Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz

Mercredi 29 décembre 3 29 /12 /Déc 17:10

J’avoue, c’est un pitit chapitre, mais un chapitre quand même !

(Au fait, je me suis vachement renseignée sur le Noël de Prague. Je raconte pas trop de conneries donc ! :p ET vous avez vu, les colliers en dent de vampire, ça existe !)

 

Joyeux Noël, et bonne lecture !

 

 

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Image : collier Kiss Me Zombie !

 

 

Dans la famille des clichés, je demande la soirée de Noël entre amis sans famille.

                Bonne pioche.

                Ça devient un peu risible cette histoire. Enfin bon.

                Je me suis très naturellement éclipsée après avoir donné mes cadeaux à leur destinataire. Je déteste offrir des cadeaux. Je déteste attendre comme une idiote que l’autre déballe tranquillement, qu’il ait une réaction le plus souvent surjouée, et qu’il me fasse la bise pendant que je lui souris d’un air niais. Je préfère encore avoir subitement envie d’aller aux toilettes. Voilà. En tout cas ils ont parfaitement joué le jeu et personne n’a fait de commentaire sur ma fuite à l’anglaise. C’est déjà ça.

                Inutile de préciser qu’ils étaient tous aux anges. C’est assez vexant, mais j’ai la très nette impression qu’ils avaient vraiment envisagé que je n’aurais rien à leur offrir. C’est bien sûr Axel qui a été le plus surpris. J’avais écrit derrière « tu l’accrocheras dans ton caveau en souvenir de ton meilleur festin », et tant pis si les autres ont cru que je parlais du repas de Noël que l’on avait dévoré sans qu’il n’en touche, bien sûr, une seule miette. En fait, j’y ai passé toute ma journée d’hier, au cyberespace pour ne pas me trahir. Une sorte d’affiche de cinquante centimètres par 90, sur lesquels j’ai écrit en gros « LE PAYS DES CLICHES – SCENARIO DU NAVET DE NOTRE HISTOIRE ». Et j’ai collé des images de tous les films auxquels notre petit périple se réfère. Blade, Van Hellsing, Le Retour de Dracula, Buffy, Nosferatu, Underworld… et bien sûr, Twilight, à l’honneur. Ce n’est ni très réussit ni très intelligent comme blague, d’autant qu’il a fallu faire croire à Lukas et Mandy qu’il s’agissait d’une « private joke » entre nous, mais rien que le sourire que nous nous sommes échangé, Axel et moi, en valait la peine. Je me suis revue le jour où nous nous sommes battus avec nos oreillers, et j’ai été plutôt fière de mon idée. Bien entendu, j’ai vite beaucoup moins ri quand ils se sont tous tournés vers moi avec un « maintenant, c’est ton tour » des plus embarrassants. Je déteste recevoir au moins autant qu’offrir, je ne sais jamais comment réagir, quelle tête faire. C’est vraiment gênant.

                Enfin bref, j’ai eu droit à un bonnet avec des oreilles de chat – de Mandy fait par ses soins et ayant une forme bizarre, un chat en peluche par mon frère (j’adore les chats), un énorme oreiller multicolore de Lukas – « Parce que je sais que tu dors sur un ancien matelas de Gustav, c’est dur » - et enfin, du vampire, un pendentif en forme de dent de vampire, justement – sérieux, je ne pensais pas que ça existais. Il m’a lâché un « comme ça, tu pourras te venger » et j’ai éclaté de rire. J’avais déjà bu pas mal de champagne ; d’ailleurs, Mandy a du participer de manière conséquente à l’organisation, parce qu’on n’a certainement pas autant d’argent, nous autres habitants du HLM pourri. Quoiqu’il en soit, j’étais sacrément contente. Ensuite, on a mis de la musique, on a fait un peu les cons, j’ai pas mal bu (j’ai remarqué avec désespoir que l’alcool n’a pas d’effet sur les vampires, ou alors Ax a fait semblant d’en boire). On a également coupé des pommes en deux pour voir si la chance serait avec nous cette année. Seule Ax à aperçut une étoile dans la sienne, mais de toute façon c’est n’importe quoi comme croyance. On n’a quand même pas fondu du plomb par contre. Et puis au final, les deux amants sont partis tester la douche et j’ai dû coucher Mandy sur le canapé car elle ne tenait plus debout. On passe donc au deuxième cliché de la soirée : la fille et le gars (plus ou moins) seul dans l’appartement. Mon esprit s’était vautré dans un nuage cotonneux, chaud et confortable, nous nous sommes assis contre le canapé où dort Mandy, hors-jeu. L’air embaume encore la nourriture et les bougies parfumées, mes yeux se ferment tout seul.

                « Tu voudrais pas sortir avec moi ? »

Là, si on était dans un manga, je me retrouverais le nez contre le plancher et les jambes en l’air, accablée par une  demande aussi soudaine et aussi dénuée de tact. Je me relève difficilement.

                « De quoi ? »

Apparemment, le sens de sa question lui semble suffisamment clair pour qu’il ne prenne pas la peine de la répéter. Il se contente de me fixer, très sérieux, plus que je ne l’ai jamais vu être, les sourcils légèrement froncés. Il est diablement beau comme ça. Je suis maintenant complètement réveillée.

                « Attends, tu te rends compte de ce que tu dis ? 

                -Ben ouais. »

Je rêve. Il est con ou quoi ?

                « Non mais t’es sérieux là ? Tu veux sortir avec moi ? Avec moi ? »

J’insiste bien pour lui faire saisir le problème, mais il n’a pas l’air de percuter.

                « En quoi est-ce si aberrant ?

                -Je suis plus vieille que toi. »

Je lui ai balancé le premier argument stupide qui m’est venu à l’esprit, tellement ridicule qu’il fronce un peu les sourcils.

                « Tu n’espères pas me faire fuir avec ça quand même ?

                -Je suis chiante.

                -Pas tant que ça.

                -Je suis une garce.

                -Ça, c’est toi qui le dis.

                -Je n’ai jamais aimé personne. »

Et là, il comprend immédiatement le sens de ma réplique.

                « Sérieux ?

                -Attends, tu m’as bien regardé ? Je ressemble plus à un mec que toi, et je ne laisse personne m’approcher. Comment tu veux que… »

                Application fulgurante du cliché numéro un des méthodes « j’ai envie de te faire taire » : il m’embrasse de nouveau, pour la deuxième fois, assis trop près de moi contre le canapé minable où Mandy, la bave aux lèvres, marmonne dans son sommeil en serrant une poupée mal faite dans ses bras et je souhaiterais vraiment être ailleurs, ou alors, qu’elle ne soit pas là.

                « Alors ? »

Il sourit tellement que je vois ses dents blanches briller d’un éclat aveuglant et que ses yeux sont réduits à deux parenthèses qui interrogent mes sentiments. Je fixe ses lèvres tentantes, mordille légèrement les miennes.

                « Ouais… Si tu veux… »

Il sourit plus encore, visiblement ravi, et m’embrasse à nouveau. Je crois que je ne m’y ferai jamais.

                « Au fait, pourquoi tu passais pas Noël chez toi ? »

Changement de conversation : Go ! Il ne s’en offusque pas.

                « Mes parents sont musulmans. On ne fête pas Noël chez nous.

                -Pourquoi tu es venu alors ?

                -Bah… Pour te voir ! »

Je laisse aller ma tête contre le canapé en soupirant. Je peux apercevoir le bout du nez de Mandy qui sourit en dormant. Ils sont tous idiots, c’est pas croyable.

                « Pour me voir… »

Comment ai-je fait pour qu’on m’aime, moi ? 

 

O

 

                Cette histoire n’est somme toute pas très sanglante. Pour une histoire de vampire je veux dire. En excluant bien sûr les séances d’arrosage d’hémoglobine qui ont en général suivis les repas d’Axel, et dont j’ai d’ailleurs eu le plus grand mal à masquer les traces sur les murs et le sol, ça reste très soft, quand même. Pas de cadavres, pas de larmes, pas de grands drames en huis-clos. C’est un peu ridicule, non ?

                Le lendemain, c’était l’hécatombe dans mon appartement et non, pas dans le sens où Axel aurait pété un plomb et égorgé tout le monde. Juste qu’il y avait des restes de nourritures et des morceaux de papiers froissées un peu partout, que Mandy comatait toujours sur mon clic-clac, à côté de Tiphaine pas vraiment dans un meilleur état, et que Axel et Lukas regardait les dessins animés du matin avec une admiration parfaitement sincère. Hier, on s’est rapidement endormi à même le sol, Lukas et moi, rejoint presque immédiatement pas Tiph’ qui s’est vautré sur le canapé à côté de Mandy, et Ax qui s’est pelotonné contre moi. D’ailleurs, je ne sais pas lequel des résidents du logement a eu la présence d’esprit de fermer les stores pendant la soirée, mais en tout cas, ça nous a évité un tas de complications particulièrement gênantes, compte tenu des deux invités ignorant tout de la condition de mon premier réfugié. On a tous traîné un peu, en rangeant vaguement ce qui nous tombait sous la main, débraillé et mal réveillé. Finalement, j’ai mis les deux convives dehors sur les coups de 17 heures, au risque de devoir nourrir encore quatre idiots au lieu de deux. Lukas m’a embrassé suffisamment visiblement pour que Mandy, mon frère et Axel le remarquent. Je les ai poussés dehors avant toute remarque embarrassante, même si je lisais sur le visage de Mandy la promesse de m’arracher des détails croustillants. J’ai dû supporter le petit sourire narquois d’Axel et celui, plus doux, de Tiph’.

                « Je reconnais que c’était une bonne idée, Tiph’. Mais ne compte pas sur moi pour remettre ça au nouvel an. »

                Nous avons ri un peu, et cela a clôt l’épisode de Noël.

 

O

 

                « Stef’, je peux te parler d’un truc ? »

Je me détourne du roman que je suis en train de dévorer – l’échiquier du mal, de Dan Simon, il faudra que j’en parle à Ax, ça révolutionne carrément le concept associé au terme « vampire » - pour tomber sur le visage adorablement rougissant de mon jeune frère. 

                « Vas-y, je t’écoute » dis-je en me tournant face à lui, pour faciliter le dialogue.

                « Et ben… » Il jette un rapide coup d’œil à Axel, endormi sur le canapé redevenu lit, à cette heure tardive de la matinée, se triturant les doigts où brillent une bague que le vampire lui a offert. « Ax ne voulait pas que je t’en parle mais… enfin, je suis pas tranquille, alors je préfère te le dire. »

                Il m’inquiète un peu là. Si c’était une fille, je le soupçonnerais d’avoir un retard sur ses règles, mais là, je ne vois pas. Ses joues rougissent plus encore.

                « Bon, tu vas pas t’énerver hein ?

                -Je sais pas, ça dépend de ce que tu vas me sortir.

                -Non mais je veux pas que tu te mettes en colère, je te promets que c’était pas fait exprès…

                -Mais de QUOI bordel ?

                -En fait, il se pourrait que Ax m’ai… un tout petit peu mordu, l’autre jour. Enfin, une fois ou deux. Plusieurs fois en fait. »

                Il a bien sûr tout de suite remarqué les vapeurs d’onde négative qui ont commencé à nous asphyxier. Je l’ai vu paniquer, chercher un moyen rapide et efficace de sauver sa vie, en regardant dans tous les sens et en faisant de grands gestes avec ses bras.

                « Pitié, Stef’, laisse-moi t’expliquer, je te jure que c’est pas du tout ce que tu crois ! C’était pas pour le nourrir, je t’assure !

                -Je te donne trente secondes pour tenter d’épargner la vie de ton très prochainement ex-copain.

                -Le truc c’est que… Putain, Stef’, je peux pas te dire ça comme ça… C’était… enfin, tu vois, pendant qu’on… tu vois ? »

                Il me jette un regard désespéré. Je comprends brusquement de quoi il veut parler. Ma colère retombe d’un coup.

                « Attends… Explique-moi ça ?

                -Stef’, n’en rajoute pas, t’as très bien compris…

                -Non non non, je veux que tu m’expliques. »

Je vois très nettement ses joues s’échauffer au point de le faire fumer tandis qu’il me supplie du regard de ne pas l’obliger à le dire. Bien sûr que j’ai compris. Mais c’est sa punition. Il passe sa main sur son crâne tondu, cherchant un soutien inexistant dans les affaires diverses qui encombrent le sol de l’appartement.

                « Tu sais bien, tu vois… dans le feu de l’action quoi.

                -Mais encore ?

                -Mais merde, Stef’ ! Il m’a mordu pendant qu’on faisait l’amour, voilà ! »

Il l’a dit. J’éclate d’un  rire sonore, ce qui a pour conséquence de le faire bouder. Craquant.

                « T’es vraiment une garce…

                -Tu sais bien que je t’aime, Tiph’ !

                -Bah moi je suis pas sûr.

                -Aller, fait pas la tête, tu l’as cherché ! Tu as désinfecté au moins ? T’as fait un peu gaffe ?

                -Ouais, ouais, t’inquiète.

                -Bon… »

Je ne peux pas me retenir plus longtemps, et je me mets à rire de nouveau de bon cœur. Il se renfrogne.

                « C’est bon, arrête de te foutre de moi !

                -Excuse-moi mais… Tu es toujours si honnête. Quel besoin avais-tu de me le dire, franchement ?

                -Je ne te dirais plus rien si c’est comme ça.   

                -Arrête donc de faire ton gamin. Bon, je te pardonne, mais veille à ce que ça ne devienne pas habituel non plus, ou tu vas finir vidé de ton sang.

                -Comme toi ?

                -Je crois que vous couchez ensemble un peu plus souvent que je ne donne mon sang à Ax, Tiph’. »

Cette réplique a pour mérite de le faire taire, de lui faire piquer un nouveau fard, et de nous éviter un terrain glissant. Enfin, surtout pour moi. Je ne leur ai pas parlé de mon petit séjour à l’hôpital, et je ne tiens pas à ce qu’ils l’apprennent un jour. C’est à moi de gérer ça. Ax remue un peu dans son sommeil, attirant l’attention de Tiph’ qui me délaisse. Ça m’arrange, pour une fois.

 

 

 

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Auteurs Sadiques
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Mercredi 12 janvier 3 12 /01 /Jan 13:16

(Petit mot de la créa': Bien bien bien je vous remercie de vous être finalement exprimées. Je me suis aperçue qu'en fait vous n'êtes pas pleines de mauvaise volonté et de flemme comme on peut l'imaginer en voyant le manque de réactions face au travail Ô combien conséquent d'une jeune demoiselle talentueuse, mais qu'en réalité, vous avez juste besoin... De temps!

Oui, ça y est, la créa capricieuse vous a compris! Désormais nous vous laisserons le temps de lire -et de remercier/critiquer/papoter- avant de publier la suite. De ce fait, le rythme de publication est entièrement entre vos mains. Le prochain chapitre peut arriver dans trois jours si vous êtes suffisament motivées, ou bien dans trois semaines. C'est vous qui voyez.

Note aux auteurs:

(Aux lectrices aussi en fait...)

Vous écrivez ou avez écrit du Yaoi? Faites vous référencer! Un annuaire va être mis en place d'ici quelques jours/semaines et vous vous devez d'y figurer! Pour votre bien, celui de vos lectrices, et celui de vos futures lectrices!

Pour cela, envoyez un petit mail à l'adresse annuaireyaoi@hotmail.fr avec à l'intérieur un petit mot du genre "Coucou, moi c'est machin, envoyez moi votre questionnaire! Voici mon site/mon compte fanfiction/fictionpress!" Ce n'est pas un site de critique donc du moment que vous écrivez, vous serez publiées. Un questionnaire pas franchement compliqué vous sera envoyé, et une fois complété et ré-envoyé, vous serez dessus.

Il est d'après moi très important que vous le fassiez, ça aidera le yaoi à s'étennnnndreee...

Et si vous n'êtes pas auteur, par pitié, motivez les personnes que vous aimez lire et passez leur cette adresse mail ou envoyez leurs sites et/ou comptes à l'annuaire pour que le staff les contacte directement!

 

En attendant, très bonne lecture à vous, vous entrez dans le passage gros suspence de l'histoire. Ma partie préférée. Accrochez vous à vos claviers!)

 

 

Bien le bonjour à tous, pour mon premier post de l’année 2011. V’la le onzième !

 

Alors bon, les deux (ou trois) précédents vous ont moyennement emballé à ce que je vois. Ou alors c’est parce que vous étiez occupés à cuver votre vinasse en vous empiffrant de plats en sauce. C’est ce que j’ai fait, à part le truc du vin. Mais ne partez pas ! On laisse tomber les chapitres meugnon où il se passe rien ! Place au drame, le sang, les larmes, les morts, tous ce que j’aime quoi.

 

Commentez si vous avez lu siouplait. J’me sens seule ^^. Sinon, je vous souhaite que cette année ne soit pas trop pourrie, et que vous surviviez jusqu’à la suivante !

 

Bonne lecture !

               

 

  (Arrivera ce soir)

Image : The Last Stand, by ATAPLATA (DA)

 

 

                Bordel de merde.

                Je plaisantais, quand je disais que notre histoire n’était pas assez tragique à mon goût.

                Je le pensais pas, putain, je ne voulais pas que ça arrive…

                « Tiph’, sort de là, je t’en prie. »

Pas de réponse. Ça fait un moment qu’il ne dit plus rien. Des heures. Je n’ai pas rouvert les volets alors que j’aurais très bien pu, la lumière vacille, elle va bientôt s’éteindre, cette ampoule a tellement servi ces dernières semaines. Sa défaillance tombe à point nommé, comme un fait exprès.

                « Mais merde, pourquoi tu fais ça hein ? Pourquoi pour lui ? Tu le connais depuis à peine deux mois ! Je suis ta sœur putain ! Je ne compte pas ? »

                Je parle littéralement à une porte. La porte blanc crasseux de ma salle de bain. Seul le silence me répond.

                « Tiph’, s’il te plait…

                -Qu’est-ce qu’on a bien pu faire de mal ? »

La porte pivote doucement, manquant de me faire tomber à la renverse. Tiphaine a le visage barbouillé de larmes, les yeux gonflés, les joues rougies.

                « Est-ce que c’est… de ma faute ? »

Je le serre contre moi, pour le laisser pleurer. Je n’ai pas versé une larme, moi. Ce n’est pas l’envie qui manque. Mais je n’y arrive pas.

                « Dis pas n’importe quoi. On le savait depuis le début que ça finirait par arriver.

                -Moi je ne savais pas. »

Je ne réponds rien, ne trouvant rien à répondre, je le serre juste un peu plus fort tandis qu’il referme ses bras autour de ma taille.

                « On ne m’avait rien dit… »

Ses sanglots résonnent dans le silence.

               

                Le jour de l’an est arrivé plus vite que je ne l’aurais cru ; on avait décidé de rester tous les trois – à ma demande plutôt impérative – et de trinquer avec un petit verre de Becherovkaen en regardant l’émission minable qui marque le changement d’année.

                On s’est levé un peu avant minuit, pour se faire la bise, se faire l’accolade, peut-être se câliner un peu, l’air de rien. J’ai su d’un seul maigre coup d’œil que quelque chose n’allait pas du tout, quand j’ai croisé le regard soudainement et curieusement vide d’Axel. J’ai réagis avec une vitesse qui me surprend moi-même : j’ai attrapé Tiphaine par le bras, et je l’ai jeté sans ménagement dans la salle de bain, où je l’ai enfermé avec empressement. Il n’a pas cru un instant à une blague. Il s’est aussitôt mis à tambouriner conter la porte, hurlant, suppliant pour que je le laisse sortir, terrifié par ce qui pouvait bien se passer de l’autre côté de cette horrible porte. Et moi, je faisais face, incrédule, à Axel, ou aurait-on pu le croire. Parce que l’adolescent, droit comme un I et impassible, telle une statue de marbre, qui me faisait face dans cette pièce limitée, n’était pas Axel. C’était simplement… quelqu’un d’autre. Il avait le même visage, les même boucles devant les yeux, il portait toujours mes fringues trop grandes pour lui, et pourtant…

                « Ax ? »

Je n’ai pas pu m’empêcher de demander. Pour briser le silence entre nous, qui m’étreignait douloureusement le cœur et qui rendait les cris de mon petit frère plus présents, plus urgents aussi, alors que le présentateur grisonnant dispensait toujours ses répliques stupides en bruit de fond. Je serrais si fort dans ma paume la clé de la salle de bain que j’en ai gardé la trace pendant plusieurs heures.

                « Je vous remercie pour votre accueil. Nous vous dédommagerons largement pour le service que vous m’avez rendu. Adieu. »

                C’était un cauchemar. Vraiment. Axel qui se détournait, aussi simplement que si j’avais été un banc de pierre, ou un chien égaré, pour se diriger d’un pas mesuré, atrocement régulier, vers la porte de mon appartement. Le panneau de bois au-delà duquel Axel, le garçon que j’avais recueilli ici, aurait disparu. Où  il cesserait tout simplement d’exister.

                « Attends ! Tu vas pas partir comme ça putain ! Tu me dois un minimum d’éclaircissements, non ? »

Il n’a même pas daigné se retourner, tout juste à tourner légèrement sa tête dans ma direction. Son dos frêle me paraissait soudainement effrayant.

                « Pourquoi ? »

Pourquoi. La question à laquelle je n’avais pas de réponse. J’ai revu très brièvement mais avec une netteté surprenante – et effrayante – le jour où mon père a empoigné son sac de voyage bleu, celui qu’il prenait pour mettre nos vêtements lorsque l’on partait en vacances, et qu’il a juste franchi notre porte, n’estimant pas nous devoir un mot d’explication, d’excuse, d’adieu. J’ai cette image imprimée dans mon esprit, sa silhouette imprécise se découpant en contrejour dans l’encadrement de la porte d’entrée. J’avais l’impression de revivre la même scène, à ceci près qu’il faisait nuit, bien entendu. Je me trouvais confrontée au regard sans âme du vampire qui avait habité près de moi, confrontée à ma hantise de devoir y lire son indifférence, son ennui, son mépris. La peur et l’effroi ont naturellement cédé la place à la colère, tellement plus efficace, plus facile à gérer et surtout terriblement moins douloureuse.

                « Tu ne pars pas. Pas comme ça. »

Il a repris sa marche. J’ai essayé de le retenir. Je l’ai à peine effleuré : avec une rapidité qui n’avait rien de commun, il a pivoté sur lui-même pour m’envoyer m’écraser contre le mur du fond, celui où subsistait des traces de mon propre sang, celui que je lui avais donné. Je sentais ce même sang s’écouler du haut de mon crâne tandis que je le voyais, curieusement en biais, continuer d’avancer, franchir la porte, et disparaître.

                Finalement, le sang et les larmes, je les aie eus. De tous les scénarios que l’on avait élaboré, Axel et moi, puis que j’avais affabulé moi-même quand je cherchais vainement le sommeil en supportant ses cris, c’est l’un des pires qui a finalement pris place sous mes yeux. Le pire, c’était qu’il nous tue tous les deux. Quoique…

 

O

 

                « Tiphaine… Il va falloir qu’on fasse quelque chose. »

Parce que là, franchement, ce n’est plus tenable. Est-ce que ça fait partie de son influence ? Est-ce que nous subissons les effets secondaires d’un trop grand attachement à sa présence ? Comme on se sèvre d’une drogue trop addictive ? Toujours est-il que nous sommes abattus, et qu’il rirait sans doute avec joie, s’il nous voyait. Quatre jours d’absence m’ont convaincu que la situation ne pouvait pas durer. Tiphaine me fait trop de peine pour que je puisse encore le regarder dans les yeux, ses yeux rougis, creusés, soulignés de cernes marquées. D’autant que je me sens responsable – coupable – de ce qui nous arrive aujourd’hui. C’est de ma faute, c’est évident.

                « Comme quoi ? Axel est parti. Fin de l’histoire. »

Après être passé successivement par une phase de colère intense, de désespoir sans fond, d’indifférence factice, et de culpabilité infondée, Tiph’ a à présent glissé dans la résignation. « C’est comme ça, on y peut rien ». « C’était inéluctable ». « De toute façon, ça ne pouvait pas être autrement ». Si, justement, ça peut.

                Je ne me sens vraiment pas bien. Pas seulement par rapport à ma tristesse, et mon dégout, mais physiquement, dans tout mon corps. Je n’ai plus de force. Je me sens nauséeuse, au bord de l’évanouissement. Les symptômes du manque, ceux que j’ai vu chez de nombreuses connaissances de mon milieu social qui ont le plus souvent fini six pieds sous terre, une dose de trop dans les veines, et même chez Axel, quand il s’écoulait un peu plus de temps que d’ordinaire entre ses repas. J’ai peur de savoir de quoi je manque ; la lumière du jour me devient à chaque instant un peu plus difficile à supporter, je n’ai plus d’appétit… J’ai peur de savoir ce que cela peut signifier. Je me perds en élucubrations délirantes, en essayant de recroiser toutes les informations que j’ai pu apprendre au fil de mes lectures et des films que j’ai vu sur les vampires. J’ai peur. Je crève de trouille. Je n’ai rien dit à Tiph’ évidemment, je ne dirais rien à personne. Mais je suis terrorisée.

                « Je vais te gifler si tu continues comme ça. Peut-être que ça te secoueras un peu.

                -Mais pourquoi je devrais me bouger hein ? Dis-moi ?!

                -Ça ne te dérange pas que tout se termine ainsi ? »

Il ne dit rien. Je sais que j’ai touché juste. Tiphaine est tombé amoureux d’Axel, exactement de la même façon que des milliers de connards tombent amoureux chaque jour, et je n’ai rien fait pour le protéger. Le fait est que j’ai hélas l’impression de m’être fait avoir en beauté par mes propres sentiments : Lukas n’a plus donné signe de vie depuis que l’on s’est quittés, quelques heures avant le jour de l’an et la disparition d’Axel, et je ne suis pas sortie depuis.

                « Et qu’est-ce que tu proposes alors ? On ne savait rien de lui, et je ne vois pas par quoi on pourrait commencer.

                -Moi je sais. »

Cela seul suffit à le sortir quelque peu de sa mélancolie contemplative. Je savais qu’il n’avait pas vraiment abandonné, au fond.

                « Et ?

                -Et il faut déjà qu’on se décide à mettre un pied en dehors de cet appartement. »

J’essaie de le motiver un peu, parce que je suppose que ce n’est pas gagné. L’espoir est peut-être un moteur formidable, il n’en reste pas moins fragile et laborieux à entretenir.

                Je n’ai qu’une seule piste, maigre et présentant le risque de ne mener à rien. Le souvenir d’une scène sur le pallier, la réaction d’Axel, sa perplexité, ce qu’il n’a pas voulu me dire à ce moment-là, sur le garçon qu’il croisait pour la première fois.

                Lukas.

O

 

               

                « Tiens, Stef’, bonjour ! Comment vas-tu ?

                -Bien. Désolé Samuel, je suis pressé. Est-ce que Lukas est là ?

                -Non, il est au garage. Il y a un problème ?

                -Non, ne t’inquiète pas. »

Je prends congé, quittant le hall d’entrée faiblement éclairer et le pallier de porte de l’appartement du concierge. J’ai l’impression de l’avoir répété des centaines de fois, de n’avoir dit que ça. Ne t’inquiète pas. Aux jumeaux quand maman allait à l’hôpital : ne vous inquiétez pas. À Mandy, sans cesse à s’en faire pour moi : t’inquiète pas. À mon frère, en lui disant que la douleur allait passer. À tous ceux qui se sont préoccupés de mon sort. Ne vous inquiétez pas.

                Je n’ai fait que mentir, en somme.

                Les rues ont retrouvé leur calme même si elles sont toujours encombrées par des amas de neige boueuse. Le garage n’est qu’à quelques rues de notre immeuble, et pourtant je peine à mettre un pied devant l’autre. Je suis en sueur, essoufflée et exténuée quand j’arrive finalement là où travaille Lukas, alors qu’il fait un froid polaire. J’ai demandé à Tiph’ de m’attendre à l’appartement, parce que j’ai peur de la réaction qu’il pourrait avoir, de ce que nous risquons d’apprendre. Le fils du propriétaire écarquille les yeux de stupeur en me voyant approcher. Il enlève rapidement ses gants de mécanicien plein d’huile et se précipite à ma rencontre.

                « Stef’ ! Qu’est-ce qui t’arrive ? »

Il me réceptionne au moment où je me sens défaillir. L’odeur de l’essence me monte au nez, écœurante.

                « Il faut…qu’on parle. Maintenant. »

Il me faut quelques minutes pour que mes vertiges cessent, en buvant un verre d’eau glacé dans le bureau-salle de pause du garage, mais j’ai l’horrible impression d’avoir besoin d’autre chose. Autre chose de vital. L’horloge murale égrène les secondes, bruyantes dans le mutisme qui nous éloigne l’un de l’autre.

                « Qu’est-ce qu’il y a ? »

Il me tire de mes sombres réflexions. Je voudrais lui dire de ne pas s’inquiéter pour effacer de son visage cette expression affolée, mais je ne m’en sens pas le courage. Après tout, il y a bien lieu de s’alarmer sur mon état.

                « Axel a disparu, mais je suppose que tu étais déjà au courant. »

Il ne dit rien, ce que je prends comme une invitation à continuer. Il se tient debout face dans un coin de la salle et moi je me sens en position de faiblesse, assise sur un siège en plastique. Je n’avais jamais remarqué à quel point il était plus grand que moi, plus large, plus imposant, à quel point il me dominait physiquement. Je m’en rends surement compte maintenant parce que ma confiance en lui s’est effritée. Je m’en méfie.

                « Tu connaissais Axel avant qu’il n’arrive chez moi ou, en tout cas, il t’avais déjà vu… »

Silence. Lèvres pincées, regard fuyant, bras croisés, sur la défensive.

                « Je veux que tu me dises où il est. Et tant qu’à faire, sur combien de choses exactement tu m’as menti. Et qui tu es au juste. »

L’inquiétude a laissé place à la stupéfaction, puis à la résignation. Il semble rendre les armes.

                « Très bien. Va chez moi et attends-moi là-bas. Tu n’auras qu’à dire à mon père que je rentre bientôt.

                -Tu as intérêt. »

Je suis partie, en faisant un effort immense pour ne pas tituber, et pour ne pas me retourner pour rencontrer ses yeux noirs et insondables que je devinais peser sur moi.

 

O

 

                « Je suis semblable à ce que tu es en train de devenir, même si c’est à un stade beaucoup moins avancé chez moi. Et je suis à leur service. »

C’était évident. C’est comme ça qu’il commence, maintenant que nous sommes installés dans sa chambre au mur envahie de photos de Prague en noir et blanc. J’aime bien cette chambre, d’ordinaire. Aujourd’hui j’ai envie d’y mettre le feu. Je le dévisage avec insistance, attendant la suite.

                « Qu’est-ce que tu veux dire ?

                -Il t’a mordu. À plusieurs reprises. Le poison contenu dans le corps des vampires est inoffensif à faible dose pour les humains, mais à la longue, tu…

                -Tu deviens comme eux.

                -Le processus a déjà commencé. Johan n’est pas n’importe qui.

                -Alors c’est bien comme ça qu’il s’appelle… »

Maintenant que je le sais, je trouve que finalement, Axel lui convenait mieux.

                « En fait, c’est un diminutif, son nom c’est…

                « Peu importe. Et pour toi alors ?

                -Ah, moi, c’est différent. Je n’ai été mordu qu’une seule fois. »

Il relève brièvement son t-shirt, et subsiste sur son flanc la trace d’une mâchoire de bonne taille. Je reste quelques secondes interdite. Je me suis fait avoir sur toute la ligne. Il continue, indifférent à mon mal-être. 

                « Une sorte d’accident malheureux. Je ne deviendrai jamais un des leurs, à moins de me faire croquer à nouveau. Mais je suis enchaîné à leur famille. C’était ça ou l’amnésie totale.

                -Et tu as choisi de faire le larbin. C’est vrai, c’est tellement plus agréable…

                -Ne juge pas sans savoir. On ne renonce pas si facilement à ses souvenirs.

                -Ce n’est pas ce qu’il lui est arrivé,  à lui ?

                -Pas exactement. Ce n’était que temporaire. C’était un châtiment. »

Le fameux « châtiment », celui qui en était à la moitié quand je me suis fait agressée, celui qui a amené Axel sur la pas de ma porte.

                « Alors dis-moi. Où est-ce que je peux le trouver ? »

 

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Lawful Drug
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Jeudi 20 janvier 4 20 /01 /Jan 16:22

Hey les gens !

 

J’avais envie de dire un truc sur le chiffre douze. Pourtant c’est pas un chiffre particulier et je l’aime pas spécialement, mais je sais pas, douze quoi. Hm, bref.

Quand j’ai posé la question j’ai eu quelques réponses positives ou pas de réponse du tout alors j’ai pris ça pour un oui : voilà en exclut la p’tite bande tel que je l’ai ai imaginé et tel que mon coup de crayon peu sûr de lui les a représenté. J’ai enfin réussi à faire marcher cette c*nnerie d’imprimante. La qualité est moindre, et j’ai essayé comme j’ai pu d’effacer le dessin qu’on voyait en transparence au dos avec la gomme de Paint, c’est pour ça les taches blanches un peu partout…

Euh, pour ce qui est des commentaires bah… n’hésitez pas hein.

Chapitre pas très gai (toute façon c’est fini tout ça, la légèreté on laisse tomber j’ai dit)

 

Bonne lecture !

 

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Tous les enfants de ma mère sont nés à Prague. Mon grand frère y a même passé une bonne partie de son enfance. Pour ma part, avant ma fugue, je l’ai assez peu connu. Nous avons quitté la République Tchèque un an après ma naissance, et nous n’y sommes retournés que pour que les jumeaux y voient le jour – ma mère y tenait. C’est donc assez naturellement que je me suis tournée vers cette ville lors de ma fuite, d’autant qu’elle me charmait comme nulle autre. Nous habitions Berlin, avant cela. C’est dans la capitale allemande que j’ai grandi pendant quinze ans, c’est là-bas que se trouvent tous les souvenirs de notre vie d’avant, quand le mot « famille » avait encore un sens. Et c’est là-bas, comme par hasard, que je dois aller si je veux revoir mon ancien colocataire.

                Ça y est, on a finalement viré dans le dramatique. J’aurais dit pathétique moi, mais bon, je ne suis pas objective aussi. Cette histoire va probablement finir assez mal, surtout pour moi, dont le corps recommence à réclamer une nourriture que je répugne à lui donner. Je n’ai jamais pu faire boire de sang animal à Axel. Nous avons bien essayé, une fois, avec un chat de gouttière. Il a failli vomir sur mes chaussures, nous en avons donc conclut que le sang animal était largement proscrit. Vais-je devoir tuer pour survivre ? Encore ? J’ai déjà du mal à supporter mon reflet dans la vitre doublé du train. Je suis un monstre.

                Le train ralentit. Je joue des coudes pour me frayer un chemin vers l’extérieur, entreprise grandement facilité par le fait que je n’ai pas le moindre bagage – même pas un sac à main mais en même temps, est-ce qu’on m’a déjà vu avec un sac à main ? Je suis devenue plus humaine à cause de ce con de vamp’, pas plus féminine. Y’a des limites quand même.

                Berlin.

                À peine sortie de la gare centrale, je suis assaillie d’un flot d’émotion intarissable, conséquences des réminiscences incontrôlées qui m’envahissent à la vue de tous ces lieux qui portent une formidable signification. Je ne peux résister à l’envie de parcourir à pieds ces rues qui me sont tantôt familières, tantôt inconnues, mais qui ne peuvent résolument pas me laisser indifférente. J’écoute avec un plaisir diffus cette autre langue que je parle parfaitement mais que je n’ai pas pratiquée depuis des années. Je m’interdis toutefois d’approcher le quartier résidentiel où nous habitions. Inutile de raviver de trop désagréables souvenirs.

                Après un pèlerinage de quelques heures qui m’a fait passer par l’école, le collège, le centre commercial, le parc, et tous ces lieux où j’avais à une époque l’habitude d’aller, je me décide finalement à me mettre en quête de ce que je suis venue chercher : « un manoir dans une forêt », lieu de résidence de la famille, du clan d’après ce que j’ai compris, d’Axel.

                Je me rends compte de tout ce que j’ai perdu, au fur et à mesure des années, et ce que je risque de perdre très bientôt. Cette vie seul puis à deux et à trois, cet appartement que j’ai même réussit à aimer quelques temps, mon boulot, mes cours, cette routine qui ne me rendait ni heureuse ni malheureuse, comme si j’en avais seulement été la spectatrice. Tout cela a disparu. Tss, voilà que je philosophe, maintenant. Comme si c’était le moment…

                Ayant déjà dépensé une somme non négligeable dans mes billets de train, je préfère éviter de prendre le taxi, ou même le car, pour me rendre dans la ceinture extérieure de la banlieue berlinoise, dans ce minuscule bois, qui n’a pas de nom à ma connaissance, où je suis sensée trouver l’objet de mes recherches. Puisque je suis dans la ville de mon enfance, autant en profiter. Les anciens amis n’en reviendront pas quand ils me verront devant leur porte.

 

O

 

                « Tu es sure que tu veux aller là-bas ?

                -Ouais. C’est pour ça que je suis venue.

                -On raconte vraiment des trucs bizarres sur cet endroit tu sais, et sur ceux qui y habitent.

                -Merci Arman. Je vais me débrouiller. »

C’est assez extraordinaire qu’après cinq ans d’absence, j’ai pu trouver avec autant de facilité mon meilleur ami de collège et le convaincre tout aussi facilement de m’emmener hors de la ville aussi tard dans la soirée. Je ne m’étais pas doutée que lui et sa sœur seraient aussi contents de me voir. Ils vivent toujours chez leur père, et Arman poursuit ses études de droit dans le centre-ville. Je ne pensais pas non plus que ça me remuerait autant de le retrouver. Il était un de mes seuls amis au collège, et sans doute le seul qui m’a manqué quand je suis partie. Il arrête le moteur de sa Volkswagen et me regarde, insistant. A une époque il me faisait même rougir, avec ses yeux chocolats et son attitude toujours protectrice même quand je nous mettais dans la merde et qu’il se faisait entrainer dans les bagarres de quartiers avec moi.

                « Je t’attends.

                -Ce n’est pas la peine enfin, rentre chez toi.

                -Tu rêves. Je ne veux pas te voir re-disparaitre comme la dernière fois, pas avant que tu ne m’as raconté en détails ces cinq années d’exil. Je reste. »

                Je ne me sens pas le courage d’insister, même si je pense qu’il est inutile de m’attendre. Et aussi, j’ai un peu peur de ce qui pourrait lui arriver si d’aventure il décidait de venir me chercher. Mais comment le lui expliquer ? J’ai du mal à me l’avouer, mais son sort m’importe moins qu’il ne le devrait. Après tout, c’est un humain… Et merde.

 Devant  moi se déroule un large chemin de terre battue, bordé d’arbres touffus, menant  jusqu’à la demeure que j’aperçois à une bonne centaine de mètres, derrière un haut portail ouvragé. Il fait froid, le vent me fouette le visage, s’infiltre dans mon manteau ouvert. Je préfère cela. Je préfère le sentir, pour éviter de sombrer, de perdre tout à fait conscience.

                « Alors à toute à l’heure… » lui dis-je sans conviction.

                Je ne le reverrais jamais.

 

O

 

                Le manoir est exactement tel que l’idée que je m’en faisais. En fait, il est à peu de chose près comme toutes les idées de manoir que l’on peut se faire si on nous dit que des vampires y habitent. Une bâtisse ancienne, majestueuse, trois rangées de hautes fenêtres pour le corps principal, une imposante porte en bois, de larges balcons ouvragés sur les ailes de chaque côté… Le manoir des vampires quoi. Pas vraiment glauque ni sinistre, mais pas non plus rassurant. Froid est le mot qui lui convient, je suppose.

                Le portail, lui aussi, est immense. Le genre impossible à escalader, et de toute façon, ça ne me viendrait même pas à l’esprit. Le plus sûr pour moi est malheureusement de m’annoncer. Je serais bientôt une des leurs. Peut-être me laisseront-ils entrer. Le ciel est si sombre, d’un noir d’encre, sans la moindre étoile, à peine éclairci par les lumières de la ville, trop éloignée. J’ai peur. Ce constat seul me surprend. Moi qui me croyais imperméable à tout ce qui pouvait m’arriver, moi qui pensait pouvoir tout supporter… de l’orgueil, et rien d’autre.

                Le portail qui pivote de lui-même sans que j’aie encore décidé de la conduite à tenir, c’est au-delà de mes espérances. J’hésite un peu à franchir le passage qui s’est ouvert devant moi. J’ai peur de ne plus jamais en revenir. J’ai de plus en plus de difficulté à me mouvoir. C’est normal, selon Lukas – je le retiens celui-là.

« Les vampires mis au monde alors qu’ils sont encore vivant sont plus puissant et plus stable que ceux qu’ils transforment en une seule fois quand ils sont morts ou sur le point de mourir, parce que le poison a le temps de s’imprégner plutôt que de ravager en une seule fois le corps du nouveau-né. Bien sûr, les vampires de ce type sont rares, parce qu’ils trouvent rarement un humain disposé à se soumettre à ce processus, qui de plus est très douloureux par rapport à la méthode « traditionnelle ». En plus, on ne survit pas forcément. Tes dernières heures en tant que mortelle seront sans doute pire que la mort ». Ça m’a profondément blessée, quelque part dans mon être, qu’il expose cet état de fait avec aussi peu d’émotion. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander :

                « Ça ne te fait ni chaud ni froid que je meurs au final, n’est-ce pas ? »

Il m’a regardé avec un étrange mélange de tristesse et de colère que je n’ai pas pu déchiffrer, mais il n’a rien répondu. Et puis je suis rentrée et là… Bref. Je ne l’ai plus revu.

                Quand je repense à ce qui s’est passé alors, à ce que j’ai fait… Je suppose que quand ma transformation sera achevée – ce qui ne devrait plus tarder, maintenant – ces remords et ce dégout pour le meurtre d’êtres humains ne me semblera plus aussi important, et la nature de ma condition ne me paraitra plus aussi barbare et ignoble. En attendant, je dois me retenir pour ne pas rendre tripes et boyaux en me remémorant mon carnage.

                « Tu ne seras véritablement un des leurs que lorsque tu auras bu du sang humain pour la première fois. Tu auras environ 24 heures à vivre en tant que mortel à partir de là, m’a dit Lukas sur le pas de sa porte.

                -Donc si je ne bois pas de sang, je resterais telle que je suis ? »

Je ne pourrais pas décrire la tête qu’il a faite à cet instant. Il semblait sincèrement désolé pour moi.

                « Théoriquement, sans doute.

                -Mais ?

                -Mais tu ne résisteras jamais à ta soif. Ça finira fatalement par arriver, que tu le veuilles ou non. »

                Il a cru utile d’ajouter un « Je suis désolé », et peut-être était-il sincère. Je lui ai demandé s’il m’aimait, ou s’il m’avait aimé, ou si notre brève relation était purement intéressée. Encore une fois il n’a rien dit. Je ne le saurai jamais. Est-ce que je l’ai aimé, moi ? Je n’en sais rien non plus. Sans doute un peu. Sans doute que j’aurais pu l’aimer aussi sincèrement et profondément que faire se peut. Si j’avais eu du temps. Toujours est-il que je n’en ai plus beaucoup maintenant, du temps. Il est certain que je ne passerai pas la nuit. J’espère juste avoir en avoir assez pour faire ce que j’ai à faire avant.

                Les portes s’ouvrent, comme la grille de l’entrée, sans qu’une âme vivante ne se montre. Je pénètre Je débarque dans la pénombre d’un vaste hall d’entrée carrelé en damier noir et blanc, très chic, un peu désuet, et désespérément désert… pour quelques secondes encore. Et puis, brusquement, tout s’éclaire, deux ou trois hommes se jettent sur moi et m’immobilisent. En un clin d’œil, mes mains sont menottées dans mon dos, un canon de ce que je devine être un pistolet de bonne taille appuie contre ma nuque, et un homme très grand s’avance vers moi, habillé élégamment, l’air assuré de celui qui maîtrise la situation. Il la maîtrise effectivement parfaitement. Il me dévisage avec intérêt comme on jauge une marchandise attrayante de ses petits yeux étroits où brille une lueur malsaine qui me fait frissonner. Il fait aussi froid à l’intérieur que dehors.

                « Une nouvelle venue dans nos rangs à ce que je vois. »

Sa voix m’insupporte. Elle vrille mes tympans et résonne dans mon crâne déjà malmené par une migraine épouvantable depuis plusieurs heures.

                « Je ne suis pas venue demander l’asile. Je veux voir quelqu’un. »

Il semble modérément surpris, en partie parce que son visage ne reflète que modérément ses émotions et ses pensées.

                « Tiens donc. Et qui ?

                -Celui que vous nommez Johann. Je dois lui parler. »

Il me regarde encore, perplexe, avant d’avoir une illumination subite.

                « Ah ! Je sais. Tu es la cinglée qui a l’a récupéré au début de sa punition ! Tu es déjà ici, c’est très bien. Ils attendaient ta venue. »

                Cela par contre me stupéfait. Pourquoi avait-on parié sur ma venue, comme si j’allais tout naturellement me destiner à cet endroit, à cette vie ? Et puis… la cinglée ? Connard va.

                « Eh bien allons-y ! Tout le monde est réuni à l’étage. Tu arrives à point nommé. »

Je ne sais pas si c’est spécialement une bonne nouvelle.

                Le rez-de-chaussée semble inutilisé, au moins pour l’aile principale. Nous montons toujours dans l’obscurité un escalier menant aux étages supérieurs. D’après ce que j’entends, ils doivent être quatre à nous suivre – à me surveiller. Devant nous, l’homme qui est le seul à avoir ouvert la bouche converse avec enthousiasme avec un autre, plus petit et plus âgé, d’après ce que je peux en juger, tout en me jetant des coups d’œil fréquent. Je capte parfois certains mots, sans parvenir à en saisir le sens. Mon corps me fait souffrir. La douleur augmente graduellement, en même temps que je sens ma force et mes sens se développer – la supériorité physique des vampires ne semble pas être une légende. Je me demande s’ils s’évanouissent en poussière quand on les plante avec un piquet de clôture. Ça m’arrangerait bien, pour la suite de mon plan, si tant est que je parvienne à faire ce que j’ai prévu. Je le dois bien à Tiphaine, après ce que je lui ai fait.

                Nous entrons dans une pièce fortement éclairée et remplie de gens, en contraste avec le couloir, vide et noir. Une vaste  salle, de réception je suppose, vu le buffet, l’orchestre discret dans la fond, et la foule d’inconnus en tenues de soirée qui y devisent joyeusement. Les conversations cessent et tous les regards se tournent vers moi, tandis que l’homme qui m’a guidé va glisser quelques mots à un couple de quadragénaire dans un coin de la pièce. Ils me coulent un regard intéressé. L’homme aborde une coupe grisonnante quoiqu’entretenu, le costume qui semble être de mise, et un sourire sans chaleur, tenant par le bras sa compagne, dont les cheveux flamboyants ondulent dans son dos comme une cascade de flammes. Ses yeux acérés me fixent, amusés. Je me sens terriblement mal.          

                Ils ne sont pas tous beaux à s’en damner, mais ils ont tous une certaine forme de charme à leur façon. On pourrait raisonnablement affirmer qu’il y en a pour tous les goûts. Pas seulement physiquement, mais dans l’ensemble, dans ce qu’ils dégagent chacun à leur manière. Fascinant en somme. Je reconnais furtivement « l’homme au manteau noir et aux cheveux dans la gueule », les yeux brulants de haine.

                Et puis je l’aperçois. Magnifique et tellement identifiable dans cette pièce glaciale et maintenant silencieuse. Plus beau et plus fermé que dans mon souvenir qui ne date pas de si longtemps pourtant. Il n’affiche pas la moindre réaction en m’apercevant – m’a-t-il seulement reconnue ? Sans doute, mais après tout, je n’ai pas de valeur à ses yeux. Je ne suis rien, rien de plus qu’une cruche suffisamment stupide pour l’avoir laisser me détruire. Mais quelle idiote, franchement. Pour moi ce qu’il a fait est la plus abjecte des trahisons, mais pour lui ce n’est sans doute qu’une peccadille, un incident qu’il a rangé avec tant d’autre dans le tiroir des évènements insignifiants.

                « Johannesburg, regarde qui voilà. »

L’homme aux cheveux gris a une voix encore plus grinçante que son sous-fifre. Je grimace, pas seulement de douleur, de peur et de frustration, mais également de moquerie et non, je ne peux pas m’en empêcher, même dans cette situation qui franchement ne s’y prête pas mais alors pas du tout.

                Johannesburg, est-ce un nom, franchement ?

 

 

A suivre....

 

Sincèrement j'adore {Aby} ce chapitre, et encore plus le suivant. Pensez à me dire que j'ai raison avant que je fasse une crise monstrueuse pour le savoir ^^

 

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Auteurs Sadiques
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