J’avoue, c’est un pitit chapitre, mais un chapitre quand même !
(Au fait, je me suis vachement renseignée sur le Noël de Prague. Je raconte pas trop de conneries donc ! :p ET vous avez vu, les colliers en dent de vampire, ça existe !)
Joyeux Noël, et bonne lecture !
Image : collier Kiss Me Zombie !
Dans la famille des clichés, je demande la soirée de Noël entre amis sans famille.
Bonne pioche.
Ça devient un peu risible cette histoire. Enfin bon.
Je me suis très naturellement éclipsée après avoir donné mes cadeaux à leur destinataire. Je déteste offrir des cadeaux. Je déteste attendre comme une idiote que l’autre déballe tranquillement, qu’il ait une réaction le plus souvent surjouée, et qu’il me fasse la bise pendant que je lui souris d’un air niais. Je préfère encore avoir subitement envie d’aller aux toilettes. Voilà. En tout cas ils ont parfaitement joué le jeu et personne n’a fait de commentaire sur ma fuite à l’anglaise. C’est déjà ça.
Inutile de préciser qu’ils étaient tous aux anges. C’est assez vexant, mais j’ai la très nette impression qu’ils avaient vraiment envisagé que je n’aurais rien à leur offrir. C’est bien sûr Axel qui a été le plus surpris. J’avais écrit derrière « tu l’accrocheras dans ton caveau en souvenir de ton meilleur festin », et tant pis si les autres ont cru que je parlais du repas de Noël que l’on avait dévoré sans qu’il n’en touche, bien sûr, une seule miette. En fait, j’y ai passé toute ma journée d’hier, au cyberespace pour ne pas me trahir. Une sorte d’affiche de cinquante centimètres par 90, sur lesquels j’ai écrit en gros « LE PAYS DES CLICHES – SCENARIO DU NAVET DE NOTRE HISTOIRE ». Et j’ai collé des images de tous les films auxquels notre petit périple se réfère. Blade, Van Hellsing, Le Retour de Dracula, Buffy, Nosferatu, Underworld… et bien sûr, Twilight, à l’honneur. Ce n’est ni très réussit ni très intelligent comme blague, d’autant qu’il a fallu faire croire à Lukas et Mandy qu’il s’agissait d’une « private joke » entre nous, mais rien que le sourire que nous nous sommes échangé, Axel et moi, en valait la peine. Je me suis revue le jour où nous nous sommes battus avec nos oreillers, et j’ai été plutôt fière de mon idée. Bien entendu, j’ai vite beaucoup moins ri quand ils se sont tous tournés vers moi avec un « maintenant, c’est ton tour » des plus embarrassants. Je déteste recevoir au moins autant qu’offrir, je ne sais jamais comment réagir, quelle tête faire. C’est vraiment gênant.
Enfin bref, j’ai eu droit à un bonnet avec des oreilles de chat – de Mandy fait par ses soins et ayant une forme bizarre, un chat en peluche par mon frère (j’adore les chats), un énorme oreiller multicolore de Lukas – « Parce que je sais que tu dors sur un ancien matelas de Gustav, c’est dur » - et enfin, du vampire, un pendentif en forme de dent de vampire, justement – sérieux, je ne pensais pas que ça existais. Il m’a lâché un « comme ça, tu pourras te venger » et j’ai éclaté de rire. J’avais déjà bu pas mal de champagne ; d’ailleurs, Mandy a du participer de manière conséquente à l’organisation, parce qu’on n’a certainement pas autant d’argent, nous autres habitants du HLM pourri. Quoiqu’il en soit, j’étais sacrément contente. Ensuite, on a mis de la musique, on a fait un peu les cons, j’ai pas mal bu (j’ai remarqué avec désespoir que l’alcool n’a pas d’effet sur les vampires, ou alors Ax a fait semblant d’en boire). On a également coupé des pommes en deux pour voir si la chance serait avec nous cette année. Seule Ax à aperçut une étoile dans la sienne, mais de toute façon c’est n’importe quoi comme croyance. On n’a quand même pas fondu du plomb par contre. Et puis au final, les deux amants sont partis tester la douche et j’ai dû coucher Mandy sur le canapé car elle ne tenait plus debout. On passe donc au deuxième cliché de la soirée : la fille et le gars (plus ou moins) seul dans l’appartement. Mon esprit s’était vautré dans un nuage cotonneux, chaud et confortable, nous nous sommes assis contre le canapé où dort Mandy, hors-jeu. L’air embaume encore la nourriture et les bougies parfumées, mes yeux se ferment tout seul.
« Tu voudrais pas sortir avec moi ? »
Là, si on était dans un manga, je me retrouverais le nez contre le plancher et les jambes en l’air, accablée par une demande aussi soudaine et aussi dénuée de tact. Je me relève difficilement.
« De quoi ? »
Apparemment, le sens de sa question lui semble suffisamment clair pour qu’il ne prenne pas la peine de la répéter. Il se contente de me fixer, très sérieux, plus que je ne l’ai jamais vu être, les sourcils légèrement froncés. Il est diablement beau comme ça. Je suis maintenant complètement réveillée.
« Attends, tu te rends compte de ce que tu dis ?
-Ben ouais. »
Je rêve. Il est con ou quoi ?
« Non mais t’es sérieux là ? Tu veux sortir avec moi ? Avec moi ? »
J’insiste bien pour lui faire saisir le problème, mais il n’a pas l’air de percuter.
« En quoi est-ce si aberrant ?
-Je suis plus vieille que toi. »
Je lui ai balancé le premier argument stupide qui m’est venu à l’esprit, tellement ridicule qu’il fronce un peu les sourcils.
« Tu n’espères pas me faire fuir avec ça quand même ?
-Je suis chiante.
-Pas tant que ça.
-Je suis une garce.
-Ça, c’est toi qui le dis.
-Je n’ai jamais aimé personne. »
Et là, il comprend immédiatement le sens de ma réplique.
« Sérieux ?
-Attends, tu m’as bien regardé ? Je ressemble plus à un mec que toi, et je ne laisse personne m’approcher. Comment tu veux que… »
Application fulgurante du cliché numéro un des méthodes « j’ai envie de te faire taire » : il m’embrasse de nouveau, pour la deuxième fois, assis trop près de moi contre le canapé minable où Mandy, la bave aux lèvres, marmonne dans son sommeil en serrant une poupée mal faite dans ses bras et je souhaiterais vraiment être ailleurs, ou alors, qu’elle ne soit pas là.
« Alors ? »
Il sourit tellement que je vois ses dents blanches briller d’un éclat aveuglant et que ses yeux sont réduits à deux parenthèses qui interrogent mes sentiments. Je fixe ses lèvres tentantes, mordille légèrement les miennes.
« Ouais… Si tu veux… »
Il sourit plus encore, visiblement ravi, et m’embrasse à nouveau. Je crois que je ne m’y ferai jamais.
« Au fait, pourquoi tu passais pas Noël chez toi ? »
Changement de conversation : Go ! Il ne s’en offusque pas.
« Mes parents sont musulmans. On ne fête pas Noël chez nous.
-Pourquoi tu es venu alors ?
-Bah… Pour te voir ! »
Je laisse aller ma tête contre le canapé en soupirant. Je peux apercevoir le bout du nez de Mandy qui sourit en dormant. Ils sont tous idiots, c’est pas croyable.
« Pour me voir… »
Comment ai-je fait pour qu’on m’aime, moi ?
O
Cette histoire n’est somme toute pas très sanglante. Pour une histoire de vampire je veux dire. En excluant bien sûr les séances d’arrosage d’hémoglobine qui ont en général suivis les repas d’Axel, et dont j’ai d’ailleurs eu le plus grand mal à masquer les traces sur les murs et le sol, ça reste très soft, quand même. Pas de cadavres, pas de larmes, pas de grands drames en huis-clos. C’est un peu ridicule, non ?
Le lendemain, c’était l’hécatombe dans mon appartement et non, pas dans le sens où Axel aurait pété un plomb et égorgé tout le monde. Juste qu’il y avait des restes de nourritures et des morceaux de papiers froissées un peu partout, que Mandy comatait toujours sur mon clic-clac, à côté de Tiphaine pas vraiment dans un meilleur état, et que Axel et Lukas regardait les dessins animés du matin avec une admiration parfaitement sincère. Hier, on s’est rapidement endormi à même le sol, Lukas et moi, rejoint presque immédiatement pas Tiph’ qui s’est vautré sur le canapé à côté de Mandy, et Ax qui s’est pelotonné contre moi. D’ailleurs, je ne sais pas lequel des résidents du logement a eu la présence d’esprit de fermer les stores pendant la soirée, mais en tout cas, ça nous a évité un tas de complications particulièrement gênantes, compte tenu des deux invités ignorant tout de la condition de mon premier réfugié. On a tous traîné un peu, en rangeant vaguement ce qui nous tombait sous la main, débraillé et mal réveillé. Finalement, j’ai mis les deux convives dehors sur les coups de 17 heures, au risque de devoir nourrir encore quatre idiots au lieu de deux. Lukas m’a embrassé suffisamment visiblement pour que Mandy, mon frère et Axel le remarquent. Je les ai poussés dehors avant toute remarque embarrassante, même si je lisais sur le visage de Mandy la promesse de m’arracher des détails croustillants. J’ai dû supporter le petit sourire narquois d’Axel et celui, plus doux, de Tiph’.
« Je reconnais que c’était une bonne idée, Tiph’. Mais ne compte pas sur moi pour remettre ça au nouvel an. »
Nous avons ri un peu, et cela a clôt l’épisode de Noël.
O
« Stef’, je peux te parler d’un truc ? »
Je me détourne du roman que je suis en train de dévorer – l’échiquier du mal, de Dan Simon, il faudra que j’en parle à Ax, ça révolutionne carrément le concept associé au terme « vampire » - pour tomber sur le visage adorablement rougissant de mon jeune frère.
« Vas-y, je t’écoute » dis-je en me tournant face à lui, pour faciliter le dialogue.
« Et ben… » Il jette un rapide coup d’œil à Axel, endormi sur le canapé redevenu lit, à cette heure tardive de la matinée, se triturant les doigts où brillent une bague que le vampire lui a offert. « Ax ne voulait pas que je t’en parle mais… enfin, je suis pas tranquille, alors je préfère te le dire. »
Il m’inquiète un peu là. Si c’était une fille, je le soupçonnerais d’avoir un retard sur ses règles, mais là, je ne vois pas. Ses joues rougissent plus encore.
« Bon, tu vas pas t’énerver hein ?
-Je sais pas, ça dépend de ce que tu vas me sortir.
-Non mais je veux pas que tu te mettes en colère, je te promets que c’était pas fait exprès…
-Mais de QUOI bordel ?
-En fait, il se pourrait que Ax m’ai… un tout petit peu mordu, l’autre jour. Enfin, une fois ou deux. Plusieurs fois en fait. »
Il a bien sûr tout de suite remarqué les vapeurs d’onde négative qui ont commencé à nous asphyxier. Je l’ai vu paniquer, chercher un moyen rapide et efficace de sauver sa vie, en regardant dans tous les sens et en faisant de grands gestes avec ses bras.
« Pitié, Stef’, laisse-moi t’expliquer, je te jure que c’est pas du tout ce que tu crois ! C’était pas pour le nourrir, je t’assure !
-Je te donne trente secondes pour tenter d’épargner la vie de ton très prochainement ex-copain.
-Le truc c’est que… Putain, Stef’, je peux pas te dire ça comme ça… C’était… enfin, tu vois, pendant qu’on… tu vois ? »
Il me jette un regard désespéré. Je comprends brusquement de quoi il veut parler. Ma colère retombe d’un coup.
« Attends… Explique-moi ça ?
-Stef’, n’en rajoute pas, t’as très bien compris…
-Non non non, je veux que tu m’expliques. »
Je vois très nettement ses joues s’échauffer au point de le faire fumer tandis qu’il me supplie du regard de ne pas l’obliger à le dire. Bien sûr que j’ai compris. Mais c’est sa punition. Il passe sa main sur son crâne tondu, cherchant un soutien inexistant dans les affaires diverses qui encombrent le sol de l’appartement.
« Tu sais bien, tu vois… dans le feu de l’action quoi.
-Mais encore ?
-Mais merde, Stef’ ! Il m’a mordu pendant qu’on faisait l’amour, voilà ! »
Il l’a dit. J’éclate d’un rire sonore, ce qui a pour conséquence de le faire bouder. Craquant.
« T’es vraiment une garce…
-Tu sais bien que je t’aime, Tiph’ !
-Bah moi je suis pas sûr.
-Aller, fait pas la tête, tu l’as cherché ! Tu as désinfecté au moins ? T’as fait un peu gaffe ?
-Ouais, ouais, t’inquiète.
-Bon… »
Je ne peux pas me retenir plus longtemps, et je me mets à rire de nouveau de bon cœur. Il se renfrogne.
« C’est bon, arrête de te foutre de moi !
-Excuse-moi mais… Tu es toujours si honnête. Quel besoin avais-tu de me le dire, franchement ?
-Je ne te dirais plus rien si c’est comme ça.
-Arrête donc de faire ton gamin. Bon, je te pardonne, mais veille à ce que ça ne devienne pas habituel non plus, ou tu vas finir vidé de ton sang.
-Comme toi ?
-Je crois que vous couchez ensemble un peu plus souvent que je ne donne mon sang à Ax, Tiph’. »
Cette réplique a pour mérite de le faire taire, de lui faire piquer un nouveau fard, et de nous éviter un terrain glissant. Enfin, surtout pour moi. Je ne leur ai pas parlé de mon petit séjour à l’hôpital, et je ne tiens pas à ce qu’ils l’apprennent un jour. C’est à moi de gérer ça. Ax remue un peu dans son sommeil, attirant l’attention de Tiph’ qui me délaisse. Ça m’arrange, pour une fois.
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