Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz

Dimanche 21 novembre 7 21 /11 /Nov 21:55

La créa se permet de s'inscruster quelques lignes:

Les filles, je suis pas contente, et pas fière de vous!

Limite si je ne me sens pas comme une personne qui invite une nouvelle connaissance à rencontrer son cercle d'amis et que ces derniers se conduisent comme les derniers des bledars paumés en haut de leur montagne à trimballer leurs moutons sous le bras en riant grassement.

Je viens de m'apercevoir qu'il n'y a eu qu'une personne qui a daigné commenter sur le dernier chapitre. Si c'était moi qui publiais, j'arrêterai tout de suite le temps qu'on me donne ce qu'on me doit pour mon travail.

Toutefois, Inrain étant sympa, peut-être trop, le chapitre est tout de même publié.

 Je peux comprendre qu'une histoire sans yaoi au premier plan puisse rebuter, mais d'une: "Faut être aware les meufs", et de deux: en tant que créa je peux voir le trafic sur les pages et catégories du blog.

Donc je peux voir que le trafic sur cette histoire n'a pas faibli au fur et à mesure de l'avancée. Donc je peux aussi en déduire {elle peut faire plein de choses Aby, comme elle est forte!) que ce n'est pas parce que vous avez fui, mais bel et bien parce que vous avez la flemme.

Donc je vais simplement donner mon avis, en espérant que vos petites consciences se mettent en marche: Cette histoire, cette auteur méritent toutes deux votre attention. C'est pas tous les jours qu'une héroïne n'a pas l'air d'une abrutie. Si vous n'êtes pas convaincues par l'originalité de la chose, lisez ce chapitre, je crois que ça s'affirme bien comme il faut ici, et c'est une très agréable surprise.

Tout auteur mérite des encouragements, mais encore plus celles qui ont le courage de se lancer sur un défi, sur un blog qui regroupe des lectrices habituées au style du propriétaire. Parce que merde! C'est impressionnant!

La moindre des choses serait de la rassurer, de l'encourager et si certaines choses ne vous plaisent pas, lui conseiller pour la suite!

J'espère que cette intro à la cravache ne vous aura pas fait fuir et vous fera au contraire réagir! Mettez vous à sa place!

{Assommez moi au prochain point d'exclamation... -___-)

 

 

 

Yo !

 

Et oui, c’est encore moi. Je suis envahissante ^^. Chapitre 4 donc.

Alors puisqu’on en parle (dans le chapitre) je vais revenir vite fait sur pourquoi Prague et par ailleurs. Alors déjà c’était pour changer un peu de décor. Et après, cette ville en particulier, à cause de l’image qui suit. Je fais une fixation obsessionnelle sur le temps (j’ai 5 réveils et deux horloges dans ma chambre) alors pour moi cette horloge astronomique c’est… wow. Une merveille. Un des trucs que je veux absolument voir avant de mourir. Aucune idée de commun elle marche, mais bon. Et donc c’est pour ça que la ville de Prague m’attire tout particulièrement.

 

Et sinon, si certaines d’entre vous me lise et apprécie un minimum, laissez une petite trace de votre passage s’il vous plait, ça coute pas grand-chose.

 

Voilà !

 

Bonne lecture.

 

 

d1fd811925ee5becfaf113cc7ad1446a.jpg

 

Chapitre 4

 

                « Alors ? C’est qui ? Un fugueur ? Un échappé de l’asile ? Un rescapé de camps d’entraînement militaire top secret ? Un extraterrestre ? Un…

                -Mandy. Ta gueule. »

Cette réplique a des effets variables sur la jeune femme. Disons que ça dépend des jours. Parfois elle se tait aussitôt, parfois elle continue à piaffer comme si de rien n’était, et parfois elle boude. Aujourd’hui, le ciel est couvert, le vent mordant, et elle a décidé de bouder. Elle prend une moue d’enfant mécontente, faisant en sorte de cacher son visage derrière ses cheveux blonds, croise les bras sur sa poitrine généreuse, presque trop pour sa petite taille, et elle se met à geindre.

                « Mais allez, dis-moi.

                -Il s’est barré de chez lui, c’est tout. Il va rester chez moi, alors ne monte pas sur tes grands chevaux. »

Je suis irritée, par le froid, par mon écharpe qui me gratte le cou, ma moto qui pèse lourd contre ma hanche, je pourrais presque la supplier, me mettre à genoux pour qu’elle me laisse en paix. Presque.

                « Et pourquoi il était attaché au mur ?

                -Mais qu’est-ce que j’en sais moi ? Tu m’emmerdes avec tes questions. Lâche-moi. »

A mon grand regret, nos logements sont situés de telle sorte que je dois inévitablement passer la chercher en moto chaque matin. Enfin, c’est toujours mieux que lorsqu’on prenait le même bus. Au moins, sur ma vieille 125 rafistolée, on ne peut pas discuter. Par contre, elle me retient toujours devant l’entrée de son côté de la fac, pour me raconter ses histoires sans intérêt, avant de me laisser rejoindre mes propres bâtiments. Et elle piaille, elle piaille encore et encore, et je fini fatalement par l’envoyer promener.

                « Bon, j’y vais.

                -On se rejoint pour manger !

                -Ouais… »

Je me détourne aussitôt, remontant mon vieux sac en cuir sur mon épaule et traine avec peine mon tas de ferraille grinçant. Je pourrais me poser un peu plus de question, tout de même, sur le type que j’ai laissé sans rechigner s’installer dans la même pièce que moi. Mais je n’ai pas envie, va savoir pourquoi… Je fais un mouvement de tête nerveux pour dégager mes yeux de mes cheveux en désordre en soufflant, exaspéré.

Les emplois du temps à l’université sont généralement criblés de temps morts, de trous grands comme des séances de cinéma, d’horaires improbables et encombrantes. Et pourtant, le sort s’acharnant sur moi, il n’y pas un seul midi de la semaine où l’on ne peut pas manger ensemble, Mandy et moi, à part le mardi où je n’ai pas cours avant 13 heures. Alors je me farcis ses monologue tous les midis. Oh désespoir.

                Je ne lui ai pas dit qu’il ne se souvenait de rien, parce que ça aurait encore entraîné des dizaines de questions et d’interrogatoires interminables, et de « j’ai vu une fois à la télé… » et « je connais un type qui… ». Je suis sûre qu’elle me conseillerait de l’emmener chez un hypnotiseur ou un truc comme ça. Elle est très branchée spiritisme et ce genre de conneries. Enfin bref, j’ai préféré ne rien lui dire, et lui faire croire qu’Axel était son vrai nom, qu’il avait 15 ans (c’est l’âge qu’on lui a donné après délibération, en même temps que le prénom) et que le reste, j’en avais rien à foutre. Ça a eu l’air de lui convenir puisqu’elle m’a laissé partir. Je lui ai mentit tellement souvent, je ne suis plus à ça près. Et puis c’est vrai que je m’en balance.

                Du reste, Axel m’inquiète un peu. Il ne dort pas beaucoup, en tout cas pas la nuit, et surtout, il ne mange rien. Rien du tout. Peut-être qu’il grignote un peu la journée, mais en tout cas rien d’assez significatif pour que je le remarque en inspectant ma cuisine. Quand je lui demande il me répond « Je n’ai pas faim ». Je n’ai pas faim, sans cesse. Pourtant, il est tout mou, faiblard, encore plus que quand je l’ai récupéré, voilà près d’une semaine maintenant. C’est un type étrange. Il réagit comme un gosse devant les trucs les plus banales qui soient : quand j’ai allumé ma minuscule télévision l’autre jour, on aurait dit que j’avais inventé le concept sous ses yeux. Par contre, il fait preuve d’une maturité fulgurante de temps en temps. Hier, alors que je dînais en silence, perdu dans mes pensées, il m’a regardé fixement et m’a sorti :

                « Au final, rien ne remplace la famille, hein ? »

J’ai failli m’étouffer avec mon verre d’eau et lui en retourner une.

                « Nouvelle règle, coco : on ne parle JAMAIS famille. C’est clair ? »

Il n’a pas insisté, mais il est clair qu’il n’en pensait pas moins. Néanmoins, il n’a plus fait aucun commentaire, et le repas s’est achevé sans une parole de plus. J’avoue que je ne sais pas quoi penser de ce gamin. Un instant il est encore plus puéril que Mandy, et l’instant d’après il semble plus sage que mes profs. C’est assez déroutant je dois dire. Gonflant surtout. Je ne suis pas sûre de le supporter éternellement, celui-là.

                « Et donc, en étudiant indépendamment les deux réactions, on peut conclure que… »

Je fixe le ciel, encombré de nuages d’un blanc aveuglant, par la fenêtre de la grande salle de cours en tournant distraitement mon stylo bic entre mes doigts. Mon esprit est loin, tellement loin de cette classe et de tous ces gens, de ce professeur vieux de plusieurs siècles qui nous parlent de chimie organique comme si c’était la plus belle chose que l’homme n’ai jamais créé… Je jette un coup d’œil sur les notes éparses que j’ai pris sans y penser, soupire en constatant qu’une fois de plus je n’ai rien suivi.

                « Si on suppose que l’ordre global est de un par rapport à… »

                J’ai choisi la fac de science comme j’aurais pu choisir n’importe quelle autre fac, à part histoire bien sûr, parce que là-bas, il y a Mandy. Je n’ai pas d’ambition, pas d’envie particulière, aucune passion. Il n’y a aucun domaine que je préfère à un autre, ils reçoivent tous une part égale de mon indifférence – et de mon ignorance. Ainsi, les cours ne me m’intéressent pas plus que ça, et j’y assiste plus par dépit qu’autre chose. Pour ça, je ne peux qu’envier – et respecter – Mandy : elle étudie et elle bosse pour ce qui la passionne, pour faire le métier qu’elle veut réellement faire, pour avoir un but, et l’atteindre. Moi je n’ai pas de but. Pas de projet, pas de rêve. Encore une fois, le fait d’avoir abandonné ma maison et ma famille pèse sur ma conscience, aussi lourde qu’une chape de plomb. Je ne me sens pas capable de décider de mon avenir. Finalement, après tout ce temps, je n’ai toujours pas tourné la page, je n’ai toujours pas avancé depuis ce jour où j’ai claqué la porte du domaine familiale en hurlant que je n’y remettrais plus jamais les pieds. Sans doute parce que je sais au fond de moi que c’était une erreur monumentale. Je me punis encore, en gâchant ma vie.

                Ainsi les cours défilent sans me toucher. Ma participation, mon assiduité sont mécaniques ; j’écris ce que j’entends sans chercher à comprendre,  je fais ce qu’on me dit sans me demander pourquoi. Les autres élèves de ma promotion ont abandonné l’idée de m’intégrer à leur groupe. Ils se contentent de regard amicaux, de signe de tête évasif, certains risquent parfois un sourire auquel je ne réponds jamais. Ce monde m’indiffère totalement. C’est avec un certain soulagement que je vois mes cours s’achever. La journée du vendredi est la plus longue et la plus harassante. Le reste de la semaine, j’ai suffisamment de temps libre pour bosser au vidéoclub près de la fac,  L’argent ne fait peut-être pas le bonheur, mais en attendant, si t’en as pas, t’as peu de chance d’être heureux. Va irradier de bonheur quand t’as rien à bouffer…

                Je me suis habitué à Prague. Cette ville, splendide à mon sens, me fait beaucoup plus d’effet que Berlin où j’ai pourtant vécu plus longtemps. Enfin, je ne me suis jamais sentie appartenir à un pays de toute façon. Mon père était américain, ma mère juive polonaise, on vivait en Allemagne, puis je suis partie à Prague… donc je n’appartiens à nulle part. Mais bon, à Prague, il y a l’horloge astronomique, que je vais voir quand j’ai envie de tuer tout le monde. Je l’aime beaucoup, cette horloge.

                Je gare ma moto dans le hall d’entrée de l’immeuble, sous l’escalier. Je n’en prends pas particulièrement soin, sans doute parce que je sais qu’elle ne m’appartient pas vraiment, même si elle me rend bien service, cette petite chose rouge et bruyante. Je l’attache sommairement dans un recoin inutile, à un tuyau de plomberie mis à nu par quelques coups de pied dans le mur jaune défraichi.

                « Bonjour Stef’ ! Tu vas bien ? »

Samuel, le propriétaire. Age indéterminé, origine indéfinie, appartenance à l’espèce humaine sérieusement remise en question. Même Mandy n’est pas aussi souriante.

                « Très bien. Tu m’excuses, je monte, je suis crevée.

                -Bien sûr ! Bonne soirée ! »

C’est ça. Je monte à l’appartement, trainant mes vieilles baskets sur les marches usées, tandis qu’il regagne son logement du rez-de-chaussée, en continuant de surveiller discrètement les allers-et-venus.

                Comme d’habitude, Axel comate sur le lit, pâle et sans force. On dirait que même sans la lumière du soleil, le seul fait qu’il fasse jour lui est douloureux. J’ai cherché sur internet (sur les ordis de la fac, pendant un cours ennuyeux) de quelle maladie il pouvait bien souffrir, mais à part une allergie ultra violente aux UV, rien ne colle vraiment. Il n’avait pas de médicament sur lui, en fait, il n’y avait rien dans les poches de son vieux jean troué, ni papiers, ni argent, ni portable, ni un indice quelconque sur son identité. J’ai dû lui prêter des vêtements – une chance pour lui que je ne sois pas très féminine. Mes fringues sont même un peu grandes pour lui.

                « Ax, ça va ?

                -Hmm. »

Il remue à peine. Je sais qu’il retrouvera son entrain aussitôt que le soleil sera couché. Un vrai vampire ce mec. Je pousse la vaisselle salle et les restes de mes précédents repas pour m’installer au comptoir et faire semblant de bosser – ça soulage ma conscience. J’assiste de moins en moins aux cours, ces derniers temps. Il faudrait aussi que je fasse un peu de ménage, ou au moins que je ramasse quelques affaires, que l’on puisse circuler un minimum. L’espace est si réduit que le moindre objet qui traine fait figure d’obstacle infranchissable. Généralement, je pousse tous sous le clic-clac, ou j’entasse mes maigres effets sur les étagères en métal collé contre un des murs blancs cassés – ou sales, ça dépend du point de vue.

                Quelques heures plus tard, c’est le moment de dîner, et il a retrouvé son état normal. Enfin, il a l’air drôlement faible, quand même.

                « Toujours pas faim ?

                -Non. Juste soif. »

De mieux en mieux. Il n’esquisse pourtant pas un geste pour se prendre un verre, et puis je ne vais pas le servir non plus. Il se débrouille. J’expédie mon repas en vitesse ; je suis crevée. Mon couvert se retrouve dans l’évier, je range sommairement le coin cuisine, mets les restes de côté tandis qu’il reste planté à côté du comptoir encombré, l’air de ne pas savoir quoi faire de son corps.

                « Bon, je vais pioncer moi. Tu restes debout ?

                -Ouais. Je me coucherai plus tard. Bonne nuit.

                -‘Nuit. »

Je me douche rapidement avant de rejoindre mon lit, en boxer et t-shirt trop court. Il s’accommode plutôt bien de mon manque de pudeur et de mon hygiène de vie déplorable qui me fait manger, dormir et me laver à n’importe quelle heure. En même temps, lui, il dort le jour, alors il n’a rien à dire.

 

O

 

                La douleur. Une douleur cuisante, lancinante, insoutenable.

                Je me réveille en hurlant, envoie un coup de pied au corps penché sur le mien, et puis un autre, et encore un autre. Axel. Il m’a mordu ce con ! Je sens l’hémoglobine s’écouler le long de mon épaule tandis que je lui assène encore quelques coups de pieds dans les côtes pendant qu’il est à terre. Il gémit. Je me calme, et allume finalement à tâtons la lampe de ma table de chevet.

                Un vrai carnage.

                Il y du sang plein les draps anciennement bleu ciel, et qui macule ses – mes – vêtements. Il me regarde d’un air hagard, le visage barbouillé de peinture rouge, l’air paumé. Il gît comme un animal blessé sur le parquet. Je suis furax.

                « Espèce de petit bâtard de merde, qu’est-ce que tu croyais faire ? »

Je le frappe à nouveau, violemment, il geint encore, et je me recule brusquement, comme s’il m’avait giflé. Il pleure. Les larmes dévalent ses joues creuses en un torrent aussi abondant que celui qui s’écoule de mon épaule douloureuse. D’ailleurs je ferais mieux de m’occuper de ça. Je presse le drap – qui de toute façon est foutu – sur la plaie, tout en continuant de l’observer. Je ne pense pas que ce soit la douleur, il a plutôt l’air paniqué, nageant dans l’incompréhension la plus totale, exactement comme moi. Ses grands yeux hagards s’agitent dans toutes les directions et il se mord la lèvre inférieure, les bras serrés autour de son corps comme pour se protéger. Je perds toujours du sang, je vais finir par tourner de l’œil. Ce n’est pas une bonne idée, il risque vraiment de me tuer, cette fois. Merde, je commence à voir trouble. Il faut que je me tire, au moins que je m’enferme dans la salle de bain ou que je l’enferme dans l’appartement. Il se relève déjà, titube un peu en grimaçant parce que je lui ai sans doute brisé une côte. C’est à moi de me retrouver face contre terre, le sol s’est dérobé sous mes pieds.

                « Stef’ ! »

Tout devient noir.

 

O

 

                Je ne sens plus mon corps, mes membres sont lourds comme du plomb, et je vois flou. Mais il faut croire que je suis vivante, qu’il me reste quelques litres de sang dans les veines, et je ne suis visiblement pas enchaînée nue aux pieds du clic-clac, ce qui n’est pas un si mauvais constat au final. Le plafond finit par se stabiliser, je jette un coup d’œil dans la pièce, remue un peu, ce qui attire l’attention de l’adolescent accroupi près du lit.

                « Stef’ ? Tu es réveillée ? Ça va ? Putain je suis désolé, je suis vraiment désolé…

                -C’est bon, ferme-la, aide-moi plutôt à me lever. »

Il s’exécute en silence. La tête me tourne atrocement, je tiens assise avec peine, appuyée contre le mur. Il semble mort de honte, accablé par les remords, la culpabilité, les doutes.

                « Bon, déjà, rapproche-toi.

                -Hein ?

                -Approche-toi je te dis. »

Et un poing dans ta gueule, un. Sa tête part sur le côté, même si je n’y ai pas mis toute la force que j’aurais voulue car elle me fait défaut en ce moment. Il se retourne vers moi, perturbé, à genoux sur le lit.

                « Voilà, maintenant on est quitte. Alors explique-moi un peu. C’était quoi ça ? T’as pris de la drogue ? T’as fait une crise de folie ?

                -Non…

                -Alors quoi ?

                -J’avais juste… Soif. Je te demande pardon. Si tu veux que je m’en aille je… 

                -Ah, mais tu vas la fermer oui. Comment ça, soif ? Soif de quoi ?

                -De sang. Ça va mieux maintenant. Je ne me sens plus mal.

                -Attends, tu déconnes là ? »

Je retombe comme une masse sur le matelas usé en grimaçant – il est vraiment fin ce truc. Je ferme les yeux, inspire et expire profondément, toujours en essayant de conserver mon calme. Je me sens un peu nauséeuse. Il a épongé sommairement le sang qui avait coulé sur mon épaule mais ma peau est tout de même collante, poisseuse, dégageant une odeur entêtante et métallique.

                « Attends… on récapitule tu veux ? Tu ne supportes pas le soleil. Tu ne manges rien, par contre tu as eu soudainement envie de boire mon sang, et d’après la douleur qui me lacère l’épaule gauche, je devine que tu as les dents suffisamment aiguisés pour y parvenir. Donc j’en conclus… »

                C’est n’importe quoi. Complètement absurde. C’est une mauvaise blague.

                « On se croirait dans un mauvais film de la chaîne suspens du câble, genre deuxième partie de soirée. »

Je ris nerveusement sans trouvé ça drôle, et il garde le silence, les yeux obstinément rivé sur le matelas, sa joue rougissant à vue d’œil – mon coup à quand même eut un tant soit peu d’effet. Je ne suis pas sûre de comprendre ce qui se passe. 

                « Ou encore pire, dans Twilight… »

Oui, j’ai vu Twilight. Le premier épisode. Mandy était partie une semaine chez ses grands-parents quand il est sorti, et bien sûr à son retour, toutes ses copines s’étaient déjà précipitées pour le voir, deux fois pour certaines. Alors elle m’a suppliée, harcelée sans relâche parce qu’elle n’était pas capable d’y aller seule, et j’ai accepté à condition qu’elle me paye la place, les pop-corn et le menu best-of du MacDo juste avant. Et bien même comme ça ce n’était pas équitable. Parce que je ne me suis jamais autant fait chier au cinéma, et la tournure est faible. Bien sûr, elle, elle avait des étoiles dans les yeux en sortant, elle a déjà lu les quatre livres, plus les autre sagas qui ont découlé de la vague « les vampires sont à la mode » pour adolescente en mal de frisson. Enfin bref, dans le film, la pimbêche fait sa petite liste d’indice troublant avant d’aboutir fatalement à la conclusion qui s’impose.

                « Un vampire… »

Aussitôt, j’éclate de rire, franchement cette fois, malgré mon mal de tête tenace. Ce son un peu incongru résonne contre les murs nus de l’appartement, enlevant encore un peu de crédibilité à cette scène absurde.

                « Putain, c’est n’importe quoi. Quelle connerie. »

Cette situation est trop stéréotypée pour être sérieuse. Déjà, l’archétype de l’héroïne qui n’en est pas une : exécrable, antipathique, de préférence avec une situation familiale compliquée. Second héros : un garçon sorti de nulle part, qui se révèle être un cadavre animé, et frappé d’amnésie, histoire de rajouter au côté dramatique. Personnage secondaire : la pseudo-meilleure amie présente exclusivement pour faire ressortir les défauts de l’héroïne et apporter les traits d’humanité sans lesquels le film serait trop pessimiste pour l’écran.

                « Quel scénario en carton.

                -C’est plutôt comique quand on y pense.

                -C’est carrément ridicule oui. »

Il esquisse un sourire timide et je reprends difficilement mon souffle. Alors comme ça les mort-vivant, ça existe. Mandy ferait une syncope si elle savait ça – et elle ne le saura jamais, bien évidemment. Je savais bien que les vampires ne brillent pas au soleil, où est-ce qu’ils ont été cherché ça franchement ?

                « Bon. Bah ça explique déjà ton allergie au soleil et ton anorexie. Remarque c’est tant mieux, parce que tu commençais vraiment à me faire flipper à rien bouffer comme ça. Et sinon… »

                Il faut bien qu’on résolve aussi la situation embarrassante qui a eu lieu plus tôt dans la nuit, si on veut avancer un minimum. Nous sommes assis en tailleur l’un en face de l’autre, et je le vois essayer d’éviter de me regarder, mais ses yeux sont sans cesse attirés par la croute qui commence à se former à la base de mon cou et qui m’élance douloureusement.

                « Ça va là ? T’as plus faim, ou soif, ou ce que tu veux ? »

Il baisse les yeux, honteux, en faisant signe que non.

                « Ravie d’avoir pu t’être utile. A part ça… Je ne t’ai pas fait trop mal ? »

Je désigne vaguement ses flancs où je me rappelle clairement avoir enfoncé mon pied rageur à plusieurs reprises.

                « Non, ça va. Je ne sens plus rien.

                -Attends, t’es sûr ? »

Avant qu’il ne fasse mine de protester ou simplement de répondre à ma question, je me redresse brusquement pour soulever son – mon – t-shirt rouge à l’effigie des Doors afin d’examiner l’endroit où j’ai passé mes nerfs. Je palpe légèrement son torse, remarque sans surprise que sa peau est désagréablement froide, cherchant à sentir les côtes que j’ai très nettement senti craqué sous le choc tout à l’heure, et sinon se casser, au moins être fragilisées. Il devrait être incapable de se tenir droit.

                « Rien. Intact. »

Je suppose que cela confirme notre théorie délirante. Nous nous regardons en biais sans savoir quoi dire. Quelle situation gênante… C’est bien pour ça que je n’aime pas les gens. Ils n’apportent que des emmerdes. J’hésite entre rire et simplement me rendormir. Ma tête me tourne, je choisi la seconde option.

                « Bref. Je propose qu’on se couche et qu’on reparle de ça demain. Je suis crevée.

                -Tu es sûre ?

                -De quoi ?

                -Tu veux que je reste ? Que je dorme là ? Tu n’as pas peur ? »

Je réfléchis un moment à sa question. C’est vrai ça, qu’est-ce que ça me fait au fond ? Peur ? Même pas la peine d’y penser. Un vague frémissement dû à la découverte scientifique peut-être ?

                « Non. Je m’en fous. »

Je m’étends de nouveau sur notre matelas de cinq centimètres d’épaisseur. Il me jette un regard incrédule, la  faible lumière de ma lampe fait briller ses yeux écarquillés de surprise.

                « Écoute, j’ai perdu quantité d’hémoglobine et je suis vraiment HS. On s’occupera des détails glauques demain.

-Il est déjà plus de quatre heures du matin.

                -Et bien tu vas pouvoir faire comme si il faisait jour alors. »

Il semble reconnaissant du détachement avec lequel je prends cette situation, même si je le soupçonne de le croire factice. Il a tort. Je n’en ai VRAIMENT rien à cirer… il se couche tout de même à bonne distance de moi, crispé. Je soupire discrètement avant d’être vaincu par cette soirée éprouvante. Si ça se trouve je ne passerais pas la nuit. Je pouffe discrètement de rire. Comment c’est possible d’apprendre un truc pareil avec autant de détachement ? J’ai un sérieux problème moi…

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Plaisir mutuel sans limite
Ecrire un commentaire - Voir les 9 commentaires
Lundi 29 novembre 1 29 /11 /Nov 22:11

{Note d'Aby: Merci à vous les filles, ça réchauffe le coeur {et je pense pas que le mien} de voir des commentaires. Pour ma part j'ai fini de lire cette histoire, et sincèrement.. La fin en jette à mooort! Ouaip! Bref, merci à vous, pour avoir donné votre avis, continuez comme ça. Petit pincement au coeur toutefois, j'ai quand même l'impression d'être vous savez.. heu... *cherche une métaphore* Ah j'ai! Alors d'être la vieille prof peau de vache qui hurle tout le temps, et dans la classe de laquelle les mouches volent, et que vous vous êtes la bande de petits cons les élèves, et Inrain c'est l'intervenant un peu trop gentil, et qui aime son métier etc etc, et que vous profitez de mon "absence" pour faire le dawa et que je dois revenir hurler sur tout le monde avec un énorme SAPRISTI! Bref, vous avez compris l'essentiel ^^.

Je m'étale un peu, pour vous demander de cliquer sur le nouveau lien à droite "Akayume" ou une connerie dans le même genre. C'est pour montrer qu'il y a des lecteurs sur mon blog ;). Ah! Et GIGANTESQUE nouvelle! Je vais traduire la seule et unique fiction gratuite de Katika Locke. C'est de la fantasy, c'est TRES porté sur le dessous de la ceinture, et sincèrement, je l'ai lue quatre fois, et je prends mon pied à chaque lecture. Je vous tiens au courant dès que j'ai des nouvelles de l'auteur pour savoir si je peux publier ici ou si ce sera sur fictionpress. Voilà, désolée Inrain pour m'être incrustée encore. Bonne lecture les filles, profitez =)

Ah et pour le retard, c'est entièrement ma faute, jsuis confuse... )

 

 

Re bonjour tout le monde ! Je remercie toutes celles qui ont commentés de leur plein gré et parfaitement spontanément le dernier chapitre (hahaha).

 Ok, j’avoue, j’en ai rougit de plaisir et de gêne (effectivement moi j’aurais pas osé) en lisant le coup de gueule d’Aby la dernière fois (promis c’est pas moi qui lui ai demandé !). Enfin bref c’est surtout elle que je remercie parce que les com’ sont la bouffe des auteurs et que sans bouffe, on meurt. Enfin bon bref (les voilà et les bref se dispute la place du mot que j’emploie le plus, et à tout bout de champs), voilà le cinquième chapitre. Alors celui-là c’est ZE chapitre que je me suis éclaté à écrire. Il est même un peu plus long que les autres (en fait j’ai changé un peu mon découpage pour l’arrêter pile au moment intéressant, niark niark !).

J’espère qu’il vous plaira les filles (y’a des mecs sur ton blog Aby ?). {réponse d’Absynthe… Heuuu… Voui. Y en a un qui s’appelle Rainbow, sisi ! et puis un autre qui m’a laissé un adorable commentaire il y a quelques mois, auquel je suis absolument pas sûre d’avoir répondu ah..ah… la honte..}

Pour ce qui concerne Twilight… J’ai lu le premier livre. C’était pas connu à l’époque. Bon, pas de la grande littérature, loin d’être un des meilleurs livre que j’ai lu (j’en ai lu pas mal) mais ça se laissait lire alors bon. Deuxième tome. Aïe. Des mois pour le finir, à gerber. Jamais pu lire plus de quatre pages du 3. Et pour les films, pareils. Le 1, potable (je suis très bon public, faut vraiment le faire pour que j’aime pas un film). Le 2, on se fait chier. Le 3, on est plié en 4 à force de se bidonner sur leur gueules de constipés. Alors voilà, je critique en connaissance de cause ! ^^ Bonne lecture ! (le « bonne lecture » fait partie de mes rituels de fin de post, j’en met un systématiquement – je sais c’est lourd).

Moi je vais voir Harry Potter 7 en attendant ! (Inrain pleure de joie) {Absynthe : Ai vu, ai pas aimé =) Contente de rien avoir payé ^^}

 

 

 

prince by hakueizm

 

Image : prince, de hakueizm (DA)

 

 

 

 

C’est moi qui ressemble à un zombie maintenant.

Ma salle de bain n’a rien de luxueux. Une cabine de douche où il vaut mieux ne pas être trop épais, un lavabo fendillé surplombé par un miroir nu, un petit placard où tiennent avec peine trois serviettes de bain et quelques produits d’hygiène élémentaires, et bien sur des toilettes, coincées derrière la porte blanche à la peinture craquelé.

 Nue devant la glace sale et de travers, je contemple ma silhouette, androgyne et sans charme, avec un certain désespoir.

Je n’ai pas assez de poitrine pour remplir un bonnet A, des hanches étroites, des articulations marquées. Globalement, un corps de jeune garçon. Très classe.

Ma peau est encore plus pâle que d’habitude, à cause du petit festin que s’est offert Axel hier, accentuant le contraste de mes courtes mèches d’un noir de jais qui déjà d’ordinaire me fait ressembler à une anémiée. Ils ont un peu poussé, suffisamment en tout cas pour que je puisse me faire une queue de cheval sommaire à la base de la nuque - je les coupe moi-même, d’où l’aspect chaotique de l’ensemble.

Mes vêtements en général n’arrangent rien à mon aspect masculin, et on me prend souvent pour un mec quand on me voit sans regarder.

Selon Mandy – ça vaut ce que ça vaut – on sait que je suis une fille à cause de mes yeux, bleus, dilués, qui interpellent tous ceux qui les croisent et mettent souvent les gens mal à l’aise, empêchant la majorité de soutenir mon regard.

 De mon avis, ils sont surtout dérangeants, déplacés sur mon visage étroit et banal. Sans eux, je passerais parfaitement inaperçue.

Au lieu de ça, ma tête marque les esprits, en bien comme en mal, de ceux que je rencontre, et je trouve ça vraiment gênant. Mais aujourd’hui, ce ne sont pas mes yeux qui font l’objet d’un examen attentif dans le miroir, mais mon épaule.

Ou plus précisément, les deux plaies nettes et rapprochées qui trônent à la jonction entre la base de mon cou et mon bras gauche, jointes par un arc de cercle violacé, parfaitement assimilable aux marques de dents de nos amis les suceurs de sang dans les films d’horreur de seconde main. Je ne comprends pas pourquoi ils mordent à cet endroit, plutôt que directement dans la gorge où abonde le liquide vital. En tout cas, il ne m’a pas loupé.

L’adolescent qui n’en est pas vraiment un dors toujours dans la pièce d’à côté, d’un sommeil agité, visiblement peuplé de rêves désagréables.

J’ai essayé de le calmer un peu, mais comment apaiser quelqu’un qui est en plein cauchemar aussi ? Je me demande quel âge il a, en observant ses traits juvéniles et crispés par un sommeil agité. Si ça se trouve c’est un vieux croulant qui a 200 ans de plus que moi, et il se retrouve perdu dans mon appart’, à se faire materner par une jeune handicapée sociale de 20 ans.

C’est assez marrant en fait. Enfin non, pas vraiment, mais moi ça me fait rire. Il remue un peu et finit par se redresser, secouant sa masse de larges boucles caramel qui lui descendent sur ses yeux qu’il peine à maintenir ouvert.

« Bien dormi ? »

J’ai enfilé un jean trop large et un débardeur noir tout aussi peu ajusté, pour glander fièrement en cette fin de samedi après-midi – nous avons dormi presque toute la journée. Lui porte toujours la gueule d’ange de Jim Morrison sur son torse.

« Ça va…. Et toi ?

-Pareil. »

Je mangerais bien une plâtrée de pâte et un steak haché bien cuit. Je me dirige tranquillement vers la kitchenette, je ne suis pas pressée après tout.

« Stef’… tu es sûre que ça va ?

-Bah ouais, ça va. On ne dirait pas comme ça, mais je suis plutôt coriace. Tu peux changer les draps ? »

 

Je remarque seulement qu’on a dormi sur la scène du crime encore fraîche.

C’est glauque. Les tâches de sang sur mes draps bleus clairs, ça fait très scène de ménage qui a mal tourné, je trouve. Il manquerait plus qu’une femme avec la gorge ouverte cachée dans le placard. Merde. Y’a pas de placard ici.

 « Non mais je veux dire… Enfin si, je vais le faire mais… Attends, tu n’es pas un peu… perturbée ? Enfin, je sais pas, je suis… Je suis un vampire quoi ! »

Il n’a même pas l’air de croire ce qu’il dit. Moi non plus, en fait, enfin, je ne me suis pas posé la question.

« Bah j’y peux rien moi, qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Tu fais bien ce que tu veux, à part te servir dans mes réserves bien sûr. Le reste, je m’en fous royalement. »

 Pourquoi c’est si compliqué à comprendre ? Comment veut-il que je réagisse ? Je ne vais pas courir dans tous les sens en hurlant, je ne vais pas appeler les journaux, je ne vais pas tomber en pamoison devant sa nature vampirique.

« Tu es censé susciter une autre réaction ?

 -Au moins un minimum de surprise.

-Je tombe des nues. Ça te va ? »

Je continue à me faire à manger, le laissant ruminer ses pensées sans intérêt. Il m’énerve.

« Écoute, on va pas en faire une montagne non plus ! T’es un vampire, okay, c’est cool, j’ai pas envie de disserter là-dessus pendant des heures.

-Tu es vraiment étrange.

 -Tu peux parler. »

 L’atmosphère se détend enfin.

C’est qu’il me donnerait mal à la tête avec ses préoccupations existentielles. L’eau boue. Je jette les petits tubes jaunâtres dans la casserole.

« Bon, la prochaine fois que tu auras soif, préviens-moi avant, pas la peine de me faire la surprise au réveil. Tu devrais pouvoir tenir une semaine, non ? Le temps que je refasse mes stocks.

-Attends… Tu veux me nourrir ?

-Tu vois une autre solution ? Je ne tiens pas à ce que tu pètes un câble et que tu décimes la population de l’immeuble.

-Mais enfin… tu… tu pourrais mourir où je sais pas, tu pourrais…

-Devenir comme toi ? »

 C’est apparemment LA perspective qu’il ne voulait pas formuler.

Il me regarde, avec ses grands yeux verts d’eau, et toute sa maturité semble avoir déserté le bord : ne reste qu’un adolescent paumé, comme au premier jour, tellement perdu que même mon appartement minuscule semble trop grand pour lui.

« T’inquiète, ce serait déjà fait non ? À moins que tu ne décides de me faire boire ton propre sang, je ne risque pas grand-chose, je crois, et puis franchement, qui s’en soucie…

-Mandy. Les gens de ta famille. Non ? »

Je me raidis, suspend le geste de ma main qui remue ma pitance avec une cuillère en bois. C’était juste une formule. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y réponde.

« Le temps qu’ils l’apprennent, je serais déjà en décomposition dans une benne à ordure. Et Mandy… elle s’en remettra. Elle n’a pas que moi.

 -Pourquoi tu es aussi cynique ?

 -Occupes-toi de ton brushing et fous-moi la paix. »

Je deviens toujours désagréable quand je veux éviter un sujet de conversation. Il n’est pas dupe, et moi non plus, mais nous faisons comme si de rien n’était, et le silence reprend ses droits. Je touille mécaniquement mes pâtes, ajoute un peu de sel, me perds dans mes pensées.

« Tu ne te souviens toujours de rien ? » je lance, pour effacer définitivement ce passage gênant, tandis qu’il s’emmêle dans une housse de couette propre.

« Juste d’un manoir dans une forêt.

-On continue les clichés.

 -Je sais, ça n’a rien d’original.

-Bah, ça prouve que les histoires ont un fond de vérité, non ?

-Sans doute.

-Mais alors… ça veut dire que t’es mort ? »

J’ai pris un ton effaré, comme l’aurait fait Mandy, en montant dans les aigus, et j’ai fait volte-face pour qu’il voit ma tête incrédule, tellement atypique qu’il finit par éclater de rire et rentre dans mon jeu.

« Et oui, je suis né en l’an 1512, je suis ton ancêtre !

-N’importe quoi, t’es qu’un gamin, pas en âge de procréer.

-Tu crois que les vampires peuvent avoir des enfants ?

-Putain, j’en sais rien. En même temps, un cadavre… ça doit faire des enfants mort-nés. Comme dans Van Hellsing.

-Ou des mecs surpuissants, genre Blade, et du coup c’est interdit. Même que y’a le conseil des anciens comme dans Underworld, et ils châtient ceux qui transgresse LA règle d’or.

-Et les loups garous, ça existe alors ? C’est vos ennemis ou vos esclaves ?

-Je sais pas. Peut-être qu’ils nous servent d’animaux domestiques.

 -Et y’a des chasseurs de vampire tu crois ?

-Peut-être, genre Buffy Summers.

 -Blade, c’est plus classe. Quand est-ce que t’as vu tous ces films bidons toi ?

-La nuit sur le câble.

-Je suis pas sûr que tes petits camarades passent leur nuit à regarder des navets sur des chaînes piratées.

-Quoi, tu ne payes pas d’abonnement ?

-Tu m’as bien regardée ?

-Et ils font quoi alors ?

-Ils CHASSENT ! »

 Et je délaisse les pâtes dans la passoire pour lui sauter dessus en rugissant. Pris par surprise, il s’effondre sur le lit en hurlant de rire.

« Un vampire chatouilleux, c’est pas un peu ridicule franchement ?

-Tais-toi ! Je suis invincible ! »

 Et sur ces sages paroles, il empoigne l’oreiller le plus proche et me l’écrase sur la face.

« Tu viens de signer ton arrêt de mort, démon !

-Je ne crains personne ! »

Et les hostilités sont lancées. Je n’ai jamais autant ri en cinq ans. Les coussins et les draps volent en tous sens, et nous jouons comme des mômes en mettant sens dessus-dessous l’appartement. Au bout d’un moment, après que ce soit joué dans mon deux-pièces le remake de la seconde guerre mondiale, nous nous effondrons sur le matelas – qui a glissé sur le sol – en soupirant, exténués. Sans doute que quelques ressorts ont cédé dans la bataille.

« C’est nul, tu n’as pas d’oreiller avec des plumes. On casse l’enchaînement des clichés, normalement, il y aurait dû avoir une avalanche de plumes blanches dans toute la pièce.

 -Désolée de ne pas être équipée pour le cinéma. »

 Cette sensation est étrange. Dérangeante. Inhabituelle. Mais ce n’est pas désagréable.

C’est juste que… retomber en enfance, rire aux éclats, se battre, cela ravive des souvenirs anciens. Et mon bon vieux sentiment de culpabilité. Mon sourire se dissout comme neige au soleil. Son visage à lui semble s’éclairer de l’intérieur quand il rit.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as l’air sombre tout à coup.

-Tu n’aurais pas des dons télépathiques cachés toi par hasard ?

-Comme Edward dans Twilight ?

 -Je t’en prie, pas de blasphème dans ma demeure.

-T’es bête. »

Il me donne une tape sur l’épaule, mimant une réprimande.

 « Je ne lis pas tes pensées si c’est ce que tu veux savoir, mais je perçois tes sentiments, en quelque sorte.

 -Ah. Tu es Jasper donc.

 -Ça va, c’est pas le pire. Et toi tu es qui ? Bella ? »

Cette fois, c’est à moi de le taper avec énergie.

« Tu m’insultes ! »

Nous rions encore un peu, mais la magie du moment a disparu.

« Tu es vraiment comme Jasper. Je suis sûre que tu manipules mes sentiments.

-Pourquoi ?

-Si c’était pas le cas, je ne t’aurais jamais recueilli, et ce qui vient de se produire ne serait jamais arrivé.

-C’est inconscient alors, je t’assure. »

Je crois qu’il est blessé par mes accusations. Je lui ébouriffe les cheveux avec… affection. Je ne suis vraiment pas dans mon état normal.

« Ne t’en fait pas va. Ce n’est pas si mal.

 -Je ne suis pas comme Jasper d’abord, je ne suis même pas blond. »

Je rêve… il boude ?

« Tu es vexé ?

 -Non.

-Si t’es vexé.

-Non je te dis.

-Alors là, tu ne me feras pas croire que tu as plus de mille ans. »

Il se déride un peu. Sans que je ne me l’explique, je ne veux pas qu’il soit triste. Est-ce que c’est encore lui qui provoque cela ? Bah, au fond, qu’est-ce que ça change ? Les draps propres sentent bon la lessive du Lavomatic, il fait chaud, je me sens bien, en sécurité, apte à démarrer une conversation moins joyeuse.

 « Au fait, Ax… Puisqu’on est dans les discussions qui fâchent… qu’est-ce qu’il se passera, quand tu auras retrouvé ta mémoire ?

 -Comment ça ?

-Et bien, si on suit notre série de cliché, tu es probablement un type super important, genre un prince ou un truc du genre. Déjà, pour les besoins du scénario de film bidon, on est censés tomber amoureux, et après tu retrouves ta mémoire, et là, soit tu restes avec moi parce que tu m’aimes très fort, soit je deviens une vamp’ et on est super heureux.

-Je doute que ça se passe comme ça…

- Bah, déjà, on ne va pas tomber amoureux.

-Ça, c’est clair… »

C’est étrange que ça nous semble être une telle évidence à tous les deux. Est-ce le moment de nous séparer enfin du scénario bancal et stéréotypé de notre histoire sordide ?

« Le truc, c’est que moi, je vois les choses en beaucoup plus glauque. Genre tu redeviens le monstre insensible que tu étais avant de jouer à amour et amnésie et tu me saignes sans état d’âme.

-Ou alors je me barre sans même t’accorder un regard parce que tu n’es, en fait, qu’une humaine à mépriser, c’est ça ?

-Un truc du genre.

-Et ça te fait peur ?

-Je ne veux pas mourir. »

Nous arrivons dans une impasse. On ne peut pas prédire ce qui va arriver. Il peut bien dire ce qu’il veut maintenant, si sa vraie personnalité reprend le dessus, il n’aura peut-être plus aucune raison d’honorer les promesses qu’il pourrait me faire. Je dois sans doute me préparer à cette éventualité. Je me relève, retournant à la confection de mon repas comme si de rien était. En fait, je veux surtout être dos à lui, parce que je lâche, sans vraiment l’avoir voulu :

« Et puis je t’aime bien, Ax.

-Tu n’as pas peur que ce soit moi qui t’imposes ces sentiments ?

-Qu’est-ce que ça change ? Je le ressens comme ça, c’est tout, que ce soit artificiel ou naturel, je t’aime bien.

-Moi aussi je t’aime bien Stef’. Je suis content que ce soit toi qui m’as trouvé. »

 

Au moins me restera-t-il des souvenirs heureux si un jour il disparait de ma vie. Et peut-être que quand cessera son influence sur mon esprit, moi aussi, je me rendrais compte que cette histoire était ridicule et que je le déteste.

 

 O

 

Au bout de quelques semaines, je me suis finalement habituée à une autre présence à côté de moi. Les choses se sont mises en place naturellement, sans qu’on y pense.

 

 Je lui donne de mon sang, toutes les semaines, pour que sa soif s’apaise. Je sens bien qu’il n’en a pas assez pour être vraiment en pleine possession de ses moyens, mais je ne peux pas lui donner plus.

 

Il se sert sur mes poignets, l’un puis l’autre la semaine suivante, de sorte qu’ils ont à peine le temps de cicatriser, m’obligeant à porter des bracelets en cuir comme une jeune sataniste pratiquant la scarification. Très classe. Et puis, j’explose la facture d’électricité à toujours devoir allumer la lumière et fermer les volets – bon, je ne paie pas grand chose, mais tout de même.

 

 Le mois d’octobre vient de s’achever avec cet énième vendredi soir où il se repait d’hémoglobine au creux de l’attache de ma main. Les températures ont chuté, mon petit chauffage électrique peine à maintenir l’air ambiant à une chaleur confortable. Mais bon, j’y suis habituée, et lui n’a pas l’air de souffrir du froid – chanceux.

« Ça me fait penser à Tsubasa.

-De quoi ?

 -T’en mets partout, Axel »

Il s’essuie la bouche, toujours un peu gêné par cette situation, tandis que je bande à nouveau mon poignet meurtri tout en continuant.

 

« C’est un manga que j’ai lu. De Clamp. En fait, l’un des personnages est sur le point de mourir, et l’autre décide de le sauver en le faisant transformer en vampire par un autre type, et en devenant son garde-manger exclusif. Après, il le nourrit comme ça.

 -Je me demande si tout le monde a le même goût.

 -Tu ne veux toujours pas sortir ? »

Il secoue la tête en signe de négation. Je n’ai pas encore pu le convaincre de mettre un peu le nez dehors pendant la nuit. Il ne veut pas sortir.

Il se rappelle de certaines choses parfois, principalement des images, des visages et des lieux, mais il ne veut pas que je l’emmène voir dehors si il reconnaît quelque chose.

On dirait qu’il a peur de se souvenir. Je ne peux pas le forcer.

 « Dans Underworld aussi ils font ça. La fille elle lui file du sang parce qu’il se laisse crever.

-Le deux est passé à la télé ?

-Ouaip. Jeudi. »

Il passe toujours ses nuits devant le petit écran, et j’ai renoncé à l’en décoller. Mandy me presse de question sur son compte et est passée une ou deux fois en soirée pour l’étudier un peu. Elle me semble curieusement supportable, ces derniers temps.

Et, oh surprise, ils se sont parfaitement bien entendu, au point qu’il me demande de l’inviter plus souvent. Mon regard a été suffisamment éloquent pour qu’il abandonne l’idée.

La sonnerie de l’entrée brise le silence de la pièce, égrène des notes artificielles, un couinement insupportable qui nous fait grimacer.

 « Attends, je vais ouvrir. »

 La liste des gens qui viennent me rendre visite chez moi n’est pas spécialement étendue. En fait, elle se résume à quatre noms : Mandy, le voisin d’à côté quand il vient se plaindre du bruit, ce qui est récurrent et absolument pas relatif au niveau sonore que je peux bien émettre, le communiste du quatrième et ses tracts gênantes, et le fils du propriétaire, qui vient me porter des messages pour son père et qui utilise, je pense, ce prétexte pour me rendre visite – il craque un peu sur moi.

En tout cas, pas de surprise.

Aussi, quand j’ai ouvert ma porte d’appartement peinte en rouge – toutes les portes de l’immeuble ont une couleur différente – je n’étais pas du tout préparée à une péripétie pareille.

Un adolescent aux cheveux noirs – comme les miens – très courts, une silhouette longiligne et anguleuse – comme la mienne – et bien sûr ces putains d’yeux bleus, présentement écarquillés de surprise – comme les miens – et qui commencent doucement à s’embuer de larmes – pas comme les miens par contre.

Deux têtes de piques de chaque côté de la lèvre inférieur – quand est-ce que cette petite nature a bien pu se faire percer ? Des fringues trop grandes, un sac à dos usé pendu sur une épaule, un sac de voyage dans l’autre main.

Revenu dans ma vie de manière aussi improbable qu’Axel y est entré.

« Stef’… »

Il me saute dans les bras avant que je n’ai pu esquisser un geste, je ne sais pas vraiment si il pleure ou si il rit, ou si il fait les deux.

« Tiphaine… tu… »

Les questions se bousculent et débordent mais je suis incapable d’en formuler une seule. Je serre dans mes bras, après cinq ans de séparation, le plus jeune de mes frères.

 

 

A suivre...

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
Ecrire un commentaire - Voir les 7 commentaires
Dimanche 5 décembre 7 05 /12 /Déc 09:37

Iclik Inrainbows Iclik

 

 

Aujourd’hui, je me suis fait percer le tragus droit. Ce qui porte à 7 le nombre de barres métalliques qui trouent ma peau. J’adore me faire percer. Je sais, c’est dur. Et je compte me faire tatouer aussi. Pour mes 18 ans. Comment ça « on s’en fout » ?

 

Okay j’arrête. Désolé. Pour en revenir à des choses plus proches de nous, et plus intéressantes, voici le sixième chapitre qui est, à mon grand regret, un peu plus court que les précédents (et surtout LE précédent)(c’est Sinoa qui va être contente…). Ah oui et aussi, parce que je vois que ça en embrouille certaine : je plaide coupable, je me suis fait un gros délire sur les prénoms dans cette fic. Alors oui, le frère s’appelle Tiphaine, oui j’ai déjà connu un type qui s’appelait comme ça, et sa jumelle s’appelle effectivement Maxence qui est le prénom d’une de mes amies, et oui c’est pas clair et on se mélange les pinceaux mais… mais voilà. Vers la fin aussi y’a un délire dans le genre, en pire (il faudra lire ma fic jusqu’à la fin pour le voir ! MOUAHAHAHA ! Oups).

 

Sinon, je ne parlerais pas de l’immense déception qu’a été le visionnage de Harry Potter 7 premier du nom pour une jeune fille qui était surexcitée à l’idée de décoller de son bureau et de ses formules de maths pour aller voir le commencement de la fin de la saga qui a bercé son adolescence. Je me suis fait horriblement chier, et je pèse mes mots. Les boules.

 

Place au chapitre. Enjoy !

 

  

  Enjoying_life____by_BrokenStairway.jpg

  

Image : Enjoying Life…

 

 – BrokenStairway (DA)

 

 

 

                Le coup de foudre existe. Je viens de le voir passer. Dans ma cuisine.

                Après de brèves effusions dans la joie bancale de nos retrouvailles improvisées, j’ai introduit mon frère dans ma modeste habitation, le temps que je ramasse son sac de sport noir qu’il avait lâché en se pendant à mon cou. Je l’ai laissé à peine quelques secondes. Quand j’ai débarqué dans la cuisine, je l’ai vécu en live, le coup de foudre.

                Il y avait mon frère, debout en face du comptoir de la cuisine ; Axel, assis sur un tabouret, accoudé sur ledit comptoir, tourné légèrement vers la porte d’entrée afin de pouvoir apercevoir notre visiteur. Et le contact visuel. Et ils étaient tous les deux en arrêt, donnant à la scène l’aspect suspendu d’un film mis en pause, et ils se dévoraient du regard, incapable de détourner les yeux. J’aurais voulu m’interposer, secouer mon frère de toutes mes forces pour qu’il oublie ce regard et cet instant décisif qui présageait bien des ennuis. Mais je n’ai rien fait d’aussi radical. J’ai juste fait un peu plus de bruit que nécessaire en déposant les affaires de Tiphaine sur le sol, histoire de les sortir de leur bulle. De rompre cet échange. J’avais tellement envie d’étriper Axel que j’ai été un instant déstabilisé par une vague de haine aussi brusque. Je me suis rapidement reprise.

                « Axel, je te présente mon petit frère, Tiphaine. Tiphaine, voici Axel, mon… colocataire. »

J’ai failli dire « squatteur », mais ça aurait été faire preuve de mesquinerie, et de mauvaise foi. Ce qui ne me dérange pas particulièrement, d’ordinaire. Enfin, j’ai fini par me faire à l’idée qu’Axel, d’une manière ou d’une autre, me rendait incroyablement docile. Je n’ai surtout rien pu y faire. C’est aussi pour ça que de soudaines pulsions meurtrières particulièrement sanglantes me prennent régulièrement, ces temps-ci.

                C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés attablés autour de ce comptoir du coin cuisine, qui semble décidément être le lieu le plus intéressant de mon appartement, dans un silence lourd de non-dits et de questions muettes, sous l’éclairage limité de l’ampoule nue pendue au-dessus de nos têtes. Je ne sais pas par où commencer, et le fait que les deux abrutis autour de moi se jettent des regards supposés discrets toutes les trente secondes ne m’aide pas vraiment. Pourquoi faut-il forcément que le premier personnage venu s’amourache aussi sec du vampire ? Si ça c’est pas du cliché… j’en ai marre. Est-ce que ça existe vraiment, les gens destinés l’un à l’autre ? Je trouve ça tellement… gnan gnan. Remarque, techniquement, ça aurait dû être un coup de foudre entre un gars et une fille. Mais on s’en fout de ça. C’est juste pitoyable et chiant. Je gratte une tâche imaginaire sur le plateau de bois, cherchant je ne sais-où, peut-être dans les sillons tracés au couteau dans le meuble en révisant des cours ennuyeux, le courage de briser le silence.

                « Tiph’… tu me dois quelques explications, non ?

                -Toi aussi. »

Du tac au tac. Mon seul et unique petit frère, de quatre ans mon cadet, a une emprise considérable sur moi, bien plus encore que celle dont peut faire preuve Axel. Lui et sa sœur jumelle m’ont toujours menée en bateau, avec leur gueule d’ange et leurs mimiques adorables. D’ailleurs…

                « Tu es venu seul, Tiph’. Pourquoi Maxence n’est pas avec toi ? »

C’est vrai, je ne crois pas me souvenir de les avoir un jour vus séparés. On a d’ailleurs eu des problèmes à une époque de leur enfance, car ils ne voulaient pas se lâcher. Ils se tenaient la main, sans cesse, pour dormir, pour manger – c’est de là que leur vient leur ambidextrie – et ça a duré presque une année entière, à leur entrée au primaire. À voir la tête qu’il fait, lui aussi, il se demande pourquoi sa jumelle n’est pas avec lui. Son visage s’assombrit.

                « Il s’est passé… pas mal de chose, depuis que tu es partie. »

J’accuse le coup. Il l’a dit sans rancœur particulière, mais je sais parfaitement à quoi m’en tenir. Ils m’en ont voulu. Ils en ont été blessés, au moins autant que moi. Il détourne le regard, trouvant lui aussi un quelconque détail intéressant sur ce comptoir. Je cherche vaguement de quoi occupé mes mains – mon esprit – mais rien ne me tombe sous la main. Cette ambiance va finir par me rendre désagréable.

                « Les choses ont pu changer au point que tu voyages sans ta moitié ?

                -Maxence est entré au couvent. Le mois dernier. »

Alors là, j’aurais pu tomber de mon siège tellement son annonce m’a surprise. Je ne savais même pas que ça se faisait encore, que ça existait même. Maxence ? Au couvent ?

                « De quoi ? Mais pourquoi ? Et Raphaëlle et Dylan, ils n’ont rien dit ?

                -Raphaëlle a quitté le pays il y a des années. Elle s’est engagée dans l’armée. Quand à Dylan… il se marie le mois prochain. Avec une canadienne. C’est pour ça que je suis venu, Stef’. Il ne reste… que moi. »

                J’en reviens pas. C’est du délire. Du délire complet. Il me fixe sans ciller, voulant paraître assuré même si ses yeux brillent de larmes mal contenues – ça a toujours été un petit pleurnicheur. Et j’essaie de percer la vérité derrière sa voix atone, ayant vaguement conscience d’Axel dont le regard passe de l’un à l’autre sans rien comprendre, mais n’y prêtant pas la moindre attention.

                « En fait, tu avais raison, Stef’. C’est Helena qui maintenait notre famille unie. Ton départ n’a été que le premier. On n’a pas pu rester ensemble. »

                Ce n’était pas ce que je voulais, avoir raison. Pour moi, il était évident qu’ils resteraient soudés derrière moi en attendant que j’aie grandi et que je revienne, en m’excusant pour ma bêtise.

                Helena était ma mère.

                Elle ne voulait pas que l’on fasse de distinction entre les hommes, elle voulait que l’on aime tout le monde de manière égale. C’est pour ça qu’on ne l’a jamais appelé « Maman », mais Helena, et qu’on n’avait pas le droit de se nommer par nos diminutifs en sa présence, même si nous détestions nos prénoms respectifs. Ma mère était folle. Une vrai dingue. Elle l’a toujours été, d’aussi loin que je me souvienne, et la marijuana augmentait sa folie jour après jour, mais les choses se sont définitivement dégradées un après-midi ensoleillé où mon père est parti. J’avais onze ans, les jumeaux sortaient des jupes de leur mère, et mon père a disparu. Il s’est volatilisé, ne laissant derrière lui qu’un souvenir, un chèque, et une chaise vide autour de la table de la cuisine. Ça a brisé Helena aussi sûrement que ça a détruit mes illusions sur l’amour et la famille. C’est cette année-là que Tiphaine et Maxence sont restés soudés, comme pour lutter contre la solitude qui avait envahi notre maison de Berlin. Ma mère a tenu quatre ans. Quatre ans où son état de santé s’est aggravé au fil des jours.

                La dépression. La certitude que rien n’ira jamais mieux, quoi que l’on fasse.

                Mon frère aîné, Dylan, âgé de huit ans de plus que moi, s’est alors occupé de nous. Moi qui était déjà froide et très peu sociable, je suis devenue hargneuse et réactionnaire, je me suis rebellée contre lui, contre mon autre sœur, Raphaëlle, contre l’école, contre notre vie minable. Et quand, le jour de mes quinze ans, ma mère s’est pendue dans la cabane du jardin, j’ai craqué, et je suis partie. J’ai abandonné mon enfance déçue et mes frères et sœurs, en leur hurlant que sans Helena, notre famille n’existait plus. Et finalement, j’avais raison.

                « Mais comment c’est possible enfin ?

                -Je ne sais pas. On n’a pas pu se l’expliquer. »

Je me prends la tête entre les mains, essayant de remettre de l’ordre dans mes idées. Je m’étais toujours figuré, assez naïvement je le reconnais, que les choses resteraient telles qu’elles l’étaient derrière moi, que rien n’aurait changé à mon retour. Même si je ne comptais pas rentrer chez moi avant des années. Finalement, tout cela n’a rien de vraiment étonnant. Tiphaine reprends la parole.

                « Je n’ai plus eu de nouvelle de Raphaëlle depuis plus d’un an, et Maxence a fait vœu d’isolement. Je doute que Dylan remette un jour les pieds sur ce côté-ci de l’Atlantique. Alors me voilà.

                -Attends… t’es venu comment ?

                -En car. Et en stop. »

Dans cinq secondes, la dispute explose, les coups pleuvent, les assiettes volent, et le sang gicle sur les murs.

                « On continue le scénario de notre nanar en fait. »

La tension re-chute immédiatement. Nous nous tournons d’un même mouvement vers Axel qui a miraculeusement désamorcé le conflit qui s’annonçait (moi hurlant à mon frère qu’il était inconscient, lui répliquant que j’étais une lâche) en rappelant l’absurdité de cette situation. Je me détends imperceptiblement, me rappuie contre le dossier de mon tabouret de bar (que j’ai vraiment récupéré dans un bar d’ailleurs, je ne me souviens plus exactement comment par contre).

                « Je n’aurais jamais cru que tu vivrais avec quelqu’un, Stef’. »

Cette fois, mon petit frère est accusateur. Les sourcils froncés, la moue boudeuse. Ça me fait rire. Je me lève et frictionne ses cheveux tondu.

                « Tu serais pas jaloux quand même.

                -N’importe quoi !

                -Sache que c’est tout récent. À peine un mois. Je l’ai ramassé dans la rue. »

Je jette un regard à Axel, le défiant de me contredire. Il fronce lui aussi les sourcils, froissé dans son orgueil. De vrais gamins ces deux-là.

                « Je l’ai recueilli ici sous la pression d’une fille insupportable que je te présenterais un de ces jours. Alors bon, un de plus, un de moins… »

                Je le regarde bien en face, sans détourner le regard. L’affrontement dure quelques instants où je le vois lutter contre son ressentiment, chercher sur mon visage une preuve de ma sincérité. Ses yeux bleus si semblables à ceux que je croise chaque jour dans le miroir brillent d’espoir, d’appréhension et de chagrin, je vois derrière ses traits plus durs que la dernière fois que je l’ai vu le petit garçon qu’il était il y a longtemps, quand notre famille existait encore. Et puis il finit par capituler. Et à nouveau, il se serre contre moi, entourant mon torse de ses bras maigres. Je lui rends son étreinte.

                « Je suis désolé, Tiph’.

                -Je te pardonne. Tu m’as manqué. »

Je n’ose rien dire. Ce serait admettre que j’ai eu tort, tort de les laisser, tort de détruire ce qu’il restait de notre vie. De toute façon, tout ça ne compte plus.

                « Bienvenue chez moi. »

 

O

 

                Dans mon immeuble de ce quartier un peu – carrément – pourri, il y a toute sorte de gens. On a le sale con raciste et tout ce qu’on veut, dont la femme s’est barrée y’a deux ans avec une patronne de bar, et qui ne décolle plus jamais de sa table basse et de sa bouteille de Ricard. Ah si, il bosse à l’usine de bagnole. Enfin bref.  On a la poufiasse aussi, celle qui se prend pour Kate Moss. Mais bon, comme elle a un QI de moule, elle paie son loyer deux fois trop cher depuis des années, alors on lui dit rien, parce qu’elle nous fait pitié. Après, y’a l’employé de bureau. Il a emménagé quand ils ont retapé (sommairement) l’immeuble. Il y a 19 ans. Dur. Y’a le communiste, là, avec ses pétitions, ses drapeaux de l’armée rouge miniatures et sa touche d’ancien combattant. Un couple de retraité complètement flippant qui ne sortent jamais de chez eux, ainsi qu’une jeune femme qui a toujours l’air de craindre une attaque terroriste. Après, on a une bande de camé, deux trois squatteurs occasionnels, et un adorateur de reggae au dernier étage (le neuvième). Il se roule des joints à longueur de journée en écoutant sa musique de bienheureux, et il fait des petites consultations psychologiques à l’occasion. De toute façon, il a réponse à tout : le shit sauvera ta vie, c’est ça son conseil. Du reste, y’a le concierge et le fils du concierge, qui a deux ans de moins que moi et qui m’aime bien. Toujours est-il que le seul type fréquentable (pour moi) c’est mon dealer préféré du neuvième, Gustav. Et quand je suis allée le voir le lendemain de l’arrivé de Tiphaine, il m’a refilé un matelas supplémentaire contre un paquet de clope et deux rouleaux de papier toilette. Un type formidable.

                En fait, personne ne paye vraiment le droit d’habiter ici. A part la pouffe bien sûr, et l’employé de bureau puisqu’il travaille pour ça. Les autres, c’est en pointillé, quand on a de l’argent en rabe, quand on peut se le permettre, quand mon patron radin me file un peu de liquide pour mes heures supplémentaires. Même le proprio ne l’est pas vraiment en fait, il tient des comptes factices en faisant tourner sa petite boutique de receleur et ça nous arrange bien. De toute façon, personne n’est là pour vérifier. C’est grâce à lui que je ne dors pas dans la rue. Qu’on ne dort pas dans la rue.

                J’ai laissé le clic-clac aux deux adolescents, et ça me fait bien marrer. Je sais bien que je ne devrais pas m’en réjouir, que je devrais tirer la sonnette d’alarme, parce qu’on sait tous comment finissent les romances vampire-humain. Non, pas comme dans Twilight. Moi je vois plutôt le gros drame sentimental, du genre j’éloigne mon frère de Prague pour que lui passe l’envie de devenir un mort ambulant, ou mieux, je tue Axel pendant son sommeil, ou il décide de se barrer en se rendant compte qu’un humain n’a aucun intérêt. Je sais que ça finira mal. Mais ils sont… attendrissant, dans le genre maladroit. Je ne peux pas leur enlever ça. Et puis j’aime bien me foutre d’eux, aussi.

                J’ai inscrit Tiphaine en catastrophe au lycée du coin, celui où j’ai moi-même éprouvé ma vie en solitaire et où j’ai rencontré, oh désespoir, Mandy et son sourire-banane. Par chance, il avait amené de quoi justifier son deuxième degré d’enseignement primaire bouclé de justesse. Pour le reste, nous avons bricolé un peu, et j’ai demandé à Samuel, le pseudo-propriétaire, de se faire passer pour son père. Il est très fort pour ça. C’est passé sans problème, puisqu’il l’avait déjà fait avec moi. Des fois je me dis que lui et Mandy sont sans doute liés d’une manière ou d’une autre. Ils sont caractérisés par la même générosité sans borne, le même besoin encombrant d’aider son prochain. Enfin, je suppose qu’il en faut des comme ça. Même si personnellement, de Mandy, je m’en passerais bien.

                « Axel, faut qu’on parle. »

Tiphaine est en cours, et j’ai profité de mes quelques heures de libres pour réveiller l’adolescent, toujours en train de faire des cauchemars d’une violence malsaine. C’est devenu un peu compliqué de le nourrir maintenant qu’un troisième bras-cassé s’est invité dans notre taudis. En plus y’en a pas un pour rattraper l’autre, je suis obligé de les menacer régulièrement de mort pour ne serait-ce que leur faire faire à manger. De vrais branleurs en somme. Bon, de toute façon, je dois lui parler. Il cligne ses yeux encore ensommeillés, adorable avec les plis du drap imprimé sur sa joue. Oui, bon, ce n’est pas le moment de se laisser attendrir. Je m’assieds en face de lui sur le lit pour pouvoir le regarder dans les yeux, lui faire comprendre que c’est sérieux.

                « Tu es inquiètes pour le scénario de notre film, c’est ça ? La romance gay, ce n’est pas vraiment cliché.

                -Tu dois comprendre que ça m’inquiète, Axel. Tes souvenirs reviennent, n’est-ce pas ? »

Il garde le silence, évite mon regard. Je sais que j’ai raison.

                « Qu’est-ce que tu vois ?

                -Une foule d’inconnus. Et des cadavres. »

Naturellement.

                « Tu sais bien que ça ne va pas durer éternellement. J’aimerais que tu évites autant que possible de faire du mal à mon petit frère.

                -Tu ne t’es pas gêné, toi. »

Un ange passe rapidement. Je le frappe au visage. Un réflexe complètement indépendant de ma volonté, mais que je ne regrette pas pour autant. Je sens ma main chauffer – je n’y suis pas allé de main morte, comme toujours.

                « Je t’emmerde, petit con ! Tu n’en sais rien !

                -Bien sûr que non. Vous ne m’avez rien dit. »

Je sens une pointe de ressentiment. Il est bizarre lui. Pourquoi veut-il savoir les détails de l’éclatement de notre famille ? Je remarque seulement maintenant que, quelque part, il a besoin de moi autrement que pour survivre. Après tout, il peut bien être aussi âgé qu’il le veut, dans sa situation actuelle, ce n’est qu’un enfant. Cette constatation me provoque une joie un peu sadique, une sorte de satisfaction purement égoïste.  

                « Je voudrais juste… Savoir. Comprendre. »

                Alors je lui ai raconté. Je ne suis pas sûr de savoir pourquoi. Mais je lui ai parlé. Longuement. Dans la semi-pénombre de mon petit logement où nous n’ouvrons plus jamais les stores, dans l’intimité rassurante de ces murs sans charme, encouragé par son visage et sa présence apaisante, j’ai raconté notre petit drame ordinaire. En fait, personne n’a jamais été au courant de cette histoire. Jusqu’ici, elle était restée enfermé dans la sphère imparfaite de notre famille, et j’en n’en avais bien sûr pas dit un mot à Mandy. Peut-être que j’aurais pu, pourtant. Ça l’aurait rendue heureuse. Je le ferais, un jour.

                Je ne peux que constater les dégâts qu’a provoqué la proximité d’Axel sur mon caractère. J’ai l’impression désagréable d’avoir été dressée. Domptée. Je sais que c’est également dû au retour inattendu de Tiphaine dans ma vie, mais ça n’aurait pas été aussi radical sans la présence du vampire dans mon appartement. Je n’arrive même plus à m’énerver contre Mandy, qui reste pourtant parfaitement égale à elle-même, elle. Je trouve ça un peu malsain, mais Axel affirme qu’il ne peut rien y faire, et je le crois. Mais là encore, comment savoir si ce n’est pas lui qui veut cela ? Je le déteste vraiment, parfois. Il m’est arrivé de rentrer de la fac et d’avoir envie de l’étrangler en silence en le voyant dormir, étalé sur mon lit. Mais bon, je ne voudrais pas que Tiphaine soit fâché contre moi. Et puis qu’est-ce que je ferais du corps ?

                Je suis trop glauque pour mon propre bien.

 

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : A l'ombre des romances...
Ecrire un commentaire - Voir les 7 commentaires

Résumés des Fics

Sites Amis

Page Facebook des Pensées d'Absynthe 

 

 

  logo-fn-copie-1.gif

 

 

A cliquer pour faire plaisir voter pour la créa!

Akaiyume

 

 

Traduction:

Katika Locke

Broken Wings VO

Son site

   

 

Sites de fictions, blogs:

La créa' s'est permit de faire le ménage entre les sites abandonnés, les sites en pause avec peu de contenu et les autres.

Si vous souhaitez figurer ici, ou si je vous ai oubliés, signalez le!

 

Miyahow New!

Deadly

Inrainbowz  New!

Lino

Pearl  New!

Lila New!
Electre
Perri et Joy
Joy
Perri
Merlin
Danouch
YaYa
Ambroisie
Mai Lynn
Emy
Ley
Cicipouce
Utopia
Natsuko
Jijisub

 

Sites, scantrads:

Boys'n Love Scantrad BLS

Collection Arrow
Library of Moria (Agl) <3
MDR, Marre Du Drarry
TheBookEdition

Dessins:
Yaoi-Gallery (Moz)

Divers:

C'est la Gène

{Attention, site de connards}
Homotographie <3 <3
A cause des Garçons <3
Bashfr DTC <3
Gayclic
SuicideGirls
Encylopénis
Têtu
Bellazon


Liens pratiques:
Synonymes
Prénoms
Test de rapidité de frappe sur clavier
Refaire la déco (CSS) de son blog
Héberger une image
Générateur de code couleurs
Générer son nom de plume
(à partir de son nom et prénom)

 

Histoires Lues, et En Lecture

 
Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés