« Avancez mes amis, avancez avec vos misérables pieux. Tentez votre chance, allez y. Regardez vous, faibles survivants! Menaçants alors que vous ne savez même pas qui nous sommes.
Venez, attaquez nous !
Elle brandit Dainsleif en direction des habitants, les évaluant de la pointe de l’épée, la faisant tourner dans les airs au ralentit, la lame sifflait aussi fort que si l’on l’avait jetée de toute ses forces.
Attaquez, mais préparez vous à souffrir.
Nous ne sommes pas ici pour mourir, bien au contraire. Et je peux vous jurer, oui je vous le jure ! Que vous aurez bien plus de pertes que vous pouvez l’imaginer avant d’avoir le dessus. Si un jour vous l’avez.
A ces mots elle rit, un rire clair et effrayant, car son visage ne reflétait que la colère. Elle reprit, méprisante.
Pensez vous vraiment qu’un Meshamhaan isolé, accompagné d’un être humain puisse être l’un de vos ennemis ?! Pauvres gens ! Dire qu’il y a à peine un mois vous étiez médecins, avocats, banquiers ! Le retour à la vie sauvage vous a bien trop aéré le cerveau. Regardez vous misérables !
Elle criait à présent.
Regardez vous ! On croirait avoir affaire à une bande d’attardés tout droit sortis du Moyen Age crasseux. Alors je vous le demande maintenant, ai-je l’air d’être une menace pour vous ? Ai-je l’air d’être l’un des Autres ?!!
Le silence était total. La jeune femme savourait son résultat, l’épée toujours tendue en avant. D’une main elle caressa l’encolure de sa bête. Cette dernière profita de ce temps d’arrêt pour donner son avis :
« Tu fais un bien piètre orateur. Tu as de la chance que ces idiots soient complètement dépaysés. Ce n’est pas chez moi que tu aurais eu du succès avec un discours pareil ».
Un sourire amer apparu sur les lèvres de la jeune femme, et elle murmura entre ses dents un faible « Jt’emmerde. »
Avant de reprendre son visage impassible. Les pieux se baissaient lentement.
« Non mais vraiment hin… C’était nul. T’as de la chance d’avoir une tronche de folle avec tes cheveux parce que sinon… »
« Ta gueule », siffla la jeune femme.
« C’est vraiment pas le moment Al Hataal » soufflait-elle, tentant de remuer les lèvres le moins possible.
Un homme d’une quarantaine d’années s’avança vers eux.
–Comment savoir si ce n’est pas une feinte ennemie ?
La jeune femme soupira :
-Je doute qu’ils prennent le temps pour ça. S’ils avaient voulu votre île ils auraient envoyé une centaine de cavaliers pour ratisser tout le territoire. Maintenant vous avez deux possibilités, soit vous nous attaquez, mourrez etc, soit vous allez ranger vos armes, et vous m’écoutez le temps que je vous raconte une petite histoire qu’il ne faudra jamais oublier. D’ailleurs si vous choisissez cette solution, un petit repas serait le bienvenu. J’ai faim. »
Les femmes dans les maisons arboraient un sourire amusé.
La jeune femme venait de rabattre le caquet à une vingtaine d’hommes qui avaient profité de ce « changement » pour réaffirmer leur « souveraineté » sur la gente féminine.
L’atmosphère se détendit d’un coup, et les enfants sortirent observer de plus près les nouveaux arrivants sous le regard courroucé de leurs parents. Dainsleifin rangea rapidement l’épée étincelante dans son fourreau de fortune et mit pied à terre.
Elle défit rapidement la selle de l’étalon et la plaça sur l’une des poutres qui encadrait les habitations de bois. S’avançant vers lui pour lui murmurer d’aller se reposer jusqu'à ce qu’elle l’appelle.
Les humains pénétrèrent dans la plus grande demeure du village Aby et le chef en première ligne. La pièce était assez vide, les quelques meubles étaient grossiers, faits de bois et de branchages.
Quelques couvertures rapiécées ornaient les sièges. Tous s’installèrent à même le sol et quelques personnes sortirent pour faire à manger, la jeune femme en profita pour demander d’apporter de l’eau chaude à sa monture.
Les hommes se regardaient avec frayeur jusqu'à ce qu’une jeune fille blonde comme les blés sourie et se porte volontaire. Dainsleifin lui rendit son sourire avec un clin d’œil en prime face à son courage, puis reporta son regard vers les mauviettes qui servaient de soldats au camp.
Elle reprit son histoire depuis le début, ajoutant sa rencontre avec Kaelith et Loen Grihn ainsi que leurs histoires personnelles.
Elle leur indiqua le campement dans lequel ils devraient aller le moment venu, et expliqua qu’il faudrait bientôt qu’ils soient capables de reprendre la mer pour rejoindre le territoire.
« Je pars lever les armées Sud. Vous le savez, je vous l’ai dit au début de mon histoire.
Ces armées seront composées de chevaux rapides, d’armes blanches et de guerriers émérites. Cependant cela prendra du temps de les rassembler et de les apprêter.
C’est pourquoi je veux que vous en fassiez autant. Je veux que vous soyez prêts à combattre pour vos vies, pour vos terres et pour votre continent. Nous ne sommes plus nombreux dans les « Terres Plaines », il faut que chaque homme et chaque femme capable de se battre soit équipé et ait une monture.
La résistance se développe en Terres Plaines, les hommes se rassemblent et prennent leurs vies en main, ils tiendront le coup le temps qu’il faudra.
Lorsque je reviendrais je veux pouvoir compter sur vous tous. Vous tous et tous ceux que vous pourrez rassembler.
Vous êtes sur une île, vous devez pouvoir voguer.
C’est votre force. Je veux que vous repreniez l’art de l’armement par bateaux.
La jeune femme marqua une pause.
Je récapitule. Vous avez environ… Un an, pour former une flotte de plusieurs navires, mais pendant cette même année, vous devrez avoir rassemblé La Botte, la Sardaigne et la Sicile. Ces hommes et femmes devront avoir une endurance hors norme. Je veux que vous soyez tous des athlètes, sinon nous ne percerons pas les lignes ennemies. Etes vous prêts pour cela ? Etes vous prêts à consacrer une année à votre entraînement intensif ? Etes vous prêts à repousser ces saletés au fond de leurs trous ?!! Etes vous prêts à répondre à mon appel?!Au petit matin, la jeune femme s’éveilla au doux son de…cris. Elle leva les yeux et sortit de sa couche à temps pour voir des hommes s’agiter devant Al Hataal pour le faire sortir de la maison dans laquelle il était entré dans le but de trouver la jeune femme.
« Tu leur dit d’arrêter leurs singeries ou je les bouffe ? » demanda un Al Hataal passablement blasé qui fixait les hommes d’un air plus qu’indifférent face à leurs grands mouvements de bras et cris.
Dainsleifin réprima un rire et s’avança vers les hommes.
« Ca ne sert à rien, vous pouvez lui parler comme à l’un d’entre vous. Il a un QI bien plus développé que les trois quarts du village. »
A ces mots les hommes baissèrent leurs bras honteux, et l’étalon releva l’encolure, fier comme un coq.
« Bon bien entendu, il est, comme nous tous, extrêmement sensible à la flatterie » soupira Aby avant de sortir, suivie des hommes et du Meshamhaan.
Les habitants du village se regroupèrent à la grande place de terre battue, tandis que la brune préparait son étalon. Elle se retourna vers la foule et les remercia tous pour leur accueil légèrement gênée d’être l’attraction du jour. Le chef s’avança et lui tendit un sac de toile solide, empli de nourriture durable, de viande séchée soigneusement empaquetée pour résister aux intempéries.
Ainsi qu’un cor blanc, magnifiquement sculpté, relié à une bande de cuir pour l’attacher autour du cou. La jeune femme sourit et le remercia
« J’ai un an pour apprendre à m’en servir maintenant. »
« Il est assez puissant pour être entendu de la côte. Des hommes guetterons votre appel chaque jour d’ici onze mois, lorsque nous l’entendrons, nous mettrons deux jours à rassembler La Sardaigne et la Corse, plus un pour arriver. La Botte et la Sicile seront prêtes huit jours plus tard. Dans votre sac se trouve un bout de bois creux, fermé des deux côtés dans lequel se trouve notre accord, notre promesse et notre allégeance à vos armées. »
Aby serra l’homme dans ses bras et lui répondit que l’allégeance était inutile, mais qu’elle acceptait volontiers le papier.
« Un grand radeau vous attend à la pointe Sud de la Corse. Ce n’est certes pas encore un navire, mais il est assez solide pour vous supporter tous les deux et vous permettre d’atteindre les côtes Africaines sans passer par la Sardaigne qui est d’après nos éclaireurs, occupée par les Autres. »
Les au revoir durèrent encore quelques minutes, puis Dainsleifin se mit en selle et serra les jambes, lançant sa monture au galop sur la piste. Elle jeta un dernier coup d’œil en arrière pour apercevoir les villageois lui faire de grands signes de la main. Certes elle n’était pas une guerrière émérite, mais elle avait au moins redonné espoir à une île entière.
Maintenant le tout est de ne pas les décevoir, murmura-elle pour elle même.
–Ne t’inquiète pas pour ça l’humaine, rit Al Hataal, d’après la légende les Armées Sud se regrouperont dès l’envahisseur sortit du centre de la terre pour un dernier combat. Tous les hommes connaissent cette légende, il faut juste leur mettre sous les yeux.
-Mais comment faire ça ? Je ne suis ni dieu, et encore moins un homme. Ils ne m’écouteront jamais…
L’étalon pouffa une fois de plus, laissant échapper un grognement sourd :
-Ne crois pas que tu sois seule à mener ce combat. Des hommes de mon peuple, les esprits, on inséré le traité des Armées Sud au cœur de leur religion. Oui dans le Coran se trouve une page cryptée, on y trouve la légende des Armées Sud. Et pour les hommes en dessous du Grand Désert sans vie, chaque village a un ancien qui est chargé de la connaître et de la conter. Les guerriers ont sûrement déjà traversé le Sable pour se rendre dans les camps.
Un silence s’installa, uniquement interrompu par le grondement des pattes du Meshamhaan.
–Non ne t’inquiètes pas, ils n’ont pas d’Autres chez eux. Seulement tout au Sud, mais pas assez pour être entièrement dirigés. La famille de mon maître est celle qui a mis en place ces traités, ils sentaient que leur peuple allait se diviser, alors ils ont décidé d’aider un peu, et de prévenir tout le monde.
Dainsleifin acquiesça et posa sa main sur l’encolure de l’étalon, jouant avec les amas de terre entre des poils qui formaient à présent des milliers de perles de boue, incrustées dans le pelage de l’animal. Ils arrivèrent à la pointe, et tombèrent sur cinq hommes endormis à côté de leurs cheveux.
Ils avaient sans doute œuvré toute la nuit pour construire le radeau. Chose qui était d’ailleurs bien trop évoluée pour être appelée Radeau : D’un côté se trouvait une sorte d’habitacle, pourvu d’une sorte de couchette et de rames, et de l’autre côté une encoche avait été faite dans le bois, de sorte que l’étalon s’attelait au radeau et pouvait tout faire avancer.
Aby remercia longuement les hommes, et leur promit de revenir les chercher dans un an pour « gicler ces saloperies hors de nos terres », puis se mit en route. L’étalon et la jeune femme prirent la mer, calme cette fois, et disparurent à l’horizon.
–Al Hataal ?
–Oui ?
–Tu sais la Légende…
-Oui ?
–Comment est-elle écrite ? Je veux dire, est-ce que tu la connais ?
–Oui… Laisse moi le temps de m’en rappeler…
Le silence se fit, dérangé uniquement par le clapotis des vagues et le bruit de l’Epée Blanche qui tailladait une fois de plus les cheveux de la brunette. Après de longues minutes l’étalon se mit à fredonner quelques paroles. Un grondement sourd s’élevait de sa gorge tandis que dans leurs esprits une chanson résonnait.
Une chanson ancienne, pleine de promesses et d’espoir.
La jeune femme se laissa bercer durant de longues minutes par ce chant dans une langue inconnue, puis l’étalon la reprit en langage commun.
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