Et un nouveau Chapitre de Deadly, je pense que ça va être un chouette lundi pour vous les filles!
D'autant plus que je suis complètement fana de cette histoire, et que je crève d'envie de connaitre la suite.
On remarquera la longueur de ce chapitre, six pages, l'auteur est fière, y a de quoi. Et nous on se régale ^^. Si vous pouviez la harceler sur son blog ou ici de ma part pour qu'elle embraye sur le chapitre suivant, ça me ferait plaisir.
Bisous!
ps: je sais, l'image n'a rien à voir, mais j'aime beaucoup xD
Chapitre 2
En s'installant à côté d'un des piliers de la place principale de Lima, Andrès vit passer une jeune femme si élégante qu'elle lui donnait mal à la tête. Elle baissa un regard dédaigneux sur lui mais releva bien vite la tête, resserrant sa légère veste rouge autour d'elle. Le jeune homme roula des yeux. Il était un être humain, pas une bactérie. Cette femme était le stéréotype parfait de la bourgeoise méprisante. Les gens riches croyaient pouvoir tout se permettre et même s'il leur arrivait de donner aux œuvres de charité, ils détestaient ouvertement les personnes comme lui, les pauvres. Il ne pouvait pas s'empêcher de grincer des dents face à un tel comportement hypocrite. Ces dons ne leur servaient qu'à se faire bien voir dans leur société fermée.
D'ailleurs cela faisait une semaine qu'il n'avait pas vu le "photographe", ce qui prouvait qu'on ne pouvait se fier aux riches. Pas qu'il eut envie d'accepter sa proposition mais, par principe… A vrai dire, ces derniers temps, Andrès y avait quand même réfléchit. Il avait de plus en plus de mal à s'organiser, il manquait énormément de sommeil. Se lever tous les jours à quatre heures, parcourir la ville toute la journée et rentrer se coucher à plus ou moins minuit sur un lit pire qu'inconfortable était extrêmement épuisant. Il n'avait même plus le temps de se rendre chez Maria, son odeur corporelle le lui rappelait constamment… Y réfléchir ne signifiait en aucun cas qu’il envisagerait ne serait-ce qu’une seconde d’accepter réellement. Et c'était une bonne chose qu'il ne se soit plus montré car il l'aurait surement eu à l'usure puisque la seule chose qui le retenait était sa fierté.
Le jeune homme s’adossa au mur en soupirant. Il rentrerait plus tôt ce soir-là, il ne tenait plus debout. Ne pas aller à Miraflores lui ferait perdre de l’argent qui lui serait plus que bénéfique mais, son train de vie devenait insupportable.
Un bruit de talons frénétique s’arrêtant devant lui lui fit ouvrir les yeux et lever la tête. Une jeune fille très élégante aux longs cheveux roux s’accroupit et lui sourit en ouvrant son sac à main.
— Ça fait trois jours que je te vois ici, tu es si maigre, j’ai pensé que tu aurais faim.
Elle lui tendit un sac plastique où il trouva un sandwich complet, une petite bouteille d’Inka Cola (Ndla : Soda péruvien jaune fluo, plus populaire que le coca) et même un dessert ! Il la remercia les yeux brillants de gratitude. C’était si rare qu’on lui offre quelque chose à manger qui lui soit destiné du début à la fin. D’ordinaire c’était des restes qu’il récoltait…
La jeune femme se releva, toujours en souriant et s’éloigna sous le regard d’Andrès. Il entama son diner aussitôt, affamé. Il avait presque oublié le goût de la viande.
De l’autre côté de la rue, la jeune femme rousse s’avança vers un homme vêtu de noir aux longs cheveux qu’elle salua. L’homme se tourna vers lui, lui fit un clin d’œil, passa un bras autour de la taille de sa compagne et s’éloigna. Il avait parlé trop vite…
Andrès regarda autour de lui, il n’y avait plus grand monde dans les parages. Gaya et lui n’allaient pas tarder à lever le camp. Le jeune homme fixa un instant la chienne d’un air triste. Cela faisait pratiquement deux semaines que Nathalia avait disparue. Soit elle avait joué sa Viviane et trouvé son Edward à la mode Pretty Woman, soit elle était morte – dans le pire des cas.
Il espérait vraiment qu’il ne lui soit rien arrivé de grave. Il ne la connaissait pas plus que ça mais, voir quelqu’un qu’on avait côtoyé disparaître sans explications était inquiétant. Surtout que maintenant Gaya ne le lâchait plus. Andrès n’était pas un grand fan des animaux à la base mais la chienne lui faisait beaucoup de peine et il n’avait pas l’intention de la laisser errer seule dans la ville. En deux semaines, il avait eu le temps de s’y attacher… Et, par respect envers sa maitresse, il se devait moralement de veiller sur elle. Nathalia n’était définitivement pas ce qu’on pouvait appeler une lumière mais elle serait heureuse de retrouver Gaya en bonne santé quand elle reviendrait. Si elle revenait un jour…
Le beau labrador sable frotta sa truffe contre le coude du jeune homme pour passer sa tête dessous. Andrès souleva docilement son bras et la chienne posa son museau sur sa cuisse en le regardant de ses grands yeux humides. Il la caressa derrière les oreilles un instant.
— Toi aussi tu veux rentrer ?
Il prit le clignement de paupières qu’elle lui adressa comme un assentiment.
— Ok, alors on y va.
Le jeune homme se leva, attrapa la laisse de Gaya et ils rentrèrent. A peine arrivés à destination, il se mit à pleuvoir. Une légère bruine. Andrès leva les yeux vers le ciel. Le bleu clair éclatant avait laissé la place à un joli gris perlé percé de touches lumineuses mais, l’énorme nuage anthracite qui se dirigeait droit sur eux ne lui disait rien qui vaille. Ça allait empirer dans peu de temps. Et avec le froid qu’il faisait ce jour là, il pourrait s’estimer heureux s’il ne tombait pas malade.
Ce soir-là, il s’endormit rapidement, la fatigue le rattrapant.
Le réveil le lendemain matin fut nettement moins joyeux. Tout d’abord, il n’avait pas entendu le coq chanter, ce qui était inhabituel. Ensuite il avait la désagréable impression d’être trempé. Andrès remua et fut surpris de constater que ses orteils et ses doigts étaient plus que gelés. Le vent qui soufflait violemment au dehors faisait trembler leur cabane et gémir le bois qui la composait en une plainte agonisante. Le crissement des branches de l’arbre voisin sur la tôle du toit n’aidait pas non plus à se sentir très à l’aise dans leur placard. Andrès se releva sur un coude et le sentit s’enfoncer dans une matière spongieuse inondée. Gaya s’agitait dans tous les sens, elle tentait de se mettre les pattes au sec. Peine perdue. Le jeune homme observait le sol dépité. Il y avait bien cinq centimètres d’eau par terre ! Pas étonnant que tout soit trempé… Il se releva et ramassa la couverture qui lui servait de matelas mais qui, pour l’heure, avait tout de la serpillère détrempée qu’elle avait été dans la nuit. Il soupira en tremblotant. Avec un peu de chance elle aurait le temps de sécher quand il rentrerait.
*
Ce jour là, il aperçut de nouveau l’étranger. Toujours au même endroit. Seulement cette fois-ci il s’était installé sur une chaise au pied de la fontaine et l’avait observé durant une heure en enchainant les cigarettes.
*
La nuit suivante fut pire. Il avait un peu plu durant la journée et son « matelas » de secours n’avait absolument pas séché. Au lieu du repos bien mérité qu’il avait espéré toute la soirée, il n’eut droit qu’à quelques malheureuses heures de somnolence grelottante. Le lendemain fut très pénible. Il se leva avec un éternuement qui lui heurta les côtes et un mal de gorge divin. Ce qu’il pouvait haïr ces dérèglements climatiques ! Le temps ne pouvait-il pas respecter ses foutues saisons au lieu de n’en faire qu’à sa tête ? Il espérait que ce mauvais temps s’arrête rapidement et qu’il ne tombe pas davantage malade. Il n’avait franchement pas les moyens de se soigner et il commençait à être à bout de nerfs. Deux mois qu’il dormait à peine. Deux mois qu’il ne mangeait pratiquement rien. Deux de mois qu’il n’avait quasiment plus de rapports sociaux. Deux putains de mois qui l’avaient épuisé autant physiquement que moralement. Il se demandait s’il était encore légitime d’espérer s’en sortir un jour.
Le lendemain le soleil et la chaleur était de nouveau au rendez vous ce qui amoindrit légèrement sa désespérance. Sans doute pas assez. Quand il s’installa à sa place habituelle sur la place il tremblait. Autant à cause de ses efforts de la matinée à Gamarra que de fatigue et de froid. Il resta là toute l’après midi comme d’habitude, à ceci près qu’il somnola jusqu’à ce qu’on lui tape sur l’épaule. Andrès ouvrit difficilement ses paupières lourdes de lassitude. Une silhouette se découpa en ombre chinoise sur le soleil couchant devant lui. Une haute silhouette. Masculine. De longs cheveux noirs lui chatouillant les hanches. Il referma les yeux quelques secondes en soupirant quand un arôme délicieusement amer et chaud lui titilla les narines.
— Tiens. Tu crèves de froid.
Le jeune homme leva les yeux vers lui et prit la tasse de café qu’il lui offrait en murmurant un « merci » à peine audible. Il but à petites gorgées appréciant de sentir la chaleur couler le long de sa trachée.
— Toujours pas intéressé ?
Andrès éternua violemment en évitant de s’ébouillanter les mains avec le café.
— Non.
— Sûr ? Lui demanda Dante, un sourcil levé, perplexe.
— Sûr.
Le jeune homme ne put retenir un second éternuement qui le secoua tout autant que le premier.
— Très bien…
Le photographe l’observa quelques secondes avant qu’Andrès agacé se lève et fasse mine de partir.
— Où vas-tu ?
— Je rentre. Répondit-il sèchement.
— Viens je te ramène.
— Non merci. Je peux très bien marcher.
— Fais pas l’idiot, t’arriveras jamais vivant dans cet état.
Il laissa courir ses yeux sur le bitume en pesant le pour et le contre. A dire vrai, il y avait plus de pour que de contre. C’est pourquoi, à bout de force, il suivit l’inconnu. Inconnu qui avait une bien trop belle voiture. Voiture qui devait bien coûter trois ou quatre fois la modeste maison de Maria.
Dante posa une couverture sur les sièges en cuir arrière de sa berline pour Gaya et lui fit signe de se placer à l’avant. Il n’était pas encore monté qu’une bruine se mit à dégringoler des nuages. Andrès pesta silencieusement et tenta de s’installer en touchant le moins de choses possible, il ne voulait pas salir la voiture de cet homme, aussi arrogant soit-il. Au fur et à mesure qu’ils roulaient, la pluie se fit plus drue. Ça allait être encore une nuit désastreuse pour le jeune homme. Andrès se renfrogna rien qu’à l’idée que son abri allait être inondé une fois de plus. Apparemment on avait oublié de prévenir l’hémisphère sud que c’était l’été et que, par conséquent, il était censé faire beau au Pérou…
Le trajet fut silencieux, le photographe comprenant que son passager n’était pas disposé à discuter ne prit pas le risque de le braquer une nouvelle fois alors que sa proposition était toujours en suspens. Néanmoins au vu du délabrement moral, qui transparaissait intensément sur le physique de son futur modèle, il savait qu’il finirait par craquer bientôt au moins pour avoir l’occasion de se reposer quelques temps malgré son orgueil. Il pouvait peut-être se permettre de jouer sur ce tableau.
— Est-ce que tu vivais dans les montagnes avant ?
Le jeune homme se retourna vers lui en plissant les yeux.
— Non… Répondit-il méfiant. Pourquoi ?
— Ça aurait pu expliquer le fait que tu refuses si vivement d’être pris en photo.
— Pardon ?
— Tu sais toutes ces superstitions comme quoi tu perdrais ton âme si on prenait un cliché de toi…
Andrès sourit mais se reprit vite. Il n’appréciait pas le ton narquois qu’avait pris cet homme pour parler de son peuple. Certes, ces superstitions étaient absurdes mais il estimait que chacun pouvait croire en ce qu’il désirait. En quoi cela regardait autrui ? Ceux qui vivaient dans les montagnes n’étaient pas vraiment rattachés à ce qui se passait en ville et étaient plutôt arriérés. Arriérés dans le sens qu’ils vivaient de la même façon depuis au moins cinquante ans et qu’ils n’avaient pas fait évoluer leurs méthodes ni leur façon de penser depuis cette époque. Néanmoins ils avaient des croyances et ces croyances étaient les leurs. Qui était-il pour se permettre de les juger ?
— Vous n’êtes pas d’ici, vous n’avez pas le droit de mépriser ces gens !
— Avoue tout de même que c’est stupide.
— Non ce n’est pas stupide ! Ils ne connaissent tout simplement pas cette technologie aussi bien que nous. Et puis, il y sans doute beaucoup de croyances occidentales qui seraient risibles pour nous.
Ils étaient presque arrivés à destination et Andrès lui indiqua où aller.
— Bien, je te le concède. Chacun sa culture.
Andrès descendit rapidement de la berline avant d’ouvrir la portière arrière pour libérer Gaya. Dante les rejoignit près de leur taudis qu’il jaugea d’un œil circonspect. Il pleuvait nettement plus maintenant et il voyait les gouttes d’eau s’engouffrer par toutes les ouvertures possibles et inimaginables de cet amas de ferrailles.
— Bon, maintenant que la parenthèse est fermée, qu’est-ce que tu n’apprécies pas dans la photographie ?
— Rien.
— Alors pourquoi refuses-tu ma proposition ? Demanda-t-il en jetant un regard presque désabusé à l’endroit où vivait le garçon.
Le jeune homme leva les yeux vers lui.
— Parce que je ne vous aime pas. Je n’aime pas votre façon d’être. Je n’aime pas votre façon de mépriser tout ce qui vous entoure. Ni celle que vous avez de juger ce que vous ne connaissez pas.
— C’est tout ?
Dante paraissait presque incrédule.
— Je ne te demande pas de m’aimer. Tout ce que je veux ce sont des photos et en échange je t’offre le gite et le couvert. C’est équitable tu ne penses pas ?
— Peut-être mais je n’en ai pas envie.
Andrès pénétra dans son abri, laissant l’autre homme dehors. De toute évidence ce n’était pas comme s’il y avait la place pour deux là dedans… Il ne tenait pas à accepter cette proposition ! Mais le temps en avait décidé autrement apparemment… Une bourrasque secoua les tôles et écarta légèrement les deux qui servaient de toit. Toute l’eau qui s’était amassée dessus dégringola à l’intérieur juste sur lui. Ça c’était le bouquet ! Andrès, à cet instant eut envie de se laisser aller à la faiblesse et de pleurer. Toute la tension accumulée depuis ces deux mois ne souhaitait qu’une chose : sortir. Mais il ne pouvait pas. Dante était encore là et le regardait. Il se tourna vers lui, le photographe l’observait.
— Tu ne peux pas dormir ici…
Ça c’était certain…
— Alors… Tu acceptes pour les photos ?
Ce n’était plus comme s’il avait réellement le choix… Jouer les kleenex qu’on jette après usage ne lui plaisait pas plus que ça mais, au moins il aurait un toit au dessus de la tête.
— A une seule condition.
— Laquelle ?
— Aucune photo de nu.
— Tu as ma parole.
Andrès rejoignit alors Dante comme s’il montait à l’échafaud.
— Hum… C’est ton chien ?
— Oui. Enfin non mais j’en ai la garde.
Il hocha la tête les lèvres pincées, fit la grimace en voyant les pattes couvertes de boue de Gaya mais ne dit rien. Une fois tous installés dans l’habitacle la voiture démarra et s’éloigna vers une nouvelle partie de la vie d’Andrès.
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