Silence of the City, de photo-earth, sur DA)

 

 

 85a4a01420e6a1840f4b3fe6dec942a9

  

  

 

Cette putain d’idiote de Mandy, j’aurais jamais dû lui donner mon adresse, mon numéro de portable, j’aurais jamais dû lui adresser la parole ni la laisser entrer dans ma vie. C’était il y a cinq ans et je m’en mords encore les doigts. Et évidemment je n’ai jamais déménagé ni changé de téléphone, et je me suis encore moins fait d’autres amis pour compenser. Non, je suis restée seule avec cette adorable casse-couilles, et j’en peux vraiment plus.

                Déjà, à cause d’elle, mon habituelle grasse matinée du dimanche matin a été sérieusement écourtée. Encore un réveil en douceur : ce putain d’emmerdeur s’est mis à hurler dès le lever du soleil. Après quelques minutes à essayer de me débattre avec mes draps et les bribes de rêve qui continuaient à m’embrumer l’esprit, j’ai fini par me lever. Il m’a fallu un moment pour replacer la situation dans son contexte. Il était à peine sept heures selon l’horloge au-dessus du lit, ce qui était vraiment bien trop tôt pour moi. La lumière du jour éclairait à peine l’intérieur de l’appartement, quelques rayons de soleil peinant à traverser les nuages gris. Ensuite, le type ramené hier à cause de Mandy était recroquevillé derrière le clic-clac, tentant visiblement de protéger son visage avec ses mains, et il criait à m’en percer les tympans, de souffrance visiblement, ce qui était la cause de mon réveil soudain. J’ai gueulé un peu plus fort que lui et je lui ai décroché un coup de pied avant de comprendre ce qui n’allait pas. Le matin. Le soleil.

J’ai tenté avec un succès relatif de contourné rapidement mon lit, ce qui a eu pour conséquence de m’emmêler les pieds dans la descente de lit et de me rétamer sur le parquet usé, patiné par les nombreux aller et venus des locataires successifs. Je savais bien qu’il souffrait et qu’il fallait que je me dépêche, mais j’ai quand même pris le temps de maudire Mandy en fixant mon plafond craquelé. Je me suis relevée pour finalement fermer avec empressement les stores de mon unique fenêtre. Les cris se sont tus. Y’a pas à dire, j’ai connu de bien meilleurs réveils.

J’ai bien essayé de me recoucher, en ignorant superbement l’adolescent paumé au milieu ma chambre-salon-cuisine. C’était sans compter sur la chieuse de service. Pour moi, quand elle a dit « je passerai demain matin », je voyais bien la fin de matinée, ou même le déjeuner pourquoi pas. Mais non. A huit heures tapantes, elle sonnait à la porte. Je l’ai ignorée elle aussi, parce ce que je voulais dormir. Et là ce… ce pauvre crétin n’a rien trouvé de mieux à faire que lui ouvrir la porte pour moi. Bah oui bien sûr, fait comme chez toi, je te dirais rien. J’ai cru faire un meurtre. À la place, j’ai continué à faire semblant de dormir. Résultat, Mandy a fini par sauter sur le lit en riant, et je l’ai dégagé en grognant, surtout qu’elle avait posé ses bottines vernies sur mon plumard sans en être le moins du monde dérangé. Elle s’est écrasée sur le sol comme moi quelques temps plus tôt, et elle s’est mise à bouder. Je n’étais pas, mais alors pas du tout d’humeur à supporter ses caprices, alors je l’ai mise dehors.

« C’est bon, je le garde, ton chien errant, alors fout-moi la paix ! »

J’ai raflé les pains au chocolat au passage, et j’ai claqué la porte devant son visage mi attristé, mi satisfait. Parce qu’au final, j’ai fait ce qu’elle attendait de moi : j’ai donné asile au clochard de quatorze ans.

 

O

 

                Et voilà. Il n’est que 8h30, annonce fièrement mon réveil digital posé par terre près du lit – je dois me tordre le coup pour l’apercevoir depuis la cuisine – et je suis déjà d’une humeur massacrante. Je crois que mon rapide accès de colère a impressionné mon invité, parce qu’il n’a rien dit depuis que j’ai mise Mandy à la porte. Il n’a même pas bougé. Il reste assis sur un des tabourets du comptoir de la cuisine, et il regarde autour de lui avec émerveillement comme si il était dans le château de Cendrillon. J’ai essayé plusieurs fois d’ouvrir le dialogue, mais je me ravise à chaque fois avant que les premiers mots aient franchi mes lèvres. A la place, je fais mine de ranger un peu la vaisselle qui traine pour me donner contenance. J’aurais dû le refiler à Mandy et… mais non, bien sûr, c’est stupide. Personne n’a le droit d’aller chez elle. Même moi je n’y suis jamais allé. Elle n’a pas le droit d’invité d’amis, d’introduire une personne extérieure dans sa maison, alors qu’est-ce que ce serait avec un inconnu ramassé sur le trottoir ? Moi, c’est différent. Je vis seule. Je n’ai pas de famille, enfin, disons que je l’ai semé en route. Je n’ai de compte à rendre à personne. J’ai faim.

                « Tu veux manger quelque chose ? »

Il a sursauté tellement je l’ai surpris. Il n’a même pas l’air d’être sûr que c’est à lui que je m’adresse, il regarde furtivement autour de lui pour voir si il n’y a pas quelqu’un d’autre dans la pièce, caché dans mon foutoir. De toute façon, comment pourrait-il voir quoique ce soit avec toutes ces bouclettes dans les yeux ?

                « C’est à toi que je parle crétin. »

Il hésite encore, incapable de croiser mon regard, se tordant les mains. Ça commence à plomber l’ambiance, ces silences pesants.

                « Euh… Non. C’est bon.

                -Ok. »

Tant mieux, toutes les viennoiseries sont pour moi. Je suis toujours plus loquace quand je suis en train de manger. Je fouille un peu les placards vert pomme à la recherche d’une tasse qui ne soit ni fendillée ni crade et je me sers un café que Mandy a pris le temps de préparer à je ne sais quel moment, une moitié de pain au chocolat coincé entre les dents. Le garçon continue de détailler mon modeste appartement de ses yeux aux couleurs changeantes, comme si mes trois étagères métalliques et mes fringues semées aux quatre vents avaient un intérêt historique sans égal. Je porte la tasse à mes lèvres en grimaçant – je n’aime pas vraiment le café en fait, mais ça fait plus sérieux, et puis maintenant qu’il est fait, autant le boire – et me racle la gorge pour attirer son attention.

                « Bon alors ? C’était qui les types d’hier ? Et toi, qu’est-ce que tu foutais enchaîné au mur ?

                -Et ben… »

Alors ça, ça veut dire qu’on n’est pas sorti des emmerdes. Il a l’air de ne pas savoir. En fait, il a vraiment l’air complètement perdu. Il se tortille sur sa chaise, et la lumière blafarde de mon plafonnier accentue encore son côté cadavérique, le faisant ressembler à un drogué dans une salle d’interrogatoire.

                « Bon, laisse tomber. C’est quoi ton nom ?

                -Et ben… »

Et moi je suis l’inspecteur : je lui fais peur, ça se voit, avec mes questions, mes cheveux décoiffés, ma mine sévère – à part que je suis toujours en t-shirt long et petit culotte multicolore. Très sérieux tout ça.

                -Ton âge ?

                -Euh… »

Silence. Un silence qui veut vraiment tout dire.

                « Je sais pas. »

L’aveu mortel. 

                « Attends, tu vas pas me faire le coup de l’amnésie hein ? Ça n’existe que dans les films ! »

Vu sa tête, j’ai tapé dans le mille.

                « C’est une blague ? Tu peux rien me dire ? Où t’habite ? Un nom de famille ?

                -Je sais pas.

                -Et merde. »

Je le fixe, incrédule, m’adossant contre le frigo un peu bancal en soupirant. Qu’est-ce que ça veut dire ça ? Qu’est-ce que je vais faire d’un gosse sans foyer et sans identité ? La question est horriblement évidente : Mandy m’en voudra jusqu’à sa mort si je le mets dehors, et moi-même je me sentirais coupable, surtout si il se fait égorger en bas de l’immeuble ou qu’il se fait renverser par un bus, ou que sais-je encore. Je me pince l’arête du nez dans une tentative infructueuse de remettre de l’ordre dans mes idées.

                « Mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? »

Le garçon tout pâle et maigre comme une fermeture éclair me regarde avec stupeur, comme si il ne comprenait pas la question. C’est peut-être un simple d’esprit. Il va mourir si je le mets à la porte. Je soupire de nouveau.

                « Bon. Tu vas rester ici. »

Comme ces mots me coûtent. Je m’étais promis de vivre seule quand j’ai quitté la maison où j’ai grandi, pour leur montrer que je pouvais m’en sortir. Par la suite, c’est devenu également un moyen de punir ma stupidité et ma fierté encombrante qui m’empêcherait à jamais d’y retourner. Je jette mon café froid à l’odeur écœurante dans l’évier en céramique, et mes mouvements hachés semblent le sortir de son mutisme.

                « Merci. »

Il ne dit rien d’autre. Juste merci. Pas de pourquoi, comment, vous êtes sûre, je ne voudrais pas m’imposer, je vais me débrouiller, vous me sauvez la vie, je vous en serais éternellement reconnaissant. Pas de fausse politesse en somme. Je dois admettre que ça me plait bien. Au moins ne fait-il pas preuve d’une hypocrisie gênante et inutile. Mais qu’est-ce qu’il me prend ? Qu’est-ce que je suis en train de faire ? Je ne me reconnais plus.

                « Alors, première chose… Je m’appelle Stefane, et appelle moi Stef’. Si tu prononces mon prénom en entier, je te pends par le slip dans la cage d’escalier. »

                Il rit légèrement même si je ne plaisante qu’à moitié. Personne ne m’appelle par mon prénom, à part ma mère, parce que c’est celui qu’elle m’a donné et qu’elle voulait me nommer ainsi, en tout cas c’est ce qu’elle disait sans cesse.

                « Je vis seule ici. Je te permets de rester parce que tu as eu la chance de tomber sur Mandy – c’est la fille qui a apporté le petit dej’. Si je décide que tu me gênes ou que tu m’emmerdes, je te vire. 

                -Pourquoi tu m’accueilles chez toi si tu n’en as pas envie ? »

C’est vrai ça, pourquoi ? Il ferait mieux de ne pas demander s’il ne veut pas que je revienne sur ma décision celui-là. Je claque le placard où j’ai rangé ma tasse un peu  plus fort que nécessaire.

                « Parce que Mandy me fait ses yeux de merlan frit et son air de chien battu, et que globalement je n’arrive pas dire non à ses caprices. Disons qu’elle touche ma corde sensible.

                -C’est elle que je devrais remercier alors. »

C’est une question rhétorique qui n’appelle pas de réponse, mais elle m’agace suffisamment pour que j’ajoute :

                « Ouais mais en attendant c’est mon apart’ que tu squattes, alors écrase. »

Il sourit. Je ne suis plus sûre de l’âge que je lui donne exactement. Il n’est pas très grand – à peine 1m70 à vue de nez – ni très épais. Il est même plutôt frêle, une peau trop pâle, encore plus que la mienne, ce qui le fait ressembler à un préadolescent. Mais son visage pointu l’apparente plutôt à un jeune adulte, surtout ses yeux, grands et lumineux, oscillant entre le bleu, le gris, le vert, qui brillent d’un éclat intelligent. Je reviens sur mon jugement : c’est loin d’être un idiot.

                « Je vais à la fac dans le centre-ville, donc tu devras rester seul la journée. Je suppose que ce n’est pas la peine que je t’explique pourquoi il ne vaut mieux pas que tu sortes en plein jour – il acquiesce avec empressement – et je fermerais à clé derrière moi. Je te fais confiance. Je me demande bien pourquoi, mais je te laisse seul chez moi, tu as intérêt à pas faire le con. »

                Il ne dit rien. Je ne sais pas pourquoi j’accepte aussi facilement qu’il s’installe dans mon antre, moi qui suis d’ordinaire si méfiante et si peu sociable. Ça ne me plaît pas trop. Je n’ai pas envie de lui résister, et cette docilité me met mal à l’aise parce que ce n’est pas du tout dans mon caractère. Enfin je ne sais pas. Je verrais ça plus tard.

                « Ah, et au cas où tu n’aurais pas remarqué, il n’y a que le clic-clac pour dormir, donc on se le partagera. Ça ne te pose pas de problème ? »

                Il fait signe que non avec énergie, comme si il avait peur de me contrarier.

                « Tant mieux parce que sinon tu dors par terre. Enfin bref. C’est réglé donc. »

Je me suis réinstallé au comptoir, en face de lui. Le silence s’installe, un peu lourd mais sans tension. Après tout, nous sommes des étrangers l’un pour l’autre. Ça me dérange un peu d’ailleurs. Je l’ai déjà désigné par une demi-douzaine de qualificatif dans ma tête, mais je ne vais pas l’appeler « le crétin » et « l’idiot » à longueur de journée.

                « Faut que je te trouve un nom. 

                -Ah. »

Bon, déjà, ça n’a pas l’air de le perturber plus que ça.                                                                  

                « Tu n’as pas une idée ? Non parce que les types d’hier t’ont juste appelé le déchet mais je doute que ça te plaise alors… »

                Il sourit encore, mais il ne rit pas vraiment, et il ne parle pas davantage. S’il reste aussi silencieux, la colocation va s’en trouver grandement facilitée. Son visage est plus détendu maintenant, il semble un peu plus vivant que tout à l’heure.

                « Ça n’a pas vraiment d’importance. Choisi. »

Facile à dire. Donner un nom à un être humain, c’est vraiment étrange. Et puis ça n’a rien d’anodin. Même si c’est sans doute provisoire, le temps qu’il retrouve le sien, un nom a une signification, il porte une partie de notre identité. Chez nous, les noms ont toujours été source de moquerie et de crise de nerf, mais encore une fois, notre mère était là pour apaiser tout ça. Il balance ses jambes et son jean troué dans le vide – ses fringues sont dans un état déplorable, presque pire que les miens –, distrait, regardant maintenant le plafond en me signifiant clairement le peu d’intérêt qu’il porte à la question.

                Au bout d’une heure de délibération, d’idée jetée en l’air à la pelle et de refus successifs, nous tombons finalement d’accord. Je me poste en face de lui et lui tend une main aux ongles abîmées, dans un effort de courtoisie.

                « Et bien, bienvenue chez moi, Axel. »

Je sens que ce n’est pas son vrai nom. Mais il lui plaît. Il me serre la main franchement, amusé et reconnaissant. Sa paume est froide dans la mienne, tellement froide que je frissonne légèrement. 

                « Je vais appeler Mandy pour la rassurer un peu, et aussi pour qu’elle arrête de pleurer, et puis on mangera un bout. Tu veux quoi ?

                -Euh… Rien. C’est bon.

                -T’es sûr ? Ça fait plus de 24 heures que tu n’as rien avalé.

                -Je n’ai pas faim.

                -Bon, comme tu veux. »

Ça me semble inconcevable car je ne mange pas forcément des masses mais aussi régulièrement que possible, mais après tout, qu’est-ce que j’en ai à faire… Il faut que j’appelle mon boulet attitré. Je me mets en quête de mon téléphone portable dans la montagne d’affaire qui traine un peu partout autour du clic-clac, soulevant les fringues, les feuille de cours qui volent en tous sens, sentant le regard curieux d’Axel dans mon dos. Après ça, je m’enfilerais une pizza quatre fromages, et cette histoire me paraîtra tout de suite moins embarrassante.

 

A suivre.

 

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Auteurs Sadiques
Ecrire un commentaire - Voir les 3 commentaires

Résumés des Fics

Sites Amis

Page Facebook des Pensées d'Absynthe 

 

 

  logo-fn-copie-1.gif

 

 

A cliquer pour faire plaisir voter pour la créa!

Akaiyume

 

 

Traduction:

Katika Locke

Broken Wings VO

Son site

   

 

Sites de fictions, blogs:

La créa' s'est permit de faire le ménage entre les sites abandonnés, les sites en pause avec peu de contenu et les autres.

Si vous souhaitez figurer ici, ou si je vous ai oubliés, signalez le!

 

Miyahow New!

Deadly

Inrainbowz  New!

Lino

Pearl  New!

Lila New!
Electre
Perri et Joy
Joy
Perri
Merlin
Danouch
YaYa
Ambroisie
Mai Lynn
Emy
Ley
Cicipouce
Utopia
Natsuko
Jijisub

 

Sites, scantrads:

Boys'n Love Scantrad BLS

Collection Arrow
Library of Moria (Agl) <3
MDR, Marre Du Drarry
TheBookEdition

Dessins:
Yaoi-Gallery (Moz)

Divers:

C'est la Gène

{Attention, site de connards}
Homotographie <3 <3
A cause des Garçons <3
Bashfr DTC <3
Gayclic
SuicideGirls
Encylopénis
Têtu
Bellazon


Liens pratiques:
Synonymes
Prénoms
Test de rapidité de frappe sur clavier
Refaire la déco (CSS) de son blog
Héberger une image
Générateur de code couleurs
Générer son nom de plume
(à partir de son nom et prénom)

 

Histoires Lues, et En Lecture

 
Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés