Mercredi 29 décembre 3 29 /12 /Déc 16:32

Mais non, je suis pas en retard. Enfin pas vraiment. En fait c’est fait exprès. Bon, c’est juste que y’avait pas internet dans le bled où j’ai passé Noël. Allez, râlez pas, je vous offre deux chapitres au lieu d’un !

Je suis au regret de vous annoncer qu’après ces deux chapitres horriblement banals (banaux) et pépère, on passe aux choses sérieuses. Les choses un peu moins drôles quoi. Enfin moi perso c’est celles que je préfère, mais enfin, chacun ses goûts.

 

Bonne lecture alors !

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Image : Prague, by Kvikken (DA)

 

 

                Maintenant que j’y pense, je ne crois pas que les trois types qui maltraitaient Axel le jour où je l’ai trouvé étaient des vampires. À mon avis, ils l’ont juste trouvé là, et ils en ont profité, parce que c’étaient de sombres connards. A noter que le quartier n’a pas une réputation très brillante. J’ai d’ailleurs mis en garde Axel et Tiphaine plus d’une fois quand ils sortaient tous les deux, de ne pas étaler leur idylle toute rose à la vue de tous. Par contre, ça n’explique pas les chaînes. Je crois qu’il a sciemment été abandonné ici. N’était-ce pas sa « punition » ? Puni de quoi ? Pourquoi ? Et bien sûr, la question à deux mille euros : jusqu’à quand ?

                Axel m’évite. Il fait toujours en sorte de ne pas pouvoir me parler, d’avoir toujours mieux à faire, il utilise souvent Tiph’ comme prétexte d’ailleurs. Je dois avouer que je n’avais pas prévu que cela aille aussi loin. Je veux dire, je ne pensais pas que ce serait… de l’amour. Pour moi, ils devaient juste flirter un peu, coucher ensemble, se marrer. Mais je me suis fourvoyée. Pour Tiph’, ça ne m’étonne pas vraiment parce qu’il est très fleur bleue, mais pour Ax…. Je lui en veux un peu de prendre ce risque, de s’être à ce point attaché. Et la jalousie me ronge. Parce que moi, je ne compte pas. Ensuite, naturellement vient la honte de penser de façon aussi puérile. Et la honte cède à la colère, et je leur en veux d’être ce qu’ils sont et d’avoir fait de moi une pauvre idiote en mal d’affection. Je me portais mieux quand ils n’étaient pas là. Mais je les adore, l’un comme l’autre, alors la honte reprend le dessus. Tiphaine est mon frère, Ax, c’est tout comme, et moi, je souhaiterais parfois les rayer de ma vie. Je me déteste. Je les déteste plus encore.

                « Stef’, ça te dirait qu’on organise un petit truc pour Noël ? »

Je regarde Tiphaine avec des yeux ronds, alors qu’il essaie d’avoir l’air naturel, comme si sa proposition était des plus banales. Il porte ce pull vert que je déteste, celui qu’il a acheté avec sa première paie et qui, selon moi, le fait ressembler à un taulard déguisé en fils à papa. Ça ne me met déjà pas dans de bonnes dispositions. Et puis le chauffage a des ratés depuis quelques jours. Il fait froid dans l’appartement. Je déteste ça.

                « Comment ça ?

                -Et ben, tu sais… On achète à manger, on met un peu de musique, on rigole, on… euh… on s’offre des cadeaux ?

                -Tiph’… Tu m’as acheté quelque chose ?

                -Hein ? Mais non… »

Je sais toujours quand il ment. Il n’est pas fait pour ça. Dans notre famille ce sont les femmes les spécialistes de la manipulation, de la simulation, du mensonge impudent. Tiphaine, lui, est trop honnête pour me cacher des choses, surtout à moi, je le connais trop bien pour me laisser berner. Il regarde les murs, les fringues qui s’amoncellent dans tous les coins, à plus forte raison depuis que nous sommes trois, il se balance d’un pied sur l’autre et je devine ses mains se tordre même si il les a cachées dans son dos, essayant naïvement de me faire croire qu’il est parfaitement à l’aise.

                « Tiph’…

                -Mais quoi ! On pourrait se faire une petite fête non ? Et pourquoi pas ?

                -Je n’aime pas vraiment recevoir du monde chez moi Tiph’. Et puis, ce n’est pas comme si on avait vraiment de la place ou de l’argent à perdre…

                -Tu économises tous ce que tu gagnes. Je le sais bien. Tu ne devrais pas être aussi… austère. »

Ça, c’est méchant. Je me ferme instinctivement, peu désireuse d’entendre la suite. Je me mets à ramasser des fringues au hasard pour les fourrer sur mes étagères surchargées, pour me donner contenance et ne pas avoir à croiser son regard.

                « Excuse-moi, c’est juste que… Tu as l’air maussade, grande sœur. Je m’inquiète pour toi.

                -Trop aimable. »

Je ne peux pas m’empêcher d’être agressive quand on me dit des choses que je n’aime pas entendre. C’est un réflexe d’autodéfense puéril mais efficace, bien qu’il soit légèrement dégradant. Tiph’ préfère clore la discussion et rejoint Axel dans la salle de bain. Je me retrouve seule au milieu de la pièce, une culotte sale dans la main, sombre et déstabilisée, légèrement ridicule aussi. Si je ne suis même pas capable de rassurer mon propre frère… Je suis bonne à quoi ?

                « Au fait, Tiph’… »

Je profite du fait que l’on entende toujours le bruit de la douche, laissant supposer que le concerné n’entendra pas ma question – et surtout, n’entendra pas sa réponse.

                « Tu es amoureux de lui ? »

La douche s’arrête, sans que l’on puisse déterminer si c’est une coïncidence, le silence se fait tandis qu’il rougit comme une jeune fille, et me tourne brusquement le dos en marmonnant :

                « Qu’est-ce que ça peut te faire d’abord. »

Je souris.

                « Comme je le pensais. »

Il disparait dans la salle d’eau en verrouillant la porte. Mon sourire s’évanouit.

                Comme je le craignais…

                « Et tu l’aimes comment ? Dis, Tiph’, tu l’aimes plus que moi ? »

J’ai hurlé cette question dans le secret de mon esprit en regardant la porte se refermer sur lui. Je ne lui demanderais jamais. Je ne veux pas savoir.

 

O

 

                Il est revenu à la charge, plusieurs fois, soutenu parfois par Axel qui semblait plutôt emballé par le projet. Ils m’ont promis qu’ils s’occuperaient de tout, que je n’aurais rien à faire, et qu’ils n’inviteraient pas d’inconnu dans mon appartement. Alors j’ai dit oui. Et Tiph’, est parti, triomphant, organiser notre soirée de Noël. Je me ramollis…

                Tiphaine a raison, je ne dépense presque rien de ce que je gagne au vidéoclub. À part un minimum pour les courses et ma participation toute relative au loyer, je mets tout de côté. À plus forte raison depuis que j’ai l’avenir de mon jeune frère entre les mains. Je n’ai besoin de rien en particulier, et le peu que j’ai, je l’ai obtenu de manière pas très légale et à des prix largement avantageux. Alors oui, j’économise. Je ne me sens pas de faire autrement. J’achèterai tout de même quelque chose pour les garçons. Et pour Mandy, et Lukas, histoire de les remercier de m’avoir secourue, même si ça ne m’a pas spécialement fait plaisir. Je n’ai jamais dépensé un sou pour offrir à quelqu’un. Encore une fois, je ne sais pas ce qui me prend. Une autre peur a d’ailleurs germé dans mon esprit il y a peu : quand Axel disparaîtra de ma vie, est-ce qu’il emportera avec lui les effets qu’il a eu sur mon esprit ? Est-ce que je redeviendrai identique à la garce que j’étais avant ? Ou est-ce que je resterai le mollusque que je suis aujourd’hui ? Sincèrement, je ne sais pas pour quelle personnalité j’opterais, si d’aventure on me laissait le choix.

                Les vacances de Noël approchent, et je n’ai toujours pas la moindre idée de ce que je vais acheter à mes quatre idiots. C’est à ça que je réfléchis, à la place de me concentrer sur mes équations en cours de stéréochimie. Pas que je craigne vraiment de tomber à côté, après tout, c’est l’intention qui compte, mais je n’ai tout simplement pas encore eu le courage de me poser la question, et pire que tout, de devoir affronter la journée de magasinage qui va fatalement en découler. Je déteste la foule, les boutiques, les gens qui se pressent en tous sens, les files d’attente, les vendeurs… Je préfère savoir précisément ce que je veux acheter et ainsi écourter autant que possible l’enfer des achats de Noël.

                Plus possible de repousser davantage. Noël, c’est après-demain.

                « Axel, Tiph’, je vais faire un tour, je reviens.

                -Ok ! »

Tu parles que c’est « ok », ils sont trop content de pouvoir disposer librement de mon deux-pièces pour leurs ébats. D’après ce que j’ai pu observer, ils ont passé le cap récemment, ce qui les rend encore plus insupportables qu’avant. Mais bon, je ne dis rien. Parce que je ne dis jamais rien de ce que je ressens en général. C’est sans aucun doute un tort. Mais je ne compte pas faire quoique ce soit pour que ça change.

                « Je peux vous aider Madame ?

                -Oui, bien sûr. Vous vendez des accessoires de bondage ?

                -Euh… je… non, non, désolé… 

                -Alors tant pis. »

Je quitte avec une satisfaction malsaine la boutique de babioles et sa vendeuse godiche. Je deviens exécrable quand je suis contrainte à ce genre d’activité, encore plus exécrable qu’à l’accoutumée. J’ai déjà trouvé pour mon frère – un t-shirt dont il m’a rebattu les oreilles depuis qu’il l’a repéré – et pour Mandy – une poupée en plastique qui porte la réplique exacte de la robe rose que Mandy elle-même portait au jour de l’an, il y deux ans – les plus faciles, en somme. Même pour Lukas, ça ne va pas être bien compliqué, il suffit que je lui trouve une petite voiture en ferraille – l’idéal serait une Mustang, ses préférées. Non, le vrai problème, c’est Axel.

Je réalise seulement maintenant que le vampire reste, et restera sans doute, un mystère pour moi. Je ne sais rien de lui. Déjà parce qu’il ne se souvient de rien, bien sûr, mais aussi parce que je n’ai jamais vraiment pris le temps de lui parler. Je ne sais pas vraiment quel est son caractère, s’il est plutôt calme ou emporté, quel couleur il préfère, les rêves qu’il peut bien nourrir. Je me demande si Tiph’ le sait, lui, si il a pris la peine de lui demander et si l’autre le lui a dit. Je suppose que oui.

Je traverse avec empressement l’avenue sur-fréquentée de Na Prikope sans même jeter un regard aux boutiques hors de prix. Les touristes abondent à cette période de l’année, principalement pour le jour de l’an. La neige est tombée récemment, rendant les rues boueuses et glissantes, et les grands bacs remplis de carpes frétillante encombrent les trottoirs. La période de Noël est très festive à Prague.

Qu’est-ce que je vais bien pouvoir offrir à mon vampire d’appartement ? Je réfléchis à ce qui peut bien lui convenir, au peu que je sais de lui. Alors, je sais… je sais…

                Je sais.

                J’ai trouvé.

                Ça ne me ressemble pas du tout. De me démener pour quelqu’un. Je n’ai jamais été très adroite de mes mains ni eu de dons d’artiste, mais maintenant que j’ai attrapé l’idée au vol, je ne peux plus la lâcher. Tant pis si ce n’est pas vraiment moi. Tant pis si il me manipule, si il nous quitte un jour, si je souffre de sa présence et que je souffrirai peut-être plus encore de son absence. Je vais le faire. Un pur truc qui nous ressemble, comme dans les films idiots où ils offrent des cadeaux ultra-personnalisés, qui symbolisera ensuite notre lien et le temps qu’il aura passé chez moi. Parce que d’une manière ou d’une autre, cette époque prendra bientôt fin. Je fais un petit détour pour passer devant la grande horloge à laquelle je murmure une courte prière. Que Prague nous garde ensemble.

 

O

 

                Je me demandais comment j’allais paraître naturelle en frappant chez Lukas – que je n’ai pas revu depuis qu’il m’a… bref – pour lui donner son cadeau, et comment j’allais me démerder pour que Mandy reçoive le sien sans que je sois dans les parages, et ainsi éviter les effusions et les larmes de joie dont elle m’a gratifiées la dernière fois, alors qu’elle savait que je l’avais piquée cette écharpe. Apparemment, elle l’applique vraiment, elle, le principe du « c’est l’intention qui compte » : le plus souvent, elle fait ses cadeaux elle-même, et elle a clairement deux mains gauches. Sauvez-nous.

                Ces questionnements étaient vains, comme j’ai pu le constater il y a quelques minutes : les deux personnages précédemment nommés étaient tous les deux assis sur le sol de mon appartement quand je suis rentrée du boulot pour le réveillon. 

                Je dois admettre que Tiph’ a fait ça très bien (il a bien plus de goût que moi) : ils avaient enlevé le matelas et poussé le clic-clac replié contre le mur, pour laisser un espace au milieu suffisamment grand pour que l’on puisse s’asseoir en rond autour de la table matérialisée par une nappe en papier blanche couverte d’étoiles dorées. Il y avait bien sûr une overdose de guirlandes de toutes les couleurs qui perdaient des poils partout dans l’appartement, et même un minuscule sapin d’à peine trente centimètres sur le comptoir de la cuisine. Par contre, il y avait aussi deux non-pensionnaires sur le parquet, et ça, ça a eu légèrement tendance à faire monter ma tension. Que Tiphaine à rattraper tout de suite :

                « Tu avais dit « aucun inconnu », je te cite. »

Effectivement, je n’avais rien à redire à cela : c’était parfaitement vrai. Et je n’avais pas envie de m’énerver, ce soir. Alors j’ai laissé couler. Je me vengerai plus tard.

                Et donc, nous sommes cinq pour notre petit repas de Noël sur le sol. J’ai appris avec soulagement que ni Axel ni Tiphaine n’avait fait la cuisine – pas un pour rattraper l’autre dans ce domaine – mais que c’est Mandy qui s’y était collée – elle ne se débrouille vraiment pas mal du tout, à mon grand étonnement. Elle a pris pour un compliment mon « enfin un truc que tu sais faire », d’ailleurs. Il faut dire qu’elle irradie littéralement de bonheur, dans sa petite robe blanche sans doute achetée pour l’occasion.

                « Tu l’aurais vu quand je l’ai invitée… J’ai cru qu’elle allait en pleurer » m’a confié Tiph’ en souriant. Il a l’air de l’apprécier, et c’est tout à son honneur. Remarque, les autres aussi. C’est peut-être moi, le problème, au final ?

Lukas, lui, est égal à lui-même, c'est-à-dire qu’il génère de la bonne humeur par sa seule présence. Il ne semble pas y avoir de malaise entre Axel et lui, au contraire, ils rigolent bien – ce qui ne plait pas trop à Tiph’, ne puis-je m’empêcher de noter – j’en conclus que l’incident de leur première rencontre n’était qu’une peccadille. Il y a de bonnes choses à manger – beaucoup de petits gâteaux aux amandes, et des morceaux de carpe grillées avec de la salade de pomme de terre bien sur – pas mal de boissons dont une bonne quantité d’alcool que Tiphaine boit en douce mais sans la moindre discrétion, et je suis bien. Lukas n’arrête pas de me sourire, sa main égarée distraitement très proche de la mienne, et Mandy rit à n’en plus finir, Axel et Tiph’ se comportent comme deux amoureux à leur premier Noël. Je suppose que tout est bien.               

                « Au fait, Mandy, pourquoi tu n’es pas chez toi ?» lui ai-je glissé discrètement en l’aidant à la cuisine, pour ne pas l’embarrasser je suppose.

                « Ah… Et ben, tu sais, elle… Enfin, elle est encore avec un homme… Ailleurs.

                -Comment ça ailleurs ?

                -Je ne sais pas. Elle ne m’a rien dit.

                -Depuis combien de temps ?

                -Je ne sais pas. Deux… deux ou trois semaines…

                -QUOI ?? »

Alors là, je ne me soucis plus du tout d’être entendue. Les autres nous jettent des regards curieux mais ont la présence d’esprit de ne pas intervenir.

                « Et tu es toute seule depuis tout ce temps ? Mais pourquoi tu ne m’a rien dit ?

                -Tu… tu n’avais pas l’air bien, je n’ai pas voulu t’embêter. Et puis… »

Elle a les larmes aux yeux mais elle refuse de continuer. Je sais très bien pourquoi, tout comme je sais ce qu’elle ne veut pas me dire. « Et puis, tu n’en aurais rien eu à faire, tu sais. Tu ne m’aurais même pas écoutée ». Je vois les larmes prêtes à déborder, ses mains triturer le bas de son pull en cachemire rose pâle enfilé sur la robe trop décolleté, pour ne pas réclamer ce qu’elle veut plus que tout et que je peux bien lui concéder ce soir. C’est Noël. Et puis… Axel est dans ma tête.

                Je passe précipitamment un bras autour de ses épaules, et je l’attire contre moi.

                Ses larmes se tarissent d’un coup. Je ne l’ai jamais prise dans mes bras, bien sûr. Je ne lui ai jamais manifesté le moindre signe de tendresse ou d’affection, même pas la bise pour dire bonjour dont je suis avare. Je la lâche rapidement, sentant qu’elle va exploser et me sauter dessus, et que les regards des autres sont posés sur nous. Pour stopper tout débordement d’émotion, je m’éloigne avec empressement pour fouiller dans mon sac resté près de la porte, et je tends à Mandy, la petite fille qui m’a supporté sans broncher pendant cinq ans, un paquet cadeau particulièrement mal fichu, sommairement entouré de ruban à cadeau. Je vois ses yeux briller encore plus fort.

                « C’est juste parce qu’elle a ta tête, et parce que j’étais obligée. T’excite pas. »

Bien entendu, une fois le cadeau déballé, elle s’excite complètement. Finalement, je n’y aurais pas échappé : elle me saute dessus en hurlant de joie, manquant de nous faire nous étaler sur le sol toutes les deux. Je souris quand même un peu, parce qu’elle pleure vraiment de joie, et que j’ai bu quelques verres. Je la console. Plus ou moins.

                « Mandy, t’es ridicule…

                -M’en fiche… »

Une vraie gamine.

                « Bon, c’est l’heure des cadeaux alors ? »

Et merde. Je les avais oubliés ceux-là. J’ai donné le sien à Mandy sur un coup de tête, mais bien sûr, Tiph’ a sauté sur l’occasion. En fait, moi j’espérais qu’ils oublient et qu’on zappe ce passage embarrassant.

                « Et bien allez, c’est parti ! »

Je les déteste…

 

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Lawful Drug
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Mercredi 29 décembre 3 29 /12 /Déc 17:10

J’avoue, c’est un pitit chapitre, mais un chapitre quand même !

(Au fait, je me suis vachement renseignée sur le Noël de Prague. Je raconte pas trop de conneries donc ! :p ET vous avez vu, les colliers en dent de vampire, ça existe !)

 

Joyeux Noël, et bonne lecture !

 

 

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Image : collier Kiss Me Zombie !

 

 

Dans la famille des clichés, je demande la soirée de Noël entre amis sans famille.

                Bonne pioche.

                Ça devient un peu risible cette histoire. Enfin bon.

                Je me suis très naturellement éclipsée après avoir donné mes cadeaux à leur destinataire. Je déteste offrir des cadeaux. Je déteste attendre comme une idiote que l’autre déballe tranquillement, qu’il ait une réaction le plus souvent surjouée, et qu’il me fasse la bise pendant que je lui souris d’un air niais. Je préfère encore avoir subitement envie d’aller aux toilettes. Voilà. En tout cas ils ont parfaitement joué le jeu et personne n’a fait de commentaire sur ma fuite à l’anglaise. C’est déjà ça.

                Inutile de préciser qu’ils étaient tous aux anges. C’est assez vexant, mais j’ai la très nette impression qu’ils avaient vraiment envisagé que je n’aurais rien à leur offrir. C’est bien sûr Axel qui a été le plus surpris. J’avais écrit derrière « tu l’accrocheras dans ton caveau en souvenir de ton meilleur festin », et tant pis si les autres ont cru que je parlais du repas de Noël que l’on avait dévoré sans qu’il n’en touche, bien sûr, une seule miette. En fait, j’y ai passé toute ma journée d’hier, au cyberespace pour ne pas me trahir. Une sorte d’affiche de cinquante centimètres par 90, sur lesquels j’ai écrit en gros « LE PAYS DES CLICHES – SCENARIO DU NAVET DE NOTRE HISTOIRE ». Et j’ai collé des images de tous les films auxquels notre petit périple se réfère. Blade, Van Hellsing, Le Retour de Dracula, Buffy, Nosferatu, Underworld… et bien sûr, Twilight, à l’honneur. Ce n’est ni très réussit ni très intelligent comme blague, d’autant qu’il a fallu faire croire à Lukas et Mandy qu’il s’agissait d’une « private joke » entre nous, mais rien que le sourire que nous nous sommes échangé, Axel et moi, en valait la peine. Je me suis revue le jour où nous nous sommes battus avec nos oreillers, et j’ai été plutôt fière de mon idée. Bien entendu, j’ai vite beaucoup moins ri quand ils se sont tous tournés vers moi avec un « maintenant, c’est ton tour » des plus embarrassants. Je déteste recevoir au moins autant qu’offrir, je ne sais jamais comment réagir, quelle tête faire. C’est vraiment gênant.

                Enfin bref, j’ai eu droit à un bonnet avec des oreilles de chat – de Mandy fait par ses soins et ayant une forme bizarre, un chat en peluche par mon frère (j’adore les chats), un énorme oreiller multicolore de Lukas – « Parce que je sais que tu dors sur un ancien matelas de Gustav, c’est dur » - et enfin, du vampire, un pendentif en forme de dent de vampire, justement – sérieux, je ne pensais pas que ça existais. Il m’a lâché un « comme ça, tu pourras te venger » et j’ai éclaté de rire. J’avais déjà bu pas mal de champagne ; d’ailleurs, Mandy a du participer de manière conséquente à l’organisation, parce qu’on n’a certainement pas autant d’argent, nous autres habitants du HLM pourri. Quoiqu’il en soit, j’étais sacrément contente. Ensuite, on a mis de la musique, on a fait un peu les cons, j’ai pas mal bu (j’ai remarqué avec désespoir que l’alcool n’a pas d’effet sur les vampires, ou alors Ax a fait semblant d’en boire). On a également coupé des pommes en deux pour voir si la chance serait avec nous cette année. Seule Ax à aperçut une étoile dans la sienne, mais de toute façon c’est n’importe quoi comme croyance. On n’a quand même pas fondu du plomb par contre. Et puis au final, les deux amants sont partis tester la douche et j’ai dû coucher Mandy sur le canapé car elle ne tenait plus debout. On passe donc au deuxième cliché de la soirée : la fille et le gars (plus ou moins) seul dans l’appartement. Mon esprit s’était vautré dans un nuage cotonneux, chaud et confortable, nous nous sommes assis contre le canapé où dort Mandy, hors-jeu. L’air embaume encore la nourriture et les bougies parfumées, mes yeux se ferment tout seul.

                « Tu voudrais pas sortir avec moi ? »

Là, si on était dans un manga, je me retrouverais le nez contre le plancher et les jambes en l’air, accablée par une  demande aussi soudaine et aussi dénuée de tact. Je me relève difficilement.

                « De quoi ? »

Apparemment, le sens de sa question lui semble suffisamment clair pour qu’il ne prenne pas la peine de la répéter. Il se contente de me fixer, très sérieux, plus que je ne l’ai jamais vu être, les sourcils légèrement froncés. Il est diablement beau comme ça. Je suis maintenant complètement réveillée.

                « Attends, tu te rends compte de ce que tu dis ? 

                -Ben ouais. »

Je rêve. Il est con ou quoi ?

                « Non mais t’es sérieux là ? Tu veux sortir avec moi ? Avec moi ? »

J’insiste bien pour lui faire saisir le problème, mais il n’a pas l’air de percuter.

                « En quoi est-ce si aberrant ?

                -Je suis plus vieille que toi. »

Je lui ai balancé le premier argument stupide qui m’est venu à l’esprit, tellement ridicule qu’il fronce un peu les sourcils.

                « Tu n’espères pas me faire fuir avec ça quand même ?

                -Je suis chiante.

                -Pas tant que ça.

                -Je suis une garce.

                -Ça, c’est toi qui le dis.

                -Je n’ai jamais aimé personne. »

Et là, il comprend immédiatement le sens de ma réplique.

                « Sérieux ?

                -Attends, tu m’as bien regardé ? Je ressemble plus à un mec que toi, et je ne laisse personne m’approcher. Comment tu veux que… »

                Application fulgurante du cliché numéro un des méthodes « j’ai envie de te faire taire » : il m’embrasse de nouveau, pour la deuxième fois, assis trop près de moi contre le canapé minable où Mandy, la bave aux lèvres, marmonne dans son sommeil en serrant une poupée mal faite dans ses bras et je souhaiterais vraiment être ailleurs, ou alors, qu’elle ne soit pas là.

                « Alors ? »

Il sourit tellement que je vois ses dents blanches briller d’un éclat aveuglant et que ses yeux sont réduits à deux parenthèses qui interrogent mes sentiments. Je fixe ses lèvres tentantes, mordille légèrement les miennes.

                « Ouais… Si tu veux… »

Il sourit plus encore, visiblement ravi, et m’embrasse à nouveau. Je crois que je ne m’y ferai jamais.

                « Au fait, pourquoi tu passais pas Noël chez toi ? »

Changement de conversation : Go ! Il ne s’en offusque pas.

                « Mes parents sont musulmans. On ne fête pas Noël chez nous.

                -Pourquoi tu es venu alors ?

                -Bah… Pour te voir ! »

Je laisse aller ma tête contre le canapé en soupirant. Je peux apercevoir le bout du nez de Mandy qui sourit en dormant. Ils sont tous idiots, c’est pas croyable.

                « Pour me voir… »

Comment ai-je fait pour qu’on m’aime, moi ? 

 

O

 

                Cette histoire n’est somme toute pas très sanglante. Pour une histoire de vampire je veux dire. En excluant bien sûr les séances d’arrosage d’hémoglobine qui ont en général suivis les repas d’Axel, et dont j’ai d’ailleurs eu le plus grand mal à masquer les traces sur les murs et le sol, ça reste très soft, quand même. Pas de cadavres, pas de larmes, pas de grands drames en huis-clos. C’est un peu ridicule, non ?

                Le lendemain, c’était l’hécatombe dans mon appartement et non, pas dans le sens où Axel aurait pété un plomb et égorgé tout le monde. Juste qu’il y avait des restes de nourritures et des morceaux de papiers froissées un peu partout, que Mandy comatait toujours sur mon clic-clac, à côté de Tiphaine pas vraiment dans un meilleur état, et que Axel et Lukas regardait les dessins animés du matin avec une admiration parfaitement sincère. Hier, on s’est rapidement endormi à même le sol, Lukas et moi, rejoint presque immédiatement pas Tiph’ qui s’est vautré sur le canapé à côté de Mandy, et Ax qui s’est pelotonné contre moi. D’ailleurs, je ne sais pas lequel des résidents du logement a eu la présence d’esprit de fermer les stores pendant la soirée, mais en tout cas, ça nous a évité un tas de complications particulièrement gênantes, compte tenu des deux invités ignorant tout de la condition de mon premier réfugié. On a tous traîné un peu, en rangeant vaguement ce qui nous tombait sous la main, débraillé et mal réveillé. Finalement, j’ai mis les deux convives dehors sur les coups de 17 heures, au risque de devoir nourrir encore quatre idiots au lieu de deux. Lukas m’a embrassé suffisamment visiblement pour que Mandy, mon frère et Axel le remarquent. Je les ai poussés dehors avant toute remarque embarrassante, même si je lisais sur le visage de Mandy la promesse de m’arracher des détails croustillants. J’ai dû supporter le petit sourire narquois d’Axel et celui, plus doux, de Tiph’.

                « Je reconnais que c’était une bonne idée, Tiph’. Mais ne compte pas sur moi pour remettre ça au nouvel an. »

                Nous avons ri un peu, et cela a clôt l’épisode de Noël.

 

O

 

                « Stef’, je peux te parler d’un truc ? »

Je me détourne du roman que je suis en train de dévorer – l’échiquier du mal, de Dan Simon, il faudra que j’en parle à Ax, ça révolutionne carrément le concept associé au terme « vampire » - pour tomber sur le visage adorablement rougissant de mon jeune frère. 

                « Vas-y, je t’écoute » dis-je en me tournant face à lui, pour faciliter le dialogue.

                « Et ben… » Il jette un rapide coup d’œil à Axel, endormi sur le canapé redevenu lit, à cette heure tardive de la matinée, se triturant les doigts où brillent une bague que le vampire lui a offert. « Ax ne voulait pas que je t’en parle mais… enfin, je suis pas tranquille, alors je préfère te le dire. »

                Il m’inquiète un peu là. Si c’était une fille, je le soupçonnerais d’avoir un retard sur ses règles, mais là, je ne vois pas. Ses joues rougissent plus encore.

                « Bon, tu vas pas t’énerver hein ?

                -Je sais pas, ça dépend de ce que tu vas me sortir.

                -Non mais je veux pas que tu te mettes en colère, je te promets que c’était pas fait exprès…

                -Mais de QUOI bordel ?

                -En fait, il se pourrait que Ax m’ai… un tout petit peu mordu, l’autre jour. Enfin, une fois ou deux. Plusieurs fois en fait. »

                Il a bien sûr tout de suite remarqué les vapeurs d’onde négative qui ont commencé à nous asphyxier. Je l’ai vu paniquer, chercher un moyen rapide et efficace de sauver sa vie, en regardant dans tous les sens et en faisant de grands gestes avec ses bras.

                « Pitié, Stef’, laisse-moi t’expliquer, je te jure que c’est pas du tout ce que tu crois ! C’était pas pour le nourrir, je t’assure !

                -Je te donne trente secondes pour tenter d’épargner la vie de ton très prochainement ex-copain.

                -Le truc c’est que… Putain, Stef’, je peux pas te dire ça comme ça… C’était… enfin, tu vois, pendant qu’on… tu vois ? »

                Il me jette un regard désespéré. Je comprends brusquement de quoi il veut parler. Ma colère retombe d’un coup.

                « Attends… Explique-moi ça ?

                -Stef’, n’en rajoute pas, t’as très bien compris…

                -Non non non, je veux que tu m’expliques. »

Je vois très nettement ses joues s’échauffer au point de le faire fumer tandis qu’il me supplie du regard de ne pas l’obliger à le dire. Bien sûr que j’ai compris. Mais c’est sa punition. Il passe sa main sur son crâne tondu, cherchant un soutien inexistant dans les affaires diverses qui encombrent le sol de l’appartement.

                « Tu sais bien, tu vois… dans le feu de l’action quoi.

                -Mais encore ?

                -Mais merde, Stef’ ! Il m’a mordu pendant qu’on faisait l’amour, voilà ! »

Il l’a dit. J’éclate d’un  rire sonore, ce qui a pour conséquence de le faire bouder. Craquant.

                « T’es vraiment une garce…

                -Tu sais bien que je t’aime, Tiph’ !

                -Bah moi je suis pas sûr.

                -Aller, fait pas la tête, tu l’as cherché ! Tu as désinfecté au moins ? T’as fait un peu gaffe ?

                -Ouais, ouais, t’inquiète.

                -Bon… »

Je ne peux pas me retenir plus longtemps, et je me mets à rire de nouveau de bon cœur. Il se renfrogne.

                « C’est bon, arrête de te foutre de moi !

                -Excuse-moi mais… Tu es toujours si honnête. Quel besoin avais-tu de me le dire, franchement ?

                -Je ne te dirais plus rien si c’est comme ça.   

                -Arrête donc de faire ton gamin. Bon, je te pardonne, mais veille à ce que ça ne devienne pas habituel non plus, ou tu vas finir vidé de ton sang.

                -Comme toi ?

                -Je crois que vous couchez ensemble un peu plus souvent que je ne donne mon sang à Ax, Tiph’. »

Cette réplique a pour mérite de le faire taire, de lui faire piquer un nouveau fard, et de nous éviter un terrain glissant. Enfin, surtout pour moi. Je ne leur ai pas parlé de mon petit séjour à l’hôpital, et je ne tiens pas à ce qu’ils l’apprennent un jour. C’est à moi de gérer ça. Ax remue un peu dans son sommeil, attirant l’attention de Tiph’ qui me délaisse. Ça m’arrange, pour une fois.

 

 

 

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Auteurs Sadiques
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Mercredi 12 janvier 3 12 /01 /Jan 13:16

(Petit mot de la créa': Bien bien bien je vous remercie de vous être finalement exprimées. Je me suis aperçue qu'en fait vous n'êtes pas pleines de mauvaise volonté et de flemme comme on peut l'imaginer en voyant le manque de réactions face au travail Ô combien conséquent d'une jeune demoiselle talentueuse, mais qu'en réalité, vous avez juste besoin... De temps!

Oui, ça y est, la créa capricieuse vous a compris! Désormais nous vous laisserons le temps de lire -et de remercier/critiquer/papoter- avant de publier la suite. De ce fait, le rythme de publication est entièrement entre vos mains. Le prochain chapitre peut arriver dans trois jours si vous êtes suffisament motivées, ou bien dans trois semaines. C'est vous qui voyez.

Note aux auteurs:

(Aux lectrices aussi en fait...)

Vous écrivez ou avez écrit du Yaoi? Faites vous référencer! Un annuaire va être mis en place d'ici quelques jours/semaines et vous vous devez d'y figurer! Pour votre bien, celui de vos lectrices, et celui de vos futures lectrices!

Pour cela, envoyez un petit mail à l'adresse annuaireyaoi@hotmail.fr avec à l'intérieur un petit mot du genre "Coucou, moi c'est machin, envoyez moi votre questionnaire! Voici mon site/mon compte fanfiction/fictionpress!" Ce n'est pas un site de critique donc du moment que vous écrivez, vous serez publiées. Un questionnaire pas franchement compliqué vous sera envoyé, et une fois complété et ré-envoyé, vous serez dessus.

Il est d'après moi très important que vous le fassiez, ça aidera le yaoi à s'étennnnndreee...

Et si vous n'êtes pas auteur, par pitié, motivez les personnes que vous aimez lire et passez leur cette adresse mail ou envoyez leurs sites et/ou comptes à l'annuaire pour que le staff les contacte directement!

 

En attendant, très bonne lecture à vous, vous entrez dans le passage gros suspence de l'histoire. Ma partie préférée. Accrochez vous à vos claviers!)

 

 

Bien le bonjour à tous, pour mon premier post de l’année 2011. V’la le onzième !

 

Alors bon, les deux (ou trois) précédents vous ont moyennement emballé à ce que je vois. Ou alors c’est parce que vous étiez occupés à cuver votre vinasse en vous empiffrant de plats en sauce. C’est ce que j’ai fait, à part le truc du vin. Mais ne partez pas ! On laisse tomber les chapitres meugnon où il se passe rien ! Place au drame, le sang, les larmes, les morts, tous ce que j’aime quoi.

 

Commentez si vous avez lu siouplait. J’me sens seule ^^. Sinon, je vous souhaite que cette année ne soit pas trop pourrie, et que vous surviviez jusqu’à la suivante !

 

Bonne lecture !

               

 

  (Arrivera ce soir)

Image : The Last Stand, by ATAPLATA (DA)

 

 

                Bordel de merde.

                Je plaisantais, quand je disais que notre histoire n’était pas assez tragique à mon goût.

                Je le pensais pas, putain, je ne voulais pas que ça arrive…

                « Tiph’, sort de là, je t’en prie. »

Pas de réponse. Ça fait un moment qu’il ne dit plus rien. Des heures. Je n’ai pas rouvert les volets alors que j’aurais très bien pu, la lumière vacille, elle va bientôt s’éteindre, cette ampoule a tellement servi ces dernières semaines. Sa défaillance tombe à point nommé, comme un fait exprès.

                « Mais merde, pourquoi tu fais ça hein ? Pourquoi pour lui ? Tu le connais depuis à peine deux mois ! Je suis ta sœur putain ! Je ne compte pas ? »

                Je parle littéralement à une porte. La porte blanc crasseux de ma salle de bain. Seul le silence me répond.

                « Tiph’, s’il te plait…

                -Qu’est-ce qu’on a bien pu faire de mal ? »

La porte pivote doucement, manquant de me faire tomber à la renverse. Tiphaine a le visage barbouillé de larmes, les yeux gonflés, les joues rougies.

                « Est-ce que c’est… de ma faute ? »

Je le serre contre moi, pour le laisser pleurer. Je n’ai pas versé une larme, moi. Ce n’est pas l’envie qui manque. Mais je n’y arrive pas.

                « Dis pas n’importe quoi. On le savait depuis le début que ça finirait par arriver.

                -Moi je ne savais pas. »

Je ne réponds rien, ne trouvant rien à répondre, je le serre juste un peu plus fort tandis qu’il referme ses bras autour de ma taille.

                « On ne m’avait rien dit… »

Ses sanglots résonnent dans le silence.

               

                Le jour de l’an est arrivé plus vite que je ne l’aurais cru ; on avait décidé de rester tous les trois – à ma demande plutôt impérative – et de trinquer avec un petit verre de Becherovkaen en regardant l’émission minable qui marque le changement d’année.

                On s’est levé un peu avant minuit, pour se faire la bise, se faire l’accolade, peut-être se câliner un peu, l’air de rien. J’ai su d’un seul maigre coup d’œil que quelque chose n’allait pas du tout, quand j’ai croisé le regard soudainement et curieusement vide d’Axel. J’ai réagis avec une vitesse qui me surprend moi-même : j’ai attrapé Tiphaine par le bras, et je l’ai jeté sans ménagement dans la salle de bain, où je l’ai enfermé avec empressement. Il n’a pas cru un instant à une blague. Il s’est aussitôt mis à tambouriner conter la porte, hurlant, suppliant pour que je le laisse sortir, terrifié par ce qui pouvait bien se passer de l’autre côté de cette horrible porte. Et moi, je faisais face, incrédule, à Axel, ou aurait-on pu le croire. Parce que l’adolescent, droit comme un I et impassible, telle une statue de marbre, qui me faisait face dans cette pièce limitée, n’était pas Axel. C’était simplement… quelqu’un d’autre. Il avait le même visage, les même boucles devant les yeux, il portait toujours mes fringues trop grandes pour lui, et pourtant…

                « Ax ? »

Je n’ai pas pu m’empêcher de demander. Pour briser le silence entre nous, qui m’étreignait douloureusement le cœur et qui rendait les cris de mon petit frère plus présents, plus urgents aussi, alors que le présentateur grisonnant dispensait toujours ses répliques stupides en bruit de fond. Je serrais si fort dans ma paume la clé de la salle de bain que j’en ai gardé la trace pendant plusieurs heures.

                « Je vous remercie pour votre accueil. Nous vous dédommagerons largement pour le service que vous m’avez rendu. Adieu. »

                C’était un cauchemar. Vraiment. Axel qui se détournait, aussi simplement que si j’avais été un banc de pierre, ou un chien égaré, pour se diriger d’un pas mesuré, atrocement régulier, vers la porte de mon appartement. Le panneau de bois au-delà duquel Axel, le garçon que j’avais recueilli ici, aurait disparu. Où  il cesserait tout simplement d’exister.

                « Attends ! Tu vas pas partir comme ça putain ! Tu me dois un minimum d’éclaircissements, non ? »

Il n’a même pas daigné se retourner, tout juste à tourner légèrement sa tête dans ma direction. Son dos frêle me paraissait soudainement effrayant.

                « Pourquoi ? »

Pourquoi. La question à laquelle je n’avais pas de réponse. J’ai revu très brièvement mais avec une netteté surprenante – et effrayante – le jour où mon père a empoigné son sac de voyage bleu, celui qu’il prenait pour mettre nos vêtements lorsque l’on partait en vacances, et qu’il a juste franchi notre porte, n’estimant pas nous devoir un mot d’explication, d’excuse, d’adieu. J’ai cette image imprimée dans mon esprit, sa silhouette imprécise se découpant en contrejour dans l’encadrement de la porte d’entrée. J’avais l’impression de revivre la même scène, à ceci près qu’il faisait nuit, bien entendu. Je me trouvais confrontée au regard sans âme du vampire qui avait habité près de moi, confrontée à ma hantise de devoir y lire son indifférence, son ennui, son mépris. La peur et l’effroi ont naturellement cédé la place à la colère, tellement plus efficace, plus facile à gérer et surtout terriblement moins douloureuse.

                « Tu ne pars pas. Pas comme ça. »

Il a repris sa marche. J’ai essayé de le retenir. Je l’ai à peine effleuré : avec une rapidité qui n’avait rien de commun, il a pivoté sur lui-même pour m’envoyer m’écraser contre le mur du fond, celui où subsistait des traces de mon propre sang, celui que je lui avais donné. Je sentais ce même sang s’écouler du haut de mon crâne tandis que je le voyais, curieusement en biais, continuer d’avancer, franchir la porte, et disparaître.

                Finalement, le sang et les larmes, je les aie eus. De tous les scénarios que l’on avait élaboré, Axel et moi, puis que j’avais affabulé moi-même quand je cherchais vainement le sommeil en supportant ses cris, c’est l’un des pires qui a finalement pris place sous mes yeux. Le pire, c’était qu’il nous tue tous les deux. Quoique…

 

O

 

                « Tiphaine… Il va falloir qu’on fasse quelque chose. »

Parce que là, franchement, ce n’est plus tenable. Est-ce que ça fait partie de son influence ? Est-ce que nous subissons les effets secondaires d’un trop grand attachement à sa présence ? Comme on se sèvre d’une drogue trop addictive ? Toujours est-il que nous sommes abattus, et qu’il rirait sans doute avec joie, s’il nous voyait. Quatre jours d’absence m’ont convaincu que la situation ne pouvait pas durer. Tiphaine me fait trop de peine pour que je puisse encore le regarder dans les yeux, ses yeux rougis, creusés, soulignés de cernes marquées. D’autant que je me sens responsable – coupable – de ce qui nous arrive aujourd’hui. C’est de ma faute, c’est évident.

                « Comme quoi ? Axel est parti. Fin de l’histoire. »

Après être passé successivement par une phase de colère intense, de désespoir sans fond, d’indifférence factice, et de culpabilité infondée, Tiph’ a à présent glissé dans la résignation. « C’est comme ça, on y peut rien ». « C’était inéluctable ». « De toute façon, ça ne pouvait pas être autrement ». Si, justement, ça peut.

                Je ne me sens vraiment pas bien. Pas seulement par rapport à ma tristesse, et mon dégout, mais physiquement, dans tout mon corps. Je n’ai plus de force. Je me sens nauséeuse, au bord de l’évanouissement. Les symptômes du manque, ceux que j’ai vu chez de nombreuses connaissances de mon milieu social qui ont le plus souvent fini six pieds sous terre, une dose de trop dans les veines, et même chez Axel, quand il s’écoulait un peu plus de temps que d’ordinaire entre ses repas. J’ai peur de savoir de quoi je manque ; la lumière du jour me devient à chaque instant un peu plus difficile à supporter, je n’ai plus d’appétit… J’ai peur de savoir ce que cela peut signifier. Je me perds en élucubrations délirantes, en essayant de recroiser toutes les informations que j’ai pu apprendre au fil de mes lectures et des films que j’ai vu sur les vampires. J’ai peur. Je crève de trouille. Je n’ai rien dit à Tiph’ évidemment, je ne dirais rien à personne. Mais je suis terrorisée.

                « Je vais te gifler si tu continues comme ça. Peut-être que ça te secoueras un peu.

                -Mais pourquoi je devrais me bouger hein ? Dis-moi ?!

                -Ça ne te dérange pas que tout se termine ainsi ? »

Il ne dit rien. Je sais que j’ai touché juste. Tiphaine est tombé amoureux d’Axel, exactement de la même façon que des milliers de connards tombent amoureux chaque jour, et je n’ai rien fait pour le protéger. Le fait est que j’ai hélas l’impression de m’être fait avoir en beauté par mes propres sentiments : Lukas n’a plus donné signe de vie depuis que l’on s’est quittés, quelques heures avant le jour de l’an et la disparition d’Axel, et je ne suis pas sortie depuis.

                « Et qu’est-ce que tu proposes alors ? On ne savait rien de lui, et je ne vois pas par quoi on pourrait commencer.

                -Moi je sais. »

Cela seul suffit à le sortir quelque peu de sa mélancolie contemplative. Je savais qu’il n’avait pas vraiment abandonné, au fond.

                « Et ?

                -Et il faut déjà qu’on se décide à mettre un pied en dehors de cet appartement. »

J’essaie de le motiver un peu, parce que je suppose que ce n’est pas gagné. L’espoir est peut-être un moteur formidable, il n’en reste pas moins fragile et laborieux à entretenir.

                Je n’ai qu’une seule piste, maigre et présentant le risque de ne mener à rien. Le souvenir d’une scène sur le pallier, la réaction d’Axel, sa perplexité, ce qu’il n’a pas voulu me dire à ce moment-là, sur le garçon qu’il croisait pour la première fois.

                Lukas.

O

 

               

                « Tiens, Stef’, bonjour ! Comment vas-tu ?

                -Bien. Désolé Samuel, je suis pressé. Est-ce que Lukas est là ?

                -Non, il est au garage. Il y a un problème ?

                -Non, ne t’inquiète pas. »

Je prends congé, quittant le hall d’entrée faiblement éclairer et le pallier de porte de l’appartement du concierge. J’ai l’impression de l’avoir répété des centaines de fois, de n’avoir dit que ça. Ne t’inquiète pas. Aux jumeaux quand maman allait à l’hôpital : ne vous inquiétez pas. À Mandy, sans cesse à s’en faire pour moi : t’inquiète pas. À mon frère, en lui disant que la douleur allait passer. À tous ceux qui se sont préoccupés de mon sort. Ne vous inquiétez pas.

                Je n’ai fait que mentir, en somme.

                Les rues ont retrouvé leur calme même si elles sont toujours encombrées par des amas de neige boueuse. Le garage n’est qu’à quelques rues de notre immeuble, et pourtant je peine à mettre un pied devant l’autre. Je suis en sueur, essoufflée et exténuée quand j’arrive finalement là où travaille Lukas, alors qu’il fait un froid polaire. J’ai demandé à Tiph’ de m’attendre à l’appartement, parce que j’ai peur de la réaction qu’il pourrait avoir, de ce que nous risquons d’apprendre. Le fils du propriétaire écarquille les yeux de stupeur en me voyant approcher. Il enlève rapidement ses gants de mécanicien plein d’huile et se précipite à ma rencontre.

                « Stef’ ! Qu’est-ce qui t’arrive ? »

Il me réceptionne au moment où je me sens défaillir. L’odeur de l’essence me monte au nez, écœurante.

                « Il faut…qu’on parle. Maintenant. »

Il me faut quelques minutes pour que mes vertiges cessent, en buvant un verre d’eau glacé dans le bureau-salle de pause du garage, mais j’ai l’horrible impression d’avoir besoin d’autre chose. Autre chose de vital. L’horloge murale égrène les secondes, bruyantes dans le mutisme qui nous éloigne l’un de l’autre.

                « Qu’est-ce qu’il y a ? »

Il me tire de mes sombres réflexions. Je voudrais lui dire de ne pas s’inquiéter pour effacer de son visage cette expression affolée, mais je ne m’en sens pas le courage. Après tout, il y a bien lieu de s’alarmer sur mon état.

                « Axel a disparu, mais je suppose que tu étais déjà au courant. »

Il ne dit rien, ce que je prends comme une invitation à continuer. Il se tient debout face dans un coin de la salle et moi je me sens en position de faiblesse, assise sur un siège en plastique. Je n’avais jamais remarqué à quel point il était plus grand que moi, plus large, plus imposant, à quel point il me dominait physiquement. Je m’en rends surement compte maintenant parce que ma confiance en lui s’est effritée. Je m’en méfie.

                « Tu connaissais Axel avant qu’il n’arrive chez moi ou, en tout cas, il t’avais déjà vu… »

Silence. Lèvres pincées, regard fuyant, bras croisés, sur la défensive.

                « Je veux que tu me dises où il est. Et tant qu’à faire, sur combien de choses exactement tu m’as menti. Et qui tu es au juste. »

L’inquiétude a laissé place à la stupéfaction, puis à la résignation. Il semble rendre les armes.

                « Très bien. Va chez moi et attends-moi là-bas. Tu n’auras qu’à dire à mon père que je rentre bientôt.

                -Tu as intérêt. »

Je suis partie, en faisant un effort immense pour ne pas tituber, et pour ne pas me retourner pour rencontrer ses yeux noirs et insondables que je devinais peser sur moi.

 

O

 

                « Je suis semblable à ce que tu es en train de devenir, même si c’est à un stade beaucoup moins avancé chez moi. Et je suis à leur service. »

C’était évident. C’est comme ça qu’il commence, maintenant que nous sommes installés dans sa chambre au mur envahie de photos de Prague en noir et blanc. J’aime bien cette chambre, d’ordinaire. Aujourd’hui j’ai envie d’y mettre le feu. Je le dévisage avec insistance, attendant la suite.

                « Qu’est-ce que tu veux dire ?

                -Il t’a mordu. À plusieurs reprises. Le poison contenu dans le corps des vampires est inoffensif à faible dose pour les humains, mais à la longue, tu…

                -Tu deviens comme eux.

                -Le processus a déjà commencé. Johan n’est pas n’importe qui.

                -Alors c’est bien comme ça qu’il s’appelle… »

Maintenant que je le sais, je trouve que finalement, Axel lui convenait mieux.

                « En fait, c’est un diminutif, son nom c’est…

                « Peu importe. Et pour toi alors ?

                -Ah, moi, c’est différent. Je n’ai été mordu qu’une seule fois. »

Il relève brièvement son t-shirt, et subsiste sur son flanc la trace d’une mâchoire de bonne taille. Je reste quelques secondes interdite. Je me suis fait avoir sur toute la ligne. Il continue, indifférent à mon mal-être. 

                « Une sorte d’accident malheureux. Je ne deviendrai jamais un des leurs, à moins de me faire croquer à nouveau. Mais je suis enchaîné à leur famille. C’était ça ou l’amnésie totale.

                -Et tu as choisi de faire le larbin. C’est vrai, c’est tellement plus agréable…

                -Ne juge pas sans savoir. On ne renonce pas si facilement à ses souvenirs.

                -Ce n’est pas ce qu’il lui est arrivé,  à lui ?

                -Pas exactement. Ce n’était que temporaire. C’était un châtiment. »

Le fameux « châtiment », celui qui en était à la moitié quand je me suis fait agressée, celui qui a amené Axel sur la pas de ma porte.

                « Alors dis-moi. Où est-ce que je peux le trouver ? »

 

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Lawful Drug
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