Vendredi 29 octobre 5 29 /10 /Oct 22:53

Mesdames, Mesdemoiselles, et autres "Choses":

Ce soir, grande nouvelle: UN ARTICLE.

Même plusieurs car l'histoire est complète. Et cette oeuvre que j'ai l'honneur de publier sur mon blog a été écrite par notre très chère Merlin.

QUI ne connait pas Merlin et ses quinze chapitres à la semaine? Son imagination sans faille? Son style impeccable et hyper agaçant parce que nous on galère pour faire la moitié de ce qu'elle produit?

Bref, laissons la se présenter, et soyez sûres, vous n'allez pas regretter de la lire!

Amies en manque de bonnes lectures qui AVANCENT et qui même parfois ONT UNE FIN, allez lire MERLIN, c'est une valeur sûre.

 

 

 

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J'ai commencé à écrire assez jeune (7-8 ans), mais des petits bouts de texte par-ci par-là, et rien de très abouti ni terminé. J'ai bouclé ma première histoire à 13 ans, et cette fois il s'agissait bien de cette merveille nommée yaoi. L'histoire en question, c'est une merde, mais passons xD. J'ai découvert le yaoi avec Camella et son histoire Le Stage. Depuis, j'en lis toujours (mes auteurs fétiches sont... Aby, au hasard, Skorpan, et Gajin qui écrit sur Fanfiction une pure merveille).
J'écris toujours, bien évidemment, avec une préférence (voire une addiction) pour les histoires euh... Comment dire... Non-fantasy ? Car je suis une anti-Twilight et autres dérivés. J'aime écrire des choses qui se passent à notre époque, et où aucun vampire ni créature bizarre ne fout les pieds. Mes personnages ont toujours la trentaine (pratiquement, mais les histoires où ce n'est pas le cas sont, de mon point de vue, nettement moins bien, je fais un blocage sur les moins de 25 ans xD).
Que dire d'autre... J'espère un jour pouvoir lire des Absynthe, Gajin et autres en livre, confortablement installée dans mon lit ou dans mon bain plutôt que sur l'ordi à me péter les yeux, déjà parce que c'est plus agréable, mais surtout parce que ça voudra dire qu'elles auront réussi et je ne leur souhaite que ça. Moi-même je rêve de publier un jour un roman, voire des romans, j'ai déjà plusieurs projets mais je manque de temps pour tout écrire. J'ai une vingtaine d'histoires à écrire, et donc pour des années de réserve xD jamais en panne sèche d'idées moi ! J'écris toujours de trois à quatre histoires en même temps, et j'essaye de tenir le rythme d'un chapitre par semaine (oui je sais Aby, tu me détestes) en alternant les histoires.
L'écriture c'est indispensable pour moi, et je peux écrire des nouvelles sur tous les sujets, même si évidemment, ben le yaoi c'est... mieux =D.
Cette fois je pense que j'ai fait le tour du sujet, alors longue vie au yaoi et aux yaoistes !

 

 

 

RENAISSANCE

 

 

 

-Bonjour.
Le jeune homme leva les yeux de sa couverture sur laquelle il fixait un point invisible quelques secondes auparavant et jeta un coup d'œil à l'inconnu devant lui.
Grand. Pour autant qu'il puisse juger en étant assis sur la chaussée.
Bien habillé. Ça, pas besoin de se lever pour le remarquer.
Le jeune homme baissa les yeux vers le chapeau haut de forme retourné à ses pieds dans lequel trois pièces se battaient en duel.
-Joyeux noël monsieur, répondit-il d'une voix morne. Vous n'auriez pas quelques pièces pour acheter une boite à mon chien par hasard ?
Il glissa une main dans les longs poils de Gaya d'un geste affectueux et leva la tête pour fixer l'homme devant lui.
Ce n'était pas vraiment son chien en réalité. Mais Nathalie avait disparu. Il l'appelait NeuNeu car elle était quelque peu limitée... Plus que les autres en fait. Et les autres l'appelaient NoeudNoeud car elle était jolie et s'en servait pour s'en sortir. Faut croire qu'à force de s'en servir elle avait disparu dans la nature, ne laissant que son chien et son parfum derrière elle.
L'inconnu balaya sa demande d'un mouvement vague du poignet et s'accroupit devant lui dans un mouvement si souple qu'il en devint étrange.
-Je cherche un modèle pour des photos. Ça t'intéresse ? Tu ne seras pas payé mais tant que j'aurais besoin de toi je te nourrirai et te logerai. Alors ?

 

Un long silence suivit la déclaration de l'homme. Mais un silence de centre ville, plein de bruits de fond, de grondements de moteur, de cris... Le jeune homme ne savait pas quoi penser de cet inconnu qui l'abordait sans aucune pudeur et lui proposait, de but en blanc, de servir de modèle pour des photographies et de venir habiter chez lui. Il y avait de quoi rester perplexe.

Il fut d'abord tenté d'accepter. Être logé, blanchi et nourri à ne rien faire, ou presque, était particulièrement attirant, et plus particulièrement pour quelqu'un dans sa situation. Cela faisait plusieurs mois qu'il vivait dans la rue, dans le froid. Il avait en effet eu la chance de se retrouver sans abri fin octobre, au moment où les températures commençaient à baisser. Et encore, il avait eu de la chance de ne pas avoir vécu cela l'an dernier, quand à la fin de l'automne ils avaient connu des moins cinq et des moins dix. Là, il se contentait de températures avoisinant le zéro pointé, mais cela était largement suffisant, étant donné qu'il n'avait pour se couvrir qu'une vieille couverture rapiécée. Et moche, qui plus est. Mais cela devait au moins être cohérent avec son apparence générale. Cela faisait plusieurs jours qu'il ne s'était pas rasé -il avait réussi à acheter quelques lames après la disparition de Nathalie, quand il avait encore assez d'argent pour vivre, pauvrement, mais vivre tout de même- et il n'avait pas eu l'occasion d'accéder à une salle de bain depuis son arrivée dans le monde de la misère. Il ne se voyait pas, mais supposait qu'il devait être assez horrible à voir. Presque repoussant. Ou pas presque, d'ailleurs.

Il lui fallut de longues secondes pour trouver quoi dire à l'homme qui le fixait, en attente d'une réponse. Il hésita longtemps. Sa proposition était des plus alléchantes, il devait le reconnaître. Vivre au chaud, enfin, dormir dans un vrai lit, avoir accès à des sanitaires, manger à sa faim... Mais tout cela aurait une fin, et c'est bien cela qui le retenait. L'homme avait dit, « tant que j'aurais besoin de toi ». Certes, mais combien de temps cela allait-il durer ? Suffisamment longtemps pour qu'il ait besoin de l'héberger, mais cela ne serait pas éternel, et il y aurait bien un moment où cela prendrait fin, et il lui faudrait alors retourner dans la rue, et retrouver sa couverture miteuse, et le carton humide qui lui servait d'abri.

Quelle était alors la meilleure solution ? Ne valait-il pas mieux pour lui, et sa santé mentale, qu'il n'ait pas à se rendre compte de tout ce qu'il avait perdu alors qu'il devrait se le voir arracher à nouveau ?

Et puis, quelque chose le gênait dans la façon dont la requête de l'inconnu avait été formulée. Il avait l'impression, à l'entendre parler ainsi, qu'il allait l'utiliser un moment, puis le mettre à la porte et l'oublier dès qu'il n'aurait plus besoin de lui. C'est ce dernier point qui fit pencher la balance, et lui fit prendre sa décision.

-Non, répondit-il sèchement. Je ne suis pas un objet qu'on exploite puis qu'on fout à la poubelle quand on en a fini avec lui.

Contrairement à toute attente, l'inconnu lui sourit. Sa colère retomba légèrement pour laisser place à la surprise. Cet homme n'était pas normal.

-Excuse-moi, je me suis mal exprimé. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je cherche donc un modèle pour un dossier de photographie, et il me semble que tu conviendrais parfaitement. Je n'ai pas assez d'argent pour te payer, mais je peux t'héberger et te nourrir si tu en as envie. C'est en quelque sorte mon seul et unique argument qui puisse te persuader d'accepter ma proposition.

Il eut une moue sceptique. Il n'avait pas particulièrement envie de faire preuve de bonne volonté et trouverait, de toute façon, toujours quelque chose à redire aux propos de l'inconnu.

-Et pourquoi je viendrais chez vous ? Je vous connais pas. Si ça se trouve vous vivez dans un taudis et vous êtes insupportable.

Cela-dit, même s'il avait envie de se montrer désagréable, il ne pensait pas forcément ce qu'il disait. Pour le taudis, par exemple. Rien qu'en regardant cet homme, on pouvait deviner qu'il avait largement les moyens de se payer un duplex en plein centre de Paris. Mais bon, puisque cet inconnu avançait des arguments intéressants et qu'il n'avait pas envie de répondre positivement, il fallait bien qu'il trouve un moyen de le contrer. Que cela soit logique, ou pas.

Une fois de plus, l'homme sourit. C'en devenait crispant.

-Tu crois vraiment que je proposerais à quelqu'un qui vit dans la rue de venir habiter dans un logement miteux ? Et puis avec des « si ça se trouve », on peut bien dire ce qu'on veut. Si ça se trouve je vis dans un palace, si ça se trouve je suis un type adorable... Pour le caractère, je ne peux pas me décrire. Je vis seul et je n'ai pas vraiment d'entourage pour me dire comment je suis.

-Hm. Mais je... et puis arrêtez de me tutoyer, on ne se connait pas.

-Pardon.

L'inconnu se passa une main sur le visage un instant puis, le visage sérieux cette fois-ci, reprit en se corrigeant :

-Bonjour Monsieur le jeune homme. Je suis étudiant en photographie et je cherche actuellement un modèle. Il me semble que vous conviendriez parfaitement à ce que je recherche. Je ne peux vous verser un salaire pour effectuer ce travail mais je vous propose de vous héberger chez moi et tout ce qui va avec. Vous serez donc blanchi, nourri, et ainsi de suite. Voilà. Quelle est votre réponse ?

Il baissa les yeux sur son chapeau. Le vide qui l'emplissait n'était pas très encourageant. Il jeta un coup d'œil, sur sa droite, à Gaya. Peut-être que pour elle, il pourrait accepter... Peut-être même qu'il devrait. Son comportement était sans doute trop égoïste. Mais voilà, il ne savait pas dans quoi il allait s'embarquer et bien que sa situation était déjà précaire, il ne voulait pas qu'elle empire.

Même si c'était sûrement impossible.

L'inconnu, voyant qu'il hésitait -sans doute trop à son goût-, tenta de le convaincre une nouvelle fois :

-Tu sais, si tu veux... Pardon. Si vous voulez, on peut faire un essai. Juste quelques jours pour voir si on s'entend, si vous pouvez me supporter et si la situation vous convient... Sinon je vous laisserai repartir, et si vous êtes d'accord, on continue et vous me servez de modèle...

Il releva la tête, fixant cet homme sorti de nulle part sans rien montrer de l'hésitation qui l'habitait, ni que sa dernière tirade faisait pencher la balance en sa faveur. L'inconnu avait perdu son sourire. Les sourcils arqués, il le suppliait du regard. Regard que l'homme avait d'ailleurs plutôt... bleu. Profond. Envoûtant.

Il s'en détourna, sentant bien qu'il était à deux doigts de prendre sa décision.

-S'il vous plait...

Il lâcha un profond soupir et s'appuya sur le mur derrière lui pour se relever. Il fronça les sourcils en constatant qu'il était encore obligé de lever la tête pour regarder l'inconnu dans les yeux. L'autre faisait une bonne tête de plus que lui. À côté, il devait avoir l'air d'un nain. D'un petit nain. Sans trop se vexer de cette différence de taille -ou du moins sans trop montrer que cela l'agaçait-, il lança à l'autre homme un regard déterminé.

-Je... c'est d'accord. Vous avez deux jours pour me convaincre.

Voyant que le sourire de l'inconnu revenait au galop, il s'en détourna et se baissa pour ramasser son chapeau. Il fit sauter les quelques pièces qui trônaient en son fond, tristement. Les gens n'étaient pas plus charitables pendant les fêtes que le reste de l'année. Il glissa la monnaie dans sa poche puis attrapa la laisse de Gaya qui traînait à ses pieds et allait s'accrocher un peu plus loin. Il défit le nœud qui retenait la lanière de cuir à un anneau emprisonné dans le mur puis se redressa et se planta devant l'homme, la laisse une main, son chapeau dans l'autre, et sa couverture sur ses épaules.

Il n'avait rien d'autre à emmener.

Le reste, il l'avait perdu.

L'inconnu lui sourit, le regarda avec pitié puis, d'un signe de tête, l'invita à se mettre en marche avec lui. Alors qu'ils avaient à peine fait quelques pas sur le trottoir, l'autre lui demandait :

-Je peux savoir votre nom ? Ça sera plus pratique, sauf si vous préférez que pendant deux jours je me contente de vous appeler « Monsieur » ou « Vous ».

Il soupira et jeta un coup d'œil, sur sa droite, à un vieil homme qui dormait sur un banc, emmitouflé dans une veste à carreaux. Et dire qu'en l'espace de quelques minutes, et ce grâce à un parfait inconnu qui sortait de nulle part, il passait de clochard à... squatteur. Certes, ce n'étais pas plus glorieux, mais au moins pendant deux jours il ne ressemblerait pas à ce pauvre type qui ronflait au soleil.

-Baptiste, souffla-t-il.

Pendant deux jours, il allait manger à sa faim, dormir au chaud, se laver.

Deux jours...

C'était peu, mais il s'en contenterait d'abord. S'il lui prenait ensuite l'envie de rester, pourquoi pas ?

Le tirant de ses réflexions, l'inconnu lança :

-Et moi c'est David.

Fronçant les sourcils, il releva la tête vers l'homme.

-Je ne vous ai pas posé de question.

Ce à quoi il se vit répondre par un grand sourire :

-Mais moi j'avais envie de vous dire mon nom. C'est mon droit. Et puis je n'ai pas envie que vous m'appeliez « Monsieur », moi.

-Vous avez toujours réponse à tout.

-C'est vous qui le dites.

Finalement, il sourit. Certes, ce grand bonhomme était plutôt agaçant, sûr de lui et... riche. Mais il semblait ne pas avoir trop mauvais fond, alors il le suivit jusqu'au bout de la rue, aveuglément.

 

 

A suivre...

 

...dans l'article suivant qui arrive tout de suite.

Par Absynthe - Publié dans : Sensitiv' Photograph' par Merlin - Communauté : Plaisir mutuel sans limite
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Vendredi 29 octobre 5 29 /10 /Oct 23:35

Suite.

 

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Ils avaient marché longtemps, presque une heure, avant d'arriver devant une petite maison, coincée entre une chocolaterie -de luxe, comme il aurait pu, ou dû s'en douter- et une autre maison, ressemblant plus ou moins à celle que ce David pointait du doigt. Il examina rapidement le bâtiment. Il n'avait rien d'extraordinaire à proprement parler. De toute façon, c'était l'intérieur qui l'intéressait. D'un geste de la main, David -autant l'appeler ainsi maintenant qu'il connaissait son nom, c'était toujours mieux que « l'inconnu » - l'invita à traverser la rue en même temps que lui. Il le suivit sur le passage clouté et en quelques pas ils furent de l'autre côté du trottoir. Il suivit David à l'intérieur. Un petit hall sombre servait d'entrée au bâtiment, mais ils se dirigèrent immédiatement vers l'escalier une porte vitrée qui s'ouvrait dans le mur sur leur gauche. David frappa quelques coups secs sur la porte et l'ouvrit sans même attendre de réponse. Baptiste eut juste le temps de lire l'inscription sur la porte :

Concierge.

Pénétrant directement dans la petite pièce, son guide l'invita à le suivre d'un ample geste du bras. Il s'exécuta, avançant avec derrière lui Gaya qui, beaucoup moins hésitante que lui, le suivit en remuant la queue.

Derrière un bureau en fer blanc se tenait une petite femme, l'air sévère, le regard caché derrière des lunettes rondes. Sans qu'il ait eu le temps de dire quoi que ce soit, ni même de saluer la concierge, David l'avait devancé, expliquant la situation avec une aisance incroyable. Lorsqu'il comprit que l'homme avait pour but de confier Gaya à cette femme, Baptiste eut un mouvement de recul, plaçant instinctivement une main possessive et protectrice sur la tête de la chienne. David, l'air attristé, revint vers lui et, s'approchant comme pour lui confier un secret, lui murmura à l'oreille :

-Ne t'inquiète pas, elle est très fiable et adore les animaux. Fais-moi confiance...

Baptiste lui lança un regard de défi, avant de se raviser.

Après tout, ce n'était que deux jours...

Résigné, il tendit la laisse à la femme, qui s'était levée. Elle lui adressa un sourire bienveillant, et c'est à moitié rassuré qu'il lui abandonna Gaya, qui, elle, n'avait pas l'air de beaucoup s'inquiéter.

La porte en verre se refermant derrière eux, ils revinrent dans le hall de la maison qui, décidément, n'était pas très chaleureux, et se dirigèrent vers un escalier en fer.

Cet accueil austère ne laissait en aucun cas présager de l'aspect du reste de la maison.

À l'étage, ils s'arrêtèrent devant une porte blanche sur laquelle une plaque en métal permettait de connaître le nom de l'occupant de l'appartement. Il ne retint cependant pas le nom de famille de celui qui serait son hôte pendant deux jours. David donna deux tours de clé puis la porte s'ouvrit devant lui.

Il fit quelques pas dans l'appartement et s'arrêta. L'abondance de couleur, aussi imprévisible qu'impressionnante, le cloua sur place. Il s'était attendu à un ameublement sobre mais élégant, et à des couleurs froides, comme les portait David. Mais quelle surprise ! Jaune, rouge, ocre, orange, pourpre... Il en prenait plein la vue.

Après réflexion, il s'était dit que ce n'était pas extrêmement étonnant de la part d'un photographe, de vouloir jouer sur les couleurs.

Mais sur le moment, tout ce qui lui était venu à l'esprit fut un :

« Ouah... »

Il entendit David refermer la porte, derrière lui, puis s'approcher dans son dos :

-Ça vous plait ?

Il ne répondit pas et garda son silence, s'avançant un peu plus dans la pièce. Après de longues secondes d'immobilité, il se retourna, sourit rapidement à son hôte puis déposa ses chaussures dans un coin. Il les considéra un moment, consterné d'avoir pu porter ça pendant si longtemps. La honte l'envahit quand il ôta son manteau.

Non, décidément, un clochard ne pouvait pas vivre dans un endroit pareil. Gêné, il déposa sa veste élimée et trouée par terre. Mais David le rejoignit d'un pas rapide, ramassa son manteau et l'accrocha précautionneusement à la patère fixée au mur, à côté de sa propre veste.

Baptise eut alors, sous le regard outré de son hôte, l'impression d'être une bête étrange.

Quoi ? Comment osait-il ne pas prendre soin de ses vêtements ?

Il baissa la tête et s'éloigna. Quelques secondes plus tard, David le rejoignait :

-Je vous montre le reste de l'appartement ?

Baptise acquiesça et le suivit. David l'amena d'abord dans la cuisine. Celle-ci était un peu moins colorée que le salon, mais le bordeaux y était très présent. Il lui montra ensuite la salle de bain, et les sanitaires. Puis vint le moment de le mener dans sa chambre.

La pièce était quasiment vide. Seul un lit la meublait. Les murs étaient blancs ; tout semblait fait pour que cette chambre soit la plus impersonnelle possible. Son hôte ne fit aucun commentaire. Il le laissa s'avancer de quelques pas dans la pièce, regarder un peu autour de lui, le temps de remarquer qu’effectivement, à part le lit, il n'y avait strictement rien dans cette chambre. Baptiste s'était alors retourné vers l'autre homme et lui avait adressé un petit sourire, avant de se détourner de lui pour déposer son chapeau au sol, derrière la porte.

 

David l'avait laissé, quelques secondes de silence gêné plus tard, seul dans la chambre qu'il occuperait pendant les deux jours à venir. Dans le grand vide de cette pièce, il état un instant resté immobile, désœuvré. Il n'avait pas de bagage à défaire. Pas d'affaires à installer. Pas de vêtements à ranger. Alors, croisant le regard de son reflet tandis qu'il apercevait un miroir, il prit la résolution de se laver. Il était tout bonnement répugnant.

Il avait d'abord déposé sa couverture sur le bord du lit, faisant en sorte que son bout de tissu rapiécé et immonde n'entrât pas trop en contact avec les draps blancs.

Cette propreté impeccable ne méritait pas d'être souillée par les loques d'un vulgaire clochard.

Puis, évitant finalement de trop s'attarder sur son aspect physique, il était sorti de la pièce, s'était avancé timidement dans l'appartement, de quelques pas seulement, et avait dit, murmuré presque :

-David ?

Il réitéra son appel, comprenant que le premier avait été trop hésitant pour que l'homme l'entendît. Il perçut ensuite une porte claquer, puis un bruit de pas, et vit son hôte arriver devant lui en quelques enjambées.

Ses jambes, longues et minces, donnaient l'impression d'avoir affaire à un être d'une autre espèce. Cet homme était trop filiforme pour s'apparenter à un être humain. Cependant, cette créature savait sourire.

-Oui ?

Cette question lui rappela brusquement qu'il avait quelque chose à demander à son hôte. Il balbutia quelques mots puis se lança :

-Est-ce que je pourrais prendre une douche ?

David fronça alors les sourcils, puis se gratta l'arrière du crâne.

-Disons que... ça m'embête un peu.

Baptiste fut grandement surpris de cette réponse. Il aurait plutôt pensé que c'eût été le contraire, et que David l'aurait encouragé à se laver. Comprenant son incrédulité, son hôte s'expliqua :

-En fait, j'avais prévu, pour les premiers clichés, de vous photographier dans l'état où vous étiez quand nous nous sommes rencontrés...

Il le vit hésiter un peu puis continuer :

-Bon, je suppose que je ne peux pas vous empêcher de vous laver, il en va de votre bien-être... Mais, s'il vous plait, est-ce que vous pourriez juste ne pas toucher à vos cheveux, et ne pas vous raser ?

Les sourcils arqués, David semblait le supplier du regard. Lui baissa la tête. Il n'osait pas refuser. Et puis, il pouvait bien faire des compromis.

Finalement, esquissant un sourire, il acquiesça, et l'autre lui fit alors signe de le suivre.

Lorsque Baptiste pénétra dans la salle de bain, il fut impressionné par la chaleur qu'il y régnait. Il eut comme l'impression d'avoir débarqué dans un rêve. Ses doigts le brûlaient. Tiré de la rue où il gelait à pierre fendre, il avait la sensation d'avoir été plongé dans un bac d'eau brûlante. Ne se rendant pas compte de son état, David reprit la parole :

-Je vous amène ce qu'il faut, il n'y a que ma serviette ici.

Baptise hocha la tête, acquiesçant sans vraiment avoir écouté ce que son hôte venait de lui dire, se laissant déjà prendre par la chaleur, tout engourdi. Soupirant de bien-être, il commença à ôter ses vêtements. Il les roula en boule et les déposa dans un coin de la pièce. Une fois nu, il s'approcha de la baignoire, chercha un moment le mécanisme pour en fermer l'ouverture, et fit couler l'eau, espérant qu'elle serait la plus chaude possible. Il se laissa bercer par le bruit, et appuyé contre le rebord blanc, perdait son regard dans les remous que faisait l'eau s'accumulant dans le fond du bac.

Cependant, malgré cet alanguissement qui s'était emparé de lui, il sursauta violemment lorsque la porte s'ouvrit sur David. Baptiste ne réagit pas et resta planté là, nu devant lui, se sentant rougir. L'autre homme avait haussé les sourcils, visiblement surpris, puis sourit légèrement en tournant la tête. Fixant un autre point dans la pièce, il tendit son bras dans sa direction, serrant un drap de bain dans sa main.

Il mit un moment à réagir. Au summum de la gêne, il s'avança, ne sachant trop comment cacher son corps au regard de David, saisit la serviette et se retourna brusquement, puis se réfugia près de la baignoire, tournant le dos à son hôte. Ce dernier sortit et referma la porte derrière lui.

À nouveau seul, le jeune homme prit son visage entre ses mains et le contact de ses doigts gelés sur ses joues brûlantes le fit frissonner. Soupirant, il referma le robinet et se glissa dans l'eau. Il lâcha un petit cri. Soit, il voulait se réchauffer, mais de là à se faire cuire à la vapeur, il y avait un pas qu'il fallait franchir. Il remit donc un peau d'eau froide afin de ne pas bouillir, puis s'allongea et se laissa gagner par la chaleur.

 

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il comprit qu'il s'était endormi dans son bain. Il se redressa et eut une grimace de dégout en voyant la couleur de l'eau. Soit, il aurait du s'y attendre, mais tout de même, cela faisait un choc. Ne sachant pas trop s'il parviendrait à se laver dans une eau si sale, il saisit tout de même le tube de gel douche qui l'attendait sur le rebord. Il ne lésina pas sur le savon, et se décrassa précautionneusement. Il se retint juste à temps d'attaquer ses cheveux. Maintenant qu'il avait commencé, il aurait bien aimé se laver complètement, mais puisque David le lui avait demandé, il devait obéir. Son salut en dépendait.

Il se leva pour se rincer, utilisant la pomme de douche et vidant la baignoire en même temps, ainsi il put débarrasser sa peau de la couche maronnâtre qui la recouvrait sans macérer dans un bain plus sale que lui.

Enfin, il sortit de la baignoire et s'arrêta sur le caillebotis en bois, puis s'enroula dans la serviette. Il resta le nez enfoui dans le tissu un moment sans s'en rendre compte, s'imprégnant de cette odeur de propre qui en émanait. Après plusieurs mois passés dans le froid, dans les fumées de pots d'échappement et les odeurs de crasse, il savourait de pouvoir enfin se sentir un peu moins terreux.

Tout en se séchant, il s'inspecta dans le miroir. Son apparence n'avait pas vraiment changé, puisqu'il trainait toujours une espèce de fourrure hirsute en lieu et place de chevelure, et que sa barbe éparse gâchait toujours son visage. Il se dit que cela viendrait, s'il parvenait à satisfaire son hôte.

C'est en déposant la serviette sur le meuble blanc où s'incrustait l'évier qu'il se rendit compte qu'il allait devoir remettre ses loques boueuses et puantes. Ne souhaitant pas replonger tout de suite dans ce qu'il venait de quitter sans regret, il passa la serviette autour de sa taille et, rassemblant tout son courage, ouvrit la porte et sortit de la pièce.

Il se fia à ce qu'il entendait pour se diriger dans l'appartement, qu'il ne connaissait pas encore très bien. Toutes ces couleurs l'étourdissaient et il avait du mal à s'y retrouver. Il finit par arriver, à ce qu'il lui semblait, dans la cuisine. Les meubles étaient rouge laqué et les murs peints en chocolat.

David, l'ayant apparemment entendu arriver, s'était retourné et regardait dans sa direction. Il semblait occupé à préparer le repas, les mains prises par une casserole et une spatule. Il eut un rapide sourire qu'il fit vite disparaître en voyant son air gêné.

-Oui ?

Baptiste baissa la tête et murmura :

-Est-ce que je pourrais avoir d'autres vêtements ? Je n'ai pas vraiment envie de me rhabiller comme avant...

Un silence suivit sa phrase puis son vis-à-vis s'écria :

-Bien sûr ! Excuse-moi... Excusez-moi, j'avais oublié. Je vais te... vous chercher ça tout de suite.

David lui adressa un petit sourire d'excuse, sans doute pour ses difficultés à le vouvoyer, puis s'éclipsa, le laissant seul dans la pièce. Il faudrait d'ailleurs que Baptiste pense à lui dire qu'il n'aimait pas vraiment qu'on le vouvoie, et qu'il ne l'y avait obligé que par esprit d'opposition.

Se sachant seul et, un peu curieux, il s'avança dans la cuisine et s'approcha de la table, dans l'espoir de connaître le menu. Un long frisson le traversa lorsqu'il aperçut une assiette de toasts au saumon fumé, et il se mit à saliver en remarquant le foie gras déposé dans une petite coupelle.

Son dernier repas digne de ce nom datait de plusieurs mois. Il savait déjà qu'il ne pourrait pas manger autant qu'il en aurait envie, mais était persuadé que rien que le goût des aliments suffirait à le rendre heureux pour un moment.

Il sursauta presque lorsque David revint dans la pièce en courant, un peignoir à la main.

-Désolé, mais je n'ai rien trouvé de mieux. Mes vêtements sont tous trop grands pour vous... On ira vous acheter autre chose demain, d'accord ?

Il sourit légèrement et hocha la tête, puis saisit le vêtement qu'on lui tendait. Le tissu était doux et duveteux. Il s'isola dans le salon pour l'enfiler. Lorsqu'il fut soigneusement blotti dans l'étoffe, il eut un soupir de bien-être. Que c'était bon... Voilà longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi bien. Tant de sensations en même temps l'étourdissaient, et il avait l'impression d'être épuisé.

Le fait de n'avoir dormi que sur un coin de banc ou blotti sous une couverture rapiécée pendant des mois, dans le froid, devait y être pour quelque chose.

Il aurait bien voulu dormir, mais l'appel de son ventre fut plus fort que tout. Il revint dans la cuisine et observa un instant son hôte continuer les préparatifs.

Baptiste constata alors que David avait, pour chaque plat, fait des quantités astronomiques. Curieux de savoir pourquoi, il finit pas oser demander :

-Vous pensez qu'on arrivera à manger tout ça à deux seulement ?

David se retourna et lui sourit :

-A l'origine, je devais dîner avec ma famille, mais comme vous êtes arrivé, j'ai annulé. Et puis je n'allais pas jeter tout ça...

Baptiste fut alors envahi par la culpabilité. Il venait de priver quelqu'un d'un repas avec ses proches, alors qu'il l'aurait sûrement préféré à un tête-à-tête avec un parfait inconnu. Il baissa la tête et murmura :

-Il ne fallait pas...

L'autre s'écria alors :

-Annuler ? Au contraire ! Votre arrivée, bien qu'imprévue, m'a épargné une réunion de famille. J'ai en horreur ces retrouvailles hypocrites de fin d'année. J'apprécie mes parents et mes sœurs, mais je ne supporte pas mes oncles et mes grands-parents. J'aurais d'autres occasions de voir les gens de ma famille que j'apprécie, ne vous inquiétez pas...

Baptiste hocha la tête, mal à l'aise tout de même.

 

Quelques minutes plus tard, ils étaient attablés autour d'un repas de Noël digne de ce nom. Sur la table étaient entreposés plusieurs plateaux de toasts au saumon, de tranches de foie gras, de tartines de rillettes de canard ou de lapin, de verrines... Lorsqu'il avait aperçu tout cela, Baptiste n'avait pu retenir un gémissement d'envie, et il aurait voulu rentrer sous terre quand son ventre s'était mis à gargouiller avec un grondement caverneux. Il avait alors oublié toute sa culpabilité et avait admiré ces délices sans aucune retenue.

La table installée par son hôte était en effet un ravissement pour les yeux. La nappe rouge était parsemée de confettis or et orangées. Des bougies avaient été installées pour confectionner un chemin de table, et la lueur des flammes faisait briller la décoration. Son hôte avait comblé le vide créé par l'absence d'autres couverts que les deux leurs, en y plaçant tout ce qu'il avait prévu pour le début du repas.

Ils s'étaient donc installés, et Baptiste ressentait un léger malaise, ayant l'impression de ne pas se trouver à sa place au milieu de toute cette beauté. Son apparence devait créer un sacré contraste. Un clochard en peignoir devant un repas de luxe... L'image sortait de l'ordinaire.

Cependant il oublia vite cette idée, lorsque David l'invita à se servir. Il hésita d'abord sur l'ordre dans lequel il devrait déguster ces hors d'œuvre tous plus appétissants les uns que les autres, mais il finit par piocher dans chaque plat, entreposant tout dans son assiette, puis engloutit tout, ayant du mal à réfréner son envie de manger, pour combler le vide qui lui servait de ventre.

Le foie gras fondit dans sa bouche et il dut se retenir de ne pas crier pour exprimer l'extase qu'il pouvait ressentir. Entre les préparations de tomates et de chèvre aux herbes aromatiques, celles de purée de patate douce, et les tranches de pain grillées recouvertes de saumon, il ne savait plus où donner de la tête. Tout cela ravissait ses papilles, et il n'en avait jamais assez.

Il s'arrêta cependant lorsqu'il remarqua que David ne mangeait plus et l'observait sourire aux lèvres. Il baissa alors la tête, honteux.

-J'ai une furieuse envie de vous photographier, mais j'attendrais demain. Même si j'adorerais immortaliser le plaisir que vous semblez prendre, je préfère vous laisser votre intimité et ne pas vous mettre mal à l'aise.

Baptise rougit tout d'un coup, ne sachant plus où se mettre. Il paraissait évident qu'il n'avait pas su cacher ses émotions assez pour qu'elles échappent au regard de son hôte. Le sourire de celui-ci l'indiquait bien. Il tenta alors de se calmer et adopta une attitude plus calme en attendant que David amène la suite du repas. Il reconnut sans peine une dinde aux marrons lorsque son hôte revint. Ce dernier s'excusa :

-Ce n'est pas très original, et moi-même je n'en raffole pas, mais mes parents aiment bien les repas de fête « classiques »... Je n'ai pas eu le temps de préparer autre chose.

Baptiste s'empressa de le rassurer :

-Ce n'est pas grave, ça me va très bien.

Il put choisir le morceau qu'il voulait, et il obtint une grosse part de dinde. Il savait d'avance qu'il ne parviendrait pas à tout manger, mais il voulait profiter au maximum de son premier repas depuis bien longtemps. Il tenta donc de remplir son estomac le plus possible, mais finit par se calmer quand David le mit en garde et le prévint que s'il mangeait trop alors qu'il n'y était plus habitué, il risquait d'avoir du mal à digérer et de passer une mauvaise nuit. Il prit donc le temps d'apprécier les mets, mâchant bien pour faciliter la tâche à son estomac, mais finit par abandonner lorsqu'il ne put vraiment plus rien avaler. Il dut donc renoncer à la bûche glacée aux fruits rouges, dont l'odeur l'avait pourtant cruellement alléché. David avait alors refusé d'en prendre, prétextant qu'il était malpoli d'obliger son invité à le regarder manger.

Son hôte l'avait ensuite forcé à accepter une coupe de champagne, car selon lui un réveillon de Noël sans alcool n'en est pas vraiment un. Il avait donc bu avec lui, craignant cependant que l'alcool lui tourne vite la tête, car il n'en avait pas bu depuis très longtemps. En effet, il fut vite étourdi par ce champagne, pourtant pas particulièrement fort. Ses sens s'en retrouvèrent amplifiés, et il devenait sensible au moindre son, à la moindre lumière. Bientôt il n'eut plus vraiment conscience du monde autour de lui, et lorsqu'il accepta une deuxième coupe, il perdit aussitôt la notion du temps, et ne contrôla plus ses propres actes.

 

 

En fin de soirée, David fut donc obligé de le porter dans la chambre où il s'était installé. Entouré d'une sorte d'épais coton qui filtrait les sons autour de lui, il n'avait pas tout compris, et avait juste senti qu'on le soulevait. Il avait été installé dans le lit -toujours vêtu de son peignoir, son hôte n'ayant certainement pas osé le déshabiller- puis soigneusement bordé. Il s'était endormi comme une masse, pour une fois le ventre plein, et au chaud.

 

Lorsqu'il s'était réveillé, un furieux mal de crâne l'avait saisi. Tous ses membres étaient engourdis, et il lui avait fallu s'y reprendre à deux fois avant d'arriver à s'asseoir dans le lit. Quelques secondes de réflexion lui avaient été nécessaires pour se rappeler de ce qu'il s'était passé la veille, et donc pour comprendre pourquoi il se trouvait dans cette chambre et non dans la rue. Quand il eut totalement recouvert la mémoire, il soupira, passa ses mains sur son visage comme pour s'aider à se réveiller complètement, puis tenta de se lever. Il vacilla un moment avant de se stabiliser. Il rajusta ensuite son peignoir qui s'était défait pendant la nuit.

Enfin il quitta la chambre, toujours plongée dans l'obscurité, et se rendit dans la cuisine. David y était déjà attablé, les cheveux en pagaille, l'air un peu fatigué, vêtu seulement d'un short de pyjama. Il lui sourit cependant lorsqu'il arriva, et l'invita à prendre place à côté de lui. Baptiste refusa d'avaler quoi que ce soit, ayant la nausée. Il but seulement un café, histoire de se remettre les idées en place. Il regarda ensuite son hôte manger. David eut un léger sourire lorsque, la bouche encore pleine, il surprit son regard. Il avala sa bouchée de panettone, puis s'adressa à lui du même ton enjoué qu'il employait tout le temps :

-J'aimerais qu'on commence les photographies aujourd'hui, si ça ne te dérange pas. Plus vite on aura fait les premières, plus vite je pourrai t'acheter d'autres vêtements. En fait, le thème de mon dossier est « Évolution ». J'aimerais montrer la tienne.

Baptiste avait froncé les sourcils en entendant que David s'était remis à le tutoyer. En réfléchissant un moment, il finit par se souvenir que la veille, alors qu'il était complètement ivre et que David le ramenait dans sa chambre, il lui avait avoué que finalement, le vouvoiement le gênait. Il en vint à se demander s'il s'était produit d'autres évènements importants dont il ne se souvenait plus. Il savait cependant qu'il n'oserait pas demander.

Il se contenta donc d'acquiescer silencieusement, hochant la tête. David prit ensuite le chemin de la salle de bain, lui indiquant gentiment qu'il devait s'habiller et remettre ses vêtements de la veille. La mine basse, Baptiste s'exécuta et retourna dans sa chambre. Là, il s'arrêta un moment, hésitant devant ses vielles loques reposant à terre devant le lit. Finalement, se rappelant que s'il était là, c'était pour se faire photographier, et qu'il devait pour cela se plier aux désirs de son hôte, il soupira et ramassa ses guenilles. Il déposa son peignoir sur le lit puis s'habilla.

Lorsque cela fut fait, il se rendit dans le salon, encore vide, et attendit, planté au milieu de la pièce, se sentant désormais étranger à cet entourage si parfait, lui, redevenu crasseux et puant. David le rejoignit quelques minutes plus tard, vêtu d'un costume noir semblable à celui qu'il portait la veille. Il lui sourit puis se dirigea à grandes enjambées vers l'entrée de son appartement. Baptiste le suivit, et ils sortirent.

Il constata en arrivant dans la rue, que l'air s'était un peu réchauffé au dehors. Cependant, il faisait encore froid, aussi se pelotonna-t-il dans sa veste élimée. Lorsque son hôte le remarqua, il l'interrogea, semblant inquiet :

-Ça va ?

En guise de réponse, il se contenta de hocher la tête. David eut une moue sceptique, mais il n'insista finalement pas. Baptiste, recroquevillé sur lui-même, suivit l'autre homme dans des rues qu'il ne connaissait pas, jusqu'à un grand boulevard où la circulation était importante. David lui demanda, l'air gêné, de s'allonger sur un vieux banc à la peinture écaillée. Quelques détritus trainaient à côté. Baptiste fronça les sourcils, et hésita un instant avant de s'exécuter. Une fois allongé, il leva sur David un regard tourmenté. S'exposer ainsi aux yeux de tous le gênait atrocement, et il ne savait pas quelle attitude adopter. S'il avait pu, il serait rentré sous terre tant il avait honte. David parut le remarquer, mais n'intervint pas. Il le regarda un moment sans rien dire, puis se détourna pour installer son appareil photo. Il sortit le pied de l'étui, le plaça devant le banc, à la limite du trottoir et de la route, puis fixa l'appareil lui-même. Baptiste, sur le banc, était plus tendu que jamais, attendant les recommandations de David. Plus que tout, il avait peur de ne pas convenir à ce qu'il voulait réaliser comme clichés.

Alors qu'il était comme paralysé, trouvant sa position totalement incongrue, David laissa son appareil de côté, et vint s'accroupir devant lui.

-Ça ne va pas ?

Préférant être honnête -de toute façon, mentir n'aurait servi à rien, puisque ses émotions se lisaient sur son visage comme dans un livre écrit en caractères gras-, il tourna vivement la tête de droite à gauche, ne trouvant pas la force de répondre à voix haute. David eut un soupir déçu.

-Tu veux qu'on arrête ?

Baptiste paniqua, à l'idée de devoir retourner à sa vie dans la rue, alors qu'il avait goûté, pendant une soirée et une nuit, aux délices du confort. Il se redressa, et s'écria :

-Non !

Puis, honteux soudain de s'être ainsi emporté, il tenta de se reprendre :

-Enfin... je...

David lui sourit.

-Détends-toi. Respire, et on va y arriver. Je ne te demande pas quelque chose de très compliqué pour la première photo. Imagine qu'il n'y a pas d'objectif, sois naturel.

Facile à dire... Il n'avait jamais aimé être le centre de l'attention. Ici, c'était encore pire. Son salut dépendait de son image, et il ne pouvait s'enlever cette idée de l'esprit. Cependant, les encouragements de son vis-à-vis le décidèrent à faire des efforts. Il s'allongea nouveau, puis fixa David, attendant qu'il lui dît quoi faire. Ce dernier pencha la tête sur le côté, et Baptiste eut alors l'impression insupportable d'être jugé, cependant il ne pensait pas que David était de ce genre là, et s'il voulait vraiment le garder comme modèle, il avait tout intérêt à ne pas le mettre plus mal à l'aise qu'il ne l'était déjà. L'autre homme prit alors la parole :

-Ne te crispe pas comme ça... Plie tes jambes, ça fera plus naturel. Imagine que tu as froid. D'ailleurs, il ne devrait pas y avoir trop d'efforts à faire, ajouta-t-il dans un sourire en frissonnant.

Baptiste acquiesça. Il tenta de se relâcher, cessant de crisper ses muscles. Il ramena ses jambes vers lui, serra ses mains autour de ses épaules, se recroquevilla sur lui-même et attendit.

David lui sourit.

-Maintenant, ferme les yeux.

Baptiste s'exécuta. Un mouvement d'air près de lui lui indiqua que David s'était éloigné. Il fit de son mieux pour ne pas bouger, en attendant que le photographe eût fait les réglages nécessaires sur son appareil. Cependant, le froid était bien là, et il se mit à grelotter. Les yeux toujours clos, concentré sur sa position, il ne sentit pas David se rapprocher et sursauta lorsqu'il posa une main sur son épaule. L'autre lui sourit et le frictionna un instant, avant de reculer et de se placer derrière le pied de son appareil. Il se baissa, puis son visage disparut derrière l'objectif. Baptiste soupira, puis referma les yeux. Il se cala plus confortablement sur le banc, une partie de son visage et ses genoux appuyés contre le dossier, puis se figea.

Dans le vacarme de la ville, il n'entendit pas le premier flash, perçut le deuxième comme à travers un filtre sonore. Plusieurs autres se succédèrent, David le fit changer légèrement de position puis prit une deuxième série de clichés.

Lorsqu'enfin il sembla satisfait, il l'autorisa à se relever. Baptiste, totalement engourdi, s'étira avant de se mettre en marche, suivant l'autre homme qui était déjà en route. David marchait d'un pas vif, et semblait pensif. Son visage était fermé, il se mangeait la lèvre inférieure et fronçait les sourcils. Baptiste se tint silencieux pendant tout le trajet, ne voulant pas le déranger pendant ses réflexions.

Il s'étonna de voir qu'ils n'empruntaient pas le chemin censés les ramener vers l'appartement de son hôte. Cependant, il n'osa pas poser de questions. Ils arrivèrent sur un grand boulevard, où la circulation était encore plus dense. David, marchant d'un pas déterminé, semblait savoir où il allait. Finalement, il entra dans une boutique, et Baptiste le suivit. Il comprit tout de suite pourquoi ils étaient venus ici. Ils étaient dans une boutique de vêtements. Il se souvenait très bien que David lui avait promis de lui acheter de quoi s'habiller convenablement.

Il s'avança timidement vers l'un des rayons. Il effleura du bout des doigts les étoffes, puis saisit un cintre sur lequel était accroché un pantalon noir. Il le fit tourner devant lui, et sourit devant l'esthétique du tissu. Cependant, lorsque l'étiquette se présenta à ses yeux, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Le seul mot qui lui vint alors à l'esprit fut « luxe ».

David l'avait emmené dans une boutique de fringues de luxe. Il n'avait pas sa place ici. À quoi avait donc bien pu penser son hôte en trainant un clochard dans un tel lieu ? Que cherchait-il à faire ? À quoi cela servait-il de le confronter à ces prix exorbitants ? Lui faire prendre conscience de sa médiocrité, lui qui jamais ne pourrait se payer une tenue complète dans un tel magasin ? Lui prouver sa générosité et ainsi le forcer à rester ?

Il n'y comprenait plus rien.

Il reposa rageusement le pantalon dans le rayon, puis se mit en quête du photographe. Il le trouva quelques mètres plus loin, et se planta devant lui, les sourcils froncés, les bras croisés sur la poitrine. David lui sourit et l'interrogea, n'ayant visiblement pas vu son trouble :

-Alors, tu as trouvé quelque chose ?

Baptiste rétorqua violemment, exaspéré et ne comprenant toujours pas l'attitude de son vis-à-vis :

-Non. Je ne veux pas de ces vêtements.

L'autre eut un air étonné, qui eut pour seul effet d'exacerber sa nervosité. Il s'énerva alors, haussant le ton :

-A quoi vous pensez en emmenant un clodo dans un magasin de luxe ? Qu'est-ce que vous cherchez ?

David resta interloqué quelques secondes puis soupira et lui sourit.

-Ça te gêne ?

-Évidemment ! Vous m'avez bien regardé ? Vous pensez que je peux porter ça ?

Le photographe eut une moue déçue, puis haussa les épaules.

-Tant pis. De toute façon, il faudra bien y revenir, car je veux t'acheter un costume pour les dernières photos.

Baptiste le fusilla du regard puis pivota sur ses talons et, le laissant derrière lui, quitta la boutique et sortit dans la rue. Il avisa un petit magasin dont le nom lui disait quelque chose de l'autre côté du boulevard, et traversa donc la rue, sans vraiment faire attention à la circulation des voitures. Plusieurs coups de klaxon retentirent alors qu'il atteignait le milieu de l'avenue, et soudain il fut tiré en arrière. Il se retourna, furieux, et se retrouva face à David qui le fixait d'un air plein de reproches.

-Qu'est-ce qui t'a pris de traverser sans faire attention ! Tu aurais pu te faire écraser !

Baptiste haussa les épaules et tenta de se dégager, mais David resserra sa prise sur son bras. Le jeune homme fut frappé par l'expression sévère du visage du photographe, qui l'entraina de l'autre côté de la rue, et ne le lâcha que lorsqu'ils eurent pénétré dans le magasin.

Baptiste s'y sentait déjà plus à se place. Enfin, disons que sa présence lui paraissait moins incongrue dans ce lieu. David, dont la moue boudeuse semblait indiquer qu'il était vexé, s'installa contre un mur, croisa ses bras sur sa poitrine et ne bougea plus, le suivant seulement des yeux. Baptiste soupira, comprenant que leur cohabitation ne serait pas si simple qu'elle l'avait paru au premier abord, et se mit en quête de quelques vêtements qui lui auraient plu. Il eut tôt fait de sélectionner quelques jeans, T-shirts et pulls. Particulièrement gêné à l'idée que ce n'était pas lui qui allait payer tout cela, il calcula minutieusement le prix total de ce qu'il avait choisi, et veilla à ce que cela ne fût pas trop élevé. David le rejoignit quelques minutes plus tard, et lui lança :

-Alors, tu essayes tout ça ?

Baptiste rougit alors furieusement, terriblement gêné d'avoir à demander l'avis de cet homme pour savoir si les vêtements qu'il avait sélectionnés lui allaient. Il hocha cependant la tête, et se dirigea vers une cabine, suivi du photographe.

La séance d'essayages fut longue. Très longue. Dès qu'il essayait un T-shirt ou un jean, David tenait à le voir sous tous les angles, pour être sûr que le tissu lui seyait parfaitement. Baptiste, lui, rougissait à chaque fois que le photographe disait le trouver beau dans ces vêtements, et fut grandement soulagé lorsqu'ils eurent enfin terminé d'examiner les habits.

David lui prit ensuite le panier en plastique dans lequel il avait entassé tous les vêtements, puis se dirigea vers la caisse d'un pas assuré, ne lui laissant pas le temps de protester. À peine avait-il eu le temps de le rejoindre qu'il avait déjà sorti sa carte bleue et tapait son code. Baptiste soupira, résigné. Cet homme était aussi têtu qu'une mule.

Lorsque le vendeur lui eut tendu son ticket, David revint vers lui, un grand sourire aux lèvres, le saisit par le coude et l'entraina au dehors.

-Alors, on rentre, ou tu veux que je t'achète autre chose ?

Baptiste se renfrogna tout à coup. Le photographe le traitait comme un petit enfant qui a besoin qu'on lui offre tout ce qu'il veut.

-On rentre, lâcha-t-il un peu sèchement.

David sourit.

-Tu es fâché ?

Il ne répondit pas, fixant ses pieds et continuant à avancer. À côté de lui, l'autre homme eut un léger soupir.

-Ce que tu es buté...

-Je te retourne le compliment.

David le retint alors par le bras et le força à se tourner vers lui.

-Tu m'as tutoyé, lâcha-t-il dans un sourire.

Baptiste fronça les sourcils, réfléchit un peu et se rendit compte qu'effectivement, le « tu » lui avait échappé. Il haussa les épaules puis se remit en marche. Derrière lui, David continuait de sourire.

Le photographe lui fit faire un tour de la ville pour lui montrer les différents endroits où il souhaitait le photographier. Ils passèrent dans un immense parc que Baptiste ne connaissait pas, et alors qu'ils marchaient au milieu des allées de platanes, la neige se mit à tomber. Le jeune homme la regarda tomber, émerveillé par la lente descente des flocons.

Ils continuèrent leur promenade un moment, jusqu'à ce que David remarquât qu'il avait vraiment trop froid, et lui proposât qu'ils rentrassent. Ils firent alors demi-tour et prirent la direction de l'appartement du photographe. Baptiste, lui, découvrait à nouveau la ville, n'ayant pas prêté attention au chemin qu'ils avaient emprunté.

Alors qu'ils marchaient côte à côte sur le trottoir qui se recouvrait d'une fine pellicule blanche, David se racla la gorge, indiquant qu'il allait parler, et demanda, l'air un peu gêné par sa question.

-Quel âge as-tu ?

Baptiste fut quelque peu surpris. Il n'osa pas répondre immédiatement, craignant soudain de paraitre trop jeune aux yeux du photographe.

-Vingt ans.

David haussa les sourcils puis sourit.

-Tu as l'air plus vieux.

-C'est la barbe, grommela le jeune homme.

L'autre homme rit silencieusement à ses côtés. Baptiste souhaita un instant se renfrogner, mais eut finalement un petit sourire, soulagé.

Même si sa première expérience pour les photographies avait été plutôt éprouvante, il sentait bien que David serait prêt à tout pour le garder. Lui, de son côté, n'avait absolument aucune envie de s'arrêter en si bon chemin. Il avait un foyer, de la compagnie, était nourri et désormais bien habillé...

Qu'aurait-il pu vouloir de plus ?

Par Absynthe - Publié dans : Sensitiv' Photograph' par Merlin - Communauté : Histoire érotique
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Samedi 30 octobre 6 30 /10 /Oct 00:04

 Suite...

 

 

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Quelques jours avaient passé pendant lesquels David avait à nouveau voulu le prendre en photo dans les mêmes conditions que la première fois. Baptiste s'était plié à ses exigences avec cependant quelques réticences, souhaitant que le jour où il pourrait se raser et couper ses fichus cheveux viendrait vite. Il avait aussi hâte de porter les vêtements que le photographe lui avait achetés. Ils étaient ressortis la veille, pour choisir quelques habits plus chauds, dont des pulls en grosse laine, car l'hiver était encore là pour un moment et, selon ce que lui avait dit David, la majorité des clichés seraient pris en extérieur.

Ce jour-là, il s'était levé tôt. Il n'avait pas très bien dormi, contrairement aux nuits précédentes, David l'ayant réveillé aux alentours de dix heures tous les jours depuis qu'il l'hébergeait. Cette fois-ci, il avait ouvert les yeux à sept heures tapantes, et ne parvenant pas à retrouver le sommeil, il s'était levé sans un bruit, et à pas de velours, s'était rendu dans la cuisine, qu'il apprenait à connaître comme les jours passaient. Il avait cherché un moment avant de trouver de quoi se préparer un chocolat chaud.

Il dégustait maintenant sa boisson assis dans le canapé du salon, regardant au dehors les flocons de neige descendre lentement jusqu'au sol. La situation avait quelque chose de féérique pour lui qui, à peine une semaine plus tôt, grelottait du matin au soir en se serrant dans un bout de tissu rapiécé, auprès de sa chienne...

Enfin, celle de Nathalie. Quelle histoire sordide...

Leur rencontre avait été classique. Un bar. Une nuit passée ensemble. Et l'envie de continuer encore un peu. Finalement, leur couple était tout ce qu'il y avait de plus banal, mais ils étaient heureux. Elle était un peu nunuche, mais il l'aimait tout de même. Mannequin, elle gagnait pas mal sa vie. Lui n'ayant plus de parents avait trouvé là une personne pouvant l'aider. Elle l'avait hébergé, elle avait payé l'entrée à l'université qu'il avait choisie...

Jusqu'au jour où, brusquement, elle avait disparu. Du jour au lendemain, elle n'avait plus été là. Ses agents avaient eu beau lancer des forces de police à sa recherche... NeuNeu avait disparu. Elle n'était plus là, et lui se retrouvait tout seul.

Il n'avait plus payé le loyer, et avait été expulsé. Quant à son université... Un clochard ne peut pas se permettre d'étudier. Il n'avait plus les moyens, et l'huissier avait saisi tout ce qu'il possédait, même si l'appartement n'était pas à son nom.

Il s'était donc retrouvé à la rue avec Gaya pour seul compagnon. La chienne avait alors recueilli toute son affection, et il s'était attachée à elle comme si ç'avait été une humaine.

Il avait d'ailleurs eu du mal à passer la journée sans elle, lorsque David l'avait emmené en ville pour faire les premières photos. Le soir même, à peine étaient-ils rentrés, qu'il s'était précipité chez la concierge pour la voir.

À voix basse, pour que personne à part elle ne l'entendît, il s'était excusé, désolé de l'avoir laissée seule. La chienne ne semblait pas lui tenir rigueur, en démontraient ses jappements de joie incessants et sa queue qui battait l'air, envoyant par là même des poils voler vers la concierge qui prenait un air dégouté. Il en avait ri sous cape.

Finalement, il avait été obligé de laisser Gaya avec cette triste femme pour monter manger et dormir.

Totalement épuisé, il n'avait pas tardé à trouver le sommeil.

 

Le grand jour était enfin arrivé.

Il s'était réveillé tôt, impatient. David dormait encore alors qu'il était déjà lavé et habillé, attendant son hôte assis dans le salon, tordant ses mains de nervosité et de joie contenue. Lorsque le photographe l'avait rejoint d'un pas ensommeillé, les cheveux en bataille, il avait gentiment ri de le voir prêt si tôt.

Baptiste l'avait assuré qu'il ne voulait pas le presser, et qu'il pouvait prendre son temps, cependant il avait bien remarqué que son hôte s'était préparé plus vite que de coutume, lui qui, il avait pu le remarquer depuis une semaine qu'il vivait avec lui, aimait paresser avant que la journée ne doive vraiment commencer.

La veille de ce jour-là, David lui avait annoncé qu'il était parfaitement satisfait de la première série de clichés qu'il avait pu développer -mais qu'il refusait pourtant de lui montrer- et qu'ils pouvaient donc passer à la suite. Il lui avait donc accordé l'autorisation de se raser, et d'obtenir une coupe de cheveux convenable.

Ils se rendaient donc chez le coiffeur. Baptiste avait du mal à tenir en place, et sur le chemin tout enneigé, il serra ses mains dans ses poche pour cacher son excitation à l'homme qui venait enfin de le libérer.

Lorsqu'ils pénétrèrent dans le local embaumant le shampooing, il sentit les battements de son cœur s'accélérer. Il n'eut pas vraiment de conscience de s'avancer vers cette femme qui l'accueillait en souriant, ni de s'installer sur ce siège tandis que l'eau commençait à couler dans ses cheveux. Il ferma les yeux.

Il se laissa faire sous le regard amusé de David, qui n'avait de cesse de lui adresser des sourires moqueurs dès qu'il voyait à quel point il appréciait le traitement de la coiffeuse sur son cuir chevelu. Le photographe récoltait bien entendu à chaque fois des regards noirs mais en riait plus qu'autre chose. Baptiste avait finalement décidé de le laisser faire, trop perdu dans le bonheur d'avoir enfin les cheveux propres.

La femme le fit s'installer devant le grand miroir qui recouvrait tout le mur. Un peu anxieux, il lui signala qu'il voulait ses cheveux courts, sans autre fioriture, et plus un poil de barbe. Elle sourit puis commença le travail. David s'était rapproché de lui et lui sourit, sans moquerie cette fois, comme pour lui dire qu'il pensait comprendre ce qu'il ressentait. C'était bien évidemment impossible, mais l'intention était louable. Aussi Baptiste lui rendit-il son sourire. Il ferma ensuite les yeux, et mit son esprit au repos tandis qu'autour de lui tintaient des bruits de ciseaux et de peigne.

 

Plus tard, on lui annonça :

-C'est terminé.

Le cœur battant, il ouvrit alors les yeux et se figea, ne reconnaissant pas le jeune homme en face de lui. Ému, il sourit à son reflet. Si, finalement, c'était bien lui. Lui, plusieurs mois auparavant. Lui, Baptiste, vingt ans, l'étudiant, et pas Baptiste le clochard, faisant dix ans de plus. S'étant observé tout son soûl, il chercha David du regard. Le photographe lui souriait. Il lui fit signe de se lever et il s'exécuta, puis le rejoignit quelques mètres plus loin.

Trop heureux et n'ayant plus vraiment conscience de ce qu'il faisait, il se perdit dans son regard et le fixa au delà de ce que la bienséance autorisait. Lorsqu'il reprit ses esprits, il s'aperçut que le photographe avait rougi et affichait un sourire gêné. Il s'excusa à mi voix puis prit la direction de la porte de la boutique. David le rattrapa par le bras et le rassura d'un autre sourire, plus franc et amusé cette fois-ci.

Sans un mot, ils sortirent sur le pavé tout recouvert de blanc. La neige tombait à nouveau et Baptiste se laissa charmer. David, le tenant par le bras, le guida vers l'endroit qu'il avait repéré pour les prochaines photographies.

Baptiste ne prêta qu'une attention distraire au chemin qu'ils empruntèrent, mais lorsque David lui annonça, l'air parfaitement sérieux, « C'est là », il se figea, sans comprendre. Devant lui, il n'avait qu'une rue banale.

Il se tourna vers le photographe en fronçant les sourcils.

-Tu sais, je t'avais dit que le thème de mon dossier était « Évolution », commença-t-il à expliquer.

Le jeune homme acquiesça, sans que cela fût plus clair dans son esprit pour autant. L'homme reprit :

-Je t'ai d'abord photographié dans un état... miséreux, disons-le.

-C'est le mot, acquiesça-t-il.

-Voilà. Maintenant que tu es rasé et que tes cheveux sont coupés, tu vas aussi changer de posture pour les clichés. Je ne t'en dis pas plus, termina-t-il dans un sourire des plus agaçants. Je voulais juste te montrer l'endroit des prochaines photos, en fait.

Étonné, Baptiste écarquilla les yeux.

-On ne prend pas de photos ?

-Non.

-Qu'est-ce qu'on fait, alors ?

-On rentre. Tu veux te promener un peu ?

Baptiste baissa la tête, un peu surpris par la nouvelle.

-Non, admit-il à mi-voix.

David lui sourit puis le prit par le bras et ils se remirent en marche.

Ils furent rapidement arrivés chez le photographe, et le jeune homme s'empressa d'aller rendre visite à sa chienne. Il lui raconta sa journée à voix basse pour ne pas trop passer pour un imbécile auprès de son hôte qui avait voulu rester avec lui -il se moquait bien de l'opinion de la concierge.

Ils montèrent ensuite dans l'appartement de David. Baptiste fut soulagé d'y entrer après tout ce temps passé dehors. Plus le temps passait, et plus il se sentait bien dans ce lieu. Il accrocha son manteau nouvellement acheté à une patère, puis s'avança dans le salon. Il s'asseyait sur le canapé faisant face à la grande baie vitrée quand David lui demanda depuis la cuisine :

-Tu veux un chocolat ?

Baptiste se retourna vers son hôte qu'il pouvait apercevoir et lui répondit après un court moment de réflexion :

-Oui, merci.

Il reprit ensuite sa position initiale, confortablement installé dans ce canapé définitivement moelleux à souhait. Il se laissa aller et sa tête s'enfonça dans les coussins. Il était étrangement engourdi, mais parfaitement installé et le bien-être envahissait chaque partie de son corps.

Quelques minutes plus tard, David s'assit à sa droite et lui tendit une tasse remplie de liquide fumant. Le jeune homme le remercia puis, pris d'une soudaine envie, se pencha vers lui et l'embrassa sur la joue. Il recula ensuite, puis rougit en réalisant ce qu'il venait de faire. David, passé un court instant de surprise, lui sourit, les joues un peu roses, lui aussi. Baptiste se joignit à lui, ne regrettant finalement pas d'avoir suivi son instinct.

Par Absynthe - Publié dans : Sensitiv' Photograph' par Merlin - Communauté : Communauté gay
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