Dainsleifin ou La Menace d'Outre Terre

Mercredi 14 mai 3 14 /05 /Mai 02:11

Kaelith observait le  jeune homme, attendant  qu’il continue avec  impatience. Elle était  en vie, et  elle  continuait de se défendre. Mais  ce  qui l’inquiétait était  qu’elle  semblait plus que  souffrante.

Loen Grihn reprenait  son souffle, les  souvenirs  lui semblaient  douloureux. Il renversa son visage  en arrière et  s’accouda dans l’herbe, laissant son regard  embrasser l’obscurité qui les  entourait. (bug atroce : les  tokio hotel fument, bah dis donc de  vrais  petits  hommes -_-) Bref.

« Elle  s’était relevée avec  difficulté, s’appuyant sur l’étalon qui la fixait de ses  yeux  jaunes. Elle  parlait seule, enfin elle  conversait avec  la monture. Apparemment l’heure était aux  explications.

Al Hataal, si je ne t’en ai pas  parlé ce n’était pas  pour te  le  cacher, mais  uniquement parce que je  pensais  que  c’était  une simple  menace par rapport  à moi.

 Silence, l’étalon piaffait et grognait. On le  sentait véritablement en colère.

M’enfin je pouvais pas  deviner !!! Si j’avais  su que  cela  signifiait que ton maître était toujours  en vie je te l’aurais  dit.

– Non je ne vois pas pourquoi je te l’aurais caché !

–Mais  tu fais ce que  tu veux  de ta  vie  merde !!!!

Je  la  vois s’appuyer contre  la  falaise, elle  semble éreintée. C’était une toute autre personne que celle que  j’ai observé plus  tôt. Elle  semblait faible et  malade.

Mais  va ! Barre toi ! Je  te rend Dainsleif et dégage ! Va le retrouver !

Ses  yeux  luisaient étrangement, son épée attachée à sa  taille avait pris  une teinte plus  que  blanche, presque  translucide. Elle  semblait réagir à ce  que  son porteur disait. Comme  une  plainte  sourde, une  façon d’entrer  dans  la  conversation. 

 Ouai c’est ça… Quand  il t’appellera.

Elle  commença  à s’avancer vers moi, les  yeux cernés  de  noir, le  teint pâle. Mais  elle  s’arrêta et se tourna  vivement pour  crier

MAIS JE NE PARLE PAS LEUR LANGUE, JE POUVAIS PAS SAVOIR CE  QU’IL DISAIT !

De  tout évidence, l’étalon lui en voulait  énormément et ne comptait  pas  la  laisser tranquille. Je  me suis avancé pour  la  prendre  dans  mes  bras  alors  que je  voyais  ses  jambes céder sous elle. Je  l’allongeais sur  le  sol, elle semblait  encore  à demi consciente, mais  l’étalon continuait d’avancer, je  pouvais  presque  l’entendre lui faire  des  reproches.

Il avançait lentement, comme  un enchanteur, et  elle  bougeait  la  tête  au gré de  ses pas, cherchant  à éviter  ce  qu’il lui disait. Je  la  sentais souffrir près  de  moi, c’était  insupportable je vous le jure. J’ai craqué et  me suis  jeté devant l’étalon :

-CA SUFFIT ! LAISSE LA !

Il semblait enfin se  rendre  compte  de  ma  présence. Ce  cheval, je  vous  l’affirme, n’avait  rien à voir avec  un animal, tout  en lui reflétait  l’humanité. Y compris la  colère. Réflexe  stupide  ou non, je  fis  de  grands  gestes  pour  l’effrayer, bien qu’il ne  soit  pas  un cheval il en avait  l’apparence, et  le  cerveau humain a, semble-il, de  nombreuses  réactions débiles.

Je  me  voyais là, à faire  des gestes dans sa direction tandis que lui me  regardait, calme, menaçant. Terrifiant.

Il s’avança encore  d’un pas, et  appuya son chanfrein contre  mon front, me  fixant de ses  yeux, et  souffla  un grand  coup de ses  naseaux en poussant  un terrible grognement.

Je peux  vous  jurer  mes  amis, que nous avons  de la  chance que les  Meshamhaans soient passifs  dans  cette  guerre, car  je sentais  mon cœur  défaillir, au même  instant  que  sa  gueule  s’ouvrait  pour laisser  place  à des  dents de carnivore  pur et  dur.

Oui je dis  gueule, bien que pour  un cheval tout le monde dit bouche, mais celui là n’avait  qu’une gueule  d’animal sauvage, ornée de dents qui pourraient toutes être cataloguées de canines. Il continuait  à écarter ses mâchoires  à quelques centimètres de  mon visage, lorsque la  jeune femme  reprit ses esprits :

-Al Hataal, va-t-en ! C’est un ordre. Va  t’en et ne  reviens  que  d’ici demain matin. Je te  rendrais Dainsleif si tu le désires. Maintenant pars c’est un ordre je le répète.

Il y eut  une lueur  dans  son regard  qui s’éteint  à cet  instant. Je ne  saurais  dire quoi, Elle  ne le  vit pas, mais je le  sentis  tout  de  même. L’étalon semblait  avoir été… Blessé. Oui peut être blessé.

Après  le  départ  de son coéquipier, nous  parlâmes toute la nuit durant. Elle  me  racontât tout. Tout  ce que  vous savez  déjà semble-il. Elle  m’exprima également ses  inquiétudes quant à la  conduite  à avoir.

Elle  détacha Dainsleif de sa  ceinture et  la  posa  au loin, m’expliquant que cette arme était ce  qui la reliait  à l’étalon par  la  pensée. Elle  pu enfin me  confier  ses  craintes. Elle ne savait  pas  ce  qu’ils allaient faire  s’il restait avec  lui. Elle  savait  qu’il désirait traverser l’Espagne pour parvenir à l’Afrique.

Mais il refusait tout  bonnement  de lui dire ce qu’ils iraient faire  sur le  continent  Sud. Je remontais quelques  instant voir les membres  de  mon groupe et  leur  demandait  de  patienter ici jusqu’au lendemain.

Je  soignais sa plaie, toute  la  nuit. Craquant la  peau refermée pour  ôter cette  lueur grise de  son être. Je sentais  qu’elle  était  mauvaise. Elle  souffrit pendant des heures, je  n’étais pas  tendre  avec  elle  mais  je  n’avais  pas  le  choix. Cette  plaie  la rongeait.

Elle  appela  Al Hataal dans  son sommeil.

Bien qu’elle ne touchât pas l’épée, je le vis arriver au grand galop. J’étais  surpris. Il semblait  l’être aussi. Et lorsqu’il me vit les mains  dans  son sang, il entra dans  une rage  folle.

J’attrapais Dainsleif et  me  mis  à lui expliquer  que  je ne  faisais que la soigner. Il se  calma et  je  pu lui conter la véritable version de  leur  embrouille par rapport  à la  phrase  que  Dainsleifin avait  entendu durant  l’agonie de  son adversaire.

« sé bog ar ais cuartaigh Dainsleif. Sé bog ar ais ! », Ainsi cela  voulait  dire

« Il reviendra chercher Dainsleif, Il reviendra », mais  ça, elle l’ignorait jusqu'à que l’étalon ne lui dise.

Elle  n’y pouvait  rien, et  elle ne pouvait pas deviner que el véritable maître de l’étalon était en vie d’après  ces paroles. Mais  quand  reviendrait-il ? Ni l’étalon ni moi ne  purent  y répondre…

 

Le  lendemain, après  de touchantes retrouvailles entre l’étalon et la jeune femme qui boitait toujours légèrement, il lui avoua quelque chose qui l’ébranla. Elle se  tourna  vers  moi, un air surpris et heureux à la  fois.

 

« Loen grihn, nous  allons en Afrique pour… Pour  lever  les  Armées  Sud. »

Tandis que Kaelith et Loen Grihn continuaient de discuter, Dainsleifin s’endormait entre les membres de l’étalon, se  réchauffant comme  elle  le  pouvait. L’étalon avait  posé sa tête sur sa poitrine, réchauffant son ventre  du souffle  brûlant qui s’échappait de ses  naseaux.

Elle  s’était  habituée  à cette  odeur  de souffre qui émanait  de  lui, elle avait appris  à l’apprécier et  s’y était  attachée. Lui aussi s’était  attaché  à cette  petite  chose fragile  mais  il refusait  de  l’admettre.

Même  si son maître  était  en vie, il ne pouvait  la  laisser  ainsi, et  puis s’il était  en vie, il aurait déjà pu l’appeler. Pourtant  il n’avait pas  entendu un mot. Les deux  équipiers, tentaient tant  bien que  mal de  s’endormir sous la  pluie  glacée qui tombait  sur eux.

Aby avait caché ses  affaires  sous  un buisson pour qu’elles  soient au sec, mais  ne  pouvait  en faire de  même. Elle  demeurait les  yeux fermés, mais  ce  semi sommeil révélait d’étranges  craintes.

Sa  plaie se refermait lentement, les soins  que  lui avait porté  Loen Grihn quelques  jours plus  tôt lui avaient été bénéfiques. Cependant elle n’arrivait pas à se  remettre de  l’influence qu’avait la  lame  blanche sur  elle. Dainsleif la dirigeait, elle avait  une volonté  propre  qui influait sur  la  sienne. Une  volonté de vivre, qui surpassait la sienne.

Elle  semblait  habitée par une  aura qui s’infiltrait en elle, une puissance invisible, l’éclat de la lame l’habitait. Elle  savait que c’était grâce  à elle  qu’elle  avait  pu tenir  éloigné Loen Grihn. Mais  ces étranges « pouvoirs » l’effrayaient quelque peu. Si elle pouvait faire cela, pourquoi les  êtres des sous Sols n’en faisaient pas de même ? Pourquoi Al Hataal ne lui en avait pas  parlé ?

Le sommeil la gagnait lentement.

 

Al Hataal gardait les yeux ouverts, il entendait quelque chose  au loin. Le bruit  d’un peloton de chevaux. Un détachement de cavaliers, au moins  une  quinzaine. Mais  ils  étaient  loin, pas la peine de réveiller la jeune femme maintenant.

La  route  allait  être  longue  jusqu'à l’Espagne, ils  n’étaient qu’a la  côte méditerranéenne, et venaient tout  juste  de  passer Toulon (en bas à droite).

 

Une  heure passa, l’étalon était de  plus  en plus  inquiet, les  cavaliers  s’approchaient de  plus en plus  comme  s’ils  les  pistaient. Il éveilla  doucement la jeune femme, et ils se préparèrent rapidement sans  bruit, elle grimpa en selle sans rechigner et  il partit au petit  galop, s’éloignant  au maximum des Meshamhaans arrivant vers eux. La pluie  continuait de tomber  sur  eux, et  le  ciel semblait  s’être transformé, l’aube approchant avait remplacé les cieux  noirs  par  une couleur argentée presque  inconnue de  l’œil humain.

Le rideau de pluie  qui obstruait la vue de  la  jeune femme  achevait de rendre le  paysage surnaturel. L’eau glissait sur  l’étalon comme  s’il avait été recouvert  d’un film imperméable, apparemment il lui fallait plus  qu’une pluie pour  tremper  sa robe et ses  crins. Un éclair  traversa le ciel, le fissurant de  part en part, et Dainsleifin regarda en arrière, au loin les  collines sombres semblaient s’être revêtues d’onyx et d’argent.

Elle  ne vit pas  au loin la  masse  sombre  en mouvement, épées  scintillantes déjà dégainées mais elle entendit  le  cri déchirant d’un des Autres. Elle  frémit et se retourna  vers  Al Hataal qui avait  doublé l’allure.

Ils  sont  nombreux n’est-ce pas ?

–Oui… Trop nombreux même.

–Si nous  ne les  semons pas, qu’arrivera-il ?

–Tu mourras sans aucun doute.

Le  galop de  l’étalon s’accéléra encore, et  ils gravirent  une nouvelle  dune. –Ils  sont  reposés, ils  nous  attendaient  apparemment Dainsleifin…

Aby ne  répondait rien mais avait  compris  que sous ces  paroles  l’étalon voulait lui dire  qu’ils allaient les  rattraper puisqu’il était d’ores et déjà à bout de  force. De nouveaux  cris  retentirent, plus  proches qu’avant.

Aby sentait à chaque foulée de l’étalon, le tremblement de terre que créait le piétinement des autres Meshamhaans.

 

Tout se faisait sourd, alourdi, la  pluie semblait silencieuse, la  jeune  femme ne se concentrait plus que sur les bruits que  faisaient ses poursuivants. Le  cuir  grinçait sous eux, le  métal glacé de leurs côtes de maille s’entrechoquait, elle entendait  même  jusqu’au claquement de leur mâchoire.

Sa vision se troublait et  elle sombrait dans  une semi conscience tant  elle était absorbée dans  son écoute.

Elle les voyait presque, elle  distinguait leurs ombres bien que  ses yeux soient  dirigés vers  l’avant, et  non vers  l’arrière, elle voyait leur stature, leur magnificence. Les  chevaux  lancés au grand  galop puissant, l’écume ornant leur poitrail, sa  respiration se faisait de  plus  en plus  faible.

Elle  voyait  à présent leurs  yeux, bleus, verts, bruns, jaunes, ocre, elle  pouvait les  compter, son cœur sembla s’arrêter dans sa poitrine. Elle sentait  leur  colère, elle  ressentait leur hargne.

 

Des feuilles  lui griffant  le visage  la  ramenèrent à la  réalité, et  elle  se  pencha  vers  l’étalon :

-Dix-sept, Al Hataal.

–Quoi ?

–Ils sont  dix-sept. Nous n’arriverons jamais à les semer.

-Je sais. Du moins pas  sur les  terres.

–Je ne comprend pas…

-Tu vas  vite  comprendre ma grande. Soit nous  y arrivons, soit nous mourrons. Enfin toi surtout.

Elle  rit, cette situation était stupide, ils avaient traversé le pays, et ils allaient  mourir  acculés  à la  mer.

« Au moins  sur  la  plage » murmura-elle.

Faites qu’on arrive  à la  plage. Une dernière colline fut montée, les assaillants sur les talons, toujours  plus hurlants, toujours  plus  proches, un éclair révéla enfin la mer. Une  longue plage de sable gris  s’étendait devant eux. 

"Ainsi c’est ici que  tout  cela se termine. C’est beau. Je  peux vous  jurer  que  vous  ne m’aurez pas facilement".

A ces mots Dainsleifin dégainé l’épée blanche, s’apprêtant à mener  son dernier combat, mais  l’étalon ne s’arrêtait pas. Elle  fronça les sourcils… Où va-t-il ?

« Aby fais moi plaisir, attrape  un de tes  foulards, et  attache toi à la  selle »

« Quoi ? »

L’étalon ne  répondait pas, et  la  jeune  femme sentait le souffle de l’un des  autres Meshamhaans dans son dos, elle  obéit rapidement, et Al Hataal franchit les derniers mètres qui le séparaient de l’eau, et  se  jeta  avec  force dans les  hautes vagues de cette mer rendue argentée par le ciel gris.

Par Absynthe - Publié dans : Dainsleifin ou La Menace d'Outre Terre
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Mercredi 14 mai 3 14 /05 /Mai 02:14

La  force des  vagues noya  à moitié monture et cavalier dans  un premier  temps. L’eau s’abattait avec force sur ses nouveaux  intrus, les  repoussant vers  la  plage  à chaque  nouvelle brassée.

Quand enfin l’étalon réussit  à passer  la  barrière de vagues  hautes et  violentes pour avancer dans  une  eau profonde et calme, la  jeune  femme recracha brusquement l’eau qu’elle  avait  avalé, tentant de reprendre  son souffle.

 

Alors ça… C’est la pire connerie que j’ai jamais fait, mais  c’est aussi la  chose  la  plus  excitante que j’ai vécu. On va  ou comme  ça ?

–Devine ma grande, y a  quoi tout  droit ?

 

Dainsleifin fut  tentée  de  répondre « De l’eau » mais s’abstint et se détacha de l’étalon pour se retourner et regarder la plage  qui s’éloignait  à vue d’œil.

Les  cavaliers faisaient des allers et retours sur le sable, comme  des chiens enragés devant  un grillage qui les  empêche  d’atteindre  un bout de  viande.

Des  torches avaient été  allumées, éclairant  un tableau irréaliste, une  myriade d’yeux  jaunes et verts, des  montures noir de jais, qui même  avec  les flammes, n’avaient pas l’air plus  vivantes.

 

D’une  voix plus calme, moins  enthousiaste et nettement plus sombre Aby murmura :

-Al Hataal, pourquoi restent-ils sur la rive ?

–Parce qu’un Meshamhaan ne s’approche pas de l’eau, et  y met  encore  moins  les  pieds.

A cette réponse ses sourcils se froncèrent, pourquoi lui s’y était  plongé ?

Parce que je ne suis pas n’importe quel Meshamhaan, je  suis  en quelque sorte le « chef », le  produit de la lignée  la  plus  pure. Et  par-dessus  tout j’ai été élevé avec  un Autre  intelligent, évolué, qui m’a  appris  à n’avoir  peur  de  rien et  à penser  par  moi-même, pardis!

–Je  vois. Je  suis  contente de t’avoir avec  moi.

L’étalon ne  répondit pas et  continua de fendre l’obscurité sans s’essouffler et  en gardant ses forces. Ni les  étoiles ni la  lune  ne transperçaient la couche de nuages noirs qui assombrissaient encore plus  la  nuit.

Dainsleifin de  voyait  rien du tout, et  se  demandait si sa monture savait  ou elle  allait. Au bout  de  quelques  minutes elle se  détacha de  la selle, prenant  soin d’y fixer  ses  affaires et  son épée, avant  de se  mettre  à nager  aux  côtés de  la  bête. Il lui lança  un regard en coin de  ses  grands  yeux  jaunes, et elle  sourit  dans le  noir, sachant  que  lui la  voyait.

Une  heure passa, ils  continuaient de nager côte à côte sur la mer lorsque  cette dernière se  leva.

 

Les vagues se firent hautes, si bien qu’on ne savait plus si l’on était au sommet ou au fond de l’eau.

Un hennissement lointain fit reprendre ses esprits à la  jeune  femme.

Elle  arrêta de nager  un instant, cherchant des yeux un quelconque éclair jaune qui aurait  pu la  guider, mais  la  seule  chose  qu’elle  vit  fut  une immense  vague qui s’abattit sur  elle, la  plongeant  au cœur  d’une eau noire, insondable et  glacée.

 

Ses  cheveux s’étendaient autour d’elle comme  une  couronne mortuaire avant l’heure, lui obturant la vue, lui nouant les poignets, l’empêchant de bouger. La  panique la prit tandis qu’elle recrachait ses dernières bulles d’air. Pas  question de  mourir ici.

« Al Hataal, crois  moi, ce n’est pas  aujourd’hui que  tu pourras  repartir  d’où tu viens. » Murmura-elle  pour  elle  même tandis  que le  manque  d’air  comprimait ses  poumons.

Ses  muscles  hurlaient  silencieusement  de  douleur, elle  détachait  une fois  de  plus  ses cheveux  de ses  bras et de son visage, et  battait des  pieds  et  des  mains  pour  remonter  à la  surface.

Mais  ou était elle cette  fichue surface ? Plus rien n’avait  de  sens, tout  était  noir, tout  était  violent et  douloureux. Son dos  heurta brusquement  un rocher couvert d’algues marines. La  douleur lui fit  écarquiller les  yeux de  plus  belle, laissant le  sel lui abîmer la rétine.

D’un dernier  geste  avant  de  sombrer  elle  talonna ce  même  rocher, se propulsant  à son opposé, vers la  surface de  l’eau. Les  secondes passèrent, sa  vision déjà réduite  à des ombres se  fit  encore  plus floue…

Elle  aperçut une lueur au loin, vers le haut. Cette  lueur… Si rassurante… Si douce…

 

Elle  se  serrait  noyée dedans  si elle  n’avait pas  d’ores et déjà été  en train de  se  noyer  dans  une  immonde  eau grouillante  de  poissons  et  d’algues visqueuses. Cette  lueur  s’approchait de  plus  en plus, elle  la  voyait.

Sa  main se  tendit dans  un ultime mouvement vers la vie. La lueur se dédoubla, se séparant en deux, entourée d’une  couronne  noire  puis  une autre  blanche. Si blanche qu’elle  étincelait dans l’eau.

C’est sur  cette  vision qu’elle  ferma  les  yeux. Se  laissant  emporter  par  les flots. Si elle  devait  vivre, cette  vision divine  s’en chargerait. Si elle devait  mourir, cette  même  vision l’y aiderait.

Un noir  plus  profond que  celui de  la  nuit et des flots  l’entoura. 

La  chaleur  qui s’émanait de la jeune femme s’évanouit lentement, se séparant de son corps comme  elle redescendait au fond, vers les abysses de  cette  mer  maudite. « C’est fini ».

Le silence.

Le fracas des flots avait  cessé. Elle  ne sentait  plus  rien. Ni l’eau glace, si son dos lancinant, ni sa  cuisse  ouverte qui laissait s’évader son sang.

Ses  mains sans  vie demeuraient tendues vers la  surface, pâles  choses minuscules dans  une mer  immense et ténébreuse.

 

« C’est fini ? Déjà ? »


Le soleil n’était pas  encore levé sur  l’île qu’est la  Corse. Les nuages de  la  nuit  commençaient  à peine à se  dissoudre, laissant passer un soleil rouge dont  les  rayons frappaient de  plein fouet les hautes falaises surplombant une crique.

 

La  tempête de la nuit passée avait fait  des  ravages aussi bien sur  terre  que  dans  l’eau.

Les  humains survivants de  l’île commençaient la ronde du matin, ayant  réussi à supprimer les quelques Autres venus se perdre sur leur île isolée du reste  du continent ils redoublaient de prudence quant à la  surveillance des côtes et des moindres recoins du sol par lequel Ils  auraient pu jaillir.

Ce  matin, c’est à Marolhan le Vieux et Idjil le  Très  Jeune de faire le tour du secteur Nord. L’un, vieux  bougon qui vieillit mal, était de  fort mauvaise humeur de devoir se trimballer l’autre jeunet qui deux mois  plus  tôt se pavanait en ville comme un coq de foire.

Tous deux  avançaient donc, bon gré mal gré, scrutant les recoins des falaises longeant la minuscule plage de sable souillé par les débris de bois, de métal et de feuillage. La ronde semblait longue et ennuyeuse en tout point, arrachant des soupirs de lassitude aux deux partenaires, jusqu'à ce que le Vieux interpelle le Jeune qui avait jusque là la tête dans  un buisson, à la recherche de baies comestibles.

 

« C’est quoi ça ?!!, s’écria Marolhan.

–Ca quoi ? demanda le jeune homme d’à peine  seize ans, avec  une  moue moqueuse digne  d’un enfant  mal réveillé accrochée  au visage.

Ce  vieux débris  avait le don de  parler  de  choses dont  son interlocuteur ignorait tout, et  de  lui en vouloir  ensuite  pour  ne  pas  avoir  compris.

Ce… Ca quoi !

Quelques mètres devant lui se trouvait une forme humaine apparemment en mauvais état, allongée sur la rive, et dont il ne  distinguait aucun mouvement.

J’étais  sûr que  tous les  corps des bateaux avaient déjà été  rejetés sur la côte. Celui là a  du rester  coincé au fond de  l’eau ou un truc du genre. Ca  va  être  gore à voir  papi.

Gore ? Sérieusement gamin, apprends à parler  correctement, et  ensuite  apprends  à te  servir de tes yeux. Ce  corps  là n’a rien d’un corps  immergé pendant des  jours, pas  de  gonflement, pas de  chair  égarée, pas  d’odeur immonde…

Il continuait d’avancer à grandes  enjambées vers l’objet de  son attention et  s’immobilisa  une nouvelle fois.

Bon dieu de  merde  c’est quoi ça ?

–Ca  quoi ? demanda le jeune, avec  une épaisse  impression de  déjà vu dans  sa  tirade.

Ce… Mais  ça !!!! Tu le fais  exprès  ou quoi ?!

 

Idjil s’avança à nouveau, et  comprit  qu’il faisait  référence aux  cheveux  noirs de  jais qui entouraient l’être humain (semblait-il).

Jamais  vu une tignasse  pareille. On dirait  un cocon !

Il franchit les  derniers mètres pour s’agenouiller et commencer à écarter les mèches folles qui enroulaient la Chose jusqu’aux genoux.

Pas  de  visage. Il fit  rouler la personne de quelques centimètres, murmurant un « heuuuu » extrêmement expressif pour  un adolescent.

 –Rah pousse  toi, laisse moi faire  crétin, tu vois  bien que  c’est son dos  que  tu dévoiles là. Rah moi à quinze ans je savais ce qu’était qu’une paire de fesses !

–Seize !

–Seize quoi ?

–Ben seize ans ! 

-Tu m’en vois  ravis.

–Dis donc le  croulant, c’est pas  parce  que tu as  la  soixantaine passée que  tu dois  te  permettre de me parler comme  à ton chien, s’écria le jeune homme, visiblement  agacé.

Il se  redressa brusquement, le  vieux en faisait de même, et  ils  s’affrontèrent du regard.

C’est  pas  le  moment, siffla Maro  entre ses dents en guise  d’avertissement.

Ah Ouai ? Le gamin se  jeta  sur  l’autre, le  poussant vers  l’eau sans  ménagement. Une  grosse  dispute  éclata, les  coups fusèrent.

Ridicules.

C’était  le  mot.

Quelques minutes  passèrent et ils  en vinrent au fait  que celui qui ramènerait le corps au camp aurait l’attention de  tous ses  habitants. Ils  se  fixèrent en chiens de  faïence et  se  ruèrent en un même  mouvement  vers le  cocon de  cheveux noirs.

Pas  la  peine  de  faire  attention à un corps. Ils  pouvaient  bien l’abîmer en se le disputant, personne ne viendrait leur demander de comptes.

Le  vieux s’était jeté sur le corps, le protégeant de son corps, et  l’écrasant par la même occasion :

-Il est à moi ! Je  l’ai vu en premier ! Et  ses vêtements  c’est Moi qui les vendrais !

 –Mais tu rêves toi !!!

 

Et  l’enfant  agrippa  la  chair blanche, meurtrissant la peau déjà bien abîmé de cette chose inconnue.

Sans  prêter attention au fait que  cette  même  chose  n’était  absolument pas  froide, et  que  cette  chose  respirait faiblement.

Un long  cri guttural les immobilisa tous deux, et  ils  levèrent les yeux  en même temps vers le bout de la crique. Le  soleil éclairait la pierre jaune, lui donnant une couleur rouge sang, les  ombres se  faisaient noires, et  au centre, ils  virent en même temps une énorme bête ocre et noire, pleine de  sable  et  de  boue  se  jeter  vers  eux menaçante.

« LES CAVALIERS »  hurla le  vieux, en se  relevant rapidement et reculant le  plus  vite possible. Mais  ce « cavalier » ne se  composait  que d’un Meshamhaan en fureur, qui arrivait devant eux  à une vitesse effrayante.

Un second cri transperça le calme de la baie, il sauta  habilement les troncs et le corps pour se jeter sur le jeune, l’expulsant d’un coup de poitrail à quelques mètres de là. Franchissant d’un bond l’espace qui le séparait du vieux, il fit  claquer sa mâchoire devant son visage, soufflant violemment son haleine de  souffre brûlant.

L’humain demeurait figé, les  yeux exorbités, prêt à chuter au sol au moindre mouvement de  son bourreau. Un oiseau s’éleva dans le ciel, le Meshamhaan cligna, et se recula lentement pour atteindre le corps qu’il poussa  du bout  du nez, jusqu'à le faire retourner sur le dos.

A cet instant, les deux  compères purent voir s’élever une main blanche, faible et griffée de partout vers le chanfrein de  l’étalon.

Al… Al… Al Hataal. J’ai eu si peur…   

Par Absynthe - Publié dans : Dainsleifin ou La Menace d'Outre Terre
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Mercredi 14 mai 3 14 /05 /Mai 02:16

Le Meshamhaan glissa  doucement  son bout  du nez  dans  la  paume  blanche de  la  jeune femme, soufflant faiblement dedans, essayant de la réchauffer. Les  doigts  fins  et  glacés s’appuyèrent  lentement  sur  la  peau noire de l’étalon avant  de  redescendre et  de retomber  au sol.

Ses  yeux  se  dirigèrent  vers  les  deux êtres  humains encore  sur  la  plage. L’un toujours  étalé  sur  le  sable, l’autre  toujours  tremblant  qui semblait  observer  le  spectacle derrière  une vitre  d’un parc  d’attraction.

Et  vu l’écart entre  sa  mâchoire  supérieure et  inférieure à cet  instant, le  spectacle devait  le  surprendre. Une  lueur  passa  dans  les  yeux d’Al Hataal, un voile de  clarté masqua ses yeux, ces  derniers  grandirent en intensité et  le  jaune  présent dans ses  iris vira  au doré étincelant.

 Les visages  des humains changèrent une  nouvelle  fois d’expression, leurs  sourcils se  froncèrent et comme  un seul homme, ils  se  redressèrent et détalèrent  en courant en direction de  leur  camp qui se  trouvait à bien deux  heures de  marche. Une  fois  hors  de  sa vue  l’étalon reporta  une  nouvelle fois son attention sur  la  jeune femme qui se  trouvait  devant  lui.

Ses  vêtements  s’étaient  déchirés  dans  l’eau, dévoilant  sa  peau nue striée  de  blessures légères. Des  nombreux hématomes  coloraient  son corps. Le passage  à travers les  débris  flottant  devant  la  crique  avait  été  difficile.

Dainsleifin fixait  le  ciel au dessus  d’elle, alternant  nuages  blancs  et  étalon noir et  marron. Un doux  sourire  naquit  sur  ses lèvres lorsqu’elle  vit  que son ami semblait  s’être  roulé  dans  le  pire  bourbier  qu’il avait  pu trouver  dans  la région. Ses poumons la  faisaient  souffrir, ils semblaient  brûlés de  l’intérieur. Sa respiration était  faible, difficile.

Toute sa  gorge la  brûlait, chaque  goulée  d’air irritait  son corps, et  massacrait  ses  côtes.

Si un troupeau de vaches  m’était  passé dessus je ne m’en sentirais  pas plus  mal pensa-elle avec  un nouveau sourire. La bête  poussa  son visage du bout  du nez, et  s’agenouilla délicatement à côté  d’elle, avant  de  s’allonger  entièrement, lui présentant  la  selle et  l’épée  à portée  de  bras.

D’un mouvement  douloureux elle  tendit  la  main jusqu'à toucher l’épée du bout  des doigts, avant de les laisser glisser sur la garde, savourant la sensation du cuir sous son épiderme. Elle  referma  sa  main sur  la garde et  tira  lentement l’épée  à elle. L’étalon se  redressa et  la  fixa un instant.

Quoi ? Finit-elle  par  demander.

Tu m’as  fait  une sacrée peur.

–Dans  ce  cas  nous sommes  deux  Al Hataal.

–Je  ne  sais pas  si je  vais  le  regretter mais… Je  suis bien content de  te  revoir.

Un immense  sourire s’épanouit  sur  les lèvres  de  la  jeune  femme, mais  avant  qu’elle  ai pu  ajouter  quelque  chose  l’étalon reprit.

Bien entendu, ce  n’est pas  une raison pour que  tu te remettes  à parler  sans  arrêt.

 Il s’éloigna  de  quelques  pas, puis  se  retourna  sur le corps  allongé :

-Je  n’ai rien trouvé pour te  nourrir mais  apparemment  l’un de ces  humains  a  prêté une  grande  attention aux buissons qui sont  de  l’autre  côté de  la  plage.

La  jeune  femme  hocha de la tête  et  fit  mine de  se  relever avant de chuter sur le sable, épuisée.

–Je… Je  crois que  je vais un peu dormir  avant…

-On a  pas  le temps  pour ça  Dainsleifin… Accroche  toi à moi on y va.

 

C’est ainsi que deux  heures  plus  tard, l’étalon galopait en direction du Sud, ne  prêtant aucune attention aux quelques habitants qui les  regardaient passer  à toute  allure, bouche bée.

Les  paysages  défilaient, et  Aby reprenait  peu à peu des  forces, alternant sommeils réparateurs et grignotage de  fruits  trouvés en chemin. La journée  avançait  rapidement, Al Hataal ralentit  son allure pour  reprendre son souffle, et sa  cavalière  marchait  à ses  côtés pour se  dégourdir  les  jambes.

Elle  s’aperçut avec joie  que  la  plaie  au niveau de  sa  cuisse  se refermait, et avait  été littéralement  rongée  et  nettoyée  par  le sel de la mer. Le couple  avançait donc sur un chemin dégagé, à l’ombre  d’une montagne qui n’avait  plus  que  le sommet  éclairé  par  le  soleil.

Dainsleifin observait le paysage, une  lueur  d’admiration dans  les  yeux. La  région était  véritablement magnifique, fleurie, parfumée, délicieuse. Une  forme  au sommet attira  son attention.

Al Hataal regarde ! Je  crois que c’est… Oui ! C’est un cheval de  montagne ! Ils ont  survécu ici ! S'exclama-elle, rayonnante.

L’étalon tourna le regard vers la forme et  murmura :

-Oui c’est bien un cheval, petit, trapus, un cheval de  randonnée, mais Aby… Il n’est pas  seul ! Un humain est avec lui. Et  vu ce  matin, je  doute que  les  gens d’ici soient franchement  amicaux.

–Mais  non Al Hataal, je suis sur que…

Un son strident déchira le silence de  la vallée. De  quoi réveiller les  morts  pensa-elle. Le Meshamhaan se  jeta  sur  elle :

-Un cor ! Vite grimpe, on s’en va !

 

La  cavalcade  reprit  à grande  vitesse, éclairée  par  le  soleil couchant qui instaurait  une  lumière  orangée  sur  tout le  territoire. Le  cor  reprit  sa  musique, et  au plus  grand  malheur des coéquipiers, un second retentit. Plus strident encore.

–Ils sont  placés en haut des montagnes. Décidément, ils  ont  une  bonne garde  sur  cette  île.

A ces  mots  un troisième se fit  entendre, plus  loin devant  eux, tous reprirent la sonnerie  d’alarme, faisant  s’envoler les  oiseaux, détaler les animaux, et  accélérer étalon et  cavalier.

 Quelques minutes après, le  soleil avait  disparu, les  cors  redoublaient  d’intensité, le Meshamhaan commençait  à perdre  patience.

A la  nuit  tombée l’étalon franchit un buisson d’un bond, et atterrit en plein centre  d’un village.

Merde, siffla  Dainsleifin entre ses dents, on a  la  poisse aujourd’hui.

Elle ne semblait pas avoir tord, car  quelques  secondes  plus  tard, les  cors s’approchaient  à toute  allure, et  les  villageois sortaient de leurs demeures, torches et  pieux de  bois en main.

Femmes  et  enfants  observaient  la  scène de leurs  fenêtres  sans  vitres, une  lueur  victorieuse  dans le regard. Le  cercle autour d’eux se  refermait et  rétrécissait progressivement. Aby dégaina Dainsleifin et  la tendit  vers le ciel avant de crier d’une  vois forte :
Par Absynthe - Publié dans : Dainsleifin ou La Menace d'Outre Terre
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