Suite.
Ils avaient marché longtemps, presque une heure, avant d'arriver devant une petite maison, coincée entre une
chocolaterie -de luxe, comme il aurait pu, ou dû s'en douter- et une autre maison, ressemblant plus ou moins à celle que ce David pointait du doigt. Il examina rapidement le bâtiment. Il n'avait
rien d'extraordinaire à proprement parler. De toute façon, c'était l'intérieur qui l'intéressait. D'un geste de la main, David -autant l'appeler ainsi maintenant qu'il connaissait son nom,
c'était toujours mieux que « l'inconnu » - l'invita à traverser la rue en même temps que lui. Il le suivit sur le passage clouté et en quelques pas ils furent de l'autre côté du
trottoir. Il suivit David à l'intérieur. Un petit hall sombre servait d'entrée au bâtiment, mais ils se dirigèrent immédiatement vers l'escalier une porte vitrée qui s'ouvrait dans le mur sur
leur gauche. David frappa quelques coups secs sur la porte et l'ouvrit sans même attendre de réponse. Baptiste eut juste le temps de lire l'inscription sur la porte :
Concierge.
Pénétrant directement dans la petite pièce, son guide l'invita à le suivre d'un ample geste du bras. Il s'exécuta,
avançant avec derrière lui Gaya qui, beaucoup moins hésitante que lui, le suivit en remuant la queue.
Derrière un bureau en fer blanc se tenait une petite femme, l'air sévère, le regard caché derrière des lunettes
rondes. Sans qu'il ait eu le temps de dire quoi que ce soit, ni même de saluer la concierge, David l'avait devancé, expliquant la situation avec une aisance incroyable. Lorsqu'il comprit que
l'homme avait pour but de confier Gaya à cette femme, Baptiste eut un mouvement de recul, plaçant instinctivement une main possessive et protectrice sur la tête de la chienne. David, l'air
attristé, revint vers lui et, s'approchant comme pour lui confier un secret, lui murmura à l'oreille :
-Ne t'inquiète pas, elle est très fiable et adore les animaux. Fais-moi confiance...
Baptiste lui lança un regard de défi, avant de se raviser.
Après tout, ce n'était que deux jours...
Résigné, il tendit la laisse à la femme, qui s'était levée. Elle lui adressa un sourire bienveillant, et c'est à
moitié rassuré qu'il lui abandonna Gaya, qui, elle, n'avait pas l'air de beaucoup s'inquiéter.
La porte en verre se refermant derrière eux, ils revinrent dans le hall de la maison qui, décidément, n'était pas
très chaleureux, et se dirigèrent vers un escalier en fer.
Cet accueil austère ne laissait en aucun cas présager de l'aspect du reste de la maison.
À l'étage, ils s'arrêtèrent devant une porte blanche sur laquelle une plaque en métal permettait de connaître le nom
de l'occupant de l'appartement. Il ne retint cependant pas le nom de famille de celui qui serait son hôte pendant deux jours. David donna deux tours de clé puis la porte s'ouvrit devant
lui.
Il fit quelques pas dans l'appartement et s'arrêta. L'abondance de couleur, aussi imprévisible qu'impressionnante,
le cloua sur place. Il s'était attendu à un ameublement sobre mais élégant, et à des couleurs froides, comme les portait David. Mais quelle surprise ! Jaune, rouge, ocre, orange, pourpre... Il en
prenait plein la vue.
Après réflexion, il s'était dit que ce n'était pas extrêmement étonnant de la part d'un photographe, de vouloir
jouer sur les couleurs.
Mais sur le moment, tout ce qui lui était venu à l'esprit fut un :
« Ouah... »
Il entendit David refermer la porte, derrière lui, puis s'approcher dans son dos :
-Ça vous plait ?
Il ne répondit pas et garda son silence, s'avançant un peu plus dans la pièce. Après de longues secondes
d'immobilité, il se retourna, sourit rapidement à son hôte puis déposa ses chaussures dans un coin. Il les considéra un moment, consterné d'avoir pu porter ça pendant si longtemps. La honte
l'envahit quand il ôta son manteau.
Non, décidément, un clochard ne pouvait pas vivre dans un endroit pareil. Gêné, il déposa sa veste élimée et trouée
par terre. Mais David le rejoignit d'un pas rapide, ramassa son manteau et l'accrocha précautionneusement à la patère fixée au mur, à côté de sa propre veste.
Baptise eut alors, sous le regard outré de son hôte, l'impression d'être une bête étrange.
Quoi ? Comment osait-il ne pas prendre soin de ses vêtements ?
Il baissa la tête et s'éloigna. Quelques secondes plus tard, David le rejoignait :
-Je vous montre le reste de l'appartement ?
Baptise acquiesça et le suivit. David l'amena d'abord dans la cuisine. Celle-ci était un peu moins colorée que le
salon, mais le bordeaux y était très présent. Il lui montra ensuite la salle de bain, et les sanitaires. Puis vint le moment de le mener dans sa chambre.
La pièce était quasiment vide. Seul un lit la meublait. Les murs étaient blancs ; tout semblait fait pour que cette
chambre soit la plus impersonnelle possible. Son hôte ne fit aucun commentaire. Il le laissa s'avancer de quelques pas dans la pièce, regarder un peu autour de lui, le temps de remarquer
qu’effectivement, à part le lit, il n'y avait strictement rien dans cette chambre. Baptiste s'était alors retourné vers l'autre homme et lui avait adressé un petit sourire, avant de se détourner
de lui pour déposer son chapeau au sol, derrière la porte.
David l'avait laissé, quelques secondes de silence gêné plus tard, seul dans la chambre qu'il occuperait pendant les
deux jours à venir. Dans le grand vide de cette pièce, il état un instant resté immobile, désœuvré. Il n'avait pas de bagage à défaire. Pas d'affaires à installer. Pas de vêtements à ranger.
Alors, croisant le regard de son reflet tandis qu'il apercevait un miroir, il prit la résolution de se laver. Il était tout bonnement répugnant.
Il avait d'abord déposé sa couverture sur le bord du lit, faisant en sorte que son bout de tissu rapiécé et immonde
n'entrât pas trop en contact avec les draps blancs.
Cette propreté impeccable ne méritait pas d'être souillée par les loques d'un vulgaire clochard.
Puis, évitant finalement de trop s'attarder sur son aspect physique, il était sorti de la pièce, s'était avancé
timidement dans l'appartement, de quelques pas seulement, et avait dit, murmuré presque :
-David ?
Il réitéra son appel, comprenant que le premier avait été trop hésitant pour que l'homme l'entendît. Il perçut
ensuite une porte claquer, puis un bruit de pas, et vit son hôte arriver devant lui en quelques enjambées.
Ses jambes, longues et minces, donnaient l'impression d'avoir affaire à un être d'une autre espèce. Cet homme était
trop filiforme pour s'apparenter à un être humain. Cependant, cette créature savait sourire.
-Oui ?
Cette question lui rappela brusquement qu'il avait quelque chose à demander à son hôte. Il balbutia quelques mots
puis se lança :
-Est-ce que je pourrais prendre une douche ?
David fronça alors les sourcils, puis se gratta l'arrière du crâne.
-Disons que... ça m'embête un peu.
Baptiste fut grandement surpris de cette réponse. Il aurait plutôt pensé que c'eût été le contraire, et que David
l'aurait encouragé à se laver. Comprenant son incrédulité, son hôte s'expliqua :
-En fait, j'avais prévu, pour les premiers clichés, de vous photographier dans l'état où vous étiez quand nous nous
sommes rencontrés...
Il le vit hésiter un peu puis continuer :
-Bon, je suppose que je ne peux pas vous empêcher de vous laver, il en va de votre bien-être... Mais, s'il vous
plait, est-ce que vous pourriez juste ne pas toucher à vos cheveux, et ne pas vous raser ?
Les sourcils arqués, David semblait le supplier du regard. Lui baissa la tête. Il n'osait pas refuser. Et puis, il
pouvait bien faire des compromis.
Finalement, esquissant un sourire, il acquiesça, et l'autre lui fit alors signe de le suivre.
Lorsque Baptiste pénétra dans la salle de bain, il fut impressionné par la chaleur qu'il y régnait. Il eut comme
l'impression d'avoir débarqué dans un rêve. Ses doigts le brûlaient. Tiré de la rue où il gelait à pierre fendre, il avait la sensation d'avoir été plongé dans un bac d'eau brûlante. Ne se
rendant pas compte de son état, David reprit la parole :
-Je vous amène ce qu'il faut, il n'y a que ma serviette ici.
Baptise hocha la tête, acquiesçant sans vraiment avoir écouté ce que son hôte venait de lui dire, se laissant déjà
prendre par la chaleur, tout engourdi. Soupirant de bien-être, il commença à ôter ses vêtements. Il les roula en boule et les déposa dans un coin de la pièce. Une fois nu, il s'approcha de la
baignoire, chercha un moment le mécanisme pour en fermer l'ouverture, et fit couler l'eau, espérant qu'elle serait la plus chaude possible. Il se laissa bercer par le bruit, et appuyé contre le
rebord blanc, perdait son regard dans les remous que faisait l'eau s'accumulant dans le fond du bac.
Cependant, malgré cet alanguissement qui s'était emparé de lui, il sursauta violemment lorsque la porte s'ouvrit sur
David. Baptiste ne réagit pas et resta planté là, nu devant lui, se sentant rougir. L'autre homme avait haussé les sourcils, visiblement surpris, puis sourit légèrement en tournant la tête.
Fixant un autre point dans la pièce, il tendit son bras dans sa direction, serrant un drap de bain dans sa main.
Il mit un moment à réagir. Au summum de la gêne, il s'avança, ne sachant trop comment cacher son corps au regard de
David, saisit la serviette et se retourna brusquement, puis se réfugia près de la baignoire, tournant le dos à son hôte. Ce dernier sortit et referma la porte derrière lui.
À nouveau seul, le jeune homme prit son visage entre ses mains et le contact de ses doigts gelés sur ses joues
brûlantes le fit frissonner. Soupirant, il referma le robinet et se glissa dans l'eau. Il lâcha un petit cri. Soit, il voulait se réchauffer, mais de là à se faire cuire à la vapeur, il y avait
un pas qu'il fallait franchir. Il remit donc un peau d'eau froide afin de ne pas bouillir, puis s'allongea et se laissa gagner par la chaleur.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il comprit qu'il s'était endormi dans son bain. Il se redressa et eut une grimace de
dégout en voyant la couleur de l'eau. Soit, il aurait du s'y attendre, mais tout de même, cela faisait un choc. Ne sachant pas trop s'il parviendrait à se laver dans une eau si sale, il saisit
tout de même le tube de gel douche qui l'attendait sur le rebord. Il ne lésina pas sur le savon, et se décrassa précautionneusement. Il se retint juste à temps d'attaquer ses cheveux. Maintenant
qu'il avait commencé, il aurait bien aimé se laver complètement, mais puisque David le lui avait demandé, il devait obéir. Son salut en dépendait.
Il se leva pour se rincer, utilisant la pomme de douche et vidant la baignoire en même temps, ainsi il put
débarrasser sa peau de la couche maronnâtre qui la recouvrait sans macérer dans un bain plus sale que lui.
Enfin, il sortit de la baignoire et s'arrêta sur le caillebotis en bois, puis s'enroula dans la serviette. Il resta
le nez enfoui dans le tissu un moment sans s'en rendre compte, s'imprégnant de cette odeur de propre qui en émanait. Après plusieurs mois passés dans le froid, dans les fumées de pots
d'échappement et les odeurs de crasse, il savourait de pouvoir enfin se sentir un peu moins terreux.
Tout en se séchant, il s'inspecta dans le miroir. Son apparence n'avait pas vraiment changé, puisqu'il trainait
toujours une espèce de fourrure hirsute en lieu et place de chevelure, et que sa barbe éparse gâchait toujours son visage. Il se dit que cela viendrait, s'il parvenait à satisfaire son
hôte.
C'est en déposant la serviette sur le meuble blanc où s'incrustait l'évier qu'il se rendit compte qu'il allait
devoir remettre ses loques boueuses et puantes. Ne souhaitant pas replonger tout de suite dans ce qu'il venait de quitter sans regret, il passa la serviette autour de sa taille et, rassemblant
tout son courage, ouvrit la porte et sortit de la pièce.
Il se fia à ce qu'il entendait pour se diriger dans l'appartement, qu'il ne connaissait pas encore très bien. Toutes
ces couleurs l'étourdissaient et il avait du mal à s'y retrouver. Il finit par arriver, à ce qu'il lui semblait, dans la cuisine. Les meubles étaient rouge laqué et les murs peints en
chocolat.
David, l'ayant apparemment entendu arriver, s'était retourné et regardait dans sa direction. Il semblait occupé à
préparer le repas, les mains prises par une casserole et une spatule. Il eut un rapide sourire qu'il fit vite disparaître en voyant son air gêné.
-Oui ?
Baptiste baissa la tête et murmura :
-Est-ce que je pourrais avoir d'autres vêtements ? Je n'ai pas vraiment envie de me rhabiller comme avant...
Un silence suivit sa phrase puis son vis-à-vis s'écria :
-Bien sûr ! Excuse-moi... Excusez-moi, j'avais oublié. Je vais te... vous chercher ça tout de suite.
David lui adressa un petit sourire d'excuse, sans doute pour ses difficultés à le vouvoyer, puis s'éclipsa, le
laissant seul dans la pièce. Il faudrait d'ailleurs que Baptiste pense à lui dire qu'il n'aimait pas vraiment qu'on le vouvoie, et qu'il ne l'y avait obligé que par esprit d'opposition.
Se sachant seul et, un peu curieux, il s'avança dans la cuisine et s'approcha de la table, dans l'espoir de
connaître le menu. Un long frisson le traversa lorsqu'il aperçut une assiette de toasts au saumon fumé, et il se mit à saliver en remarquant le foie gras déposé dans une petite coupelle.
Son dernier repas digne de ce nom datait de plusieurs mois. Il savait déjà qu'il ne pourrait pas manger autant qu'il
en aurait envie, mais était persuadé que rien que le goût des aliments suffirait à le rendre heureux pour un moment.
Il sursauta presque lorsque David revint dans la pièce en courant, un peignoir à la main.
-Désolé, mais je n'ai rien trouvé de mieux. Mes vêtements sont tous trop grands pour vous... On ira vous acheter
autre chose demain, d'accord ?
Il sourit légèrement et hocha la tête, puis saisit le vêtement qu'on lui tendait. Le tissu était doux et duveteux.
Il s'isola dans le salon pour l'enfiler. Lorsqu'il fut soigneusement blotti dans l'étoffe, il eut un soupir de bien-être. Que c'était bon... Voilà longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi bien.
Tant de sensations en même temps l'étourdissaient, et il avait l'impression d'être épuisé.
Le fait de n'avoir dormi que sur un coin de banc ou blotti sous une couverture rapiécée pendant des mois, dans le
froid, devait y être pour quelque chose.
Il aurait bien voulu dormir, mais l'appel de son ventre fut plus fort que tout. Il revint dans la cuisine et observa
un instant son hôte continuer les préparatifs.
Baptiste constata alors que David avait, pour chaque plat, fait des quantités astronomiques. Curieux de savoir
pourquoi, il finit pas oser demander :
-Vous pensez qu'on arrivera à manger tout ça à deux seulement ?
David se retourna et lui sourit :
-A l'origine, je devais dîner avec ma famille, mais comme vous êtes arrivé, j'ai annulé. Et puis je n'allais pas
jeter tout ça...
Baptiste fut alors envahi par la culpabilité. Il venait de priver quelqu'un d'un repas avec ses proches, alors qu'il
l'aurait sûrement préféré à un tête-à-tête avec un parfait inconnu. Il baissa la tête et murmura :
-Il ne fallait pas...
L'autre s'écria alors :
-Annuler ? Au contraire ! Votre arrivée, bien qu'imprévue, m'a épargné une réunion de famille. J'ai en horreur ces
retrouvailles hypocrites de fin d'année. J'apprécie mes parents et mes sœurs, mais je ne supporte pas mes oncles et mes grands-parents. J'aurais d'autres occasions de voir les gens de ma famille
que j'apprécie, ne vous inquiétez pas...
Baptiste hocha la tête, mal à l'aise tout de même.
Quelques minutes plus tard, ils étaient attablés autour d'un repas de Noël digne de ce nom. Sur la table étaient
entreposés plusieurs plateaux de toasts au saumon, de tranches de foie gras, de tartines de rillettes de canard ou de lapin, de verrines... Lorsqu'il avait aperçu tout cela, Baptiste n'avait pu
retenir un gémissement d'envie, et il aurait voulu rentrer sous terre quand son ventre s'était mis à gargouiller avec un grondement caverneux. Il avait alors oublié toute sa culpabilité et avait
admiré ces délices sans aucune retenue.
La table installée par son hôte était en effet un ravissement pour les yeux. La nappe rouge était parsemée de
confettis or et orangées. Des bougies avaient été installées pour confectionner un chemin de table, et la lueur des flammes faisait briller la décoration. Son hôte avait comblé le vide créé par
l'absence d'autres couverts que les deux leurs, en y plaçant tout ce qu'il avait prévu pour le début du repas.
Ils s'étaient donc installés, et Baptiste ressentait un léger malaise, ayant l'impression de ne pas se trouver à sa
place au milieu de toute cette beauté. Son apparence devait créer un sacré contraste. Un clochard en peignoir devant un repas de luxe... L'image sortait de l'ordinaire.
Cependant il oublia vite cette idée, lorsque David l'invita à se servir. Il hésita d'abord sur l'ordre dans lequel
il devrait déguster ces hors d'œuvre tous plus appétissants les uns que les autres, mais il finit par piocher dans chaque plat, entreposant tout dans son assiette, puis engloutit tout, ayant du
mal à réfréner son envie de manger, pour combler le vide qui lui servait de ventre.
Le foie gras fondit dans sa bouche et il dut se retenir de ne pas crier pour exprimer l'extase qu'il pouvait
ressentir. Entre les préparations de tomates et de chèvre aux herbes aromatiques, celles de purée de patate douce, et les tranches de pain grillées recouvertes de saumon, il ne savait plus où
donner de la tête. Tout cela ravissait ses papilles, et il n'en avait jamais assez.
Il s'arrêta cependant lorsqu'il remarqua que David ne mangeait plus et l'observait sourire aux lèvres. Il baissa
alors la tête, honteux.
-J'ai une furieuse envie de vous photographier, mais j'attendrais demain. Même si j'adorerais immortaliser le
plaisir que vous semblez prendre, je préfère vous laisser votre intimité et ne pas vous mettre mal à l'aise.
Baptise rougit tout d'un coup, ne sachant plus où se mettre. Il paraissait évident qu'il n'avait pas su cacher ses
émotions assez pour qu'elles échappent au regard de son hôte. Le sourire de celui-ci l'indiquait bien. Il tenta alors de se calmer et adopta une attitude plus calme en attendant que David amène
la suite du repas. Il reconnut sans peine une dinde aux marrons lorsque son hôte revint. Ce dernier s'excusa :
-Ce n'est pas très original, et moi-même je n'en raffole pas, mais mes parents aiment bien les repas de fête
« classiques »... Je n'ai pas eu le temps de préparer autre chose.
Baptiste s'empressa de le rassurer :
-Ce n'est pas grave, ça me va très bien.
Il put choisir le morceau qu'il voulait, et il obtint une grosse part de dinde. Il savait d'avance qu'il ne
parviendrait pas à tout manger, mais il voulait profiter au maximum de son premier repas depuis bien longtemps. Il tenta donc de remplir son estomac le plus possible, mais finit par se calmer
quand David le mit en garde et le prévint que s'il mangeait trop alors qu'il n'y était plus habitué, il risquait d'avoir du mal à digérer et de passer une mauvaise nuit. Il prit donc le temps
d'apprécier les mets, mâchant bien pour faciliter la tâche à son estomac, mais finit par abandonner lorsqu'il ne put vraiment plus rien avaler. Il dut donc renoncer à la bûche glacée aux fruits
rouges, dont l'odeur l'avait pourtant cruellement alléché. David avait alors refusé d'en prendre, prétextant qu'il était malpoli d'obliger son invité à le regarder manger.
Son hôte l'avait ensuite forcé à accepter une coupe de champagne, car selon lui un réveillon de Noël sans alcool
n'en est pas vraiment un. Il avait donc bu avec lui, craignant cependant que l'alcool lui tourne vite la tête, car il n'en avait pas bu depuis très longtemps. En effet, il fut vite étourdi par ce
champagne, pourtant pas particulièrement fort. Ses sens s'en retrouvèrent amplifiés, et il devenait sensible au moindre son, à la moindre lumière. Bientôt il n'eut plus vraiment conscience du
monde autour de lui, et lorsqu'il accepta une deuxième coupe, il perdit aussitôt la notion du temps, et ne contrôla plus ses propres actes.
En fin de soirée, David fut donc obligé de le porter dans la chambre où il s'était installé. Entouré d'une sorte
d'épais coton qui filtrait les sons autour de lui, il n'avait pas tout compris, et avait juste senti qu'on le soulevait. Il avait été installé dans le lit -toujours vêtu de son peignoir, son hôte
n'ayant certainement pas osé le déshabiller- puis soigneusement bordé. Il s'était endormi comme une masse, pour une fois le ventre plein, et au chaud.
Lorsqu'il s'était réveillé, un furieux mal de crâne l'avait saisi. Tous ses membres étaient engourdis, et il lui
avait fallu s'y reprendre à deux fois avant d'arriver à s'asseoir dans le lit. Quelques secondes de réflexion lui avaient été nécessaires pour se rappeler de ce qu'il s'était passé la veille, et
donc pour comprendre pourquoi il se trouvait dans cette chambre et non dans la rue. Quand il eut totalement recouvert la mémoire, il soupira, passa ses mains sur son visage comme pour s'aider à
se réveiller complètement, puis tenta de se lever. Il vacilla un moment avant de se stabiliser. Il rajusta ensuite son peignoir qui s'était défait pendant la nuit.
Enfin il quitta la chambre, toujours plongée dans l'obscurité, et se rendit dans la cuisine. David y était déjà
attablé, les cheveux en pagaille, l'air un peu fatigué, vêtu seulement d'un short de pyjama. Il lui sourit cependant lorsqu'il arriva, et l'invita à prendre place à côté de lui. Baptiste refusa
d'avaler quoi que ce soit, ayant la nausée. Il but seulement un café, histoire de se remettre les idées en place. Il regarda ensuite son hôte manger. David eut un léger sourire lorsque, la bouche
encore pleine, il surprit son regard. Il avala sa bouchée de panettone, puis s'adressa à lui du même ton enjoué qu'il employait tout le temps :
-J'aimerais qu'on commence les photographies aujourd'hui, si ça ne te dérange pas. Plus vite on aura fait les
premières, plus vite je pourrai t'acheter d'autres vêtements. En fait, le thème de mon dossier est « Évolution ». J'aimerais montrer la tienne.
Baptiste avait froncé les sourcils en entendant que David s'était remis à le tutoyer. En réfléchissant un moment, il
finit par se souvenir que la veille, alors qu'il était complètement ivre et que David le ramenait dans sa chambre, il lui avait avoué que finalement, le vouvoiement le gênait. Il en vint à se
demander s'il s'était produit d'autres évènements importants dont il ne se souvenait plus. Il savait cependant qu'il n'oserait pas demander.
Il se contenta donc d'acquiescer silencieusement, hochant la tête. David prit ensuite le chemin de la salle de bain,
lui indiquant gentiment qu'il devait s'habiller et remettre ses vêtements de la veille. La mine basse, Baptiste s'exécuta et retourna dans sa chambre. Là, il s'arrêta un moment, hésitant devant
ses vielles loques reposant à terre devant le lit. Finalement, se rappelant que s'il était là, c'était pour se faire photographier, et qu'il devait pour cela se plier aux désirs de son hôte, il
soupira et ramassa ses guenilles. Il déposa son peignoir sur le lit puis s'habilla.
Lorsque cela fut fait, il se rendit dans le salon, encore vide, et attendit, planté au milieu de la pièce, se
sentant désormais étranger à cet entourage si parfait, lui, redevenu crasseux et puant. David le rejoignit quelques minutes plus tard, vêtu d'un costume noir semblable à celui qu'il portait la
veille. Il lui sourit puis se dirigea à grandes enjambées vers l'entrée de son appartement. Baptiste le suivit, et ils sortirent.
Il constata en arrivant dans la rue, que l'air s'était un peu réchauffé au dehors. Cependant, il faisait encore
froid, aussi se pelotonna-t-il dans sa veste élimée. Lorsque son hôte le remarqua, il l'interrogea, semblant inquiet :
-Ça va ?
En guise de réponse, il se contenta de hocher la tête. David eut une moue sceptique, mais il n'insista finalement
pas. Baptiste, recroquevillé sur lui-même, suivit l'autre homme dans des rues qu'il ne connaissait pas, jusqu'à un grand boulevard où la circulation était importante. David lui demanda, l'air
gêné, de s'allonger sur un vieux banc à la peinture écaillée. Quelques détritus trainaient à côté. Baptiste fronça les sourcils, et hésita un instant avant de s'exécuter. Une fois allongé, il
leva sur David un regard tourmenté. S'exposer ainsi aux yeux de tous le gênait atrocement, et il ne savait pas quelle attitude adopter. S'il avait pu, il serait rentré sous terre tant il avait
honte. David parut le remarquer, mais n'intervint pas. Il le regarda un moment sans rien dire, puis se détourna pour installer son appareil photo. Il sortit le pied de l'étui, le plaça devant le
banc, à la limite du trottoir et de la route, puis fixa l'appareil lui-même. Baptiste, sur le banc, était plus tendu que jamais, attendant les recommandations de David. Plus que tout, il avait
peur de ne pas convenir à ce qu'il voulait réaliser comme clichés.
Alors qu'il était comme paralysé, trouvant sa position totalement incongrue, David laissa son appareil de côté, et
vint s'accroupir devant lui.
-Ça ne va pas ?
Préférant être honnête -de toute façon, mentir n'aurait servi à rien, puisque ses émotions se lisaient sur son
visage comme dans un livre écrit en caractères gras-, il tourna vivement la tête de droite à gauche, ne trouvant pas la force de répondre à voix haute. David eut un soupir déçu.
-Tu veux qu'on arrête ?
Baptiste paniqua, à l'idée de devoir retourner à sa vie dans la rue, alors qu'il avait goûté, pendant une soirée et
une nuit, aux délices du confort. Il se redressa, et s'écria :
-Non !
Puis, honteux soudain de s'être ainsi emporté, il tenta de se reprendre :
-Enfin... je...
David lui sourit.
-Détends-toi. Respire, et on va y arriver. Je ne te demande pas quelque chose de très compliqué pour la première
photo. Imagine qu'il n'y a pas d'objectif, sois naturel.
Facile à dire... Il n'avait jamais aimé être le centre de l'attention. Ici, c'était encore pire. Son salut dépendait
de son image, et il ne pouvait s'enlever cette idée de l'esprit. Cependant, les encouragements de son vis-à-vis le décidèrent à faire des efforts. Il s'allongea nouveau, puis fixa David,
attendant qu'il lui dît quoi faire. Ce dernier pencha la tête sur le côté, et Baptiste eut alors l'impression insupportable d'être jugé, cependant il ne pensait pas que David était de ce genre
là, et s'il voulait vraiment le garder comme modèle, il avait tout intérêt à ne pas le mettre plus mal à l'aise qu'il ne l'était déjà. L'autre homme prit alors la parole :
-Ne te crispe pas comme ça... Plie tes jambes, ça fera plus naturel. Imagine que tu as froid. D'ailleurs, il ne
devrait pas y avoir trop d'efforts à faire, ajouta-t-il dans un sourire en frissonnant.
Baptiste acquiesça. Il tenta de se relâcher, cessant de crisper ses muscles. Il ramena ses jambes vers lui, serra
ses mains autour de ses épaules, se recroquevilla sur lui-même et attendit.
David lui sourit.
-Maintenant, ferme les yeux.
Baptiste s'exécuta. Un mouvement d'air près de lui lui indiqua que David s'était éloigné. Il fit de son mieux pour
ne pas bouger, en attendant que le photographe eût fait les réglages nécessaires sur son appareil. Cependant, le froid était bien là, et il se mit à grelotter. Les yeux toujours clos, concentré
sur sa position, il ne sentit pas David se rapprocher et sursauta lorsqu'il posa une main sur son épaule. L'autre lui sourit et le frictionna un instant, avant de reculer et de se placer derrière
le pied de son appareil. Il se baissa, puis son visage disparut derrière l'objectif. Baptiste soupira, puis referma les yeux. Il se cala plus confortablement sur le banc, une partie de son visage
et ses genoux appuyés contre le dossier, puis se figea.
Dans le vacarme de la ville, il n'entendit pas le premier flash, perçut le deuxième comme à travers un filtre
sonore. Plusieurs autres se succédèrent, David le fit changer légèrement de position puis prit une deuxième série de clichés.
Lorsqu'enfin il sembla satisfait, il l'autorisa à se relever. Baptiste, totalement engourdi, s'étira avant de se
mettre en marche, suivant l'autre homme qui était déjà en route. David marchait d'un pas vif, et semblait pensif. Son visage était fermé, il se mangeait la lèvre inférieure et fronçait les
sourcils. Baptiste se tint silencieux pendant tout le trajet, ne voulant pas le déranger pendant ses réflexions.
Il s'étonna de voir qu'ils n'empruntaient pas le chemin censés les ramener vers l'appartement de son hôte.
Cependant, il n'osa pas poser de questions. Ils arrivèrent sur un grand boulevard, où la circulation était encore plus dense. David, marchant d'un pas déterminé, semblait savoir où il allait.
Finalement, il entra dans une boutique, et Baptiste le suivit. Il comprit tout de suite pourquoi ils étaient venus ici. Ils étaient dans une boutique de vêtements. Il se souvenait très bien que
David lui avait promis de lui acheter de quoi s'habiller convenablement.
Il s'avança timidement vers l'un des rayons. Il effleura du bout des doigts les étoffes, puis saisit un cintre sur
lequel était accroché un pantalon noir. Il le fit tourner devant lui, et sourit devant l'esthétique du tissu. Cependant, lorsque l'étiquette se présenta à ses yeux, son cœur fit un bond dans sa
poitrine. Le seul mot qui lui vint alors à l'esprit fut « luxe ».
David l'avait emmené dans une boutique de fringues de luxe. Il n'avait pas sa place ici. À quoi avait donc bien pu
penser son hôte en trainant un clochard dans un tel lieu ? Que cherchait-il à faire ? À quoi cela servait-il de le confronter à ces prix exorbitants ? Lui faire prendre conscience de sa
médiocrité, lui qui jamais ne pourrait se payer une tenue complète dans un tel magasin ? Lui prouver sa générosité et ainsi le forcer à rester ?
Il n'y comprenait plus rien.
Il reposa rageusement le pantalon dans le rayon, puis se mit en quête du photographe. Il le trouva quelques mètres
plus loin, et se planta devant lui, les sourcils froncés, les bras croisés sur la poitrine. David lui sourit et l'interrogea, n'ayant visiblement pas vu son trouble :
-Alors, tu as trouvé quelque chose ?
Baptiste rétorqua violemment, exaspéré et ne comprenant toujours pas l'attitude de son vis-à-vis :
-Non. Je ne veux pas de ces vêtements.
L'autre eut un air étonné, qui eut pour seul effet d'exacerber sa nervosité. Il s'énerva alors, haussant le ton
:
-A quoi vous pensez en emmenant un clodo dans un magasin de luxe ? Qu'est-ce que vous cherchez ?
David resta interloqué quelques secondes puis soupira et lui sourit.
-Ça te gêne ?
-Évidemment ! Vous m'avez bien regardé ? Vous pensez que je peux
porter ça ?
Le photographe eut une moue déçue, puis haussa les
épaules.
-Tant pis. De toute façon, il faudra bien y revenir, car je veux
t'acheter un costume pour les dernières photos.
Baptiste le fusilla du regard puis pivota sur ses talons et, le
laissant derrière lui, quitta la boutique et sortit dans la rue. Il avisa un petit magasin dont le nom lui disait quelque chose de l'autre côté du boulevard, et traversa donc la rue, sans
vraiment faire attention à la circulation des voitures. Plusieurs coups de klaxon retentirent alors qu'il atteignait le milieu de l'avenue, et soudain il fut tiré en arrière. Il se retourna,
furieux, et se retrouva face à David qui le fixait d'un air plein de reproches.
-Qu'est-ce qui t'a pris de traverser sans faire attention ! Tu
aurais pu te faire écraser !
Baptiste haussa les épaules et tenta de se dégager, mais David
resserra sa prise sur son bras. Le jeune homme fut frappé par l'expression sévère du visage du photographe, qui l'entraina de l'autre côté de la rue, et ne le lâcha que lorsqu'ils eurent pénétré
dans le magasin.
Baptiste s'y sentait déjà plus à se place. Enfin, disons que sa
présence lui paraissait moins incongrue dans ce lieu. David, dont la moue boudeuse semblait indiquer qu'il était vexé, s'installa contre un mur, croisa ses bras sur sa poitrine et ne bougea plus,
le suivant seulement des yeux. Baptiste soupira, comprenant que leur cohabitation ne serait pas si simple qu'elle l'avait paru au premier abord, et se mit en quête de quelques vêtements qui lui
auraient plu. Il eut tôt fait de sélectionner quelques jeans, T-shirts et pulls. Particulièrement gêné à l'idée que ce n'était pas lui qui allait payer tout cela, il calcula minutieusement le
prix total de ce qu'il avait choisi, et veilla à ce que cela ne fût pas trop élevé. David le rejoignit quelques minutes plus tard, et lui lança :
-Alors, tu essayes tout ça ?
Baptiste rougit alors furieusement, terriblement gêné d'avoir à
demander l'avis de cet homme pour savoir si les vêtements qu'il avait sélectionnés lui allaient. Il hocha cependant la tête, et se dirigea vers une cabine, suivi du photographe.
La séance d'essayages fut longue. Très longue. Dès qu'il essayait
un T-shirt ou un jean, David tenait à le voir sous tous les angles, pour être sûr que le tissu lui seyait parfaitement. Baptiste, lui, rougissait à chaque fois que le photographe disait le
trouver beau dans ces vêtements, et fut grandement soulagé lorsqu'ils eurent enfin terminé d'examiner les habits.
David lui prit ensuite le panier en plastique dans lequel il
avait entassé tous les vêtements, puis se dirigea vers la caisse d'un pas assuré, ne lui laissant pas le temps de protester. À peine avait-il eu le temps de le rejoindre qu'il avait déjà sorti sa
carte bleue et tapait son code. Baptiste soupira, résigné. Cet homme était aussi têtu qu'une mule.
Lorsque le vendeur lui eut tendu son ticket, David revint vers
lui, un grand sourire aux lèvres, le saisit par le coude et l'entraina au dehors.
-Alors, on rentre, ou tu veux que je t'achète autre chose
?
Baptiste se renfrogna tout à coup. Le photographe le traitait
comme un petit enfant qui a besoin qu'on lui offre tout ce qu'il veut.
-On rentre, lâcha-t-il un peu sèchement.
David sourit.
-Tu es fâché ?
Il ne répondit pas, fixant ses pieds et continuant à avancer. À
côté de lui, l'autre homme eut un léger soupir.
-Ce que tu es buté...
-Je te retourne le compliment.
David le retint alors par le bras et le força à se tourner vers
lui.
-Tu m'as tutoyé, lâcha-t-il dans un sourire.
Baptiste fronça les sourcils, réfléchit un peu et se rendit
compte qu'effectivement, le « tu » lui avait échappé. Il haussa les épaules puis se remit en marche. Derrière lui, David continuait de sourire.
Le photographe lui fit faire un tour de la ville pour lui montrer
les différents endroits où il souhaitait le photographier. Ils passèrent dans un immense parc que Baptiste ne connaissait pas, et alors qu'ils marchaient au milieu des allées de platanes, la
neige se mit à tomber. Le jeune homme la regarda tomber, émerveillé par la lente descente des flocons.
Ils continuèrent leur promenade un moment, jusqu'à ce que David
remarquât qu'il avait vraiment trop froid, et lui proposât qu'ils rentrassent. Ils firent alors demi-tour et prirent la direction de l'appartement du photographe. Baptiste, lui, découvrait à
nouveau la ville, n'ayant pas prêté attention au chemin qu'ils avaient emprunté.
Alors qu'ils marchaient côte à côte sur le trottoir qui se
recouvrait d'une fine pellicule blanche, David se racla la gorge, indiquant qu'il allait parler, et demanda, l'air un peu gêné par sa question.
-Quel âge as-tu ?
Baptiste fut quelque peu surpris. Il n'osa pas répondre
immédiatement, craignant soudain de paraitre trop jeune aux yeux du photographe.
-Vingt ans.
David haussa les sourcils puis sourit.
-Tu as l'air plus vieux.
-C'est la barbe, grommela le jeune homme.
L'autre homme rit silencieusement à ses côtés. Baptiste souhaita
un instant se renfrogner, mais eut finalement un petit sourire, soulagé.
Même si sa première expérience pour les photographies avait été
plutôt éprouvante, il sentait bien que David serait prêt à tout pour le garder. Lui, de son côté, n'avait absolument aucune envie de s'arrêter en si bon chemin. Il avait un foyer, de la
compagnie, était nourri et désormais bien habillé...
Qu'aurait-il pu vouloir de plus ?