Il était à présent onze heures du matin.
Aby avait bouclé tout son répertoire, y compris de personnes à l’autre bout de la France.
Elle avait également eu le temps de monter chez elle prévenir sa famille, et se connecter une dernière fois à Internet, mettant en garde toutes les personnes qu’elle avait pu voir.
Elle en avait profité pour ordonner à des amis guerriers virtuels, de se battre jusqu’au bout, de tenir contre l’ennemi, de se regrouper et de faire front de tout cotés.
La dernière idée n’était pas forcement la meilleure, elle l’avait ajoutée à son discours plus qu’éloquent, digne des plus grands RP, sachant très bien que s’ils restaient en vie, ils se terreraient au fond d’un bunker.
Le Meshamhaan avait insisté pour gravir les quatre étages avec elle et l’accompagner dans son appartement.
La question première qu’elle s’était posé à l’entrée de son immeuble était « Comment va-il redescendre ? ».
Un cheval normal, gravit les escaliers mais n’est pas conçu pour les redescendre (expérience vécue : sur de longues marches ça passe mais le dos en prend un coup, et sur des marches minuscules c’est de la dégringolade plus qu’autre chose).
L’étalon l’avait alors rassurée sèchement en lui rappelant qui n’était PAS un cheval et qu’il possédait une articulation de plus au niveau des jambes.
La seconde question qui l’inquiétait était la solidité du plancher. Fort heureusement ce dernier a tenu, malgré les traces de terre et de crasse sur la moquette beige tant adulée de sa mère.
La dernière question, était celle qu’elle aurait du se poser en premier.
Comment allait réagir sa mère face à un cheval avec des pattes, le pif en sang, totalement crasseux, les crins brun-rougeatres collés en sorte de dreads, et qui par-dessus tout, mesurait plus d’1m90 au garrot ?
La réponse se résume en un mot :
Mal.
La mère tomba évanouie sur le sol après avoir présenté aux nouveaux coéquipiers toute une série de teints plutôt alarmants.
Le Meshamhaan avait même demandé à Aby si le blanc farine était naturel ou si c’était une réaction à un aliment.
Lorsqu’elle s’était éveillée allongée sur le canapé du salon, elle avait trouvé sa fille, le visage empli de sang séché, en grande discussion avec un cheval qui ne lui répondait pas mais qui soufflait, grognait et piaffait.
Aby comprit alors que les paroles de l’étalon n’étaient compréhensibles que par le porteur de l’épée. Après de courtes présentations entre l’Etre des Sous-sols et sa mère, Aby prit la direction de la salle de bain, de nettoya le visage du sang de sa cousine défunte.
Elle avait volontairement omis ce détail par souci de préservation.
Elle attrapa son sac de toile habituel et y fourra toutes ses affaires indispensables, se vêtit d’un pantalon d’équitation gris et de ses chaps en cuir noir, elle embarqua au passage quelques brosses pour l’étalon ainsi.
Motivant sa mère ils redescendirent tous les trois.
Aby fit monter sa mère sur l’étalon et prit la direction de la citadelle, lieu ou un grand lac se trouvait.
Sur le chemin, des familles entières s’y rendaient. Toutes regardaient avec haine l’énorme bête qui accompagnait la jeune fille mais ne pipaient mot devant son regard plus que noir.La jeune femme aux cheveux rouges avançait d’un bon pas aux côtés du Meshamhaan.
Les groupes de gens marchaient le plus vite possible emmenant leurs affaires avec eux, espérant avoir une place dans le lac sans pour autant devoir se noyer au centre.
Des jeunes riaient, hurlant à la fin du monde, buvant bière sur bière, et avaient de plus en plus de mal à tenir leurs chiens. Ces derniers hurlaient à la mort.
Ils sentaient se qui se passait, et la présence du Meshamhaan n’arrangeait pas les choses.
Tous avaient compris que ce n’était pas un cheval, tous se demandaient ce que cet être allié aux Autres faisait parmi eux.
Le sang séché dans ses cheveux rappelait sans cesse à Aby cette population de tueurs qui n’attendaient que la fusion avant de s’emparer de leurs terres.
Et ça c’était hors de question.
Elle ne parlait pas, ignorait les personnes l’entourant et semblait plongée dans un combat intérieur. Elle savait à présent que ses pensées étaient entendues par l’étalon. Ils pouvaient converser sans être entendus des autres.
Elle marchait la tête haute, pourtant le cœur n’y était pas.
Elle tourna son visage vers l’étalon, effroyablement calme, sortit un mouchoir de son sac et commença à nettoyer les plaies de la commissure de ses lèvres.
-Si mon peuple arrive à sauver sa vie, du moins une partie. Tes amis viendront faire un grand nettoyage, et supprimeront tous ceux encore vifs n’est-ce pas ? Ce que je pousse ces gens à faire, c’est à mourir encore plus violement. Ai-je tort ?
L’étalon secouait la tête, le mouchoir blanc l’agaçait prodigieusement mais la jeune fille semblait vouloir le soigner à tout prix.
-Avant toute chose tu leur donnes une chance de défendre leur vie. Il ne faut pas que tu te sentes responsable de leur mort future. Tu es comme eux. Tu es juste au courant. S’ils doivent vivre ils vivront. En tant qu’esclaves ou en tant que rebelles. Ne te mets pas un poids inutile sur les épaules.
-Mais je ne veux pas qu’ils meurent ! Je ne les connais pas mais pourtant je les aime. Qu’ils me haïssent ou qu’ils m’ignorent. Je veux qu’ils vivent libres d’aller et venir. Ils n’ont pas mérité de crever sous la main d’un de vos soldats. Tu entends Meshamhaan ? Je refuse !
Le concerné cligna de ses paupières noires, les rouvrit et arracha le mouchoir taché de sang des mains de la jeune femme d’un coup de dents.
Avec satisfaction il le regarda tomber à ses pieds et marcha dessus en regardant la demoiselle bien dans les yeux.
Il reprit :
-Tu refuses ? Mais crois tu que ton avis compte ici ? Les êtres qui veulent détruire votre race ont déjà tué la moitié de la leur afin de pouvoir vous éliminer. Ce n’est certainement pas l’avis d’une naine plus grasse que musclée qui changera quoi que ce soit.
-Mais je peux toujours essayer ! Et tu es là toi !-Moi je suis là jusqu'à ce que je trouve quelqu’un d’autre, qui acceptera de me prendre avec lui, et qui me vaudra. (heu du verbe valoir… pas sur hin -_-)
-Pour l’instant tu es avec moi ! Aide moi !
-Simple curiosité avant de te donner mon aide: jusqu’ou es tu prête à aller pour sauver ton peuple ? demanda l'étalon qui s'était à présent immibilisé au coeur de la foule sucitant des sursauts et des écarts.
-Je donnerai ma vie pour lui. Répondit-elle sans hésiter.
L’étalon s’ébroua et rit franchement :
-Je n’en demandais pas moins petite.
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