Cock Tales Cocktails

Dimanche 29 novembre 7 29 /11 /Nov 21:03


Bonsoir bonsoir! Vous vous souvenez de moi?
Comment ça non? >___<"
Bref.
Ce soir je vous publie un OS que j'ai enfin terminé, et dont la fin sonne le glas de mon absence. (Comme c'est bien dit, un vrai auteur hein..) (c'était ironique. Patates).
Bref, un Os intitulé Mozambique, qui aurait du faire 500 lignes et qui fait en réalité vingt trois pages. Haha.
Bien entendu, vu qu'il n'a pas encore été jugé par Angenoire la juge de ce duel (un écrivain d'histoires sims hétéros je crois, peut-être que vous connaissez) je lui ai d'abord demandé son accord avant de publier.
Soit dit en passant tout ceci s'est déroulé sur le formidable Quatre Mots Sur un Papier (voir lien à droite), forum sur lequel vous trouverez des duels, des concours, des histoires à plusieurs mains, des concours design etc etc.
(Haha je me fais l'effet du présentateur blasé qui récite sur un ton monocorde "Olalala, quelle folie sur le terrain, les joueurs sont en forme olympique ce soir. Mais ils le seraient encore plus s'ils avaient goûté au hot dog de Ernie la Saucisse situé au niveau de la quatrième tribune. Voilà, celui qui fait coucou là. Bien. Olalala mais que vois-je?. Parker vient de tacler Brandon! C'EST DU GOLFE PAS DU CATCH BANDE DE SALIGAUDS!" etc. Heu... Pardon.)
Oui donc.
La fin est plus ou moins baclée... Enfin si elle l'est carrément en fait. Il fallait absolument que je m'en débarasse je pouvais plus le voir ce texte xD
On sentira rapidemet le manque d'enthousiasme dans l'écriture...
Mais bon. Je le publie quand même au cas ou quelques courageuses voudraient se lancer dans la lecture ^^.
Notez bien que ej ne demande rien hein xD

Mais quand même, elle avait du potentiel st'histoire.
Comme d'hab, pas de suite de prévue. Par contre Vous vous pouvez la reprendre!

Ah et comme image (d'ailleurs je la collerai sur un paquet d'autres articles il est canon ce mec) Baptiste Giabiconi, l'égérie de Lagerfeld. Sans déconner... Vous connaissez un mec qui peut être sexy avec des tire chaussettes? xD?

Oui donc trêve de conneries:
Sujet:
Pour cet été vous avez décidé de faire quelque chose d'original et d'insensé. Vous êtes la fille ou le fils de quelqu'un de très riche et pouvez par conséquent faire tout ce que vous voulez. Ayant entendu parler de la découverte d'une nouvelle forêt jusqu'à là inexplorée vous décidez de vous y rendre. Le lieu étant inexploré, vous louez pour l'occasion un hélicoptère.
(information sur la dite forêt ici:
http://www.paperblog.fr/1460429/google-earthdecouverte-dune-foret-vierge-au-mozambique/ )

Vous faites cette aventure avec vos amis. Mais cela va très vite virer au cauchemar, n'ayant aucun sens de l'orientation, vous allez vous perdre. Vous découvrirez ainsi la végétation et la faune locale. Racontez ce que vous ressentez, vos tentatives pour vous en sortir, vos disputes, plans... Au bout de la deuxième nuit un de vos amis aura un accident ( mortel ou non). Décrivez la scène. Sentiment de peur, de colère..
(dispute entre amis, histoire d'amours... toute sorte de relation est possible, même un meurtre )

Consignes: Minimum 100 lignes, maximum: 500 Lignes. Taille 11, times new roman.
Vous pouvez écrire à la première ou troisième personne. Vous devrez décrire autant les sentiments de votre ou vos personnage(s) que la nouvelle forêt. Attention rien de surnaturel, les nouvelles plantes voir nouveaux animaux découverts doivent pouvoir exister. Donc pas de plante bleue ou d'araignées mutantes. Tout doit être plausible. Cependant n'oubliez pas de faire preuve d'originalité, évitez les clichés!
On doit aussi pouvoir rentrer dans la tête de la personne et pouvoir partager ses craintes, son étonnement ou la fascination qu'il éprouve.

====================================

Mozambique:

Voilà deux heures que notre hélicoptère survolait la région de Zambézie au Mozambique.
-Zambèze quand tu veux chéri!
-Ah la ferme!
Deux heures que nous avions quitté Alto Molocué en pleine nuit pour atteindre le mont Mabu au petit matin. A ma gauche, le pilote marmonnait en un mélange de portugais et de Shona, donnant un résultat plutôt incompréhensible que j’ignorais fermement. Déjà que cet idiot avait refusé de me laisser l’hélico pour la semaine alors que j’ai mon permis de vol et de l’argent à profusion…
Je claquais la langue d’agacement et il plissa les lèvres, cessant son bourdonnement agaçant dans le micro des casques. Ce voyage commençait définitivement… bien.
Derrière moi, Ellie et Cameron plaisantaient et faisaient blague sur blague depuis notre départ, ignorant totalement le jeune homme juste à côté d’eux.
Luz, un des boursiers de notre faculté, qui gardait le nez plongé dans les captures d’écran de Google Earth qu’il avait fait rapidement avant le départ.
En fait, lorsque Cameron a vu qu’une forêt réellement vierge avait été découverte grâce au moteur de recherche satellitaire, on a tous décidé de décommander nos vacances sur je ne sais plus quelle île paradisiaque au profit d’une expédition dans le monde sauvage et intouché.
Mais bien entendu, il nous fallait un guide… Enfin un con qui regarderait les cartes et qui nous dirigerait dans la forêt pendant que nous nous fendrions la poire à courir après des vaches à cinq pattes.
-Hé le pauvre, tu veux pas profiter du paysage plutôt que de jouer le rat de labo encore trois plombes?
Ça c’est Ellie. Ellie, le phénomène national. Ex-copine de shopping de la sœur de Paris Hilton. Si, si. Mais disons que Paris et sa sœur sont de grosses paysannes vulgaires et sans style face à Ellie.
-Je suis en fac de biologie Ellie. Je suis boursier, je ne passe pas mes exams grâce au nom de mon père, donc je SUIS forcément un rat de laboratoire.
-Mais qu’est-ce qu’il est lourd ce mec! Pourquoi tu l’as embarqué déjà?
Je soupirais et jetait un coup d’œil à l’horizon qui rougeoyait doucement en croisant les jambes.
-Par nécessité, et puis parce que je ne pouvais pas laisser quelqu’un qui nous côtoie toute l’année aller passer deux mois d’été dans un mac Donald. Tu comprends, nuisance olfactive. J’ai pas envie de passer le semestre prochain à froncer le nez à cause de son odeur.
-Va te faire foutre Connor.
Et voilà. J’avais fâché Luz et fait plaisir à Ellie. Cette petite perle adore que l’on rabaisse les autres devant elle. Une sorte de passion comme certains ont le golfe et d’autres le macramé.
Quelques minutes passèrent, j’entendais Ellie et Cam faire les cons à l’arrière, et le pilote ne cessait de se retourner avec un regard pseudo menaçant, avant de reprendre vivement le contrôle de l’appareil, faisant ainsi quelques embardées qui perturbaient le Pauvre et faisaient mourir de rire mes amis héritiers.
Mais soudain j’eus la plus belle vision de ma vie et oubliant les ricanements dans les écouteurs, je demeurais bouche bée devant le soleil qui pointait à l‘horizon, reflétant ses couleurs rougeoyantes sur les steppes, prairies et forêts, illuminant le paysage de mille nuances enchanteresses…
-Un soleil rouge se lève, beaucoup de sang a du couler cette nuit…
-Ahh Cameron tais toi!
…oui enfin je ne restais immobile qu’une seconde grâce au commentaire définitivement pertinent de mon meilleur ami.
Pour le coup, même Luz avait sorti la tête de son c… de ses feuillets, et je dois avouer qu’étonnement cela me réjouissais. Un peu hein. J’apprécie pas la présence du peuple.
-Mon dieu j’ai jamais rien vu d’aussi beau, s’exclama Ellie en se penchant entre les sièges avant et en faisant râler le pilote.
-…A part peut-être le dernier sac à main Vuiton… Ou les escarpins Gucci… Ou…
-Ouai enfin au final ce n’est qu’une putain d’aurore!
-Ah mais je ne parlais pas d’aurore Cam’, je parlais de la magnifique forêt vierge juste là en bas, celle dans laquelle on va s’éclater comme des malades pendant deux semainnnnes!
La fin de sa phrase était partie dans des aigus hystériques, chose que l’on entend que très rarement chez une dame de la haute, mais aucun n’y prêta attention plus de quelques fractions de secondes parce qu’ensuite, nous étions tous sans exception face collée à nos fenêtres respectives, les bras ballants et tout commentaire oublié.
En dessous de nous s’étendait le plus magnifique parterre d’arbres que je n’avais jamais vu.
En réalité les termes « Arbres » ou « Forêt » étaient bien trop faibles pour qualifier le véritable oasis de verdure qui prenait subitement pied sur tout une montagne…
Quatre-vingt kilomètres carré rien que pour nous!
Magnifique n’entrait pas non plus dans les adjectifs qui pourraient qualifier la forêt.
Majestueuse. C’était plus correct.
L’hélicoptère amorçait la descente, et le pilote fit signe qu’il ne pourrait pas se poser entièrement, donc qu’il faudrait sauter un peu.
Luz fut le premier à balancer son paquetage et à bondir en faisant un signe d’au revoir au moustachu concentré sur sa manœuvre.
Tandis qu’Ellie piaillait sur la hauteur, et que Cameron tentait de récupérer son Ipod perdu sous un siège, je rappelais en portugais les dates d'approvisionnement ainsi que la date de retour à l’homme, qui continuait de marmonner d’agacement, et qui me fit un hochement de tête affirmatif. Il avait compris. Et vu la thune que je lui promettais, il ne nous oublierait pas.
Lorsqu’enfin je m’apprêtais à mettre pied à terre, je l’entendis râler sur « Ces putains d’anglais », et j’atterrissais au sol juste à temps pour me retourner et hurler:
-Américains connard!! On est des putains d’américains!
Le vrombissement de l’appareil couvrit en partie mes hurlements, et je me baissais légèrement le temps qu’il s’éloigne et cesse de remuer la poussière.
-Ouai enfin l’immigré est mexicain hein, finit par dire Ellie en s’approchant de moi, hissant son sac à dos sur ses épaules.
-L’immigré est plus américain que toi la Canadienne, répliqua Luz en secouant sa carte verte d’un air narquois.
Je vis la jolie blonde rougir de rage, il ne fallait jamais évoquer son demi sang Canadien, c’était la honte suprême pour elle.
-Ferme la le parasite! S’agaça Cameron.
Ça c’était bas… Mais… C’était bon.
Venant de Cam’ ça craignait un peu en vérité, son père était le directeur des douanes du Mexique et des US, et il faisait la guerre aux clandestins, si bien que n’importe quel basané était forcément une nuisance à ses yeux. Et bien que Cameron ne soit pas si extrême, il gardait quelques réflexions étranges qui jaillissaient parfois et jetaient un froid sur les conversations.
Il y eut un silence et nous nous retournâmes vers notre lieu de vacances. Pour garder encore un peu notre mutisme presque religieux.
Quand j’avais dit « Majestueuse », j’avais vraiment trouvé le bon mot.
Sous nos pieds la terre était dorée, sèche, parsemée de buissons brûlés par le soleil, elle avait presque la texture du sable.
Mais plus nos yeux s’égaraient vers l’orée du bois, plus la terre fonçait et s’humidifiait.
Un courant d’air glissa d’entre les arbres jusqu’à nous, portant en lui une odeur de vieille humidité, de feuilles tombées ainsi que de fleurs rares et nous plissâmes imperceptiblement les yeux pour apprécier cet air unique au monde.
La séparation entre la terre du Mozambique et la forêt vierge était impressionnante. Ce changement de faune, de flore, et surtout les pieds des arbres si serrés les uns contre les autres qu’ils formaient une muraille de troncs nus qui s’affinaient à partir de deux mètres de hauteur et qui développaient leurs branches et feuilles penchées vers l’extérieur de ce monde intouché, presque menaçantes tant elles étaient concaves et voûtées.
Nous entendions le chant d’oiseaux invisibles à nos yeux, et j’avais l’impression que j’allais pénétrer dans un autre monde, presque un autre univers. Je tournais les yeux vers mes compagnons de voyage -ainsi que vers notre bouche trou de voyage- et notais que Cameron répertoriait mentalement les espèces des plantes qu’il voyait d’ici. Jusque là, rien d’original dans la flore. Il était impressionnant de voir le grand blond retrouver son sérieux en quelques secondes lorsqu’il était sujet de biologie environnementale. Ellie demeurait immobile, un sourire ravi accroché à son visage, ses jolies dents blanches faites et refaites mainte fois luisant au soleil du matin.
Les feuilles des arbres brillaient du reflet doré de l’astre solaire encore orangé, et les gouttes de rosée pendant sur les toiles d’araignées scintillaient comme une multitude de petites boules à facettes naturelles. J’attrapais mon appareil et prenais quelques clichés en mode macro lorsque je vis du coin de l’œil l’un de mes camarades esquisser un geste qui fit bondir les deux autres de côté. Je me retournais.
-Putain mais t’es un grand malade toi! Gueulait Cameron, les yeux exorbités, ayant préalablement mis quelques mètres d’écart entre lui et Luz.
Luz qui venait de dégainer une machette immense à la lame légèrement émoussée et au manche de bois poli par les années.
Le gentil, timide et travailleur Luz avec une machette de cinquante centimètres dans la main gauche.
Je venais d’avoir l’explication du pourquoi il écrivait comme un pied, et pourquoi on ne pouvait pas lui piquer ses feuillets pour copier. Saloperie de gaucher.
Le mexicain nous fixait, surpris de nous avoir fait peur, ses grands yeux innocents légèrement écarquillés, et je pouvais voir que même sans ses lunettes, ils étaient d’un brun foncé tout à fait banal. En même temps un mexicain aux yeux bleus ça n’aurait pas fait très crédible…
-Vous comptiez rester hors de la forêt? Ou vous glisser entre les branches et à travers les buissons?!
Il y eut un silence. J’avais penché la tête de côté, observant sans réellement écouter ce jeune homme de vingt cinq balais, en chemise boutonnée jusqu’aux poignets et au cou, rentrée dans son pantalon, un sac à dos imposant sur le dos et des photographies aériennes dans la main droite tandis que dans l’autre siégeait… Une putain de machette.
-Non sans dèc‘, vous pensez vraiment qu’on va pouvoir se déplacer dans une forêt vierge sans rien dans les mains?
Cameron tournait vers moi un regard interloqué, et je m’empressais de répondre:
-Parce que tu penses qu’on t’a emmené avec nous pour faire quoi à part te prendre les toiles d’araignées à notre place et ouvrir le chemin?!
Je vis son visage se décomposer légèrement. Oh bien entendu, il était au courant qu’aucun de nous ne l’appréciait, que nous lui avions payé le voyage pour des raisons pratiques, parce que nous avions besoin de lui… Mais de toute évidence l’entendre répété ainsi était douloureux.
Pauvre pauvre sans amis…
-Parce qu’en plus d’être un rebut de la société, une sangsue collée aux basques de l’état qui te paie des études pour que tu ailles au final enrichir le pays voisin t’es un grand naïf?
Je le vis baisser les yeux et j’eus un léger, très léger remords de m’en prendre à lui ainsi. Mais c’était tellement facile de lancer des trucs auxquels on ne croit pas le moins du monde et qui font souffrir affreusement à chaque fois…
-Bon… on y va? Lança Ellie tout en retirant sa chemise pour ne garder qu’un débardeur blanc aux fines bretelles qui glissaient de ses épaules bronzées, attirant par la même trois regards dont deux au moins tout à fait envieux.
Ce n’était pas nouveau que Cam’ et moi soyons comme deux chiens devant un os dès qu’elle montrait le moindre carré de peau. Mais je ne voyais pas Luz faire de même, et ça m’étonnait assez pour que je ne réponde pas…
Le latino s’approcha des arbres et après une seconde de silence et de réflexion pendant laquelle il parut prier, il éleva sa machette et fit une percée dans la muraille des arbres, pour ensuite s’enfoncer dans l’obscurité et la fraîcheur de la forêt.
OOoOoOo
Voilà deux heures que nous marchions. J’étais en tête de file, comme convenu, je tenais la machette que mon père m’a laissé avant de crever, et je tranchais les branches, buissons, troncs fins et lianes millénaires avec. Comme convenu.
Comme convenu c’était moi qui me prenait les toiles d’araignées. Et pas des petites, s’il vous plait! Avec tout le peuple encore dedans, des moustiques séchés gros comme une phalange, emmêlés dans les fils et l’araignée de mauvais poil grosse comme le poing pile entre les deux yeux.
Putain ils se sont marrés la bande de bourges derrière. Tous trois à se foutre de ma gueule parce que JE me prenais les racines aussi épaisses que des troncs, pour leur ouvrir le chemin tandis qu’eux étudiaient la merveilleuse faune locale.
Qu’ils aillent se faire foutre ces connards. J’aurais jamais du accepter de venir pour les beaux yeux de Connor. Ses beaux yeux bleus sans cesse posés sur les jambes d’Ellie, -qu’elle n’a même pas longues d’ailleurs!- ou sur ses fesses, ou ses seins, ou son sourire, ou… Connard.
-Eh la tête d’ampoule, t’avances?!
-Eh connard, tu permets que je prenne mon échantillon ou tu veux passer devant peut-être?
Connor-Connard. Ça va super bien ensemble. Espèce d’empaffé richissime, même pas canon, simplement foutrement bandant, charmant, mystérieux et dégageant une aura dans laquelle on veut se jeter à tout heure du jour et ce, malgré ce qu’il peut dire comme saloperie sur nous.
De toute manière je sais que les pires choses qu’il me sort sont fausses.
Mais rien que l’idée que certains puissent les penser, qu’elles soient en quelques sortes des pseudo croyances populaires du même genre que « un noir ça pue plus qu’un blanc quand ça sue. », « un noir c’est pas fait pour nager, z’ont un trop gros cul ça fait de la prise sur l’eau, c’est pour ça qu’ils sont jamais nageurs professionnels. Par contre ils sautent haut, tu parles après avoir passé deux mille ans à se balancer d’arbres en arbres…. » et toute la panoplie du genre me bousille de l’intérieur.
Bon, coup de bol, étant mexicain j’avais juste droit aux quelques vannes sur le fait que je suis censé voler, être immigré, avoir une trentaine de frères et sœurs qui traînent à moitié à poil dans les rues, une mère catin, dealer de la poudre, et avoir un flingue à l’arrière de mon pantalon.
Je refermais le sachet et continuais d’avancer, levant parfois les yeux pour apercevoir un rayon de soleil pénétrer l’épaisse voûte des arbres. Nous entre-aperçûmes plusieurs fois de petits singes qu’aucun de nous ne put nommer la race, on était biologistes, pas zoologistes, et le fait d’ignorer jusqu’à leur nom permettait de s’imaginer côtoyer des espèces inconnues jusqu’alors.
Parfois je me retournais pour le plaisir de voir Connor derrière son appareil.
Lorsqu’il regardait le monde à travers son objectif, il émanait de lui une sensualité sans failles, et je ne pouvais détacher mon regard de ses larges épaules finement musclées, de ses bras bronzés et de ses doigts arachnéens qui malgré leur force tenaient cet appareil avec une douceur que l’on ne lui voyait jamais.
Moi je gardais ma chemise, qui commençait à se déchirer au fur et à mesure de l’avancée, mais je préférais que ce soit un vêtement plutôt que ma peau qui soit abîmé. De toute façon, la forêt devait s’éclaircir d’ici quelques kilomètres.
-Hé le nain -putain t’accumules- lève ta machette plus haut, y en a qui dépassent le mètre soixante!
Allez vous faire foutre. Je vous déteste je vous hais.
Et je fais un mètre soixante neuf. D’abord… Même si je déteste cette position.
Je soupirais tout à mes pensées que je savais totalement immatures, et prenais une grande inspiration de cet air délicatement… vicié.
Mince oui, ça sentait l’air vicié, le vieil air qui est resté là depuis cinquante longues années sans qu’aucun être vivant ne l’ai inspiré, qui s’est entremêlé avec les effluves de la terre, des gouttes de pluie sur l’humus et chargé de la chaleur et de l’exotisme de l’épiderme des animaux du coin…
C’était juste… Inégalable.
-Ah ça pue, j’en ai marre!
Je me retournais pour jeter un regard mauvais à Ellie. Moi j’aimais cette odeur.
Et je détestais cette fille. Parce qu’en plus d’être jolie et riche, elle est aussi intelligente et ouverte d’esprit… Enfin vaguement quoi. Mais bref, je ne peux même pas la traiter de conne sans avoir l’air d’un con moi-même. Et lui dire qu’elle est superficielle serait signer mon arrêt de mort, d’autant plus que les deux autres crétins ne comprendraient pas de quoi je parle puisqu’ils le sont tout autant qu’elle…
…Sauf que sur Connor ça passe nettement mieux.
Un sourire niais parvint à mes lèvres et je ne vis pas la forêt s’éclaircir, encore moins les racines s’entrecroiser pile sous mes pieds…
Et je tombais en avant, n’ayant rien pour me rattraper, chutant sur mes genoux, jetant mes mains en avant pour ne pas finir totalement étalé par terre, je me retrouvais à quatre pattes, la machette ayant sauté de mes doigts pour atterrir plus loin.
-Ben alors le pauvre, t’as trouvé une racine intéressante? Me lança Ellie m’enjambant littéralement, et j’imaginais très bien les regards fiévreux des deux abrutis derrière elle qui devaient mater ses formes bien comme il faut, ignorant la loque étalée au sol…
-Allez lève toi, tu sers à rien comme tapis de sol, t’es aussi poilu qu’une gonzesse qui sort de chez l‘esthéticienne… Fit Cameron en passant à côté de moi, et je serrais les dents, me redressant lentement, ressentant le moindre détail des échardes et du gravier qui avait pénétré dans la pulpe de mes doigts.
Mais alors que je m’appuyais sur un genou pour me relever totalement, une main glissa dans mes cheveux et me flatta le crâne comme l’on flatte un chien.
-C’est bien Luz. T’as trouvé ta place.
La tape sur mon crâne résonna un instant, annihilant tous mes autres sens, et je ne me sentais pas me relever. Mes muscles se délièrent sans mon accord et une fraction de seconde après ses mots, j’étais debout, juste derrière lui alors qu’il reprenait sa marche le nez en l‘air.
Je sentis plus que je ne vis mes doigts se refermer sur son bras et le plaquer sans ménagement contre un arbre. Dans mon esprit, ma rage se nourrissait de l’écorce qui se plantait probablement dans son dos, et qui créait cette expression douloureuse sur son visage, déformant ses traits. Mon bras droit était bandé comme un arc, mon poing était serré à m’en faire craquer les phalanges alors que les doigts de mon autre main s’enfonçaient dans son épaule et autour de sa clavicule. J’allais enfin lui mettre mon poing dans la figure.
Depuis trois ans j’en avais envie… Entre deux crises d’amoureux transis, si, je vous jure, j’avais envie de le frapper.
Mais ses yeux s’entrouvrirent entre deux mèches de cheveux chocolat, et je vis ses pupilles s’agrandir au fur et à mesure qu’il se rendait compte de ce qui allait lui arriver. La surprise de voir le gentil Luz s’énerver pour… Si peu. Un « si peu » ajouté à trois ans de torture morale et d’amour à sens unique.
Je ne pouvais pas cogner ce gars. Je l’aimais.
Et ses yeux bleus… La vie devait être si facile avec la thune et le physique. Personne ne peut nous en vouloir plus de quelques secondes. Et il en jouait, je le sentais. Et j’étais faible.
-Putain! Je crachais à ses pieds, le relâchais en le poussant un peu plus contre le tronc et fit demi tour pour rejoindre les autres, replaçant correctement mon sac sur mon dos.
Lorsque j’atteins Cameron et Ellie, les deux bourgeois me fixèrent étrangement, comme si j’avais quelque chose sur la figure. Ah, oui bien sur… J’avais encore les traits tirés par la colère, ça devait leur changer…
Je passais devant Cam’ et lui foutais les captures d’écran sous le nez en pointant deux points sur les captures.
-On est là, on veut aller là. Démerde toi.
Je jetais mon sac au sol et en sortais une gourde que je portais à mes lèvres.
-Hé mais tu te prends pour q…
-Laisse Cameron, c’est toi qui va mener, Luz a besoin d’une pause, fit Connor en sortant du fourré ou je l’avais malmené.
Je tournais les yeux vers lui, toujours en buvant, et j’observais qu’il n’avais pas un instant l’air d’avoir été bousculé, sa démarche était toujours chaloupée, langoureuse sans le vouloir, ses longues jambes se croisaient toujours aussi bien, et il magnifiait le paysage de façon impressionnante.
Si j’avais pu… Osé… Bref, si j’avais pu, je l’aurais photographié, lui, ses longues jambes, ses chaussures de marche, ses yeux et ce sourire narquois tellement irresisss….
Je crachais un peu d’eau par terre.
Terminé. C’était terminé. Ça devait l’être et ça le serait.
Je lui tournais le dos et ouvrais un bouton de ma chemise pour avoir un peu plus d’air.
-Et pourquoi tu veux aller là? C’est quoi cette tache d’abord?
-De l’eau. Ça l’air d’être un point d’eau, donc on va y aller.
-Heu m…
-T’as pris combien de litres avec toi Cameron? Coupais-je agacé.
-Trois ou quatre je sais plus, et arrête de me couper, tu vas t’en manger une.
-Ouai bah avec trois litres tu vas tenir deux jours, et encore, sans te laver. Donc on va en direction de ce lac, de ce bassin ou je ne sais absolument pas quoi, avec un peu de chance on trouvera un ruisseau avant et on pourra changer de direction ensuite. Comme ça quand le pilote passera le quatrième jours pour nous balancer les vivres, il nous repérera vite vu que je lui ai montré la position du lac en partant.

OOoOoOo
C’était la fin de la première journée. Pas si mal passée. Un peu lourde par moments lorsque Luz avait piqué sa crise, mais sinon rien de bien méchant.
Ah si.
J’avais mal aux pieds. En même temps, marcher depuis l’aurore jusqu’au crépuscule, en ayant fait une minable pause de deux heures à midi… C’était pas étonnant.
Ce qui était étrange en revanche, c’est le fait de s’être accoutumé si vite à cette forêt.
Elle était aussi impressionnante qu’effrayante, pullulait d’insectes énormes, d’animaux sauvages à peine étonnés par notre présence, et surtout…
…On avait l’impression d’être dans une église.
Je ne m’en étais rendu compte que vers quatre heures de l’après midi, mais en fait, le groupe chuchotait la plupart du temps. Nous étions tout simplement en admiration devant tout ce que nous voyions.
C’était peut-être la voûte des arbres, qui était si haute qu’elle rappelait le plafond d’une maison de Dieu et les nœuds des troncs les clefs de voûtes, peut être aussi parce que le seul bruit que nous entendions hormis celui de nos pas était le chant des oiseaux exotiques, un chant si fin, parfois alarmé, parfois confiant, une merveille à l’oreille et à la vue lorsque nous les apercevions, leurs plumes colorées, leurs huppes altières et leur regard souverain juste avant qu’ils ne s’envolent et transpercent le ciel de verdure… Ou bien encore étaient-ce les rayons du soleil filtrés à travers les branches, qui plongeaient un à un et mettaient en valeur telle ou telle plante, si bien quelle semblait simplement divine et que nous nous précipitions pour l’étudier…
Mais outre cette impression, nous nous étions très rapidement faits à l’idée d’être dans une forêt dans laquelle personne ne pourrait jamais venir nous chercher s’il nous arrivait quelque chose. C’était excitant. Et effrayant. Mais ça ça allait avec l’endroit.
Avec ces lianes rongées de galeries d’insectes, couvertes par une sorte de lierre régional, lui-même enrobé dans une épaisse couche de toiles scintillantes.
Les gens croient toujours que les forêts sont comme celles d’Indiana jones, propres, impeccables, presque avec des petites fontaines et des pots de géraniums à droite à gauche. Mais non, pas du tout. Une véritable forêt, celle qui n’a jamais été entretenue n’est qu’un amas de troncs morts, d’herbes hautes, de plantes sauvages et de mousses poussant partout ou elles le peuvent. Et c’est ça la magie du vivant.
-Hé Connor t’arrêtes de rêver et tu nous aides à monter la tente? Enfin si c’est pas trop te demander hein, me nargua Ellie, clope au bec, ses cheveux voletant autour d'elle depuis qu'elle avait ôté son élastique.
Au temps pour les divagations d’un jeune fou…
Je rejoignais la jolie blonde à qui je fis un sourire charmeur et qui me tendit un arceau à monter.
-Tiens beau brun.
-Merci ma belle.
Une exclamation étouffée et un éclat de rire me fit tourner la tête vers Cam’ et Luz, occupés à planter des piquets avec une grosse pierre.
Enfin, anciennement occupés à ça, présentement l’un mort de rire, et l’autre pestant avec un doigt en bouche, Luz, vous l’aurez deviné.
-Putain mais faut vraiment être particulièrement CONS pour oublier un marteau en allant randonner!
-Râle pas trop, tu vas dormir dehors, enfin, ça devrait te rappeler tes jeunes années, ricana Ellie en glissant un arceau dans le tissu synthétique de la tente.
Le latino lui lança un regard blasé:
-Sans façons, merci. Vu comme ça grouille de petites bêtes, je me transformerai en grosse chrysalide en moins de deux heures…
Nous grimaçâmes tous en cœur, il était vrai que les bestioles pullulaient, et semblaient sacrément hargneuses. Je m’étais fait piquer deux fois et m’étais servi du tire venin le plus rapidement possible après, on sait jamais…
-Mais au fait, on fait comment pour dormir? Reprit-il en s’agenouillant à nouveau près de Cameron et reprenant sa tâche de tenir le piquet pendant que l’autre niais tapait dessus avec sa pierre.
J’avais remarqué qu’il ne m’avait plus regardé une seule fois depuis notre engueulade du matin, étrangement ça m’agaçait plus qu’autre chose. J’avais l’impression d’avoir un môme près de moi. …A bouder là…
-Ben y a deux chambres, donc deux par chambre, et je dors avec Ellie.
Cam et lui s’immobilisèrent et Luz me fixa soudainement.
-Ha ouai, ça restreint légèrement le choix là.
-Bah c’est comme ça, t’as qu’à t’y faire!
-Et pourquoi c’est…
Il s’interrompit et baissa les yeux en soupirant et secouant la tête.
-Laisse tomber, finit-il par lâcher, avant que le blond à côté de lui ne reprenne:
-Ouai non non, il a raison le Pauvre. Pourquoi c’est toi qui dors avec Ellie?!
-Faites gaffe les mecs, sinon je dors seule et vous vous démerderez à trois dans votre chambre.
Tout le monde sourit -sauf Luz- et se remit à sa tâche, laissant tomber pour ce soir. J’avais aucune envie de me retrouver dans le même espace clos, même fait de toile, que Luz pour l’instant.
Le simple fait qu’il m’ignore me perturbait déjà assez, et je n’avais aucune envie de devoir me battre avec lui, même si j’aurais gagné hein. Je fais quand même une tête de plus que lui. Merde!
L’absence de ses regards sur moi se faisait ressentir. J’y étais habitué. Pas seulement aux siens, à ceux de toute une population de mecs qui espèrent me ressembler, et qui imitent mon style de façon grotesque. Même si Luz lui, avait Son style qui craignait, du genre entre le super sage comme le prouvaient ses chemises super cintrées, fermées de haut en bas et impeccablement rentrées dans son jean ou son pantalon de toile, et le pseudo cool, du style gros gilet de skaeteur par-dessus tout ça.
Enfin en gros ça faisait trois ans qu’il me matait sans cesse, et il n’y avait pas eu le moindre changement dans son apparence. Ni ses cheveux noirs trop longs, ni ses fringues, ni ses manières de rat de biblio, toujours le nez dans un bouquin avec ses lunettes d‘intello qu‘il sortait pour lire. Alors bien que je ne comprenais plus le but de ses regards, je laissais couler. J’aime bien l’emmerder, mais je cherche pas à mettre quelqu’un dans l’embarras tout le temps non plus…

Au matin je me réveillais, Ellie collée contre moi, et je souriais d’un air victorieux en resserrant ma prise autour d’elle.
J’entendais la forêt s’éveiller autour de nous et nos voisins de chambrée par la même occasion.
Ce fut Luz qui sembla s’éveiller en premier car il grogna d’une voix lasse et endormie:
-Cam… Y a ta lampe de poche qui me rentre dans le dos…
J’entendais la respiration du blond se couper, un silence entendu s’installer et le latino reprendre d’une voix légèrement plus tendue.
-Cam?! Vire « ça » de mon dos. Tout de suite!
Une multitude de froissements de tissus synthétiques se fit entendre, et au jeu d’ombre qui se projetait sur la toile je devinais qu’ils étaient à présents assis face à face, la moitié de leur corps encore dans leur sac de couchage.
-Hn, ouai, c’était ma lampe, elle est… Heu… Attends je l’ai vue y a deux secondes…
-C’est ça oui Cameron, répondit la voix moqueuse de Luz.
-Ah ta gueule hein!
-Tu as fait de jolis rêves mon canard? Ricana le mexicain d’un ton rauque.
-Va te faire foutre!
-Râle pas, au moins t’es bien monté…
-Mais ta gueule-heu!
Le bruit de la fermeture éclair de leur chambre résonna et quelques minutes après nous étions tous dehors à profiter des rayons du soleil qui transperçaient le couvert des arbres en prenant notre petit déjeuner.
-Ben mes cochons, on a dormi longtemps, il est déjà dix heures! S’exclama la blonde avant de chambrer Cameron sur ses exploits nocturnes.
-Hey Cam, il parait que tu as peloté Luz toute la nuit?
-Ouai bien sur, je rêvais de toi et j’avais rien d’autre sous la main. Mais tu sais bien que t’es la seule l’unique à mes yeux ma belle. Rit le jeune homme en lui faisant un clin d’œil enjôleur.
Je levais les yeux au ciel et restais figé quelques secondes sur les oiseaux qui paraient les arbres comme autant de fruits dans un verger, et qui nous fixaient, l’air curieux du haut de leurs branches. C’était superbe.
Des pas à mes côtés me firent revenir parmi les hommes. C’était Luz qui venait de s’être changé, qui s’immobilisa près de nous, mangeant une barre de céréales avec un air encore endormi et pas rasé, et je réprimais un sifflement de surprise lorsque mes yeux se posèrent sur un treillis kaki, un marcel blanc et une chemise d’un noir légèrement passé ouverte sur son torse mais pas à ses poignets.
Ça changeait.
Nous l’avions tous remarqué, mais il semblait tellement peu concerné, que nous n’allions pas lui montrer que l’on l’avait capté. Ça va ouai? On est pas potes non plus…
En quelques minutes nous nous remettions en marche, la chaleur se faisait peu à peu pénible, et nous regrettions presque la froide humidité des premiers kilomètres dans la forêt. Mais nous avions du soleil par intermittence à présent, et ça ne pouvait être que bénéfique.
Plusieurs fois nous nous immobilisâmes devant une plante ou une fleur particulière, et Cam et Luz se lançaient dans un duel enflammé sur la possibilité que ce soit une race inconnue, mais presque à chaque fois le mexicain nous donnait son nom scientifique et nous expliquait qu’elle était certes rare, mais pas nouvelle.
Ce fut aux alentours de trois heures que nous tombâmes sur une véritable découverte.
Une petite clairière, d’une dizaine de mètres carrés s’étendait devant nous, et partout en son centre s’élevaient de timides orchidées aux couleurs chatoyantes qui nous firent briller les yeux de surprise et de bonheur. Je pris rapidement quelques clichés, des fleurs, de la clairière, des mines qu’affichaient mes compagnons de voyage à la vue de ce spectacle et mes trois camarades firent quelques pas dans la clairière. La terre était humide, et chaque pied posé au sol s’enfonçait dans un bruit mouillé sous le tapis de mousse et d’herbe.
Le visage de Luz s’était littéralement illuminé, et il avait tourné les yeux vers mon meilleur ami avec un air ravi:
-Tu as fait un exposé sur les orchidées Cam non? Tu trouves pas que les gynostèmes sont originaux?
Et le blond de répondre avec un sourire un peu gêné:
-…Je l’ai pas franchement fait seul, mais je l’ai lu une fois qu’il a été terminé, et effectivement, ils sont intéressants, et je n’avais jamais vu ce genre de coloris…
-Sans déconner, qui est assez con pour faire ton boulot à ta place?! S’exclama le latino en sortant une mini pelle dépliable et en déterrant un plant pour observer les racines avec un bourgeois blond le nez entre ses mains pour bien observer la merveille…
D’ici cinq minutes j’allais les retrouver le cul dans la boue avec un air extasié sur la tronche…
Je détestais me faire zapper…
-Bah des boursiers comme toi, mais bon, on sait très bien que le grand Luz est incorruptible…
Et là j’étais oublié bien comme il faut, remisé au grade de potiche inutile.
Putain j’y peux rien si les fleurs me barbent hein.
Alors pour compenser je prenais mon appareil et l’approchait du sol pour faire une photo d’eux en contre plongée.
Après deux clichés je râlais faussement:
-Luz tu peux t’écarter? Ta gueule de miséreux gâche la photo…
Et j’obtenais un sourire radieux du blond aux yeux noisette et un regard de tueur du boursier, fusillant un point extérieur au plan de l‘appareil -moi-, tous deux avec un début de barbe, les cheveux en pagaille et le teint légèrement brillant, accroupis devant une plante allongée religieusement sur leurs genoux.
Je venais de réaliser une magnifique photo, une des meilleures, et je me figeais les yeux sur l’écran, avec l’idée saugrenue que le sudiste était extrêmement photogénique.
Je restais plongé dans mes manipulations d‘appareil, et m’écartais d’eux l’air pensif.
Lorsqu’Ellie m’interrogea, je ne sus absolument pas me souvenir de ce qu‘elle venait de me demander à l‘instant, et je marmonnais quelque chose de neutre avant de m’écarter du groupe pour aller … Faire « pipi ».
-Mais Connor!
-Quoi?! Tu veux me la tenir aussi?!
Je balançais mon sac par terre et m’enfonçais quelques mètres dans la forêt, après quoi, ayant trouvé une vue plus ou moins distrayante -des arbres, des feuilles, des insectes-, j’ouvrais ma braguette…
Quand on dit que les femmes sont incapables d’aller pisser toutes seules et c’est pas faux. Pipi à deux c’est vraisemblablement mieux. Mais il faudrait cesser de ne décerner le prix du « pissou » en groupe qu’aux nanas.
Non parce que depuis que je connais Cameron, je n’arrive plus à me vider la vessie seul. Enfin moi j’y arriverai très bien… Surtout s’il ne rappliquait pas chaque fois que j’ouvre la tirette de mon jean comme si les fermetures éclair émettaient des ultras sons qu’il était le seul à entendre et ce, quelle que soit la distance.
-Hey Connor! Je te jure, ces plants sont magnifiques! Et il y a au moins cinq mutations ou évolutions des…
Et vas-y que ça descende son calbar tout en causant de détails d’une putain de tige, et l’autre immigré qui débarque et qui lui répond en l’imitant… Nous voilà au milieu d’une forêt vierge, trois cons la queue à l’air, pour un peu ça ressemblerait à Tonnerre sous les Tropiques… Sauf que moi quand y a du monde excité autour de moi ben ça me…
-Bah alors Conny, t’as du mal?
Et le blondinet de se retourner vers Luz un peu plus loin en chuchotant plus fort qu’il ne parlait précédemment:
-Monsieur peut pas se concentrer quand il y a trop d’animation, tu te rends compte? Il arrive pas à…
-Va crever Cam! Je coupais, fâché avant d’inspirer profondément en le voyant s’en aller faussement vexé en écartant les branches qui se dressaient sur son chemin.
Génial. Je restais seul avec l’intello qui se métamorphose en brute épaisse quand je…
…Quand je dépasse les bornes…
Je me mordais la lèvre. C’est vrai que j’avais exagéré. Et depuis, il ne me regardait plus, ne m’approchait plus, ne me parlait plus.
Bon c’est pas comme si nous avions jamais été proches, encore moins que nous ayons un jour beaucoup parlé, mais au moins avant j’avais ses regards sur moi. Ils étaient -maintenant que j’y réfléchissais plus d’une fois par heure- comme une sorte de couverture d’aise et de calme… Comment dire?
Je me sentais… Entouré… Comme dans un cocon…
Ridicule.
Je soufflais bruyamment, les sourcils froncés.
-T’inquiète, je me barre dans deux secondes, fit une voix dans mon dos.
Je tournais la tête pour voir Luz dos à moi. Au moins lui a le sens des convenances.
-Nan attends…
J’entendais sa braguette se refermer et ses pieds fouler le tapis de feuilles exotiques derrière moi.
Il souffla de façon blasée:
-Quoi?
-Je suis désolé. Je marmonnais.
-Hein?
-Excuse moi pour hier.
Je laissais tomber la tentative de pisser et me retournais vers lui après m’être r’habillé.
Je n’osais pas le regarder, du coup je fixais le sol à ses pieds. Son silence me mettait mal à l’aise et je n’entendais que ma respiration, le chant des oiseaux, le craquement de branches au loin ainsi qu’Ellie et Cameron qui paraissaient se prendre la tête à cinquante mètres de nous.
-Je suis désolé de d’avoir un peu exagéré. Et je comprends ta réaction…
Le silence se prolongeait. Encore… Je me demandais même s’il ne s’était pas barré avant que je termine ma phrase, et si ses chaussures n’avaient pas été dans mon champ de vision j’aurais réellement douté.
Je levais les yeux et tombais sur le plus magnifique sourire qu’il m’eut été donné de voir.
Pas que ses dents aient été blanches et parfaitement alignées hein, il avait un sourire de fumeur, mais un délicieux fumeur. Qui en plus n’avait pas allumé la moindre cigarette devant moi depuis que je l’avais rencontré.
Nous demeurâmes figés un instant avant qu’il ne se reprenne et tente de resserrer à plusieurs reprises ses lèvres, si bien que je me mettais à sourire aussi bêtement que lui avant d’éclater de rire.
-Sans déconner Connor, tu t’excuses? Toi?!
Je levais les yeux au ciel.
-Ouai, ça m’arrive, mais ne t’y habitues pas.
-Attends ferme la.
-Hein?
-Ta gueule.
Je le fixais, les yeux fermés, un sourire béat aux lèvres, la tête légèrement penchée en arrière, les pans de sa chemise tâchés de boue et de sève, ses poignets étroitement enserrés dans les manchettes noires.
-Tu fous quoi?!
-Je savoure.
Je pouffais de rire et me retournais pour faire quelques pas et reprendre ma petite affaire. De toute évidence son rire m’avait détendu…
-Dis donc, je suis flatté là.
-Qu’est-ce que tu racontes encore comme merde Luz?
J’essayais d’avoir un ton sec et sévère, mais j’étais trop content d’avoir son regard sur ma nuque…
-T’arrives à te… Détendre… Devant moi. C’est flatteur, c’est tout.
Je refermais mon pantalon et me retournais pour lui faire de gros yeux.
-T’es grave comme mec l’immigré.
Nous retournâmes vers les autres, marchant l’un à côté de l’autre, juste « heureux »; disons plutôt « satisfaits ». Il avait l’assurance que je ne le laisserai pas sur place une fois que l’hélico viendrait nous chercher, et j’avais ses regards dont je ne comprenais toujours pas la signification sur moi.
Youpi.

-Putain mais t’es vraiment trop con Cameron! Tu laisses une putain de tantouze pisser à côté de ton meilleur pote comme ça?
-Qu’est-ce que t’en sais?! Et qu’est-ce que ça peut te foutre, c’est pas comme si Connor allait se le faire! Merde à la fin!
De toute évidence ils s’engueulaient depuis le retour de Cam’, soit plusieurs minutes, et tous deux avaient eu le temps de faire monter leurs voix d’un bon paquet de décibels. Si bien que Luz et moi nous étions figés à plusieurs mètres d’eux.
-Mais il est canon c’est OBLIGE que ce pédé essaie de le peloter bordel!
-Attends mais tu crois que Connor sait pas se défendre? T’es bonne mais vraiment trop conne ma parole! Et je pensais pas qu'une fille comme toi puisse avoir un problème avec les gays!
La blonde explosa d’un rire hystérique:
-C’est le petit raciste de base qui me sort ça? Mais je rêve! Et sache, que j’en ai rien à foutre des pédés, TANT QU’ILS MARCHENT PAS SUR MES PLATES BANDES!
Mon regard dévia vers le latino à mes côtés, qui avait l’air tout bonnement ébahi, choqué, statufié. Je posais ma main sur son bras pour le ramener à la réalité, et il fit un bond de côté en me regardant de travers avant de s’avancer vers les deux autres qui se turent instantanément.
-Bien…
Il toussa un peu, cherchant ses mots.
-Maintenant que tu peux voir que le côté viril de ton mec est toujours présent Ellie, je pense que je peux me permettre de te rappeler que ma vie ne te regarde pas, et encore moins ma présumée orientation sexuelle. La prochaine fois que tu projettes de faire un foin, vérifie d’abord qu’il y ai raison de le faire. Sans quoi tu vas souvent passer pour une pouffe avec un état d’esprit tout bonnement merdique.
-Oh je t’en prie, tout ce que j’ai dit est justifié. Et tu le sais très bien. Je t’ai vu avec le mec du cours de géologie, le brun aux yeux bleus…
Elle fit mine de réfléchir:
-Ah tiens! C’est vrai, brun aux yeux bleus, un peu comme Connor!
-T’es vraiment complètement conne Ellie, s’exclama le latino dont le regard semblait foncer de seconde en seconde.
-Et toi?! Hurla-elle à moitié en se tournant vers moi qui sursautais lamentablement. Ça te fait rien qu’une tarlouze te mate depuis des plombes?!
J’eus l’impression que la vitre fumée qui me séparait de la scène irréelle en plein milieu d’une jungle magnifique explosa soudainement, et je repris conscience de tous les sons précédemment assourdis par mon… ébahissement. Les oiseaux s’étaient tus et envolés à cause des cris de la jeune héritière, une très légère brise agitait les feuilles des arbres, et trois regards étaient tournés vers moi. Moi qui devais avoir l’air d’un canard sur une autoroute…
-Heu… Je sais pas…
Oralement ça devait plus ressembler à un  « Ch’po… » .
-M’enfin t’en penses rien? S’excitait Ellie.
Non, j’en pensais rien. Ça m’emmerdait plus qu’autre chose, Luz avait l’air mal à l’aise, et moi j’avais aucune envie de faire des suppositions qui m’amèneraient un poing dans la gueule…
-Je… Heu…
Je fixais Luz, qui finit par tourner ses iris si sombres dans ma direction, l’air empli d’une immense colère qui ne demandait qu‘à exploser à tout instant.
-Ça me regarde pas. Et ça te regarde encore moins je crois…
-Ça te regarde pas?! Mais c’est toi qu’il veut enc…
-Ellie! Gueula Cameron, Ta gueule!
-Ça ME regarde putain! Reprit la blonde, c’est MOI que tu as touché toute la nuit, c’est sur moi que ta langue a…
Je cessais de la fixer comme elle s’interrompait pour regarder Luz se jeter à moitié sur le pauvre Cam:
-On est ou? Gronda-il en lorgnant la carte d’un œil mauvais.
L’autre répondit un « là » presque craintif en montrant un point du bout du doigt.
-Et la direction à partir d’ici c’est..?
-Heu… Par là…
Ni une ni deux, la carte changea de porteur, tout comme la machette, et en quelques secondes durant lesquelles nous restâmes immobiles, Luz s’enfonça dans la forêt à pas plus que vifs, enveloppé d’une aura de hargne assez impressionnante.
Je jetais un coup d’œil à Cameron et un doute me submergea. Le blond pouvait être très efficace en temps normal, mais aussi très évasif lorsqu’il se sentait menacé… Et j’avais un mauvais pressentiment quant à la route à suivre…
Mais lorsque mon ami me balança mon paquetage dans les bras, me coupant le souffle par la même occasion, je ne pus que le suivre à grandes enjambées, sans m’attarder plus longtemps sur Ellie.
Elle m’avait déçu.
Vraiment.
Oh bien entendu, je n’étais pas un grand défenseur du gay et de la tapette, mais elle m’avait mis en situation de faiblesse, et je la haïssais pour ça.
Les heures défilèrent à un train d’enfer, nous ne faisions aucune pause, étions tous en sueur, et Cam et moi attrapions des échantillons de plantes à la va-très-très-vite-si-tu-veux-pas-perdre-le-guide, tandis que Luz se faufilait entre les branches comme s’il avait fait ça toute sa vie.
Il y eut un instant ou nous vîmes une ombre entre les arbres, et je n’eus que le temps de mitrailler en rafales la forme presque invisible avant que celle-ci ne fuie au grand galop dans les fourrés.
Derrière moi Ellie peinait à nous suivre, mais je n’avais aucune envie de ralentir pour elle. Son coup d’éclat avait bousillé l’ambiance à peu près correcte que nous avions enfin instauré, et brisé la reprise des regards du latino sur moi. Et mon dieu ça me faisait chier.
Je crois que le pseudo coming out forcé en pleine jungle m’avait laissé indifférent. Il n’avait rien « avoué », et je ne voyais pas pourquoi il le ferait, il n’avait aucun compte à nous rendre c’était logique… S’il avait passé son temps à se frotter à moi, là, oui. Mais en dehors du fait qu’il ne s’intéresse absolument pas à Ellie et qu’il me fixe un peu trop, je ne voyais pas pourquoi on l’emmerderait pour savoir si c’était la queue ou le steak qui le tentait.
Et en plus, je n’appréciais pas du tout d’être la propriété de quelqu’un. Fut-ce la fille derrière laquelle je courais depuis des lustres.
Le terrain en pente douce m’épuisait. Nous devions être assez haut sur la côte de la montagne car la végétation changeait progressivement et les rochers se faisaient plus nombreux à escalader ou à contourner.
Aux alentours de dix huit heures je dépassais Cameron pour rejoindre Luz en tête de file et m’approchais de lui presque comme si j’avais tenté de calmer un animal sauvage.
Il dut s’en rendre compte car il tourna la tête vers moi et m’interrogea du regard, restant étrangement sur ses gardes, comme si j’allais l’assommer de questions du genre « Alors tu veux me sauter? ».
-J’ai presque plus d’eau, soufflais-je, tu sais si on atteindra la source ce soir?
Il s’approcha un peu de moi et je ne pus m’empêcher de faire un pas en arrière. Dans ses yeux passa un éclair de douleur et il ferma une seconde les paupières. Je me maudis et fit deux pas vers lui, posant ma main sur son poignet toujours couvert par sa chemise.
Il ouvrit les yeux et inspira doucement avant de chuchoter:
-On devrait y être depuis deux heures…
J’écarquillais les yeux et le suivais alors qu’il accélérait le pas.
-Tu nous as paumés Luz?!
Il claqua la langue. Agacé.
-Tu m’as embarqué avec vous parce que je suis le meilleur.
Ses yeux se figèrent dans les miens.
-Et je suis le meilleur. Seulement j’ai commis l’erreur de m’énerver avec toi et de refiler la carte à un mec qui -même s’il a voulu faire de son mieux- n’y connaît rien. Du coup je sais absolument pas de combien on a dévié, ni si ça a commencé tout à l’heure ou déjà hier.
-Merde! M’exclamais-je en sentant monter en moi un sentiment nouveau: La peur.
La source était le minimum que nous devions atteindre. C’était une sorte de borne de secours. Si on ne l’atteignait pas, c’était fini…
-Qu’est-ce qu’on fait?!
-Déjà tu vas commencer par te calmer Connor, on va pas crever parce qu’on ne trouve pas de flotte ce soir. On bâchera le sol avec les toiles de tente pour récupérer la rosée du matin. Ça sera déjà ça. Ensuite tu vois le rocher là haut?
J’acquiesçais.
-De là on devrait avoir une vue assez importante de la forêt. Et on devrait pouvoir trouver un point d’eau. On a des jumelles. On a tout ce qu’il faut ok?
Je sentais qu’il me disait ça pour m’empêcher de paniquer, et ça marchait nettement moins du coup…
Il accéléra ses foulées et je dus faire quelques pas de course dans l’herbe drue pour le rattraper:
-On en parle pas aux autres?!
-Tu veux franchement que l’hystérique se remette à crier?
D’un mouvement commun nous jetâmes un coup d’œil en arrière, suivant des yeux la blonde qui paraissait pester contre le monde entier puis sans un mot reprîmes notre route, plus vite, et plus nerveusement en direction du rocher.
Le soleil commençait à descendre en fonçant lentement vers le rouge et la température baissait à peine, les cimes des arbres s’étaient teintées d’une lueur orangée qui parfois atteignait les parties de notre peau révélées à sa chaleur par l’absence de tissu.
Je le sentais sur ma nuque, comme une caresse d’une amante affectueuse, puis sur mes épaules, comme si cette amante me retirait ma chemise et que cette dernière frôlait ma peau en glissant le long de mes bras, et je ne pouvais empêcher mes yeux de se plisser de contentement et d‘aise.
Nous arrivâmes au pied du rocher et Luz balança son sac au sol écrasant la race de fougères locales, avant de grimper comme la plus agile des… Heu… J’aurais dit chèvre vu comme elles escaladent tout et n’importe quoi, mais Luz n’avait strictement rien à voir avec une chèvre. Peut-être lorsque je l’ai rencontré, oui. Mais là, avec le dos de sa chemise trempée, les muscles de ses cuisses qui semblaient rouler sous la toile de son treillis, et son agilité déconcertante j’aurais plutôt dit un félin. Même si le cliché du félin est définitivement passé.
Bref, il grimpait comme un dieu, et je m’empressais de le suivre en ignorant les « vous foutez quoi? » des deux autres qui venaient de s’écrouler de fatigue, bien décidés à nous attendre en bas.
Mes doigts se refermèrent sur une prise de la face du rocher qui était à présent vertical, et je regrettais presque d’avoir voulu suivre l’autre présumée tarlouze. Tu parles, un gay qui grimpe mieux qu’un hétéro, c’est pas probable dans l’esprit de beaucoup. Et je dois dire que j’étais totalement neutre dans ce débat. J’abhorrais les espèce de folles qui causaient chiffons et mascara. Pour moi c’était une sorte de sous espèce ratée… Un truc ne ressemblant ni à un homme ni à une femme. Juste à un « Rien » bien distinct.
Après les gays virils, ils m’ignoraient et je les ignorais, dans le sens, tant qu’ils ne me draguent pas lourdement, on pourra causer des heures et pioncer dans le même lit sans souci.
Cameron était nettement plus ouvert que moi de ce côté… Définitivement hétéro, sans aucun doute, mais vu qu’il prenait tout à la rigolade, les quelques fois ou un mec lui avait roulé un patin il n’avait réagi qu’en éclatant de rire avec un « heeeeee dégueuuuuu » digne d’un ado. Pas farouche l’hétéro…
Je peinais à monter à présent. Il ne restait qu’un mètre et des cacahuètes avant une plateforme au sommet du rocher, mais les prises se faisaient rares et j’avais beau être plus grand que Luz je galérais humblement.
Au dessus de moi le latino disparaissait en bougeant quelques brins d’herbe qui avaient élu domicile tout en haut, et j’entendis sa voix porter jusqu’à mes oreilles alors qu’il se mettait à plat ventre pour me tendre la main.
-Tu sais, Ellie a beau être une conne finie…
Il remonta sa chemise le long de ses avants bras et je retins un sursaut qui m‘aurait fait dévaler la roche et la mousse. Une croix chrétienne avait été tatouée sur sa peau, un peu plus haut que la mi chemin entre son poignet et son coude, et elle ressortait comme si son épiderme avait été plus blanc que celui d’un cadavre.
Je glissais ma main dans la sienne, avec l’étrange envie de remonter plus haut encore et de parcourir de mes doigts cet étrange tatouage qui paraissait être une espèce de cicatrice…
Comment dire? Comme si l’on avait fait au couteau avant de verser l’encre dessus.
-…Elle a pas totalement tord.
Tous ses muscles se bandèrent alors qu’il me hissait vers le haut, me permettant de placer mes pieds sur une nouvelle encoche dans la roche et mon visage à hauteur du sien.
Sa main remonta jusqu’à mon coude et l’autre l’imita, alors qu’il tirait à nouveau, me faisant poser un genou sur le sommet du rocher.
-Je suis gay, lança-t-il d’un ton étrange alors qu’il me prenait par les hanches pour me relever entièrement.
-…Et je te veux Connor, murmura-il en me plaquant contre lui sans reculer, me laissant au bord du rocher, le vent tiède glissant tout autour de moi, jusque sous les pans de ma chemise ouverte, jusque sur le bas de mon dos, entre ses doigts qui s’étaient possessivement enfoncés dans ma peau.
J’étais plus grand que lui, j’avais baissé la tête sans y penser, et tout un côté de mon visage était pressé contre le sien, alors que son souffle atteignait ma clavicule par intermittence. Mes mains avaient rejoint ses épaules et les enserraient le plus fort possible.
Je n’avais plus aucune envie de bouger. Ce n’était pas tant ses mots qui m’avaient troublé. Bien que ce fut une déclaration quelque peu mal orchestrée. Franchement qui a l’idée de le faire alors qu’on se trouve en pleine -fin, certes- d’escalade?
Mais à cet instant je n’avais aucune envie qu’il me lâche. Et comme dit plus tôt, ce n’était pas sa déclaration qui me faisait cet effet, mais bien le fait que je n’avais que la pointe des pieds sur le sol, et que mes talons étaient encore dans le vide.
Il me laissait là, à moitié dans les airs, pile entre la vie et la mort, lui sur le chemin de la vie, et mon refus qui serait l’envoi vers la mort…
J’avais le sentiment de m’être bien fait baiser pour le coup…
Il reprit la parole, d’une voix teintée de regrets et de colère que je ne lui connaissais pas et qui sur le moment me semblait plus être celle d‘un psychopathe qu‘autre chose:
-Mais toi non… Toi tu ne veux pas de moi…
Je sentis ses doigts glisser le long de mon dos, prêts à se détacher de moi et je frémis de peur, me serrant plus contre lui et hoquetant:
-Ne me lâche pas Luz. Je t’en supplie.
Il allait pas me balancer du haut de ce caillou de dix mètres juste pour un râteau quand même?!
Ses mains se resserrèrent alors et sa voix se fit plus tendre:
-Alors embrasse moi…
Comme un pantin mes lèvres glissèrent sur la plus proche parcelle peau, son cou, puis glissèrent le long de sa mâchoire sans que je n’ose reculer plus de peur de tomber dans le vide, et remontèrent jusqu’à sa bouche que j’embrassais nerveusement alors qu’un grondement de contentement montait de sa gorge et qu’il m’attirait un peu plus contre lui. Je pus faire un pas en avant et mon pied droit était enfin sur la terre ferme.
J’approfondissais le baiser, glissant ma langue entre ses lèvres tandis qu’il les entre ouvrait pour moi, et me caressait de la plus tendre des façons.
Mais après quelques secondes il recula son visage et me fixa étrangement, je crus qu’il allait changer d’avis et me pousser en arrière mais il ne fit que m’entraîner d’un pas de plus vers lui et de murmurer:
-Tu trembles… Tu as froid?
Ça y était, je n’étais plus en danger, j’étais enfin sur ce putain de rocher, je m’écroulais à ses pieds et me recroquevillais sur moi-même en me retournant lentement sur le dos pour contempler le ciel, le souffle erratique, le cœur battant à tout rompre dans ma poitrine.
-Co… Connor?
Sa main s’avança vers moi et je fis un sursaut de côté, évitant son toucher avant de l‘entendre s‘exclamer d‘une voix incrédule:
-Putain!

OoOoO

-Putain!
Je m’écroulais au sol à mon tour. Derrière moi le mont Mabu continuait de monter, et devant moi s’étendaient des kilomètres de forêt si dense qu’on ne voyait pas une seconde le sol sinon au pied du rocher. Et encore, on n’apercevait ni Cameron ni l’autre garce.
Juste à côté de moi, Connor, les yeux brillants de larmes contenues, le genre de larmes d’homme, celles que l’on fait mine de ne pas voir mais qui font plus honte que des cris et une tempête de pleurs.
Je venais de comprendre. Les cinq dernières minutes, celles qui avaient paru être une fraction du paradis à mes yeux n’étaient qu’un lamentable quiproquo.
-Qu’est-ce que je viens de faire Connor?
Ses yeux si bleus se tournèrent vers moi, avec la compassion angoissée d’une victime qui regarde son futur bourreau complètement cinglé.
-Bon sang c’est pas une question rhétorique! Qu’est-ce que tu as CRU que je faisais?!
Il papillonna une seconde et inspira longuement:
-Tu… Tu m’as maintenu au dessus du vide, en me disant que tu… Que tu me v… Et après, comme je répondais pas, tu as voulu me laisser tomber et…
Ses deux mains s’étaient jointes et il tordait ses doigts sans aucune douceur, comme le font souvent les victimes de choc émotionnel.
-Connor…
-Et… Et j’avais les pieds dans le vide, et toi tu allais me lâcher si je ne t’embrassais pas et…
-Bordel!
Il sursauta et s’éloigna de moi presque en rampant. Je venais de crier de rage. C’était impossible… Putain…
-Connor je savais pas que tu étais encore à moitié dans le vide. Jamais je ne t’aurais fait ça… Je rêve! Putain je rêve! Mais tu me prends pour qui?!!
Nous restâmes silencieux pendant de longues secondes, perdus dans nos pensées, Connor se remettant de ses émotions et tentant de comprendre la vérité, ou ce que je tentais de toute évidence de lui faire gober.
-« Ne me lâche pas Luz. Je t’en supplie. », Bordel, j’y ai cru.
J’éclatais d’un rire nerveux.
-J’ai vraiment cru que tu voulais rester contre moi. Quel con!
Mon regard quitta le paysage merveilleux sous mes yeux pour se poser sur un autre spectacle qui aurait lui aussi pu être magnifique s’il n’y avait eu cette lueur de doute et d’angoisse dans les orbes bleues celui que j’ai failli tuer. Connor était à moitié allongé, son souffle se calmant peu à peu, de la sueur que je devinais froide coulant le long de ses tempes, et je m’interrogeais. Comment pouvait-il croire…
Bon sang j’étais pas censé deviner qu’il avait les pieds dans le vide, si?
Et pourtant, c’est vrai que jamais il ne serait resté près de moi autrement. La surprise et le contentement à son contact se sont tellement mêlés l’une à l’autre que je n’ai pas réfléchi…
Peut-être aussi que la peur froide d’être perdu m’est montée à la tête, annihilant le reste de mes sentiments… Je ne sais pas… J’étais tellement concentré à ressentir le plus de colère possible pour ne pas céder à la terreur de rester bloqués dans cette putain de forêt vierge que je ne me souviens plus de la totalité de mes sentiments. Comment dire?
Lorsqu’on est en ville, ou chez soi, dans un milieu connu. Il y a nos sentiments généraux, peine, bonheur, plus les sentiments plus brefs, agacement, félicité de petits actes du moment.
Alors qu’en territoire inconnu, le doute, l’appréhension, l’excitation, la joie de la découverte se mêlent les uns aux autres. S’ajoutent ensuite à eux les sentiments quant à la compagnie que nous avons, colère, envie, désir, amour, amitié, tendresse, lassitude, qui se succèdent les uns aux autres à une vitesse vertigineuse. En plus d’eux il y a également les émotions directes des évènements instantanés. Peur, colère, agacement. Et certains prennent le pas sur les autres.
Cette putain de forêt avait failli me faire tuer celui que j’aime, -bon que je veux baiser, ne tombons pas dans le mélodrame- et me faisait à présent passer pour un pédé psychopathe…
A en voir le regard bleu figé sur la croix sur mon avant bras, ça va sans dire qu’il me prend pour un pur malade.
Comme si je m’étais tailladé le bras tout seul avant d’y verser de l’encre… Franchement… Vous saviez qu’aucun humain ne peut se mordre jusqu’au sang? S’il y arrive il est mentalement dérangé et n’a pas la notion d’égoïsme.
Bon bien sur, pas l’égoïsme dans le sens « je ne prête pas mes affaires » mais plutôt dans le sens « je me protège et j‘ai un certain regard sur moi».
Mais si cet abruti peut croire que je me suis fait ça seul, il doit bien croire que je suis un taré qui veut son cul…
Bon sang mais quelle poisse!


La seconde partie arrive de suite.
Par Absynthe - Publié dans : Cock Tales Cocktails - Communauté : Lawful Drug
Ecrire un commentaire - Voir les 1 commentaires
Dimanche 29 novembre 7 29 /11 /Nov 21:57
Seconde partie:

OoOoO

Je savais que ces vacances ne seraient pas une partie de plaisir. Mais sincèrement, je ne pensais pas que ce serait à ce point là. J’espérais pouvoir décompresser, pouvoir me sortir de mon monde d’étudiant appliqué, perdu dans une faculté de bourgeois insupportables qui me détestent d’une part parce que je ne fais pas leur taf, mais aussi parce que j’écris si mal qu’il est impossible de me copier aux exams…
Je passais une main lasse sur mon visage en avançant à pas précipités dans la forêt. Un début de barbe râpa légèrement mes doigts et je regrettais d’avoir oublié d’embarquer un rasoir.
La nuit tombait à toute allure et la lumière était à présent presque rouge, nous étions descendus rapidement du rocher après que je me sois énervé tout seul en voyant Connor hésiter sur l’ordre de passage dans la descente.
Je savais très bien ce à quoi il pensait. Si je passais en premier, je pourrais lui tirer les pieds et le faire tomber, et s’il était le premier, je pouvais très bien lui coller des coups de pompe dans la gueule pour le faire valser dans le vide.
La peur qu’il avait ressenti avait très vite fait place à une colère sans faille une fois en bas. La présence des deux autres devait le conforter dans son idée de « je maîtrise la situation » et il ne décrochait pas un mot mais me fusillait du regard chaque fois qu’il en avait l’occasion.
Nous slalomions entre les arbres centenaires, apercevant parfois un animal qui prenait la fuite devant nous, mais globalement le trajet se fit dans le silence le plus total.
Même Cameron se taisait, c’était pour dire…
Je dirigeais la ligne, plus question de laisser cette responsabilité à quelqu’un d’autre! J’avais rapidement vu le lac du haut du rocher, entre deux cris de rage et envies de pleurer d’exaspération. Nous redescendions légèrement la montagne pour nous diriger vers une colline, et plus nous gravissions la pente, plus je doutais de la direction à prendre:
Un lac. Un putain de lac c’est généralement dans un trou.
Mes mains se faisaient plus moites encore que la sueur qui coulait le long de mon dos jusqu’à l’arrière de mes cuisses -sensation super désagréable- sous l’effort. Je ne comprenais pas. J’avais vu de l’eau! J’avais vu le reflet du ciel sur une surface miroitante à moitié couverte par des saules exotiques.
Et pourtant entre le rocher et ce lac, je n’avais pas remarqué le moindre dénivelé…
Je n’étais pas seul à me poser des questions, car aux trois quarts de la montée, Ellie vint me rejoindre et m’interrogea d’un ton acide, dédaigneux, pire encore que lorsqu’elle me considérait simplement comme un rat de bibliothèque:
-Dis donc le gay, tu te serais pas -encore- trompé dans le chemin à suivre?
Je ne répondais pas et continuais d’avancer tandis qu’elle reprenait plus fort en me rattrapant à nouveau:
-Eh quoi Luz?! Tu t’es fait jeter et le pauvre petit refoulé en toi ne tient pas le choc et décide de tous nous perdre dans la jungle?
Nous arrivions au sommet, je tremblais de rage et de lassitude, et il faisait tellement sombre que nous ne voyions rien à cinq mètres. J’envisageais la possibilité de fouiller mon sac à la recherche de ma lampe, mais pour ça il aurait fallu laisser Ellie me parler plus longuement.
Sous nos pieds le sol changeait progressivement, de terre molle et humide, il devenait pierres aux aspérités qui nous faisaient trébucher.
Nous semblions être sur un plateau rocailleux. Étrange. Je n’en avais rien vu sur les cartes. Sans doute la faute aux arbres qui poussaient malgré tout, laissant leurs racines survoler de longues étendues de roc avant de pouvoir s’enfoncer dans une terre meuble.
Cameron nous rejoint, laissant un Connor de mauvaise humeur un peu plus loin.
-Bon écoutez, Connor et moi on va aller par là-bas, voir si on trouve un endroit pour camper, vu que de toute évidence l’eau ne sera pas pour aujourd’hui…
Il me lança un regard inquiet et je lui tendais ma gourde encore bien remplie.
-Prends ça, fais tourner. Je vais voir de l’autre côté s’il y a un coin vivable sur ce caillou.
Nous nous séparâmes et je regardais quelques secondes ses cheveux blonds s’évanouir dans l’obscurité au rythme de ses pas hésitants.
-Ben alors Luz, fit une voix perfide, comme une mauvaise conscience, Tu t’es fait jeter par Connor donc tu te rabat sur son pote? Laisse moi t’expliquer une chose…
-Bon sang mais pourquoi tu ne fermes pas ta grande gueule Ellie?!
Ses ongles s’enfoncèrent dans mon avant bras et je grimaçais:
-Connor ET Cameron sont à moi. Tu piges l’immigré? Ils sont à moi, rien qu’à moi. Ils ont voulu que je vienne pour qu’un des deux ait une chance de m’avoir. Toi t’es là par nécessité. C’est moi qu’ils veulent, pas un mec intello, latino, pauvre comme Job et tout ce que ça sous entend.
Je faisais un geste de la main agacé et me dégageais en reprenant ma marche.
-Tais toi, je veux plus t’entendre!
Ce qu’elle disait était vrai. Je voulais Connor, admirais la gentillesse étrange de Cam, et je n’étais là que pour les diriger dans cette putain de jungle. Et enfin, ce putain de lac DEVAIT être là. Ce n’était pas possible que je me trompe à ce point!
J’ai toujours été un as en cartographie, topographie, etc. Ce lac devait être…
-T’as l’air de l’avoir traumatisé en plus le pauvre Connor…
La blonde du groupe me rattrapait et me dépassais pour me couper la route. Je ne voyais plus d’arbres devant nous et soupirais de fatigue. Une clairière. Génial.
-Qu’est-ce que tu lui as fait? On vous a entendu crier. Surtout toi. C’était quoi le souci t’as essayé de poser tes sales pattes vicieuses sur lui et il t’a méchamment refoulé?
Trop. C’était trop. Je n’en pouvais plus. Mon coming out forcé. Ma tentative d’approche qui s’était transformée en une tentative de meurtre. Le fait qu’on soit perdus…
-Arrête…
-Ou alors t’as approché tes lèvres de petite pédale des siennes et il t’a collé une crampe?
-Arrête…
-C’était ça en fait. T’as voulu te la jouer romantique avec le coucher de soleil…
-Tais toi…
-…Mais t’as tout gâché en te collant contre lui comme une chatte en chaleur…
-Putain Ellie!
-…Enfin une chatte qui bandait dur contre sa cuisse et…
-LA FERME!
Je la poussais de toutes mes forces en arrière, ivre de rage et de colère. La haine décuplant mes forces et je regardais son visage moqueur s’enfoncer dans l’obscurité, ses traits se déformer en un masque de terreur alors qu’ils descendaient, descendaient, passaient le niveau du sol et…
Je clignais des yeux, écoutant passivement son hurlement décroître de seconde en seconde avant d’entendre un bruit d’éclaboussures.
« Je crois que j’ai trouvé le lac. »
Le silence se fit total. Même le vent dans les branchages paraissait avoir cessé de souffler.
Les animaux et oiseaux de nuit s’étaient tus. Comme s’ils retenaient tous leur souffle.
En mon sein une sombre lueur de contentement se faisait une place et je ne faisais rien pour l’arrêter. Ses mots avaient cessé. C’était ce que j’avais souhaité.
Pendant une seconde j’avais l’impression d’être dans une bulle de folie. Cette conne avait fermé sa grande gueule.
C’était magnifique. Cette forêt était magnifique. La faune discrète était magnifique. Connor était magn…
Mais Connor aimait Ellie…
Et j’avais…
-Merde!
Un hurlement de douleur suivit de nombreux coups dans l’eau me fit sortir de ma transe. Ellie venait de refaire surface. Blessée sans aucun doute.
J’attrapais ma lampe dans mon sac et me précipitais au bord de…
Mon faisceau éclaira la fin de la plateforme rocailleuse.
…Au bord de la falaise au pied de laquelle prenait source un lac d’eau si claire qu’elle en était transparente même dans l’obscurité.
-ELLIE!
Sans attendre je jetais la torche électrique et sautais dans l’eau quelques mètres plus bas.
Lorsque je refis surface à moitié assommé -de toute évidence ce n’était pas peu haut- ce fut pour agripper une blonde trempée qui se faisait attirer vers le fond à cause de son sac à dos, me faire à moitié étrangler par ses mains tremblantes mais pourvues de la force étonnante de la peur, et bien entendu, me faire percer les tympans par ses cris de douleur lorsque je heurtais malgré moi ses jambes.
-Cameron! Je hurlais afin de savoir vers ou aller.
Deux faisceaux de lampe torche nous éclairèrent rapidement, et j’aperçus le blond jeter ses affaires pour venir m’aider.
Lorsqu’enfin nous la hissâmes sur ce qui semblait être une plage de roche, je pus voir sa jambe former un angle inquiétant à partir de son genou.
Mon dieu mais qu’avais-je fait?!

OoOoO
-…Ce sale bâtard! Il m’a poussée ce connard! Cet enfoiré psychotique m’a poussé de la falaise! Pourquoi vous faites rien hein?!
Un feu avait été allumé sur la plage de graviers fins et de roche claire, Connor montait seul la tente avec des gestes saccadés, Ellie était allongée près du feu, ses vêtements avaient été coupés par Cameron pour ne pas déplacer sa jambe. J’étais retourné chercher son sac dans l’eau, autant pour m’occuper l’esprit que pour m’écarter de ses cris de rage et de l’effrayant stoïcisme du blond.
Quand je revins près des autres ce fut pour poser mes yeux sur la jeune héritière aux cheveux trempés et emmêlés, étendue sous deux de nos sacs de couchage, presque fiévreuse de douleur et qui avait cessé de hurler pour se mettre à gémir.
Je ne savais pas ce qui était pire.
-Pourquoi? Pourquoi tu ne fais rien Cameron? Il a voulu me tuer! Il m’a jetée de la falaise! Murmura-elle les larmes aux yeux, terreur et désespoir s‘alternant dans ses pupilles chaque fois que son regard oscillait de lui à moi.
Pourquoi ne faisait-il rien? C’était la question. Je ne comprenais pas. D’ordinaire même moi qui suis pourtant un intello pacifiste j’aurais massacré le type qui avait fait du mal à mon ami. Au moins pour effacer le doute du « et si » .
Mais ici loin de la société épurée et réglée comme du papier à musique que nous avions quittée deux jours plus tôt, les règles étaient différentes. Et je sentais que Cameron faisait tout pour ne pas céder à ses instincts primaires.
Parce que dans une forêt vierge nous n’étions que quatre animaux de plus.
Quatre bêtes aux réactions naturellement incontrôlées.
Si même lui en venait à perdre son naturel citadin nous finirions par nous égorger à tour de rôle.
Parce qu’ici il n’y avait ni police pour nous faire craindre des représailles et/ou nous arrêter à temps, ni hôpital et chirurgiens pour corriger nos conneries.
Le blond accroupi aux côtés de son amie leva les yeux vers moi en lui passant une main dans les cheveux pour l’apaiser.
-Parce qu’il n’a pas fait exprès.
Son regard était comme une question. L’avais-je fait exprès? Avais-je vraiment cru que devant nous s’étendait une simple clairière? N’avais-je pas vu cet éclat de lune dans l’eau miroitante? Mon cerveau l’avait-il occulté?
Une fois encore je n’en savais strictement rien. Et je m’apercevais peu à peu comme tous les participants au périple qu’aucun de nous ne nous connaissions véritablement. Je me découvrais peu à peu une personnalité effrayante et j’avais peur de lui céder la place.
-Parce qu’il ne l’a pas fait exprès, et parce que juste ensuite il a plongé pour te sauver. Tu crois franchement qu’il l’aurait fait s’il avait voulu te tuer?
Encore une fois il plongea ses yeux dans les miens et je tremblais intérieurement.
« J’espère que c’est la vérité ». Semblaient-ils hurler.
Je fis un pas en arrière, butant sur un sac au passage et m’éloignant de quelques pas, allant aider Connor avec la tente.
C’était l’enfer. Je ne pensais pas qu’il aurait put avoir une apparence aussi paradisiaque et magnifique que cette forêt, mais il n’y avait pas de doute, c’était l’enfer.
Le brun leva la tête de son piquet qui ne risquait pas de s’enfoncer dans la roche, parut hésiter un instant avant de le jeter et de se ruer sur moi.
Je ne peux pas dire que je ne l’avais pas vu venir, mais honnêtement, je n’imaginais pas qu’il avait autant de force.
Le choc me propulsa en arrière et son corps s’écrasa violemment sur le mien alors que je touchais le sol. Ma tête heurta la roche et ma vision se fut altérée un court instant. Assez pour que le brun me roue de coups de poings, m’enfonce ses genoux dans le ventre et me fasse sentir la haine profonde qui l’habitait.
Sa rage n’avait d’égale que sa force et très vite je sentis le sang couler de mes lèvres à mon cou, et de l’arrière de mon crâne au sol de pierre brute.
Cela eut le bénéfice de me faire réagir. Je bloquais son poing et basculais au dessus de lui d’un coup de reins.
La tête me tourna alors que je me retrouvais à cheval sur ses hanches, et je m’appuyais sur ses épaules pour me maintenir à peu près droit. Je lui décochais un coup de poing de faible puissance dans la mâchoire avant qu’il ne réagisse et reprenne l’avantage, et profitais du calme d’après coup pour porter ma main à l’arrière de mon crâne pour sentir sous mes doigts mes cheveux, mon sang et du gravier se mêler les uns aux autres.
Je dus faire une grimace de douleur car Connor se mit au dialogue. D’abord on frappe, ensuite on cause.
-Alors? Que s'est il passé cette fois? Elle a refusé de gober tes conneries et de tomber dans tes bras alors que tu la menaçait du vide? Alors tu as du lui montrer que tu étais sérieux?
Sans savoir pourquoi, je fermais un œil. Peut être pour mieux comprendre, comme lorsqu'on penche la tête pour mieux capter le réseau au téléphone... Peut-être aussi à cause des coups que je m'étais pris. Quoi qu'il en soit je gardais l'œil droit fermé pendant une poignée de secondes avant de saisir ce qu'il voulait dire.
Effectivement, j'avais l'air d'un fou. D'un tueur en série pas doué du tout mais qui tente sa chance avec chaque membre du groupe.
-T'es vraiment trop con hein. Lâchais-je finalement en ôtant une de mes mains de ses épaules pour la porter à mon ventre qui se faisait douloureux par ses coups.
-Mais va te faire f...
Je bloquais un nouveau coup et gémissais de douleur lorsque ma tête s'agita sous le geste.
-Ce serait avec grand plaisir crois moi, murmurais-je avec un sourire factice. Connor. J'ai plongé pour aller la chercher. Quand bien même je l'aurais jetée volontairement, jamais je n'aurais sauté à sa suite si j'avais su que c'était si haut. J'en savais rien. Je pensais qu'il n'y avait rien d'autre que des roches et de l'herbe.... Non. Tais toi!
Mais avant que je ne puisse faire un geste -je devais être considérablement affaibli- il me coupa:
-Tu crois que je vais te croire?! Demain tu vas essayer de te faire Cameron et lorsque ça ne marchera pas tu vas tenter de le noyer!
Je plaquais ma main sur sa bouche pour l'empêcher de continuer et reculais mon visage pour échapper à ses poings.
-C'est toi que je veux Connor. Toi et personne d'autre. Et de toute évidence je ne t'aurais pas, alors je suis désolé de t'avoir fait peur, c'était involontaire. Et je suis désolé d'avoir jeté Ellie de cette falaise, je n'étais pas au courant. Je voulais simplement qu'elle tombe sur les fesses et se taise de surprise. Tu comprends? Je ne voulais pas lui faire de mal.
Ma main se retira de ses lèvres avec une légère caresse de la pulpe des doigts sur sa peau si douce que je ne pourrais jamais plus toucher.
Je me relevais et lui tendais une main qu'il agrippa fermement pour se redresser. Ma tête me tournais et je ne le vis que très peu s'approcher de moi pour me chuchoter:
-Luz. Je pourrais te tuer maintenant. Mais si je te laisse en vie et que tu m'as menti, que tu t'en prends aux autres pendant leur sommeil ou lorsqu'ils seront seuls, ce sera ma faute. Alors je ne vais te le demander qu'une fois...
Mes yeux troubles tentèrent de se river aux siens qui scintillaient à l'éclat de la lune et du feu au loin.
-...est-ce que si je te donne ce que tu veux tu nous laissera en paix et n'attentera pas à nos vies?
Dans l'air s'élevait une odeur de plantes semi aquatiques, une odeur de terre détrempée et d'eau légèrement croupie, additionnée à celle des fleurs plus loin dans les arbres et à celle de Connor. J'étais fatigué. La nausée me montait à la gorge et je me fis la réflexion que je devais avoir un traumatisme crânien avant de répondre fort dynamiquement:
-Hein?!
-Est-ce que si je couche avec toi tu n'essaieras plus de nous tuer?
-Mais t'es particulièrement borné comme mec toi! Explosais-je à nouveau. C'est une blague bordel de dieu?! Je ne veux tuer personne, je veux faire de mal à personne, et je ne veux PAS te violer! C'est quoi c'est ton trip ça? Être pris de force? Tu veux quoi exactement?!
Je trébuchais en avant, pris d'un vertige, et poussais le brun face contre un arbre sans la moindre douceur pour le plaquer contre le tronc et écraser mon torse dans son dos. -Anecdote ridicule, étant plus petit que lui, je dus lever la tête pour poser mon menton sur son épaule, et finis par lui écarter les jambes par un coup de pied dans les chevilles afin de l'avoir à ma taille-.
Il se défendait et poussais de toutes ses forces sur le tronc pour s'en écarter mais je bloquais ses mains à l'aide des miennes.
-En fait tu es gay et tu t'imagines qu'en étant pris de force tu ne seras pas coupable d'avoir cédé à la tentation par toi même... C'est ça?
Son souffle se faisait rauque alors que je remontais son t-shirt entre nous et passais mes doigts sur sa peau sans la moindre douceur.
-A... Arrête putain!
-Ou alors tu crois que ça va me faire bander de me taper quelqu'un qui n'a aucune envie de moi?
Je pressais violemment mes hanches contre ses fesses et mon entre-jambe totalement au repos frottait contre son pantalon de toile.
-Tu me sens bander là? J'ai l'air d'être un violeur? D'être un sadique?!
Intérieurement je remerciais la nausée qui occupait mes pensées car même sans être d'un naturel violent ou dominateur, la sensation de ses fesses musclées que je matais depuis des années contre moi aurait du me troubler beaucoup plus. Et ce, même si c'était une mise en scène de pseudo viol...
-Luz arrête!
-Réponds bordel! Criais-je en le bousculant encore un peu plus et en sentant sa peau chauffer sous mes doigts. Tu me sens prêt à te sauter là?!
-Non! Non! Je suis désolé! Arrête maintenant lâche moi bon dieu lâche moi!
Sur ses derniers mots il se débattait de plus en plus fort et je me rejetais en arrière en trébuchant avant de me prendre un mauvais coup.
Je vacillais quelque peu et prenais mon crâne entre mes mains, plissant les yeux de douleur. A quelques mètres Connor se rhabillait convenablement et je pouvais sentir son regard sur moi, s'interrogeant sur ce qu'il devait faire. Son instinct citadin lui hurlait sans doute de m'aider, l'autre, le sauvage, de me laisser crever là.
Finalement je sentis à peine son torse se coller contre le mien pour m'aider à me relever lorsque je m'écroulais au sol, pas plus que je le sentis m'amener à la tente et m'allonger sur le ventre pour soigner mon crâne. J'entendais Cameron hurler comme derrière une vitre et les picotements du désinfectant sur ma peau semblaient lointains.
Je crois... Je crois que je me suis endormi. Ou évanoui. Quelle différence?

OoOoOoO
Ce fut la chaleur suffocante qui m'éveilla. Je me redressais sur mon séant et jetais un coup d'œil autour de moi. Mes bras étaient couverts de sueur, tout comme mon torse, et à mes côtés, Cameron et Luz étaient dans le même état.
Nous semblions nous être battus avec le sac de couchage ouvert sur nos corps au moment de nous coucher, et il reposait à présent à mi-cuisse de mes camarades encore endormis.
Mes yeux se portèrent à ma montre qui n'indiquait que six heures du matin. Je n'avais pas beaucoup dormis, et je devais avouer que lorsque j'avais décidé d'organiser ces vacances, j'imaginais plus de joyeuses veillées autour du feu et de longues grasses matinées près d'une rivière...
C'était raté.
Mon regard glissa jusqu'au visage presque serein de Luz. « Presque » parce qu'il aurait pu en avoir l'air s'il n'avait eu un début de cocard sur le haut de la pommette, et si ses lèvres n'avaient pas éclaté en plusieurs endroits. Je ne devais pas être mieux, mais au moins moi je n'avais pas le crâne ouvert et égratigné sur plusieurs centimètres...
Je soupirais et tentais de sortir de notre « chambre » surpeuplée et d'ouvrir les pans de la tente pour laisser l'air circuler.
Lorsque je finis par sortir, j'entendis Ellie gémir de douleur jusque dans son sommeil. Nous lui avions laissé la chambre de gauche pour elle seule, et lui avions filé deux de nos sacs de couchage, n'en gardant qu'un pour nous, le dernier -le sien- étant trempé par sa chute dans le lac.
Pas de doute, ces vacances étaient foireuses.
Dehors le soleil était déjà vif, et le vent faisait osciller les branches des saules au dessus du lac. En plein jour le paysage était encore plus paradisiaque, la surface d'eau était entièrement transparente, on pouvait apercevoir le fond bien qu'il soit profond, et les algues n'étaient pas couvertes de vase comme souvent dans nos lacs et gravières citadines. La roche apparente était claire et « propre » même au fond de l'eau, à croire que la photosynthèse n'avait pas de prise ici bas.
Des bancs de poissons ondulaient sous la surface, s'approchant sans trop de crainte du bord pour goûter je suppose au mucus et à la terre entre les racines des arbres qui surplombaient l'eau. .
Je fis quelques pas en arrière pour me munir de mon appareil. Ce lieu était magnifique. Tout bonnement magnifique.
Subjugué, je restais accroupi au bord de l'eau de longues minutes, faisant capture sur capture d'image de la faune aquatique, lorsque soudain une main se posa sur mon épaule et l'autre sur mes lèvres. Et alors que je m'apprêtais à bondir pour échapper à l'étreinte de Luz, que je n'imaginais pas un instant amicale, et bien au contraire j'avais un nouveau doute sur ses intentions, il tourna mon visage vers les profondeurs de la forêt vierge.
Là, quelque peu en retrait dans l'ombre des arbres se tenait...
…Je n'aurais pas su dire quoi en réalité...
Un félin, pas de doute. Vieux. Oh oui. Par endroits certaines des touffes de poils tachetées de noir perdaient en volume et laissaient apercevoir le cuir de sa peau.
Il se tenait là, assis, noble, droit comme un i avec sa queue entourant son corps comme une liane qui aurait eu une vie propre. Les herbes hautes l'entouraient, le faisant apparaître plus petit qu'il ne devait l'être en réalité. Une soixantaine de centimètres au garrot. Et quel garrot! Les omoplates à partir desquelles se prolongeaient ses pattes avant ressortaient sous sa peau comme si d'une simple pression on aurait pu les faire saillir et révéler leur blancheur immaculée.
Il était maigre. Mais d'une dignité à toute épreuve et il nous fixait immobile, hormis ses oreilles qui guettaient chaque son en provenance de la forêt, de la tente, ou de nous, accroupis dos au lac, collés l'un à autre et totalement figés devant le spectacle qu'il nous offrait.
Avec une lenteur mesurée, je sentis les mains de Luz glisser le long de mes bras jusqu'à enserrer mes poignets de ses grandes paumes chaudes et redresser le Reflex Numérique en direction de la bête.
Je le sentis vaciller légèrement derrière moi, et son torse pesa plus lourdement sur mon dos. Je bandais mes muscles pour ne pas tomber en avant et effrayer l'animal.
Les yeux de ce dernier ne nous quittaient pas une seconde et tandis que je l'observais, le pouce du Latino pressa le bouton provoquant le déclic de l'obturateur qui se fit entendre dans le silence presque total de la jungle.
Aussitôt, le félin s'accroupit dans l'herbe, sur le qui vivre, prêt à fuir. Le souffle de Luz se figea dans mon cou et je l'imitais sans m'en apercevoir. Mon cœur battait plus vite et je m'interrogeais:
S'il allait fuir, ne valait-il pas mieux le mitrailler de photos dès maintenant?
Mon doigt glissa en direction du bouton de déclenchement mais celui du brun résista fermement à ma pression et son souffle reprit le long de ma jugulaire, électrisant soudainement chaque parcelle de ma peau effleurée.
Mes yeux me faisaient souffrir à force de ne pas les cligner et l'air chaud les faisait presque brûler sous mes paupières. Je sentais la sueur de l'homme torse nu derrière moi se mêler à la mienne et je vis du coin de l'oeil une goutte couler du front de Luz vers sa tempe. Une brise d'air chaud traversa les arbres, ébouriffant le poil du félin qui se redressait peu à peu, et plaqua les cheveux du brun contre son visage.
Son pouce pressa l'appareil et un nouveau cliché fut pris, ne faisant que simplement sursauter le grand chat au poils clairs qui acheva de se r'asseoir dans l'herbe.
Nos deux souffles se relâchèrent soudainement et je me pris à sourire en jetant un coup d'œil à l'étudiant étroitement collé contre moi.
Il me rendit mon sourire et ses doigts glissèrent à nouveau jusqu'à mes poignets, me laissant tous les droits sur l'appareil photo. Je tentais un nouveau cliché, zoomant un peu plus sur la bête trop lointaine à mon goût.
Le chat ne réagit pas, et Luz, ne pouvant bouger ses mains pour ôter de sa vue ses cheveux emmêlés et humides finit par pencher la tête vers moi, encore un peu plus, et frotta son visage contre mon cou, à une lenteur hallucinante de peur d'effrayer l'animal.
Un frisson me parcourut depuis la nuque jusqu'au bas des reins et mes lèvres s'entre-ouvrirent pour laisser s'échapper une expiration sifflante, presque gémissante.
Aussitôt, je refermais la bouche, comme quelqu'un prit à bailler aux corneilles en public. La honte.
Contre moi je devinais les yeux grands ouverts du Latino tandis qu'il relevait son visage enfin dégagé de ses mèches de cheveux gênantes.
Nous jetâmes un regard inquiet au félin, mais ce dernier ne semblait pas s'être effrayé de nos mouvements et sons successifs. Bien au contraire puisqu'à présent il s'avançait à pas mesurés dans notre direction, faisant rouler ses épaules et chaque mouvement révélant à nos yeux la moindre vertèbre de sa colonne ondulant sous sa peau aussi fine qu'un voile de soie.
Je suppose qu'ainsi accroupis, presque à quatre pattes nous ressemblions d'avantage à deux grands singes qu'à d'horribles humains. D'un autre côté un singe est assez dangereux pour un animal sur son territoire, et à cette profondeur dans le territoire vierge, je doutais fortement de la présence d'un autre être humain depuis des siècles.
Bref, je le mitraillais littéralement, et les mains de Luz avaient migré sur mes cuisses aux muscles tendus à m'en faire mal, j'en avais les chevilles qui tremblaient presque et la seule chose qui me rassurait était que le latino était dans le même état que moi.
Tentez voir de rester accroupi pendant dix minutes, sans pouvoir poser les mains au sol ni vous mettre d'aplomb...
Pourtant, fait étrange, ses mains sur moi ne me dérangeaient plus. Enfin, elles avaient cessé d'être … « choquantes ». Comme si au final elles avaient trouvé leur place et que nous l'avions accepté.
Bon sauf qu'une fois que j'y réfléchis elles me dérangent peut-être un peu quand même... Non mais.
Une crampe me prit dans la cuisse droite, et je sentis mon muscle se tendre et durcir à m'en couper la respiration sous les doigts de mon camarade qui dut s'en rendre compte car il se mit à appuyer dessus et à bouger sa main de sorte qu'il le massait discrètement.
Là, soudainement, je trouvais ça extrêmement déplacé.
Au contraire du chat qui s'était stoppé sur le flanc, à quelques mètres de nous, et qui émettait soudainement un ronronnement sonore.
Ca n'allait pas du tout là, si même un vieux matou de jungle se mettait à jouer les entremetteurs...
Je claquais de la langue et Luz stoppa sa main, un peu trop à l'intérieur de ma cuisse d'après moi. Ma crampe passait lentement, mais il fallait tout de même que je trouve un moyen de me détacher de ce psychopathe.
Car soudainement je sentais toute l'incongruité de son corps contre le mien, de son menton posé du mon épaule, de ses cheveux dans mon cou, se nos peaux nues jusqu'à la taille qui étaient si bien collées l'une contre l'autre que son souffle les faisaient se frotter tendancieusement et glisser de façon obscène grâce à la sueur qui avait pris place entre nous.
Mon coeur s'emballait peu à peu. En plus il s'agissait du fou qui avait failli me tuer et qui avait blessé Ellie...
Même si effectivement, il se pouvait que ce ne soit que des accidents fortuits...
Mais c'était aussi celui qui nous avait perdus...
Même si oui, c'était Cameron en réalité qui l'avait fait, et après tout nous avions trouvé le lac...
Mais c'était le gay qui me voulait dans son lit!
Même si jusqu'à présent il était resté respectueux, et que si je lui demandais oralement d'ôter sa main de ma cuisse il le ferait sans rechigner...
Mais il était Luz! L'intello, le boursier, le pauvre! Je n'avais jamais parlé avec lui plus de vingt minutes...
Mais peut-être que vingt minutes de contact total en silence et dans un lieu pareil pouvait nouer des liens...
N'importe quoi!
Pathétique torture mentale de mec sans la moindre volonté!
Il fallait que je bouge. Maintenant!
Mais ce chat... Ce félin... Jamais je n'en avais vu de tel...
Je ne pouvais pas...
Un bruit rompit brusquement le silence. Nous fit sursauter et fit faire au vieux chat un bond prodigieux jusque dans un arbres puis s'enfuir ensuite entre les branches de la forêt.
Luz et moi nous écroulâmes sur la « plage » étendant nos jambes ankylosées et maudissant intérieurement Cameron qui venait d'ouvrir la fermeture éclair de son sac à dos à l'intérieur de la tente.
-Un Serval, souffla Luz allongé derrière moi, son haleine brûlante cognant ma nuque et je me retournais vers lui en m'éloignant que quelques centimètres.
-Hein?
-Ca ressemblait à un Serval. Mais je dirais croisé avec un Caracal au vu de ses oreilles...
-Un Sercal... murmurais-je sans y penser avec un doigt sur mes lèvres. Sercal.. Serraquedale...
Je baissais les yeux sur Luz qui me fixait avec un grand sourire:
-Et après c'est moi qui me suis cogné la tête hein... Je t'ai jamais entendu faire de l'humour aussi pourri Connor...
-Tu dois me troubler sans doute... Répliquais-je sans y penser. Le mode auto-convers' ne me réussissait vraisemblablement pas, et je me hâtais de me redresser pour faire mine de ne pas avoir vu le brusque éclat d'espoir dans les pupilles sombres aux reflets divins et aux paillettes dorées et... Nan définitivement, ses yeux étaient juste brun banal-beurk. Pas de chocolat chaud, pas de noir onyx ou Mac Adam, pas de poussières d'étoiles. Juste brun banal-beurk.
-Hello! Cameron jaillit près de nous, un sourire timide accroché à son visage. Ca va la tête Luz? Oh merde, vous verriez vos gueules d'amochés...
-On a un peu déconné hier hein, fit le mexicain en ouvrant son treillis et en dezipant la tirette.
-Un peu? On a tous complètement disjoncté! S'exclama le blond en faisant de grands signes de mains tandis que je lançais d'une voix outrée sans prêter attention à leur dialogue « Mais tu fous quoi Luz? R'habille toi! ».
-Ca doit être l'immersion en pleine nature qui fait ça, et les conneries d'accidents et d'emmerdes qui nous poursuivent... Et qu'est-ce que tu veux que je fasse Connor? Je vais me baigner!
Je me retins de couiner pitoyablement « Et les crocodiles? », car oui il y en avait dans la région, et je m'abstins parce que l'eau était bien trop claire pour abriter autre chose que trois bancs de truites...
...et peut-être aussi parce que la vision des fesses à peine plus claires que le reste de la peau de Luz alors qu'il plongeait dans l'eau du lac me laissa sans voix.

La journée passa rapidement... Entre baignades et faibles sourires. Du moins, tant que nous arrivions à contenir la douleur d'Ellie.
La pauvre Ellie qui se tordait de souffrance sur sa couche et que nous avions trainée jusqu'à l'eau pour la rafraichir, la faisant hurler à m'en donner des larmes aux yeux de peine partagée lorsque sa jambe changeait imperceptiblement d'angle.
Et nous priions pour que la nuit arrive et nous entraine dans un sommeil réparateur, car demain, demain l'hélico viendrait nous rejoindre et nous pourrions embarquer l'héritière à l'hôpital.
Et ce cauchemar serait oublié. Et peut-être même reviendrions nous entre hommes finir nos vacances?
C'est sur cette perspective d'espoir que nous nous couchâmes tous trois à la nuit tombée, Luz ayant shooté Ellie à un cocktail de médicaments assez fort pour la faire dormir jusqu'au lendemain.

Je m'éveillais dans les bras d'un certain homme qui me fixait avec un sourire un peu trop affectueux à mon goût.
Je jetais un coup d'œil à ma montre qui n'indiquait que sept heures du matin et je dévisageais Luz, les sourcils froncés.
Je n'avais pas « trop » chaud.
-C'est toi qui m'a réveillé? Arguais-je.
-Non, c'est toi. Tu as sursauté.
Pourtant je n'avais pas fait de cauchemar...
Je plissais les yeux et me figeais.
Un vronbissement se faisait entendre au loin.
-L'hélico! C'est l'hélicoptère! M'exclamais-je en sortant en courant de la tente, piétinant Cameron par la même occasion.
Je courrais jusqu'au bord du lac et scrutais le ciel lorsque les deux autres me rejoignirent.
-Il est encore loin, murmura le mexicain.
-On a pile le temps de faire nos sacs, rit Cameron avant de partir rouler ses affaires à la va vite.
Nous l'imitions et décidions de laisser la tente là jusqu'à notre retour. Nous ne pouvions pas la défaire assez vite pour prendre l'hélico, de toute manière.
Quelques minutes plus tard nous étions tous les quatre sur le rebord du lac à attendre notre sauveur qui se faisait étrangement attendre.
-Vous le voyez toujours pas?
-Nope..
Les minutes défilèrent et mes mains se mirent à trembler tandis que je fixais Luz qui se mordait la lèvre sans douceur, faisant éclater les quelques plaies à peine refermées qui s'y trouvaient.
-C'est pas normal, marmonna-il.
-Mais si il va arriver, contrais-je.
-J'ai l'impression qu'il tourne au loin.
-Tu racontes n'importe quoi, répliquais-je sans voir le regard angoissé de Cameron.
Trois minutes défilèrent encore, le mexicain craqua et finit par ouvrir son sac et sortir nerveusement toutes les captures d'écran qu'il étala sur le sol.
-Rappelez moi pourquoi on a pas de téléphone satellite, susurra-il en scrutant les photographies.
-Parce que dans tous les films c'est le premier truc qui lâche, répondit Cameron. Rien qu'à voir, ils finissent même dans des ventres de tyrannosaures...
Je cillais.
-Connor, me dis pas que c'est vraiment avec des arguments aussi bidons que tu as accepté de partir avec lui?! S'exclama Luz, qui fixait à présent les captures en tremblant largement.
-Ils avaient l'air moins bidons aux Us, je te jure...
-Les fusées de détresse?
-Dans mon sac, répondit la voix enrouée de la blonde qui émergeait à peine.
Le brun jeta un coup d'œil au sac détrempé et plongea la main à l'intérieur, pour en sortir quatre fusées hors d'usage.
-Merde! Merde, merde, MERDE! Se mit-il à hurler soudain en frappant le sol à s'en écorcher les paumes. C'est pas possible BORDEL!
-Luz putain c'est quoi le problème?!
-Il viendra pas... Il viendra pas parce que qu'on n'est même pas au PUTAIN DE BON LAC!


J'ai déjà précisé que ces vacances s'annonçaient définitivement... Bien?



============================================
Voilààà merci aux courageuses de m'avoir suivie jusque là. N'oubliez pas que vous pouvez prendre la suite vous même, elle sera publiée icisi vous le désirez.
Pour les coups et blessures que vous projetez de me donner, adressez vous à Alex ou Véiane, elles s'occupent de ma sécurité.
Bisous je vous aime quand même =D


Par Absynthe - Publié dans : Cock Tales Cocktails - Communauté : A l'ombre des romances...
Ecrire un commentaire - Voir les 15 commentaires
Jeudi 10 juin 4 10 /06 /Juin 06:45

jez.jpg

 

 

Coucou!

Bon, ce n'est pas la suite, mais pour vous faire un peu poiroter, je me suis dit que je pouvais bien vous donner à ronger.

Donc ceci est le texte que j'ai écrit pour le second tome des Délices Citronnés. A présent, le projet est clos, je ne suis même pas sûre que le bouquin soit encore en vente, dans le doute, je vous le donne quand même.

(Oui, je fais comme Joy.)

 

Alors avant toute chose, c'est le premier texte que j'essaie d'écrire en étant vraiment sérieuse, et merdouille, c'est pas du tout mon style ^^.

 

('tendez, je vais me coucher en fait, je continue l'article après)

(re!)

Les filles j'habite au 4ème étage, et mon balcon se prend pour un lac. Il a plu cette nuit, on a sonné ce matin, moi bien gentille, tête dans le cul je sors voir qui c'est et...

Floc. Floc.

Les pieds dans l'eau.

Doigts de pieds submergés, réveil d'enfer. Apparemment l'évac' est bouchée. Youpi.

 

Bon, rien à voir, mais à quatorze heures je saurais si j'ai un avenir. OU PAS. Genre je saurais si on veut de moi en DUT ou s'il va falloir que je me retape une année de fac...

 

Et enfin... J'ai oublié la dernière... Ah! non! J'ai envie d'écrire une nouvelle histoire (mais je SAIS, je peux pas) ce serait un type qui bosse pour le vatican. Genre bras armé. Et il est envoyé en missions pour zigouiller des Faes, des vampires, quelques autres bestiolles etc. Et il a un psy, à qui il doit faire gober que ses problèmes sont oniriques etc etc.

Arffe dit comme ça, ça ressemble à rien.

Je sais plus ou j'ai lu que si on sait pas raconter une histoire à l'oral, ou la résumer en fascinant le public, on a aucune capacité d'auteur. Ben je suis super mal barrée alors xD

 

Bon allez zou, ma gueule.

 






Jezekel,


Par Absynthe.





 




« La vraie intelligence de l'être humain, c'est sa capacité d'adaptation. Les hommes se font à tout, y compris au pire »

Sebastiao Salgado

 

 


 


« Je ne lis pas le scénar, c'est le scénar qui me lit. »

Sergent Osiris

Tonnerre sous les Tropiques







A Véiane, Elèctre, Iris et Ponnette...


...Surtout Ponnette.


Parce qu'écrire sans vous, c'est écrire sans moral et sans inspiration.

Juste impossible.



 


 

On aime les guerriers. On admire ces meurtriers professionnels, on les adule, les respecte et les désire. Pourtant ils tuent, passent leur vie à tuer et le pire c’est qu’ils aiment ça. Jezekel aimait ça lui aussi. Non, pas les guerriers.

Juste tuer.

N’importe qui, n’importe quand, simplement pour la sensation grisante d’être maître de tout. Pour la mélodie envoûtante de l’agonie, tous ces sons si disgracieux dans la bouche de nobles, tous ces gestes fébriles, inutiles, cette accroche à la vie que l’on cache sous des airs courageux pendant des années. Pour le plaisir de sentir l’âme du défunt l’effleurer en sortant de son corps. Pour la sensation malsaine et délicieuse du sang d’autrui refroidissant lentement sur sa peau, ce liquide vital qui recouvre une partie de son corps, de son visage.

 

Ah qu’ils sont beaux les humains lorsque viennent leurs derniers instants. C’est le seul moment dans leur misérable existence ou ils sont vrais. Ou leurs yeux reflètent véritablement leur personne. La seconde ou ils comprennent que c’est la fin, que l’homme penché au dessus d’eux est la dernière chose qu’ils verront sur cette terre. Alors leurs yeux s’écarquillent, leurs pupilles se dilatent comme à l’orgasme, leurs muscles se tendent une dernière fois, leur bouche s’entre ouvre pour leurs derniers mots, toujours tronqués, toujours sans sens pour leurs familles, et c’est la fin, la dernière inspiration. Et le corps retombe, l’âme s’élève, vient frôler son meurtrier avant de s’en aller à jamais.

Jezekel aimait cela. Ça lui rappelait sa vie d’avant. Son existence avant son damne des enfers, un hiver particulièrement meurtrier. Le calme et la satisfaction d’après mort. Comme après la jouissance. Bon sang qu’il aimait cela. Il ne s’en lassait pas. Jamais.

 

Manque de chance pour lui, les années défilèrent, le monde des hommes se développa, et bientôt il fallut avoir une autorisation officielle pour se livrer au meurtre. Alors il devint successivement soldat dans les armées pharaoniques, dans les trois guerres puniques, dans toutes celles qui se sont succédées avant, après, pendant. Mais arriva un règne ou il fallut faire des études pour pouvoir se battre. Après plus de mille ans de tueries, il devait aller en cours avec des jeunes?! C’était hors de question. D’autant plus qu’il devrait repasser ces mêmes examens tous les vingt ans, dans un pays différent puisque son enveloppe corporelle garderait à jamais un corps de jeune homme.

Alors il trouva un travail dont personne ne voulait, qui lui permettait de faire ce qu’il aimait, mais plus de combattre. C’était triste, ça le rendait malheureux, mais il pouvait tuer. C’était déjà ça, et la rage de devoir obéir à de misérables humains s’évanouit avec les années. Il continuait à combattre, mais comme maître d’armes. Il apprenait à des jeunes qui n’avaient pas les moyens de se payer des cours avant d’entrer dans les écoles de soldats comment tuer, sans pouvoir le faire par lui-même. Et ils devenaient des seigneurs de la guerre. De vrais hommes, sans pitié aucune. Il était le maître d’armes, il était le bourreau.

 

On aime les guerriers. On admire ces meurtriers professionnels, on les adule, les respecte, les désire.

Lui, on ne le connaît pas. Il n’est que celui qui passe après les autres sur le champ de bataille. Celui qui le parcourt de part en part, écoutant ce silence divin et mortuaire à la recherche d’un souffle. Celui qui achève les mourants. Le plus beau des postes.

Tous ces guerriers qui se voilent la face avec de faux prétextes pour leurs crimes, amour de leur famille, amour de leur patrie, amour de leurs terres. Ils ratent tout. Ils ratent l’apogée de leur œuvre. Ils n’arrivent pas à voir le merveilleux dans la mort. Alors soit, ils fuient dès que les blessés du peuple gagnant sont tous sur civières. Ils s’enfuient et vont fêter, un sourire aux lèvres, une chope de bière à la main, fêter les morts victorieux, tout en ignorant ceux qui passent après eux. Le bourreau puis les croque morts.

Le bourreau. C’est ainsi que ceux qui le connaissent l’appellent ces temps ci. Ils ont peur de lui, de sa folie apparente pour leur espèce, mais jamais ils ne lui diront, pas plus que leur incompréhension face à son éternelle jeunesse. Alors les générations de croque morts se poursuivent, et il reste là, éternel bourreau. Jezekel. Jez. Celui qui fait ce dont eux ne veulent pas. Car il faut du courage ou de la folie pour tuer de sang froid. Ou bien alors, ne pas être humain.

 

Les années défilent, une grande guerre éclate, les champs de batailles ne se comptent plus, on emploie les plus jeunes hommes à peine entrés à l‘école directement dans les combats. Mais Jezekel n’est pas au courant, cela fait des décennies qu’il a cessé de s’intéresser aux mortels. Et un soir d'hiver, alors que la bataille a duré de la veille jusqu’au crépuscule sans la moindre interruption, que les corps s‘amassent sur des mètres entiers au fond d‘une vallée enneigée, que le sang forme des flaques qui givrent dans les creux de la plaine, que les vivants étouffent sous les morts, que les agonisants n‘ont pour vision que leurs semblables qui se recouvrent peu à peu de poudreuse, les derniers blessés sont rapatriés vers les camps, Jezekel peut commencer son œuvre.

 

Il est heureux, un sourire discret trône sur ses lèvres tandis qu’il avance, trempant ses bottes de cuir dans la boue, le sang et la neige fondue, ses yeux parcourant la scène avec une délectation toute particulière. Ils ont été durs en cette journée de février. Un si beau mois. Ni trop chaud ni trop froid. Juste assez pour que les mouches ne se fassent pas trop nombreuses, et que les moustiques colportent des maladies entre morts et vivants. Arrivé à ce qu’il estime être le centre du champ de bataille, il s’immobilise et ferme les yeux. Le vent porte à ses narines l’odeur de la mort, du bois brûlé, de la chair cautérisée. Des mèches blondes s'échappent de la natte qu'il porte haut sur son crâne et retombe sur ses reins pour aller flotter dans les airs. Il inspire une dernière fois, -il n'en a jamais eu besoin puisqu'il n'est pas humain, mais c'est une sensation agréable- et avant de s‘avancer vers le premier souffle il sort un long poignard à lame incurvée. Vestige de la sanglante Carthage. Quelques minutes passent, les vêtements du blond se maculent peu à peu de sang, et alors qu’il se tient à genoux au dessus de ce qui reste d’un homme d’une trentaine d’années, qu’il amène mécaniquement sa lame tiède sous le sang à ses lèvres, la vision d’un enfant de six ans tout au plus se porte à ses yeux.

 

Blond comme un ange. Délicieusement innocent. Un vrai sourire le prend et il se relève, marchant droit vers lui, avant de s’accroupir à un mètre du gamin. Il sait qu’à son âge il peut encore Les voir. Elles. Ses ailes noires qui se font lourdes et inutiles dans son dos. Il doit savoir qu’il est Une Mort. Mais il ne dit rien, ne pleure pas et au contraire s’approche. Alors Jezekel tire son couteau de sa ceinture, encore une fois, mécaniquement. Et tandis que l’enfant avance à petits pas, il en entend d’autres au loin. Quelqu’un le regarde. Tant pis. C’est si bon. Sa lame dans la main droite, il tend l’autre vers l’enfant qui y glisse la sienne, glacée par l’hiver, couverte de sang par la guerre. Le gamin s’approche et se serre quelques instants contre lui en une recherche de réconfort, puis se recule un peu et s’appuie contre la cuisse repliée du grand homme qui le surplombe. Le blond passe sa main sur sa joue, tout en douceur, et lui fait pencher la tête en arrière, l’enfant obéit sans résister et laisse ses yeux errer sur les grandes ailes noires qui l’encadrent dans une étreinte rassurante. Il tend la main vers l’une d’elles, avec autant de douceur que la lame qui glisse sur sa gorge, faisant céder la peau si tendre, et la ramène vers lui, une plume noire étroitement serrée entre ses doigts alors qu’il hoquette sans pouvoir respirer tant le sang obstrue sa gorge.

 

Jezekel glisse sa langue le long d’une clavicule révélée à l’air libre, et goûte le sang qui se répand sur le petit torse si jeune, puis remonte à hauteur des yeux du petit blond, plongeant son regard argenté dans les orbes bleutées qui s’agitent devant lui. Un doux sourire s’installe sur son visage devant la peur de l’enfant et il se penche pour déposer un baiser sur son front, recueillant sur ses lèvres quelques flocons venus s’y poser. Quelques râles encore et ce sera la fin, le sang cesse déjà d’affluer à sa gorge, et ses yeux se font lourds. Mais il ne ferme pas les paupières et finit sa vie le regard plongé dans celui de son bourreau. Sans haine, sans colère, rien que de la reconnaissance. Jezekel lève les yeux au même rythme que l’âme qui s’extrait du corps à présent sans vie pour en rejoindre deux autres qui semblent l’attendre au bout du champ enneigé.

Une respiration rauque se fait entendre derrière lui. C’est vrai. Il avait un public, quelque fou ou malheureux, cherchant un ami ou un parent parmi les cadavres. On se penche derrière lui, et il sent un souffle chaud effleurer son cou, une larme déjà froide tomber entre son col et sa peau. Une main passe au dessus de son épaule, des doigts se tendent vers le visage de l’enfant, fermant ses yeux à jamais fixes.

-Vous avez toujours autant de mal avec les yeux des morts, murmure Jezekel sans une once de remord dans sa voix.

-Avec les yeux aveugles en fait. Leur immobilité nous effraie, répond une voix grave et étrangement calme.

Le blond ne répond pas. Il a été interrompu, il devrait être en colère mais il n’en est rien, l’autre n’hurle pas, ne pleure pas, ne l’insulte pas et ne le provoque pas en duel. C’est déjà ça. Il est simplement penché au dessus de lui, quelques mèches brunes presque noires retombant sur l’épaule de celui qui vient de tuer un enfant sous ses yeux. Jezekel repose le corps au sol, et glisse un doigt sur le plat du poignard avant de le mettre en bouche en fixant un point loin devant lui.

-C’était la fille du forgeron de mon village, ajoute le nouveau venu, comme s’il parlait au vide.

 

L’autre ne répond pas et se redresse lentement, finissant debout, dos à un homme qu’il ne voit pas et qui l’effleure tant il est proche. Avec un sourire il se retourne, dévisage le brun devant lui, une trentaine d’années, un visage fin, le teint hâlé et les yeux noirs dans lesquels étincèlent de petites nervures argentées. D’eux deux, ce serait lui à qui l’on donnerait le poste de Mort ou de Démon. Sans hésiter une seconde.

 

Jezekel lève un doigt sanglant à hauteur des lèvres de l’homme, appuyant légèrement dessus, lui intimant le silence, puis pointe la plaine de l’autre main, lui faisant signe d’écouter. Seul le vent ne parvient aux oreilles du brun, et il entre ouvre les lèvres pour dire quelque chose.

-Tais toi, le coupe le bourreau.

-Feïkh’an, souffle-t-il avant qu’une main autoritaire ne s’installe sur sa bouche.

-Tais toi Feikh’an, reprend le blond. Viens avec moi. Viens. Allons au devant des morts.

 

Et Jezekel s’avance, silencieux, ne prenant pas la peine d’enjamber les cadavres, marchant simplement dessus sans qu’un craquement d’os ne se fasse entendre, suivi du brun qui ne peut s’empêcher de fixer les visages sans vie sous lui. Amis. Ennemis. Inconnus. Le blond s’immobilise à nouveau, et pose sa main sur le bras du guerrier, levant vers lui un regard pétillant de vie. Il s’approche d’un pas et se colle contre lui avant de relever le visage vers son oreille, frôlant au passage tout son cou de ses lèvres, pour finir par chuchoter:

-A droite de la lance brisée plantée dans le sol. Entre le cheval et le rocher. 

 

La neige et le vent se faisant plus forts de seconde en seconde, le plus grand plisse les yeux dans la direction indiquée, ne distinguant que de vagues formes blanches et le pieu dressé vers le ciel. Il s’apprête à exprimer son échec et s’écarter de cet homme étrange, trop proche, trop insensible, mais l’autre ne le laisse à nouveau pas parler et murmure encore:

-Cesse de te comporter comme un banal humain. Vois ce qu’ils ne voient pas. Écoute ce qu’ils n’entendent pas. Concentre-toi. Un souffle, haletant. Douloureux. Le sang obstrue sa gorge. Il crache comme il peut, mais il est écrasé, ses os sont brisés, écoute, ses poumons sifflent. Écoute. Il se fait recouvrir de neige. Ne l’entends tu pas crisser à chaque respiration? Ne fais pas semblant. Tu n’es pas comme Eux, tu es revenu voir ton œuvre, tu n’as pas bougé pour sauver cet enfant. Concentre-toi Feikh-an. Écoute l’agonie... Trouve-le!

 

Fermant les yeux, le brun laisse le vent d’hiver l’encercler, le faire sien, étroitement enlacé par cette force de la nature et par ce bourreau. Sans savoir pourquoi il obéit, le vent se fait plus calme à ses oreilles bien qu’il ne fasse que souffler plus fort dans la réalité. Il n’entend plus que le souffle factice du bourreau. Ne ressent plus que son regard, et bientôt, le silence se fait sur la vallée.

Ses yeux se rouvrent, ses lèvres s’étirent en un mince sourire, ignorant la caresse du froid sur elles qui les fait bleuir, car au loin, là où indiquait le blond, il peut entendre une respiration. Comme il avait dit. Difficile, douloureuse, haletante. Feikh’an baisse les yeux vers le bourreau plus petit que lui d’un ou deux centimètres et lui sourit, sans se poser de question, sans l’interroger plus que cela. Il a l’impression d’habiter son univers à présent. Presque une autre dimension. Ou tout est nuancé. Différent et pourtant presque identique. Le même monde, mais pas la même dimension. Leurs yeux se quittent, et tous deux marchent paisiblement vers le son, Jezekel se baisse et repousse le corps d’un grand roux au crâne défoncé. Sous lui, un tout jeune homme aux yeux écarquillés sous la douleur, qui a dû être châtain clair avant cette bataille.

-Il a l’air en vie, remarque Feikh'an.

-Pas tant que ça…

-Il respire.

-Moi pas, et je suis en vie aussi.

Feikh’an tourne la tête vers le blond. C’est vrai, il ne respire pas. Il lui rend son regard, vide, calme, inexpressif. On croirait voir un ange au milieu de toute cette neige. Blond, fin, de grands yeux argentés. Un peu trop brillants pour être humains. La pupille manquante. Un peu trop flagrante pour passer inaperçue. Leurs yeux rejoignent à nouveau le mourant qui les fixe, paniqué, tentant de respirer comme il peut.

-Il a l’air en vie.

-Pas tant que ça…

-Il bouge.

-Les arbres aussi. Pourtant on les coupe.

Le silence s’installe, Jezekel se baisse et examine le jeune homme comme l’on observe du bétail.

-Ses mains sont déjà hors d’usage, elles ont été gelées par le froid. Ses pieds doivent être dans le même état. Son torse… Il place sa main sur la poitrine du soldat et appuie dessus. Le châtain ouvre la bouche comme pour hurler. …est brisé. Sans compter le sang qu’il a perdu… Bref… Je peux?

-Je t’en prie, répond l’autre avec le ton digne d‘une conversation un rien banale.

D’une main experte, Jezekel repousse les cheveux encombrant la jugulaire du soldat, et approche sa lame de sa peau sans le quitter des yeux, se délectant de ses sursauts et de sa façon vaine de se débattre de la poigne de fer de La Mort.

Mais alors que la pointe du poignard entre en contact avec la peau déjà blanchie par la peur et l’agonie, une main hâlée se superpose à la sienne, et le souffle rauque qu’il a déjà entendu plus tôt effleure à nouveau sa nuque. Le blond s’immobilise un instant puis entrecroise ses doigts avec ceux qui font ce que personne n’a jamais osé faire, le toucher en pleine… Action. Le rituel continue, le métal glacé pénètre la peau et la caresse jusqu’à la faire céder. Un corps chaud se colle contre celui de Jezekel, Feikh’an épouse le moindre centimètre de son corps et appuie sa tête sur l’épaule du bourreau, contemplant leur victime, qui voit son heure arriver, ne sachant qui contempler, l’Ange, le Démon, le Démon ou l’Ange : il ne sait qui a quel poste. Finalement, il suffoque quelques secondes, ses yeux faisant des allers-retours entre les deux visages, et finit par rendre l’âme en fixant un point entre eux.

Le brun frissonne. De froid, de dégoût ou d‘excitation, il ne saurait le dire. Son compagnon monte son couteau à ses lèvres et en caresse le plat du bout de la langue, puis lui propose l’autre face sans le moindre son. Il s’exécute et tous deux se relèvent lentement, puis parcourent le champ sans un mot, répétant plusieurs fois la même action, étrangement proches pendant la mise à mort. A nouveau ils sont distants l’un de l’autre lorsqu’ils marchent côte à côte. La nuit s’est bien installée et ils s’éloignent des morts pour regagner un village en passant par la forêt. Ils ignorent les regards choqués des croque morts qui les fixent avec effroi tandis qu‘ils bravent l‘hiver et la neige, tous deux impassibles sous la tempête. Finalement, Feikh’an prend la parole:

-A l’aube, les armées germaniques vont attaquer. Il parait qu’ils sont des milliers, et que nous ne sommes que cinq cent. Il marque une pause et continue. Je n’ai pas envie de mourir en hiver… Je n’ai pas envie de me faire achever par quelqu’un comme toi.

L’autre laisse le silence envahir l’atmosphère durant de longues minutes avant de murmurer:

-Tu sais, c’est dans ma nature de faire ce que nous avons fait. Je ne suis pas humain, on me dit même monstre. Mais toi…

- Tais-toi.

-Toi, tu dois être particulièrement fou, achève Jezekel avec un sourire mauvais vers le brun.

-Tais toi, crache à nouveau ce dernier.

-Je ne suis pas le premier à te le dire n’est-ce pas? Que tu es totalement, irrévocablement f…

Un poing lancé en pleine vitesse vient s’écraser contre la mâchoire du blond, qui, surpris trébuche puis se redresse pour se jeter de toutes ses forces sur l’humain qui a osé porter la main sur lui. Les deux hommes tombent au sol, s’écrasant dans la neige et très vite, Feikh’an se retrouve plaqué face contre la poudreuse, un corps étroitement pressé contre le sien, une main enserrant sa gorge jusqu’à la faire presque céder sous l’étreinte.

-Tu n’aurais jamais du faire ça… Humain.

A ces mots soufflés à l’oreille, Jezekel recule quelque peu du corps qu’il écrase et enfouit son visage dans la nuque du soumis. Il soupire après son odeur et sa chaleur, glisse sa langue dessus puis inspire une dernière fois et mord à pleines dents dans la chair qui cède sous les cris de la victime. Le sang gicle et tâche la neige alentour. Le blond lèche le sang perdu et retire d’un mouvement brusque le long manteau de cuir du soldat : replongeant ensuite ses lèvres dans la plaie ouverte, il caresse du bout de la langue la chair à vif, laissant ses mains découvrir le dos large du jeune homme.

-Qui es-tu donc, bourreau? Halète le blessé, dont les lèvres glacées par la neige l’empêchent de parler correctement.

-Je suis… Je suis Jezekel, Mort de Luxure, banni des enfers pour mon goût pour la guerre brute et… Sa voix meurt au creux de la tempête qui s’élève. Et toi, tu es un fou qui va apprendre qu’il ne faut pas lever la main sur la luxure, même déchue.

-Jezekel. Je ne veux pas mourir. Pas en hiver.

Sans répondre, l’autre enfonce un peu plus le brun dans la neige, et se redresse, une main dans le creux des reins de celui qu’il surplombe, pour atteindre son poignard et en presser la lame entre les deux omoplates dorées sous lui. Sans douceur il se penche vers son cou et glisse sa langue le long d’un sillon de sang mêlé à la neige fondue.

-Tu vas aimer ça…

Le métal glisse sur sa peau, créant un sillon du haut de son dos, suivant sa colonne vertébrale, jusqu’au bas de ses reins. La douleur fait se cambrer le plus jeune qui gémit en serrant les dents ; une main s’enfonce dans ses cheveux, le maintenant cambré tandis qu'une langue remonte le long de la plaie, léchant le sang jusqu’à la morsure. Un corps se presse contre ses fesses, un membre dur l’écrasant un peu plus. Un gémissement sonore se fait entendre, et Jezekel murmure en glissant ses mains sous le pantalon du brun:

-Je te l’avais dit. Tu aimes déjà.

Quelques secondes plus tard, lubrifié par la neige, la Mort s’enfonce dans ce démon humain, ce fou qui a oublié d’avoir peur de lui. Le sang ruisselant du dos du soumis s’étale entre eux deux, recouvrant le torse dénudé de l’autre de la plus divine des matières, la tempête hivernale recouvre leurs cris, et le premier baiser est échangé alors que le plaisir atteint son apogée.

Là, dans la neige. Là, en plein hiver.


Demain… Demain la Mort de Luxure reprendra part au combat, car Feikh’an ne mourra pas en hiver, encore moins de la main d’un autre que lui.

Feikh’an ne mourra pas demain, car il est Jezekel, Mort de Luxure, banni des enfers pour son amour de la guerre brute, et parce que la Luxure n’a pas le droit d‘aimer. Demain il montrera qu’il peut se battre, aimer et être ce qu'il est.

Une des nombreuses morts. L'unique bannie, au plus grand damne de l'humanité. Et les humains trembleront.

Bien des hivers passeront encore, bien des guerres auront lieu, bien des flocons fondront sous le sang.

Ils seront deux à défier l'humanité, la mort amoureuse, trop humaine, et l'humain mortel, trop peu humain.

Par Absynthe - Publié dans : Cock Tales Cocktails - Communauté : Communauté gay
Ecrire un commentaire - Voir les 8 commentaires

Résumés des Fics

Sites Amis

Page Facebook des Pensées d'Absynthe 

 

 

  logo-fn-copie-1.gif

 

 

A cliquer pour faire plaisir voter pour la créa!

Akaiyume

 

 

Traduction:

Katika Locke

Broken Wings VO

Son site

   

 

Sites de fictions, blogs:

La créa' s'est permit de faire le ménage entre les sites abandonnés, les sites en pause avec peu de contenu et les autres.

Si vous souhaitez figurer ici, ou si je vous ai oubliés, signalez le!

 

Miyahow New!

Deadly

Inrainbowz  New!

Lino

Pearl  New!

Lila New!
Electre
Perri et Joy
Joy
Perri
Merlin
Danouch
YaYa
Ambroisie
Mai Lynn
Emy
Ley
Cicipouce
Utopia
Natsuko
Jijisub

 

Sites, scantrads:

Boys'n Love Scantrad BLS

Collection Arrow
Library of Moria (Agl) <3
MDR, Marre Du Drarry
TheBookEdition

Dessins:
Yaoi-Gallery (Moz)

Divers:

C'est la Gène

{Attention, site de connards}
Homotographie <3 <3
A cause des Garçons <3
Bashfr DTC <3
Gayclic
SuicideGirls
Encylopénis
Têtu
Bellazon


Liens pratiques:
Synonymes
Prénoms
Test de rapidité de frappe sur clavier
Refaire la déco (CSS) de son blog
Héberger une image
Générateur de code couleurs
Générer son nom de plume
(à partir de son nom et prénom)

 

Histoires Lues, et En Lecture

 
Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés