Epilogue:
Il n’a pas tiré…
Nous avions pourtant cet accord tacite. Deux contre le monde, deux contre la mort. Deux à partir.
Il aurait du tirer, je plantais ma lame dans son corps, il devais laisser aller le canon de son arme.
Laisser partir sa dernière balle.
De rage je pleure et hurle, je hurle encore et encore, l’insultant de tous les noms que je connaisse.
Il dit être un monstre.
Non jamais il n’en sera un, il est un ange, un juste, un homme bon et je pleure sur son épaule, laissant son sang se répandre sur moi, lui murmurant tous les
mots d’amour que je n’ai pas su lui dire tant que je le pouvais.
Je le sens s’affaiblir dans mes bras, je le serre contre moi, continuant de pleurer, de l’aimer et de le haïr à la fois. Il se raidit d’un coup, et me crie
de me barrer, il me hait…
Je l’ai tué. Il me déteste et moi je l’aime… Je me détache de lui avec douleur, plongeant une dernière fois mes yeux dans ses iris glacés, son regard est
fiévreux par la douleur, mais glacial par ses sentiments, je l’ai tué.
Il me hait. Je secoue la tête, qu’ais-je fait ?! Nous devions partir tous les deux. Ensemble.
Mais lui n’a pas pu… J’ai été égoïste.
Doucement je me redresse, la rage reprend le dessus, il a été stupide, il a été faible, amoureux mais de la mauvaise façon… Je crache d’une voix brisée
:
-Je ne comptais pas rester !
Puis plante une dernière fois ma lame dans le creux de sa main. Oh oui mon amour, tu vas regretter de ne pas m’avoir tuée. Tu
aurais du le faire, je suis une fraction du mal, une partie du démon.
Maintenant souffre.
Souffre et meurt. Je reprends ma route en courant, laissant flotter derrière moi les volants de ma jupe tachée de sang. Je sens son regard sur ma
nuque.
Mes pas se font lourds au fur et à mesure que je m’éloigne de celui qui a su faire bondir mon cœur. Bon dieu comme je t’aurais aimé Stéphane…
J’arrive en haut de la colline, et me retourne vers toi. Une dernière fois. Ton regard me transperce, mais tu ne vois plus.
Je le sais.
Tu es au stade ou ta vision se brouille, ou les arbres deviennent danseuses exotiques, ou le ciel a des allures de mers, ou les hommes ressemblent à des
morts.
A ceux que tu iras bientôt rejoindre.
Je vois ton corps s’affaisser, les spasmes t’agiter, mes larmes redoublent d’intensité. Je porte ma main à mes lèvres, cherchant à stopper mes râles de
souffrance.
J’aimerais te voir te relever, venir vers moi et me gifler, me cogner s’il le faut. Mais rien. C’est fini. Je t’ai tué. Je n’arriverais jamais à surmonter ça
seule. Je ne veux pas le surmonter en fait.
Je veux mourir.
Mourir.
Mourir.
Un sursaut me fait enfin émerger de mon sommeil, le front en sueur, les membres tremblants.
Un rêve ? Ce n’était qu’un rêve ? Je repousse les draps de mon lit et pose mes pieds sur le carrelage glacé de ma chambre.
Je baisse les yeux vers le sol, et, comme tous les matins, ne puis voir mes pieds… Encore un mois et je les reverrai… Adieu ma silhouette de rêve, mais je
les reverrai.
Des rayons du soleil commencent à se frayer un chemin à travers les arbres. Un coup d’œil vers le
réveil.
Cinq heures.
Rien que ça.
Je m’avance vers la terrasse et m’accoude à la rambarde de pierre. Inspirant une grande bouffée d’air avant d’enfouir mon visage entre mes mains, le front
sur la pierre encore fraîche.
Les minutes passent et la sueur qui me collait à la peau sèche doucement grâce à la brise marine…
Je relève les yeux vers mes mains et observe la cicatrice sur mon poignet droit.
Pas un rêve non.
Un cauchemar.
Après avoir fuit mon amour, j’ai traversé tout le pays d’Est en Ouest, pour arriver sur la côte, volant au passage de riches imprudents, réunissant un bon
petit budget de départ pour ma nouvelle vie. Parce que oui, j’ai décidé de vivre.
Pas pour moi mais pour Lui.
Cela va faire bientôt huit mois que j’ai quitté New York.
Huit mois que je me suis installée dans cette petite bâtisse.
Huit mois qu’il me manque.
Les premières semaines ont été les plus dures. Mais une fois que je me rendis compte que mes nausées qui me poursuivaient n’étaient pas dues à mes états
d’âme mais à autre chose, je me suis remis à vivre.
Et à me battre pour ce qui me reste de mon ange.
De mon amour.
Aujourd’hui je vis.
Du moins je survis. Ah si tu étais là mon amour, tu serais fier de moi… La bête sauvage qui vivait en moi a été apprivoisée. Désormais je ne me sers d’elle
qu’en fin de mois.
Pour vivre, et non pour me venger. Un rayon m’éblouit et je rentre dans ma demeure, traversant plusieurs pièces, attrapant au passage un long gilet de laine
blanche que je serre autour de ma taille avant de sortir par la porte, marchant dans l’herbe jusqu’à ma boite aux lettres.
Je ne suis pas allée chercher le courrier hier. J’empoigne la pile d’enveloppes et retourne sur la terrasse avec un verre de jus d’orange. Je m’installe sur
le rebord de pierre, les pieds dans le vide en haut de la falaise sur laquelle est juchée la maison.
Une nouvelle « mission », de la publicité, de la publicité, des factures et oh…
Une lettre parmi les autres attire mon attention, postée des îles, mon nouveau nom y est inscrit, l’ancien également, mis entre parenthèses.
Je frémis avant de l’ouvrir.
Mes yeux s’écarquillent sous la surprise et des larmes montent à mes yeux.
Mon ange…
« Je du recommencer une bonne dizaine de fois la lettre avant d’avoir trouvé la bonne façon de
m'exprimer. Les bonnes paroles. Ce que je voulais vraiment que tu saches.
Ça pourrait se résumer en quelques mots comme : haine, rage, folie, démence.
Finalement je préfère la jouer subtile et t’écrire une belle lettre pour exprimer tout ce que je ressens, et ai ressenti pour toi.
Qui sait ?
Tu t’en doutes et j’imagine déjà que tu te tiens la bouche entre ouverte avec un air stupéfait, le cœur battant à toute allure parce que tu as peur que je te
retrouve.
N’ai crainte mon amour.
Je sais déjà où tu es.
Tu as fait de moi ce que je suis maintenant, faut croire que toi tu vis tranquillement et que chaque dimanche tu vas à l’église priant pour moi ou alors tu
cherches la rédemption car tu n’as plus jamais eut le besoin de tuer qui que ce soit ! Je t’envie mon amour tu ne fais plus de cauchemar et tu penses à moi avec ton sourire d’ange. Je t’envie
tellement…
Malgré cette douleur qui me ronge encore le cœur, me vide de tout sentiment et me rend tellement cruel que de voir ton sang couler me ferai presque
fantasmer.
Je crève d'envie de te voir me supplier, les yeux larmoyants, la gorge offerte, tes belles mains en sang à force de m'avoir griffé en te débattant tandis que
je te torture, encore et encore. Déchiquetant chaque parcelle de ton corps que j'ai tant aimé. Maltraitant ton corps comme tu as maltraité mon âme, le rouant de coups, pour ensuite lui faire
l'amour, avant de reprendre mes sévices. Chaque nuit je revois nos ébats, nos bons moments passés ensemble, les mots doux que nous nous sommes chuchoté à l'oreille après l'amour. Tant de
promesses encore et encore, tant de mensonges éhontés.
Une fois tous revenus à ma mémoire viennent tous les instruments de torture que j'utiliserais sur toi... Toutes les brûlures au feu ou à l'acide, les plaies,
déchirures puis soins précaires avant de recommencer.
Je ne sais si l'envie de te tuer sera trop forte, et si je te tuerais d'un coup, fracassant ton si joli visage sur le premier meuble ou mur qui passera, ou
si j'arriverais à me retenir, et te garderais envie pour te voir souffrir autant que je souffre et que j'ai souffert.
Ah mon amour, tu m'as tué te rends tu compte? Tu as enfoncé cette lame dans mon corps et m'a laissé pour mort. Malgré tout ça, je t’aime. Si tu savais comme
je t’aime !
Je n’ai jamais cesser de t’aimer ! Et ne fais pas attention à ces quelques tâches sur le papier, mes émotions ne sont pas toutes brûlées dans ma rage.
Malheureusement oui! Je suis resté un éternel altruiste ! Pensant que comme toi un jour je pourrais redevenir quelqu’un.
Aurais-je droit à la rédemption moi aussi ?
Je caresse un doux rêve, j’hésite entre te trancher la gorge ou venir t’embrasser comme si c’était la première fois. Finalement sept mois n’ont rien changé,
tu es toujours aussi belle, je suis toujours aussi mal et mon cœur est toujours réduit à néant.
Je n'ai de notre dernière entrevue qu'une légère cicatrice qui réclame réparation. Pourrais-je un jour la faire taire ? Ou devrais-je céder à son désir de
cicatriser par tes larmes ?
C’est horrible cette sensation de trahison, cette sensation de mal être et de culpabilité, c’est comme si on t’ouvrait la poitrine de la manière la plus
lente, que l'on arrachait ton cœur doucement, qu’on y plantait ses doigts, qu’on le griffait, qu’on le piétinait pour enfin le brûler à petit feu.
A la fin il n'en reste que des cendres.
Sur ces divagations je te laisse mon cœur, retiens les informations principales :
Je t’aime,
et je te hais plus que la mort ne m’est offerte.
Bisous des îles.
PS : Ne dors que d’un œil…