{Ce post est entièrement écrit par Inrain. Y compris l'en tête. Bonne lecture les filles!}
Hello !
Me revoilà avec le chapitre deux.
Alors, je voulais juste préciser que j'ai situer l'action à Prague parce que c'est une ville
qui me fascine et que ça changeais un peu. Je n'y suis jamais allé et même si je me suis renseigné comme j'ai pu (notamment pour les quartiers - la photo est d'ailleurs une vieille image de celui
de Zizkov où vit Stef' - le système scolaire, ce genre de chose) je n'ai pas la prétention d'être parfaitement cohérente avec le lieu. J'espère qu'il n'y aura rien d'aberrant par rapport à ça
(normalement non, j'ai vérifié).
Sinon, la chanson Cubicle est du groupe Rinôçérôse, de l'album Schizophonia.
D'ailleurs c'est ma propre sonnerie de portable.
Voilà voilà.
Bonne lecture !
Chapitre 2:
Musique électronique, et la voix nasillarde de je ne sais plus son nom.
You got them bruise's placed upon your legs…
Je ne sais plus exactement si c’était mon idée de mettre Cubicle comme sonnerie associé à Mandy. Je voulais quelque chose de nerveux, d’obsédant, d’assommant, à son image. J’avais oublié que Mandy a un don très particulier : elle parvient toujours à m’appeler quand je suis endormie. Ça ne rate jamais, que ce soit un matin où j’ai décidé de faire la grasse matinée ou un soir quand je m’étais couché tôt, elle ne loupe jamais son coup. Même quand je dors à… 16 heures. Ah. Ceci explique cela.
« M-allô ?
-Steeeeef’ ! Viens m’ouvrir, ça fait une heure que je frappe à ta porte, je vais me faire dégager par le concierge !! »
Je pourrai très bien la laisser poireauter encore une heure histoire de, mais bon, maintenant que je suis réveillée… Je me traîne péniblement jusqu’à l’entrée de mon deux-pièces minuscules, et, comme je m’y était attendu, elle me saute dessus à peine la porte déverrouillée.
« Stef’, mais qu’est-ce que tu faisais ? J’ai eu peur !!
-J’étais en train de dormir pauvre tache, et je t’ai déjà dit d’arrêter de te prendre pour ma mère, je suis pas obligée de te faire un bilan de santé toutes les deux heures… »
Elle est encore plus agitée que d’habitude, ce qui lui fait ressembler à ces jouets mécaniques qu’on donne aux chats, les souris en plastique qu’on remonte, qu’on remonte, et quand on les lâche, elles partent comme des flèches en sillonnant l’appartement pour échapper à leur prédateur. On en avait une pour notre siamois quand j’étais enfant, et Mandy se comporte comme ce truc quand elle est excitée – ou énervée, mais bon, c’est tellement rare…
« Bon, qu’est-ce qu’il t’arrive encore ? »
J’ai vraiment l’impression d’être sa mère parfois. Ou au moins sa grande sœur. Elle ne s’en plaint pas, parce qu’elle est fille unique, qu’elle n’a jamais connu son père, et que sa mère préfère consacrer sa vie à lui chercher un remplaçant plutôt qu’à prendre soin de sa progéniture – je ne comprendrais jamais les mères.
« Bah en fait je voulais juste venir te voir pour savoir comment tu allais, vu que tu es partie super vite hier, et en fait je t’ai pas vu de la soirée, tu étais où ?
-Abrège !
-Oui bon bref, et donc je suis arrivée depuis l’autre bout de la rue vu que j’ai pris le bus, mais je me suis pas arrêtée à ton arrêt, je voulais marcher un peu tu vois, histoire de bouger, parce que j’aimerais bien perdre quelques kilos, enfin bref, donc je suis passée devant une rue en bas de chez toi et… y’avait un type tu vois, et il était attaché au mur ! En plus il avait l’air mal en point, mais j’ai pas réussi à le réveiller, alors je me suis dit que j’allais te demander de m’aider, vu que tu vois toi t’es super forte, et puis t’as peut-être de quoi le libérer toi parce que du coup moi j’ai rien sur moi, j’avais pas prévu de devoir forcer une serrure pour aider un mec moi tu vois… enfin… ça va ? »
Mais comment fait-elle pour débiter aussi vite ? Enfin, le problème n’est pas là : le crétin est toujours dans la ruelle, ce qui signifie que personne n’a jugé utile de l’aider. En fait, ça ne m’étonne qu’à moitié. Ils sont tous comme moi, dans le coin… Mandy, c’est différent. On pourrait écrire son nom dans le dictionnaire pour illustrer un bon nombre de traits de caractère embarrassant, dont « naïveté » et « bavard » feraient partie, mais elle figurerait également à côté de la définition de l’altruisme. Ou de l’expression « avoir le cœur sur la main ». Mandy aime le monde entier et elle se sent obligée d’aider tous ceux qui croisent sa route. Tous. Les clochards, les mamans débordées, les types malheureux, les pannes d’essence, les mamies dans le bus. Un jour, elle m’a avoué, éméchée, qu’elle avait envie de m’aider moi aussi, parce qu’elle voyait bien que j’étais triste et que je me fermais au monde et que ce n’était pas sain. Je lui ai promis de ne plus jamais lui adresser la parole si elle continuait sur sa lancée, et elle s’est tue. Je ne crois pas qu’elle s’en souvienne. Moi si. C’est peut-être une autre des raisons qui fait que je ne peux pas me résoudre à la dégager.
« Et bien sûr, tu veux l’aider parce que…
-Ben… Parce qu’il a besoin d’aide. »
Pour elle, le don de soi est évident. Elle veut être prof au collège, c’est dire.
« Bon très bien, on descend. »
Je prends au passage le bout de ferraille qui me serre en général à forcer les serrures, et à l’occasion à ouvrir ma propre porte quand j’ai oublié mes clés, ce qui m’arrive fréquemment, et aussi à démarrer la 125 que j’ai trouvé dans le parc l’an dernier.
Il ne me faut que quelques minutes pour venir à bout des menottes du jeune homme toujours dans les vapes, bien que l’obscurité de la ruelle coincée entre deux immeubles d’une dizaine étages ne me facilite pas la tâche. Pas un rayon de soleil pour éclairer mon labeur. Enfin bref. Le métal a laissé des traces de brûlures sur ses poignets, il faut croire que je n’avais pas rêvé la fumée qui s’en échappait hier, mais bon, ce n’est plus mon problème. Libéré de ses entraves, l’adolescent s’effondre sur le sol comme une loque et je me prépare à rentrer chez moi quand la voix fluette de Mandy me retient.
« Stef’… Tu vas pas le laisser là ? »
Elle a le ton incrédule de celle qui n’en revient pas, qui ne veut même pas croire ce qu’elle vient d’évoquer. Pourtant c’est bien mon intention.
« Quoi ? Il est libre, non ? Il va bien s’en sortir tout seul.
-Stef’… »
Je déteste, j’ai HORREUR qu’elle prenne ce ton-là. Elle pourrait me faire un sermon, être méprisante, et ça ne me ferait rien, parce que les gens qui me méprisent se comptent par centaine et que je me moque de l’opinion que l’on peut avoir de moi. Mais ça, ça n’a rien à voir. Elle, elle est vraiment blessée. Au bord des larmes que je sois aussi insensible et cruelle. Elle me fait une tête qui signifie clairement « Tu rigoles hein ? Tu vas pas faire ça ? ». Et je suis incapable de lui dire que si, que j’en ai rien à foutre, qu’il peut bien crever la gueule ouverte et que je ne lèverais pas un doigt de pied pour l’aider. Parce que cette idiote est trop innocente et trop naïve et que je ne peux pas briser impunément ses illusions d’enfant gâté.
« C’est bon c’est bon, pleure pas ou j’te cogne. Je vais l’emmener chez moi, ça t’ va ? »
Et elle me sourit. Encore. Avec ce sourire qui lui donne un air con. Et elle est heureuse. Parce ce que je ramasse la loque et que je le hisse avec peine sur mon dos. Je suis vraiment trop faible devant ses mimiques d’enfant. Elle me fait penser à ma jeune sœur, c’est pour ça que je n’arrive pas à lui dire non. Cela fait des années que je ne l’ai plus vue, ni elle ni les autres… Enfin bref. A peine engagé hors de la ruelle aux poubelles, enfin éclairé par la lumière du jour, le poids sur mon dos se met à s’agiter. Et puis il hurle.
« Stef’ ! Stef’, recule ! »
Aussitôt dit, aussitôt fait, je me re-planque dans le passage obscur.
« Mais putain c’est quoi ce bordel ?
-Je sais pas, je crois que c’est le soleil. Regarde »
Effectivement, ses mains sont devenues aussi rouges que les marques qu’il avait aux poignets.
« Il est peut-être allergique aux rayons du soleil ? Tu sais, comme les enfants de Nicole Kidman dans Les Autres. J’ai vu une émission là-dessus une fois….
-Mandy. Ta gueule. »
Mon dos douloureux me pousse à reposer l’adolescent sur le sol, à l’abri derrière une grosse benne verte pleine à ras-bord.
« Bon bah tant pis alors. »
Encore une fois, je tente une esquive en direction de mon immeuble et de mon lit pliant qui m’appelle avec une voix mielleuse.
« Mais qu’est-ce que tu fais ?
-Et bah je rentre chez moi, qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Je peux pas le bouger sans qu’il grille comme un steak sur un barbecue !
-Bah ouais mais…
-T’as une meilleure idée mère Theresa ? »
Elle a encore les larmes aux yeux, elle ressemble vraiment à une enfant de huit ans à qui on vient de dire qu’on quittait la fête foraine sans passer par le vendeur de barbe à papa.
« Il faudra repasser ce soir alors. »
Mais elle pas croyable cette nana !
« Et puis quoi encore ?
-Stef’, s’il te plait… »
Et c’est comme ça que cinq heures plus tard je me suis retrouvée à refaire le porteur pour le nouveau protégé de la meilleure amie des nécessiteux.
« Bon, tu peux rentrer chez toi maintenant, à trois dans mon apart’ ça commence à faire juste.
-D’accord mais…
-C’est bon, je vais m’occuper de lui, je vais pas le jeter par la fenêtre. »
Elle a l’air sincèrement soulagée. Sans doute parce qu’elle pensait vraiment que j’allais virer l’invité surprise aussitôt qu’elle aurait eu le dos tourné. Et en fait c’est bien mon plan. Mais je vais attendre qu’elle soit montée dans le bus, je ne voudrais pas éveiller ses soupçons.
« Je repasserais demain matin, voir si tout va bien.
-Putain Mandy, t’es pas ma mère ! »
En fait, elle me connaît aussi bien que je la connais. Et elle veut venir vérifier parce qu’elle n’a aucune confiance en moi et qu’elle a bien raison. Il y a vraiment des fois où je me déteste. Et où je la déteste aussi. Surtout.
« Très bien je le garde, mais alors tu ramènes le petit dej’.
-Des pains au chocolat ça ira ?
-Prends-en une demi-douzaine, et des maxi hein, sinon on va crever la dalle. Bon aller, dégage maintenant. »
Je finis toujours par la virer comme ça, et elle ne s’en formalise jamais. Au fond il doit y avoir quelque chose en plus derrière son insupportable enthousiasme permanent, ce n’est pas possible autrement. La porte claque dans le silence retrouvé de mon modeste logement. J’ai allongé le colis sur mon clic-clac (je ne le replie jamais), où il dort comme un bienheureux. Je peux faire une croix sur ma nuit moi. Oh et puis après tout, il fait deux places ce lit, et l’autre prends pas vraiment un espace conséquent – il est tout maigre. Allez, adjugé, de toute façon, je suis chez moi non ? Je m’étale sur le lit à côté de l’idiot sur ces pensées philosophiques, et je me rendors.
A suivre....
{La réponse aux reviews du chapitre précédent sera publiée ce soir.}
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