Vous n'en avez toujours pas assez?
Eh bien voici encore un article, cette fois-ci d'une histoire entièrement terminée et dont les chapitres seront
publiés régulièrement. J'ai l'honneur de publier ce soir Inrainbowz, auteur que j'ai lue la première fois sur ff.net et que j'ai franchement apprécié. {Pour que je m'en souvienne déjà, c'est une
preuve...}
Bref! Place à sa présentation, et ensuite au premier chapitre de cette histoire!
Je m’appelle Inrainbowz (Inrain pour les intimes et quand j’ai la flemme de l’écrire en entier) et j’ai 17 ans. J’écris depuis le collège environ, et je ne serais même pas capable de relire mon « cahier de mots » de cette époque tant le niveau était médiocre. Mais bon, comme il faut bien s’améliorer un jour ou l’autre, à force j’ai fini par écrire des choses un peu plus présentable, et il y a un an j’ai décidé de sauter le pas et j’ai publié mes premières fics sur ff.net, qui a été une sorte de révélation divine pour moi et où je sévis toujours sous le même pseudo. A mon grand regret je n’arrive pas à écrire autre chose que du yaoi, enfin, plus précisément, il y en a toujours une trace dans mes textes, quels qu’ils soient (en fait je ne regrette pas du tout, je suis une fan inconditionnelle sans pouvoir me l’expliquer).
Ce récit est la première histoire originale que je publie, ça me fait un peu peur, j’avoue. Je l’ai écrite d’une traite en à peine deux mois tant j’étais inspirée, mais j’ai hésité un moment avant de l’envoyer. Bon, me voilà finalement sur le blog d’Absynthe que je vénère complètement (c’est un honneur !). L’histoire est déjà écrite en intégralité, ce qui n’est pas plus mal car je suis actuellement en prépa scientifique et que je n’ai plus le temps de rien, même pas d’écrire. Je veux devenir pilote de ligne, ce qui n’a effectivement rien à voir avec mon travail d’auteur, mais ça ne m’empêche pas de songer à me faire publier, un jour (quand j’aurais grandi et que je me serais largement amélioré). Et donc voilà.
Je dédie cette histoire à ma mère, qui l’a corrigée, à Lé, à qui je lis toutes mes fics à voix haute et qui a été la première à découvrir celle-là, et à Manon, qui tient absolument à lire une de mes histoires.
Bonne lecture !
Chapitre 1
C’est décidé. Dès demain – ou plutôt cet après-midi, quand je me réveillerais – j’efface définitivement de mon répertoire le numéro de cette niaiseuse de Mandy.
Déjà, rien que le fait qu’elle s’appelle Mandy joue contre elle : j’associe ce prénom à la garce des Totally Spies et ça ne m’aide pas du tout à la prendre au sérieux. Mais même sans ça… même sans ça, cette fille est juste trop conne. Après me l’être trimballée les quatre années du lycée et ces deux dernières années à l’université, je n’ai toujours pas percé le mystère de notre amitié. En fait, on n’est même pas vraiment amie : c’est elle qui me colle depuis tout ce temps, depuis le premier jour d’enseignement secondaire où j’ai eu le malheur de lui répondre « oui » quand elle m’a demandé « je peux m’asseoir à côté de toi ? ». Je ne connaissais personne, et je n’ai pas suffisamment prêté attention à son physique (qui en disait pourtant long) avant de lui balancer ma réponse. Elle m’a toujours exaspérée, irritée, même si j’avoue que son côté naïve et puéril m’a tout de suite donné envie de la protéger, dans une certaine mesure. C’est sans doute ce qui explique pourquoi je ne l’ai jamais laissée tomber comme toutes les autres personnes qui m’ont approché au fur et à mesure des années. Elle était mignonne, dans son genre, un peu comme un animal de compagnie. Insupportable, mais attachante. En fait, le vrai mystère, c’est de comprendre pourquoi ELLE ne m’a jamais virée de sa vie. Je ne suis pas quelqu’un de spécialement agréable à vivre. Je suis méprisante, hypocrite, je ne supporte presque rien ni personne, je l’envoie sur les roses une fois sur deux quand elle me parle… et pourtant elle continue, inlassablement, à courir vers moi avec son sourire de bisounours et à inonder ma boîte de réception de messages sans intérêt et, pire que tout, elle persiste à m’inviter à toutes ces fêtes craignos où elle retrouve tous ses amis craignos et où je m’emmerde comme c’est pas permis si j’ai eu le malheur de la suivre. Parce que moi j’y vais en plus. Je cède à ses caprices, ça non plus je ne sais toujours pas pourquoi. Ah, peut-être parce qu’on peut manger à l’œil et se mettre minable aux frais de la bande de losers.
Toujours est-il que c’est fini cette fois. Pour le coup, elle a vraiment abusé.
Elle m’a appelé mardi dernier, exactement treize minutes après que l’on se soit séparées à la sortie de la fac, avec cette voix horripilante et suraiguë qu’elle prend quand elle est excitée – une vraie gosse.
« Stef’ ! Stef’ ! Stef’ ! Tu devineras jamais ce que je viens d’apprendre ! »
Je ne m’appelle pas Stefanie comme on pourrait le croire. Non, ce serait sous-estimer ma mère et ses lubies extravagantes, comme sa fascination pour les prénoms mixtes, ou les supposait-elle. « Comme ça j’ai pu choisir vos noms avant votre naissance sans que ça pose problème » nous a-t-elle dit un jour, à ma fratrie et moi. Ma mère était une hippie rescapée du summer of love sans y avoir assisté et il est inutile de préciser qu’elle ne voulait pas connaître le sexe de ses enfants avant l’accouchement, pas plus qu’elle ne voulait nous faire vacciner, aller à l’école, manger autre chose que du bio, porter des vêtements unis… Toujours est-il que je ne m’appelle pas Stéphanie. Mais Stefane. Stefane, sérieusement. Tout le monde m’appelle Stef’, à ma demande.
« Steevy, tu sais, Steevy de mon cours de civilisation ?! Et bah il organise une super-fête pour son anniversaire la semaine prochaine, et je suis invitée !! Et il a dit que je pouvais amener qui je voulais. Tu vas venir hein ? Tu vas venir ? »
Je n’ai pas répondu immédiatement, parce que je ne réponds jamais rien à Mandy : elle a le don de faire la conversation toute seule, ce qui m’arrange bien, je dois le reconnaître. Je n’ai pas vraiment compris comment, dans son esprit, il était concevable que je puisse connaître un type de sa promo, sachant que j’étudie moi-même en science au bout de l’avenue, et j’ai voulu refuser. J’ai vraiment voulu lui dire non. Et puis elle a prit ses insupportables intonations de gamine geignarde, me suppliant, chialant presque, et j’ai cédé pour la faire taire.
On se rejoin ché moi a 20h, bisoux ai-je reçu en début d’après-midi, alors que j’espérais vainement qu’elle m’avait oubliée.
Mandy est fascinée par l’histoire. On ne dirait pas derrière ses airs de cruche, mais c’est une fille brillante. Ça me semble d’ailleurs parfaitement incompatible qu’il y ait tant de différences entre l’étudiante, sérieuse et appliquée, et la fille de tous les jours, hystérique et immature, qui se côtoient dans son corps frêle de jeune pouffe haute de 1m67. Je ne sais pas ce qu’il se passe sous ses longues mèches dorées et ses yeux verts à l’éclat idiot. C’est une enfant faible et influençable, et je m’occupe d’elle plus que je ne suis son amie sans pouvoir me résoudre à l’abandonner. Il faut croire que j’ai développé un complexe maternel à son égard. J’ai d’ailleurs tenté en vain de la faire écrire normalement dans ses textos. Au moins, j’ai réussi à lui faire passer la mode « kikoolol » en la menaçant de ne plus jamais lire aucun de ses messages, ce qui a marché jusqu’à un certain point. Au moins n’écrit-elle plus « on srej1 ché mwa ». Mais pourquoi un x à la fin de « bisous », franchement ?
« Salut Mandy ! C’est cool que tu sois venue ! C’est une amie à toi ?
-Salut Steevy. Joyeux anniversaire ! Je te présente Stef’.
-Salut !
-‘Lu. »
Je pense qu’il s’attendait à ce que j’enchaîne, ou au moins que je lui souhaite son anniversaire, comme tout le monde. Et comme tout le monde, il s’est heurté à mon silence indifférent et il a laissé tomber, mal à l’aise. Je suis très douée pour mettre les gens mal à l’aise.
Après avoir raflé une bouteille de tequila, je me suis dirigée vers les toilettes de l’étage. J’y ai passé les sept dernières heures.
Heureusement pour les autres invités, il y avait d’autres toilettes dans la maison, sinon les plantes auraient débordé d’urine. C’est qu’il ne s’embête pas, le Steevy, dans son appartement à trois étages, au moins dix pièces inutiles et superbes voitures de collection que j’ai pu admirer en forçant la porte du garage. Par contre, évidemment, il habite la Vieille Ville, et moi, je dois me retaper tout le chemin jusqu’à mon propre quartier de Žižkov, à pied et sans marcher droit.
Comme souvent quand je vais squatter chez les autres, j’en ai profité pour refaire mon stock de toutes ces babioles inutiles et sans intérêt qu’on vend aux vides-greniers et qui font office de décoration dans mon deux-pièces. Dessous de verre, chandelier en vrai toc, fleur en plastique… plus une demi-douzaine de magazine art déco et des bouteilles de vodka coca, ça fait lourd. J’avance péniblement. J’aurais dû arrêter de boire quand j’ai éclaté de rire en lisant un reportage sur le fromage de région dans une des revues de chiotte de l’autre abruti. C’était un signe évident. Je me rends bien compte que je tangue dans tous les sens, à moins que ce ne soit le trottoir… J’ai renversé la moitié de ma bouteille sur mon t-shirt jaune, mais il doit m’en rester assez pour être sûre que mon taux d’alcoolémie continue de me faire croire que je n’ai pas mal aux pieds et que je ne suis pas exténuée. Que je dessaoule un peu et je suis bonne pour dormir sous un porche.
T déja parti ? T pa drole ! On se voi demin.
Je supprime les messages de Mandy aussitôt lus pour m’éviter la tentation de les imprimer en deux mille exemplaires et de les afficher partout dans la fac avec pour légende : « et ça veut devenir prof ». Encore une fois, les paradoxes de cette idiote sont aberrants : ses cours sont un modèle de soin, alors pourquoi se sent-elle obligée de m’envoyer toutes les fautes d’orthographe possible de la langue française à chaque phrase ?
Allez, plus que quelques mètres avant la porte de mon immeuble. J’ai juste à dépasser le coiffeur, la porte du numéro quatorze, éviter la boîte postale, passer devant la ruelle miteuse où sont remisées les poubelles…
Tiens, elle a l’air occupée, la ruelle…
Trois types avec des gueules de cons. Mauvais genres, des racailles à la petite semaine. Ils ont l’air de bien se marrer en regardant leur victime enchaîner au mur. Enchaîné ? Mais qui a eu l’idée d’accrocher des chaînes au mur de cet immeuble ? Ça ne sent pas bon pour lui, on dirait qu’il va se faire rosser. Attends, c’est moi où les chaînes fument ? Bah, je m’en tape. J’ai trop bu, je suis fatiguée, j’ai autre chose à faire. A peine trois pas et je pourrai rentrer chez moi et effacer de ma mémoire tous les dégénérés que je croise à cette heure-ci dans les rues de Prague.
J’ai oublié le code.
Quand j’ai emménagé dans ce quartier en ruine, je me suis dit « chouette, j’ai droit au seul immeuble avec un minimum de sécurité ». La vérité, c’est que tout le monde le connaît, ce putain de code, et il m’a fallu moins d’une semaine pour comprendre le problème qu’il posait quand on a deux grammes dans le sang. Merde, j’ai le cerveau embrouillé, pas moyen de me concentrer cinq secondes. C’est quoi déjà... Je crois que ça commence par 23. Ou 32. Fait chier. Je l’ai pas noté quelques part ? Je note toujours tout d’habitude. Je fais des brouillons sur mon portable pour enregistrer les codes des cartes de crédits de mes diverses connaissances et les mots de passe de session sur les ordinateurs de la fac. Par contre j’ai laissé de côté mon propre digicode. Et l’autre là-bas qui n’arrête pas de gueuler… Ils ne peuvent pas lui foutre la paix les trois cons, que j’arrive à quelque chose ?
Ah, mais j’y pense…
Les types louches de la ruelle, ils le connaissent peut-être eux, le code ? Dans ce quartier tout le monde le connaît…
Ils ont l’air un peu occupé là… Qu’est-ce que je fais, je les dérange ? Putain, trois contre un, y’a vraiment que les mecs pour être aussi lâches. Ils m’énervent ceux-là. C’est à cause de ce genre de blaireaux qu’on se fait tous contrôler par les keufs au moindre décibel plus haut que l’autre, à la moindre rayure sur une bagnole, au moindre cri.
« Euh… excusez-moi… »
Bon, apparemment, je les ai dérangés. Ils devraient s’estimer heureux que j’ai été aussi polie déjà. Celle qui est bien emmerdée ici, c’est moi. Ils n’ont pas l’air de penser exactement comme moi. Alors que l’abruti enchaîné au mur me regarde les yeux plein d’espoir – que je ne suis certainement pas prête de satisfaire – le plus jeune de ses trois bourreaux me jette un regard assassin.
« Toi tu ferais mieux de dégager avant qu’on te fasse ta fête, sale te-pu. »
Et un coup de boule, un !
Et oui, je suis une femme assez violente. J’ai pris des cours de self-défense pour me canaliser, mais ça n’a pas trop marcher. Alors je me suis mise à la boxe. La boxe thaïlandaise. Beaucoup plus efficace. Enfin bon là, il faut dire que je suis sacrément éméchée aussi. Sinon, je me serais barrer en courant, je ne suis pas WonderWoman non plus.
Je lui balance un coup de sac en gueulant. De toute façon je ne suis pas précisément en état de faire quoi que ce soit de plus développé. Je frappe au hasard, faisant des moulinets avec mes bras et continuant à beugler comme l’ivrogne que je suis. Je sens tout de même quelques coups faire mouche, on est entraîné ou on ne l’est pas. Ils ne doivent pas trop comprendre ce qui vient de se passer, ce qui explique leur manque de réaction et le fait qu’ils ne m’aient pas déjà mise KO parce que là, franchement, une tape sur l’épaule et je tombe raide. Toujours est-il que quand je fini par arrêter de m’agiter, les trois wesh se sont volatilisés. C’était bien la peine de me donner autant de mal. Bon, c’est pas tout ça mais il serait peut-être temps de rentrer. Bouger comme ça m’a donné faim. J’irais bien me faire une pizza avant d’aller pioncer ; le soleil commence à se lever. On est samedi, rien ne presse.
« Eh, attends ! Aide-moi ! »
Et merde, je l’avais oublié celui-là ! Il est toujours attaché au mur, ce con ! Je sors machinalement un paquet de clope de mon blouson, agacée. J’ai descendu tout le paquet pendant la soirée, il me reste plus que les clopes dégueulasses que j’ai piqués dans le sac à main de Mandy. Elles sont à la menthe. Ça lui ressemble bien. Je tire sur le cône en grimaçant de dégout. En fait je n’ai jamais vraiment aimé la cigarette. En revanche ce qui est sûr c’est que j’adore fumer. La « beauté du geste », je suppose.
« Et comment tu veux que je t’aide ? J’ai pas les clés je te signale.
-Elles sont peut-être tombées quelque part. Si tu cherches un peu…
-Et pourquoi je ferais ça ? »
C’est vrai quoi, il m’emmerde ce gamin. Il doit avoir quoi, 16 ans ? 15 ? Pourquoi il me parle comme si on se connaissait depuis mathusalem, on n’a pas gardé les vaches ensemble que je sache ? Il me fixe d’un air complètement ahuri.
« Désolé, je me casse. »
Quelqu’un d’autre s’en occupera. Quelqu’un de sympa, qui n’a pas de problème relationnel, qui ne déteste pas le genre humain. Moi, je n’en vois pas l’intérêt. Je viens de me souvenir du digicode
de l’immeuble.
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