Dimanche 29 novembre 7 29 /11 /Nov 21:57
Seconde partie:

OoOoO

Je savais que ces vacances ne seraient pas une partie de plaisir. Mais sincèrement, je ne pensais pas que ce serait à ce point là. J’espérais pouvoir décompresser, pouvoir me sortir de mon monde d’étudiant appliqué, perdu dans une faculté de bourgeois insupportables qui me détestent d’une part parce que je ne fais pas leur taf, mais aussi parce que j’écris si mal qu’il est impossible de me copier aux exams…
Je passais une main lasse sur mon visage en avançant à pas précipités dans la forêt. Un début de barbe râpa légèrement mes doigts et je regrettais d’avoir oublié d’embarquer un rasoir.
La nuit tombait à toute allure et la lumière était à présent presque rouge, nous étions descendus rapidement du rocher après que je me sois énervé tout seul en voyant Connor hésiter sur l’ordre de passage dans la descente.
Je savais très bien ce à quoi il pensait. Si je passais en premier, je pourrais lui tirer les pieds et le faire tomber, et s’il était le premier, je pouvais très bien lui coller des coups de pompe dans la gueule pour le faire valser dans le vide.
La peur qu’il avait ressenti avait très vite fait place à une colère sans faille une fois en bas. La présence des deux autres devait le conforter dans son idée de « je maîtrise la situation » et il ne décrochait pas un mot mais me fusillait du regard chaque fois qu’il en avait l’occasion.
Nous slalomions entre les arbres centenaires, apercevant parfois un animal qui prenait la fuite devant nous, mais globalement le trajet se fit dans le silence le plus total.
Même Cameron se taisait, c’était pour dire…
Je dirigeais la ligne, plus question de laisser cette responsabilité à quelqu’un d’autre! J’avais rapidement vu le lac du haut du rocher, entre deux cris de rage et envies de pleurer d’exaspération. Nous redescendions légèrement la montagne pour nous diriger vers une colline, et plus nous gravissions la pente, plus je doutais de la direction à prendre:
Un lac. Un putain de lac c’est généralement dans un trou.
Mes mains se faisaient plus moites encore que la sueur qui coulait le long de mon dos jusqu’à l’arrière de mes cuisses -sensation super désagréable- sous l’effort. Je ne comprenais pas. J’avais vu de l’eau! J’avais vu le reflet du ciel sur une surface miroitante à moitié couverte par des saules exotiques.
Et pourtant entre le rocher et ce lac, je n’avais pas remarqué le moindre dénivelé…
Je n’étais pas seul à me poser des questions, car aux trois quarts de la montée, Ellie vint me rejoindre et m’interrogea d’un ton acide, dédaigneux, pire encore que lorsqu’elle me considérait simplement comme un rat de bibliothèque:
-Dis donc le gay, tu te serais pas -encore- trompé dans le chemin à suivre?
Je ne répondais pas et continuais d’avancer tandis qu’elle reprenait plus fort en me rattrapant à nouveau:
-Eh quoi Luz?! Tu t’es fait jeter et le pauvre petit refoulé en toi ne tient pas le choc et décide de tous nous perdre dans la jungle?
Nous arrivions au sommet, je tremblais de rage et de lassitude, et il faisait tellement sombre que nous ne voyions rien à cinq mètres. J’envisageais la possibilité de fouiller mon sac à la recherche de ma lampe, mais pour ça il aurait fallu laisser Ellie me parler plus longuement.
Sous nos pieds le sol changeait progressivement, de terre molle et humide, il devenait pierres aux aspérités qui nous faisaient trébucher.
Nous semblions être sur un plateau rocailleux. Étrange. Je n’en avais rien vu sur les cartes. Sans doute la faute aux arbres qui poussaient malgré tout, laissant leurs racines survoler de longues étendues de roc avant de pouvoir s’enfoncer dans une terre meuble.
Cameron nous rejoint, laissant un Connor de mauvaise humeur un peu plus loin.
-Bon écoutez, Connor et moi on va aller par là-bas, voir si on trouve un endroit pour camper, vu que de toute évidence l’eau ne sera pas pour aujourd’hui…
Il me lança un regard inquiet et je lui tendais ma gourde encore bien remplie.
-Prends ça, fais tourner. Je vais voir de l’autre côté s’il y a un coin vivable sur ce caillou.
Nous nous séparâmes et je regardais quelques secondes ses cheveux blonds s’évanouir dans l’obscurité au rythme de ses pas hésitants.
-Ben alors Luz, fit une voix perfide, comme une mauvaise conscience, Tu t’es fait jeter par Connor donc tu te rabat sur son pote? Laisse moi t’expliquer une chose…
-Bon sang mais pourquoi tu ne fermes pas ta grande gueule Ellie?!
Ses ongles s’enfoncèrent dans mon avant bras et je grimaçais:
-Connor ET Cameron sont à moi. Tu piges l’immigré? Ils sont à moi, rien qu’à moi. Ils ont voulu que je vienne pour qu’un des deux ait une chance de m’avoir. Toi t’es là par nécessité. C’est moi qu’ils veulent, pas un mec intello, latino, pauvre comme Job et tout ce que ça sous entend.
Je faisais un geste de la main agacé et me dégageais en reprenant ma marche.
-Tais toi, je veux plus t’entendre!
Ce qu’elle disait était vrai. Je voulais Connor, admirais la gentillesse étrange de Cam, et je n’étais là que pour les diriger dans cette putain de jungle. Et enfin, ce putain de lac DEVAIT être là. Ce n’était pas possible que je me trompe à ce point!
J’ai toujours été un as en cartographie, topographie, etc. Ce lac devait être…
-T’as l’air de l’avoir traumatisé en plus le pauvre Connor…
La blonde du groupe me rattrapait et me dépassais pour me couper la route. Je ne voyais plus d’arbres devant nous et soupirais de fatigue. Une clairière. Génial.
-Qu’est-ce que tu lui as fait? On vous a entendu crier. Surtout toi. C’était quoi le souci t’as essayé de poser tes sales pattes vicieuses sur lui et il t’a méchamment refoulé?
Trop. C’était trop. Je n’en pouvais plus. Mon coming out forcé. Ma tentative d’approche qui s’était transformée en une tentative de meurtre. Le fait qu’on soit perdus…
-Arrête…
-Ou alors t’as approché tes lèvres de petite pédale des siennes et il t’a collé une crampe?
-Arrête…
-C’était ça en fait. T’as voulu te la jouer romantique avec le coucher de soleil…
-Tais toi…
-…Mais t’as tout gâché en te collant contre lui comme une chatte en chaleur…
-Putain Ellie!
-…Enfin une chatte qui bandait dur contre sa cuisse et…
-LA FERME!
Je la poussais de toutes mes forces en arrière, ivre de rage et de colère. La haine décuplant mes forces et je regardais son visage moqueur s’enfoncer dans l’obscurité, ses traits se déformer en un masque de terreur alors qu’ils descendaient, descendaient, passaient le niveau du sol et…
Je clignais des yeux, écoutant passivement son hurlement décroître de seconde en seconde avant d’entendre un bruit d’éclaboussures.
« Je crois que j’ai trouvé le lac. »
Le silence se fit total. Même le vent dans les branchages paraissait avoir cessé de souffler.
Les animaux et oiseaux de nuit s’étaient tus. Comme s’ils retenaient tous leur souffle.
En mon sein une sombre lueur de contentement se faisait une place et je ne faisais rien pour l’arrêter. Ses mots avaient cessé. C’était ce que j’avais souhaité.
Pendant une seconde j’avais l’impression d’être dans une bulle de folie. Cette conne avait fermé sa grande gueule.
C’était magnifique. Cette forêt était magnifique. La faune discrète était magnifique. Connor était magn…
Mais Connor aimait Ellie…
Et j’avais…
-Merde!
Un hurlement de douleur suivit de nombreux coups dans l’eau me fit sortir de ma transe. Ellie venait de refaire surface. Blessée sans aucun doute.
J’attrapais ma lampe dans mon sac et me précipitais au bord de…
Mon faisceau éclaira la fin de la plateforme rocailleuse.
…Au bord de la falaise au pied de laquelle prenait source un lac d’eau si claire qu’elle en était transparente même dans l’obscurité.
-ELLIE!
Sans attendre je jetais la torche électrique et sautais dans l’eau quelques mètres plus bas.
Lorsque je refis surface à moitié assommé -de toute évidence ce n’était pas peu haut- ce fut pour agripper une blonde trempée qui se faisait attirer vers le fond à cause de son sac à dos, me faire à moitié étrangler par ses mains tremblantes mais pourvues de la force étonnante de la peur, et bien entendu, me faire percer les tympans par ses cris de douleur lorsque je heurtais malgré moi ses jambes.
-Cameron! Je hurlais afin de savoir vers ou aller.
Deux faisceaux de lampe torche nous éclairèrent rapidement, et j’aperçus le blond jeter ses affaires pour venir m’aider.
Lorsqu’enfin nous la hissâmes sur ce qui semblait être une plage de roche, je pus voir sa jambe former un angle inquiétant à partir de son genou.
Mon dieu mais qu’avais-je fait?!

OoOoO
-…Ce sale bâtard! Il m’a poussée ce connard! Cet enfoiré psychotique m’a poussé de la falaise! Pourquoi vous faites rien hein?!
Un feu avait été allumé sur la plage de graviers fins et de roche claire, Connor montait seul la tente avec des gestes saccadés, Ellie était allongée près du feu, ses vêtements avaient été coupés par Cameron pour ne pas déplacer sa jambe. J’étais retourné chercher son sac dans l’eau, autant pour m’occuper l’esprit que pour m’écarter de ses cris de rage et de l’effrayant stoïcisme du blond.
Quand je revins près des autres ce fut pour poser mes yeux sur la jeune héritière aux cheveux trempés et emmêlés, étendue sous deux de nos sacs de couchage, presque fiévreuse de douleur et qui avait cessé de hurler pour se mettre à gémir.
Je ne savais pas ce qui était pire.
-Pourquoi? Pourquoi tu ne fais rien Cameron? Il a voulu me tuer! Il m’a jetée de la falaise! Murmura-elle les larmes aux yeux, terreur et désespoir s‘alternant dans ses pupilles chaque fois que son regard oscillait de lui à moi.
Pourquoi ne faisait-il rien? C’était la question. Je ne comprenais pas. D’ordinaire même moi qui suis pourtant un intello pacifiste j’aurais massacré le type qui avait fait du mal à mon ami. Au moins pour effacer le doute du « et si » .
Mais ici loin de la société épurée et réglée comme du papier à musique que nous avions quittée deux jours plus tôt, les règles étaient différentes. Et je sentais que Cameron faisait tout pour ne pas céder à ses instincts primaires.
Parce que dans une forêt vierge nous n’étions que quatre animaux de plus.
Quatre bêtes aux réactions naturellement incontrôlées.
Si même lui en venait à perdre son naturel citadin nous finirions par nous égorger à tour de rôle.
Parce qu’ici il n’y avait ni police pour nous faire craindre des représailles et/ou nous arrêter à temps, ni hôpital et chirurgiens pour corriger nos conneries.
Le blond accroupi aux côtés de son amie leva les yeux vers moi en lui passant une main dans les cheveux pour l’apaiser.
-Parce qu’il n’a pas fait exprès.
Son regard était comme une question. L’avais-je fait exprès? Avais-je vraiment cru que devant nous s’étendait une simple clairière? N’avais-je pas vu cet éclat de lune dans l’eau miroitante? Mon cerveau l’avait-il occulté?
Une fois encore je n’en savais strictement rien. Et je m’apercevais peu à peu comme tous les participants au périple qu’aucun de nous ne nous connaissions véritablement. Je me découvrais peu à peu une personnalité effrayante et j’avais peur de lui céder la place.
-Parce qu’il ne l’a pas fait exprès, et parce que juste ensuite il a plongé pour te sauver. Tu crois franchement qu’il l’aurait fait s’il avait voulu te tuer?
Encore une fois il plongea ses yeux dans les miens et je tremblais intérieurement.
« J’espère que c’est la vérité ». Semblaient-ils hurler.
Je fis un pas en arrière, butant sur un sac au passage et m’éloignant de quelques pas, allant aider Connor avec la tente.
C’était l’enfer. Je ne pensais pas qu’il aurait put avoir une apparence aussi paradisiaque et magnifique que cette forêt, mais il n’y avait pas de doute, c’était l’enfer.
Le brun leva la tête de son piquet qui ne risquait pas de s’enfoncer dans la roche, parut hésiter un instant avant de le jeter et de se ruer sur moi.
Je ne peux pas dire que je ne l’avais pas vu venir, mais honnêtement, je n’imaginais pas qu’il avait autant de force.
Le choc me propulsa en arrière et son corps s’écrasa violemment sur le mien alors que je touchais le sol. Ma tête heurta la roche et ma vision se fut altérée un court instant. Assez pour que le brun me roue de coups de poings, m’enfonce ses genoux dans le ventre et me fasse sentir la haine profonde qui l’habitait.
Sa rage n’avait d’égale que sa force et très vite je sentis le sang couler de mes lèvres à mon cou, et de l’arrière de mon crâne au sol de pierre brute.
Cela eut le bénéfice de me faire réagir. Je bloquais son poing et basculais au dessus de lui d’un coup de reins.
La tête me tourna alors que je me retrouvais à cheval sur ses hanches, et je m’appuyais sur ses épaules pour me maintenir à peu près droit. Je lui décochais un coup de poing de faible puissance dans la mâchoire avant qu’il ne réagisse et reprenne l’avantage, et profitais du calme d’après coup pour porter ma main à l’arrière de mon crâne pour sentir sous mes doigts mes cheveux, mon sang et du gravier se mêler les uns aux autres.
Je dus faire une grimace de douleur car Connor se mit au dialogue. D’abord on frappe, ensuite on cause.
-Alors? Que s'est il passé cette fois? Elle a refusé de gober tes conneries et de tomber dans tes bras alors que tu la menaçait du vide? Alors tu as du lui montrer que tu étais sérieux?
Sans savoir pourquoi, je fermais un œil. Peut être pour mieux comprendre, comme lorsqu'on penche la tête pour mieux capter le réseau au téléphone... Peut-être aussi à cause des coups que je m'étais pris. Quoi qu'il en soit je gardais l'œil droit fermé pendant une poignée de secondes avant de saisir ce qu'il voulait dire.
Effectivement, j'avais l'air d'un fou. D'un tueur en série pas doué du tout mais qui tente sa chance avec chaque membre du groupe.
-T'es vraiment trop con hein. Lâchais-je finalement en ôtant une de mes mains de ses épaules pour la porter à mon ventre qui se faisait douloureux par ses coups.
-Mais va te faire f...
Je bloquais un nouveau coup et gémissais de douleur lorsque ma tête s'agita sous le geste.
-Ce serait avec grand plaisir crois moi, murmurais-je avec un sourire factice. Connor. J'ai plongé pour aller la chercher. Quand bien même je l'aurais jetée volontairement, jamais je n'aurais sauté à sa suite si j'avais su que c'était si haut. J'en savais rien. Je pensais qu'il n'y avait rien d'autre que des roches et de l'herbe.... Non. Tais toi!
Mais avant que je ne puisse faire un geste -je devais être considérablement affaibli- il me coupa:
-Tu crois que je vais te croire?! Demain tu vas essayer de te faire Cameron et lorsque ça ne marchera pas tu vas tenter de le noyer!
Je plaquais ma main sur sa bouche pour l'empêcher de continuer et reculais mon visage pour échapper à ses poings.
-C'est toi que je veux Connor. Toi et personne d'autre. Et de toute évidence je ne t'aurais pas, alors je suis désolé de t'avoir fait peur, c'était involontaire. Et je suis désolé d'avoir jeté Ellie de cette falaise, je n'étais pas au courant. Je voulais simplement qu'elle tombe sur les fesses et se taise de surprise. Tu comprends? Je ne voulais pas lui faire de mal.
Ma main se retira de ses lèvres avec une légère caresse de la pulpe des doigts sur sa peau si douce que je ne pourrais jamais plus toucher.
Je me relevais et lui tendais une main qu'il agrippa fermement pour se redresser. Ma tête me tournais et je ne le vis que très peu s'approcher de moi pour me chuchoter:
-Luz. Je pourrais te tuer maintenant. Mais si je te laisse en vie et que tu m'as menti, que tu t'en prends aux autres pendant leur sommeil ou lorsqu'ils seront seuls, ce sera ma faute. Alors je ne vais te le demander qu'une fois...
Mes yeux troubles tentèrent de se river aux siens qui scintillaient à l'éclat de la lune et du feu au loin.
-...est-ce que si je te donne ce que tu veux tu nous laissera en paix et n'attentera pas à nos vies?
Dans l'air s'élevait une odeur de plantes semi aquatiques, une odeur de terre détrempée et d'eau légèrement croupie, additionnée à celle des fleurs plus loin dans les arbres et à celle de Connor. J'étais fatigué. La nausée me montait à la gorge et je me fis la réflexion que je devais avoir un traumatisme crânien avant de répondre fort dynamiquement:
-Hein?!
-Est-ce que si je couche avec toi tu n'essaieras plus de nous tuer?
-Mais t'es particulièrement borné comme mec toi! Explosais-je à nouveau. C'est une blague bordel de dieu?! Je ne veux tuer personne, je veux faire de mal à personne, et je ne veux PAS te violer! C'est quoi c'est ton trip ça? Être pris de force? Tu veux quoi exactement?!
Je trébuchais en avant, pris d'un vertige, et poussais le brun face contre un arbre sans la moindre douceur pour le plaquer contre le tronc et écraser mon torse dans son dos. -Anecdote ridicule, étant plus petit que lui, je dus lever la tête pour poser mon menton sur son épaule, et finis par lui écarter les jambes par un coup de pied dans les chevilles afin de l'avoir à ma taille-.
Il se défendait et poussais de toutes ses forces sur le tronc pour s'en écarter mais je bloquais ses mains à l'aide des miennes.
-En fait tu es gay et tu t'imagines qu'en étant pris de force tu ne seras pas coupable d'avoir cédé à la tentation par toi même... C'est ça?
Son souffle se faisait rauque alors que je remontais son t-shirt entre nous et passais mes doigts sur sa peau sans la moindre douceur.
-A... Arrête putain!
-Ou alors tu crois que ça va me faire bander de me taper quelqu'un qui n'a aucune envie de moi?
Je pressais violemment mes hanches contre ses fesses et mon entre-jambe totalement au repos frottait contre son pantalon de toile.
-Tu me sens bander là? J'ai l'air d'être un violeur? D'être un sadique?!
Intérieurement je remerciais la nausée qui occupait mes pensées car même sans être d'un naturel violent ou dominateur, la sensation de ses fesses musclées que je matais depuis des années contre moi aurait du me troubler beaucoup plus. Et ce, même si c'était une mise en scène de pseudo viol...
-Luz arrête!
-Réponds bordel! Criais-je en le bousculant encore un peu plus et en sentant sa peau chauffer sous mes doigts. Tu me sens prêt à te sauter là?!
-Non! Non! Je suis désolé! Arrête maintenant lâche moi bon dieu lâche moi!
Sur ses derniers mots il se débattait de plus en plus fort et je me rejetais en arrière en trébuchant avant de me prendre un mauvais coup.
Je vacillais quelque peu et prenais mon crâne entre mes mains, plissant les yeux de douleur. A quelques mètres Connor se rhabillait convenablement et je pouvais sentir son regard sur moi, s'interrogeant sur ce qu'il devait faire. Son instinct citadin lui hurlait sans doute de m'aider, l'autre, le sauvage, de me laisser crever là.
Finalement je sentis à peine son torse se coller contre le mien pour m'aider à me relever lorsque je m'écroulais au sol, pas plus que je le sentis m'amener à la tente et m'allonger sur le ventre pour soigner mon crâne. J'entendais Cameron hurler comme derrière une vitre et les picotements du désinfectant sur ma peau semblaient lointains.
Je crois... Je crois que je me suis endormi. Ou évanoui. Quelle différence?

OoOoOoO
Ce fut la chaleur suffocante qui m'éveilla. Je me redressais sur mon séant et jetais un coup d'œil autour de moi. Mes bras étaient couverts de sueur, tout comme mon torse, et à mes côtés, Cameron et Luz étaient dans le même état.
Nous semblions nous être battus avec le sac de couchage ouvert sur nos corps au moment de nous coucher, et il reposait à présent à mi-cuisse de mes camarades encore endormis.
Mes yeux se portèrent à ma montre qui n'indiquait que six heures du matin. Je n'avais pas beaucoup dormis, et je devais avouer que lorsque j'avais décidé d'organiser ces vacances, j'imaginais plus de joyeuses veillées autour du feu et de longues grasses matinées près d'une rivière...
C'était raté.
Mon regard glissa jusqu'au visage presque serein de Luz. « Presque » parce qu'il aurait pu en avoir l'air s'il n'avait eu un début de cocard sur le haut de la pommette, et si ses lèvres n'avaient pas éclaté en plusieurs endroits. Je ne devais pas être mieux, mais au moins moi je n'avais pas le crâne ouvert et égratigné sur plusieurs centimètres...
Je soupirais et tentais de sortir de notre « chambre » surpeuplée et d'ouvrir les pans de la tente pour laisser l'air circuler.
Lorsque je finis par sortir, j'entendis Ellie gémir de douleur jusque dans son sommeil. Nous lui avions laissé la chambre de gauche pour elle seule, et lui avions filé deux de nos sacs de couchage, n'en gardant qu'un pour nous, le dernier -le sien- étant trempé par sa chute dans le lac.
Pas de doute, ces vacances étaient foireuses.
Dehors le soleil était déjà vif, et le vent faisait osciller les branches des saules au dessus du lac. En plein jour le paysage était encore plus paradisiaque, la surface d'eau était entièrement transparente, on pouvait apercevoir le fond bien qu'il soit profond, et les algues n'étaient pas couvertes de vase comme souvent dans nos lacs et gravières citadines. La roche apparente était claire et « propre » même au fond de l'eau, à croire que la photosynthèse n'avait pas de prise ici bas.
Des bancs de poissons ondulaient sous la surface, s'approchant sans trop de crainte du bord pour goûter je suppose au mucus et à la terre entre les racines des arbres qui surplombaient l'eau. .
Je fis quelques pas en arrière pour me munir de mon appareil. Ce lieu était magnifique. Tout bonnement magnifique.
Subjugué, je restais accroupi au bord de l'eau de longues minutes, faisant capture sur capture d'image de la faune aquatique, lorsque soudain une main se posa sur mon épaule et l'autre sur mes lèvres. Et alors que je m'apprêtais à bondir pour échapper à l'étreinte de Luz, que je n'imaginais pas un instant amicale, et bien au contraire j'avais un nouveau doute sur ses intentions, il tourna mon visage vers les profondeurs de la forêt vierge.
Là, quelque peu en retrait dans l'ombre des arbres se tenait...
…Je n'aurais pas su dire quoi en réalité...
Un félin, pas de doute. Vieux. Oh oui. Par endroits certaines des touffes de poils tachetées de noir perdaient en volume et laissaient apercevoir le cuir de sa peau.
Il se tenait là, assis, noble, droit comme un i avec sa queue entourant son corps comme une liane qui aurait eu une vie propre. Les herbes hautes l'entouraient, le faisant apparaître plus petit qu'il ne devait l'être en réalité. Une soixantaine de centimètres au garrot. Et quel garrot! Les omoplates à partir desquelles se prolongeaient ses pattes avant ressortaient sous sa peau comme si d'une simple pression on aurait pu les faire saillir et révéler leur blancheur immaculée.
Il était maigre. Mais d'une dignité à toute épreuve et il nous fixait immobile, hormis ses oreilles qui guettaient chaque son en provenance de la forêt, de la tente, ou de nous, accroupis dos au lac, collés l'un à autre et totalement figés devant le spectacle qu'il nous offrait.
Avec une lenteur mesurée, je sentis les mains de Luz glisser le long de mes bras jusqu'à enserrer mes poignets de ses grandes paumes chaudes et redresser le Reflex Numérique en direction de la bête.
Je le sentis vaciller légèrement derrière moi, et son torse pesa plus lourdement sur mon dos. Je bandais mes muscles pour ne pas tomber en avant et effrayer l'animal.
Les yeux de ce dernier ne nous quittaient pas une seconde et tandis que je l'observais, le pouce du Latino pressa le bouton provoquant le déclic de l'obturateur qui se fit entendre dans le silence presque total de la jungle.
Aussitôt, le félin s'accroupit dans l'herbe, sur le qui vivre, prêt à fuir. Le souffle de Luz se figea dans mon cou et je l'imitais sans m'en apercevoir. Mon cœur battait plus vite et je m'interrogeais:
S'il allait fuir, ne valait-il pas mieux le mitrailler de photos dès maintenant?
Mon doigt glissa en direction du bouton de déclenchement mais celui du brun résista fermement à ma pression et son souffle reprit le long de ma jugulaire, électrisant soudainement chaque parcelle de ma peau effleurée.
Mes yeux me faisaient souffrir à force de ne pas les cligner et l'air chaud les faisait presque brûler sous mes paupières. Je sentais la sueur de l'homme torse nu derrière moi se mêler à la mienne et je vis du coin de l'oeil une goutte couler du front de Luz vers sa tempe. Une brise d'air chaud traversa les arbres, ébouriffant le poil du félin qui se redressait peu à peu, et plaqua les cheveux du brun contre son visage.
Son pouce pressa l'appareil et un nouveau cliché fut pris, ne faisant que simplement sursauter le grand chat au poils clairs qui acheva de se r'asseoir dans l'herbe.
Nos deux souffles se relâchèrent soudainement et je me pris à sourire en jetant un coup d'œil à l'étudiant étroitement collé contre moi.
Il me rendit mon sourire et ses doigts glissèrent à nouveau jusqu'à mes poignets, me laissant tous les droits sur l'appareil photo. Je tentais un nouveau cliché, zoomant un peu plus sur la bête trop lointaine à mon goût.
Le chat ne réagit pas, et Luz, ne pouvant bouger ses mains pour ôter de sa vue ses cheveux emmêlés et humides finit par pencher la tête vers moi, encore un peu plus, et frotta son visage contre mon cou, à une lenteur hallucinante de peur d'effrayer l'animal.
Un frisson me parcourut depuis la nuque jusqu'au bas des reins et mes lèvres s'entre-ouvrirent pour laisser s'échapper une expiration sifflante, presque gémissante.
Aussitôt, je refermais la bouche, comme quelqu'un prit à bailler aux corneilles en public. La honte.
Contre moi je devinais les yeux grands ouverts du Latino tandis qu'il relevait son visage enfin dégagé de ses mèches de cheveux gênantes.
Nous jetâmes un regard inquiet au félin, mais ce dernier ne semblait pas s'être effrayé de nos mouvements et sons successifs. Bien au contraire puisqu'à présent il s'avançait à pas mesurés dans notre direction, faisant rouler ses épaules et chaque mouvement révélant à nos yeux la moindre vertèbre de sa colonne ondulant sous sa peau aussi fine qu'un voile de soie.
Je suppose qu'ainsi accroupis, presque à quatre pattes nous ressemblions d'avantage à deux grands singes qu'à d'horribles humains. D'un autre côté un singe est assez dangereux pour un animal sur son territoire, et à cette profondeur dans le territoire vierge, je doutais fortement de la présence d'un autre être humain depuis des siècles.
Bref, je le mitraillais littéralement, et les mains de Luz avaient migré sur mes cuisses aux muscles tendus à m'en faire mal, j'en avais les chevilles qui tremblaient presque et la seule chose qui me rassurait était que le latino était dans le même état que moi.
Tentez voir de rester accroupi pendant dix minutes, sans pouvoir poser les mains au sol ni vous mettre d'aplomb...
Pourtant, fait étrange, ses mains sur moi ne me dérangeaient plus. Enfin, elles avaient cessé d'être … « choquantes ». Comme si au final elles avaient trouvé leur place et que nous l'avions accepté.
Bon sauf qu'une fois que j'y réfléchis elles me dérangent peut-être un peu quand même... Non mais.
Une crampe me prit dans la cuisse droite, et je sentis mon muscle se tendre et durcir à m'en couper la respiration sous les doigts de mon camarade qui dut s'en rendre compte car il se mit à appuyer dessus et à bouger sa main de sorte qu'il le massait discrètement.
Là, soudainement, je trouvais ça extrêmement déplacé.
Au contraire du chat qui s'était stoppé sur le flanc, à quelques mètres de nous, et qui émettait soudainement un ronronnement sonore.
Ca n'allait pas du tout là, si même un vieux matou de jungle se mettait à jouer les entremetteurs...
Je claquais de la langue et Luz stoppa sa main, un peu trop à l'intérieur de ma cuisse d'après moi. Ma crampe passait lentement, mais il fallait tout de même que je trouve un moyen de me détacher de ce psychopathe.
Car soudainement je sentais toute l'incongruité de son corps contre le mien, de son menton posé du mon épaule, de ses cheveux dans mon cou, se nos peaux nues jusqu'à la taille qui étaient si bien collées l'une contre l'autre que son souffle les faisaient se frotter tendancieusement et glisser de façon obscène grâce à la sueur qui avait pris place entre nous.
Mon coeur s'emballait peu à peu. En plus il s'agissait du fou qui avait failli me tuer et qui avait blessé Ellie...
Même si effectivement, il se pouvait que ce ne soit que des accidents fortuits...
Mais c'était aussi celui qui nous avait perdus...
Même si oui, c'était Cameron en réalité qui l'avait fait, et après tout nous avions trouvé le lac...
Mais c'était le gay qui me voulait dans son lit!
Même si jusqu'à présent il était resté respectueux, et que si je lui demandais oralement d'ôter sa main de ma cuisse il le ferait sans rechigner...
Mais il était Luz! L'intello, le boursier, le pauvre! Je n'avais jamais parlé avec lui plus de vingt minutes...
Mais peut-être que vingt minutes de contact total en silence et dans un lieu pareil pouvait nouer des liens...
N'importe quoi!
Pathétique torture mentale de mec sans la moindre volonté!
Il fallait que je bouge. Maintenant!
Mais ce chat... Ce félin... Jamais je n'en avais vu de tel...
Je ne pouvais pas...
Un bruit rompit brusquement le silence. Nous fit sursauter et fit faire au vieux chat un bond prodigieux jusque dans un arbres puis s'enfuir ensuite entre les branches de la forêt.
Luz et moi nous écroulâmes sur la « plage » étendant nos jambes ankylosées et maudissant intérieurement Cameron qui venait d'ouvrir la fermeture éclair de son sac à dos à l'intérieur de la tente.
-Un Serval, souffla Luz allongé derrière moi, son haleine brûlante cognant ma nuque et je me retournais vers lui en m'éloignant que quelques centimètres.
-Hein?
-Ca ressemblait à un Serval. Mais je dirais croisé avec un Caracal au vu de ses oreilles...
-Un Sercal... murmurais-je sans y penser avec un doigt sur mes lèvres. Sercal.. Serraquedale...
Je baissais les yeux sur Luz qui me fixait avec un grand sourire:
-Et après c'est moi qui me suis cogné la tête hein... Je t'ai jamais entendu faire de l'humour aussi pourri Connor...
-Tu dois me troubler sans doute... Répliquais-je sans y penser. Le mode auto-convers' ne me réussissait vraisemblablement pas, et je me hâtais de me redresser pour faire mine de ne pas avoir vu le brusque éclat d'espoir dans les pupilles sombres aux reflets divins et aux paillettes dorées et... Nan définitivement, ses yeux étaient juste brun banal-beurk. Pas de chocolat chaud, pas de noir onyx ou Mac Adam, pas de poussières d'étoiles. Juste brun banal-beurk.
-Hello! Cameron jaillit près de nous, un sourire timide accroché à son visage. Ca va la tête Luz? Oh merde, vous verriez vos gueules d'amochés...
-On a un peu déconné hier hein, fit le mexicain en ouvrant son treillis et en dezipant la tirette.
-Un peu? On a tous complètement disjoncté! S'exclama le blond en faisant de grands signes de mains tandis que je lançais d'une voix outrée sans prêter attention à leur dialogue « Mais tu fous quoi Luz? R'habille toi! ».
-Ca doit être l'immersion en pleine nature qui fait ça, et les conneries d'accidents et d'emmerdes qui nous poursuivent... Et qu'est-ce que tu veux que je fasse Connor? Je vais me baigner!
Je me retins de couiner pitoyablement « Et les crocodiles? », car oui il y en avait dans la région, et je m'abstins parce que l'eau était bien trop claire pour abriter autre chose que trois bancs de truites...
...et peut-être aussi parce que la vision des fesses à peine plus claires que le reste de la peau de Luz alors qu'il plongeait dans l'eau du lac me laissa sans voix.

La journée passa rapidement... Entre baignades et faibles sourires. Du moins, tant que nous arrivions à contenir la douleur d'Ellie.
La pauvre Ellie qui se tordait de souffrance sur sa couche et que nous avions trainée jusqu'à l'eau pour la rafraichir, la faisant hurler à m'en donner des larmes aux yeux de peine partagée lorsque sa jambe changeait imperceptiblement d'angle.
Et nous priions pour que la nuit arrive et nous entraine dans un sommeil réparateur, car demain, demain l'hélico viendrait nous rejoindre et nous pourrions embarquer l'héritière à l'hôpital.
Et ce cauchemar serait oublié. Et peut-être même reviendrions nous entre hommes finir nos vacances?
C'est sur cette perspective d'espoir que nous nous couchâmes tous trois à la nuit tombée, Luz ayant shooté Ellie à un cocktail de médicaments assez fort pour la faire dormir jusqu'au lendemain.

Je m'éveillais dans les bras d'un certain homme qui me fixait avec un sourire un peu trop affectueux à mon goût.
Je jetais un coup d'œil à ma montre qui n'indiquait que sept heures du matin et je dévisageais Luz, les sourcils froncés.
Je n'avais pas « trop » chaud.
-C'est toi qui m'a réveillé? Arguais-je.
-Non, c'est toi. Tu as sursauté.
Pourtant je n'avais pas fait de cauchemar...
Je plissais les yeux et me figeais.
Un vronbissement se faisait entendre au loin.
-L'hélico! C'est l'hélicoptère! M'exclamais-je en sortant en courant de la tente, piétinant Cameron par la même occasion.
Je courrais jusqu'au bord du lac et scrutais le ciel lorsque les deux autres me rejoignirent.
-Il est encore loin, murmura le mexicain.
-On a pile le temps de faire nos sacs, rit Cameron avant de partir rouler ses affaires à la va vite.
Nous l'imitions et décidions de laisser la tente là jusqu'à notre retour. Nous ne pouvions pas la défaire assez vite pour prendre l'hélico, de toute manière.
Quelques minutes plus tard nous étions tous les quatre sur le rebord du lac à attendre notre sauveur qui se faisait étrangement attendre.
-Vous le voyez toujours pas?
-Nope..
Les minutes défilèrent et mes mains se mirent à trembler tandis que je fixais Luz qui se mordait la lèvre sans douceur, faisant éclater les quelques plaies à peine refermées qui s'y trouvaient.
-C'est pas normal, marmonna-il.
-Mais si il va arriver, contrais-je.
-J'ai l'impression qu'il tourne au loin.
-Tu racontes n'importe quoi, répliquais-je sans voir le regard angoissé de Cameron.
Trois minutes défilèrent encore, le mexicain craqua et finit par ouvrir son sac et sortir nerveusement toutes les captures d'écran qu'il étala sur le sol.
-Rappelez moi pourquoi on a pas de téléphone satellite, susurra-il en scrutant les photographies.
-Parce que dans tous les films c'est le premier truc qui lâche, répondit Cameron. Rien qu'à voir, ils finissent même dans des ventres de tyrannosaures...
Je cillais.
-Connor, me dis pas que c'est vraiment avec des arguments aussi bidons que tu as accepté de partir avec lui?! S'exclama Luz, qui fixait à présent les captures en tremblant largement.
-Ils avaient l'air moins bidons aux Us, je te jure...
-Les fusées de détresse?
-Dans mon sac, répondit la voix enrouée de la blonde qui émergeait à peine.
Le brun jeta un coup d'œil au sac détrempé et plongea la main à l'intérieur, pour en sortir quatre fusées hors d'usage.
-Merde! Merde, merde, MERDE! Se mit-il à hurler soudain en frappant le sol à s'en écorcher les paumes. C'est pas possible BORDEL!
-Luz putain c'est quoi le problème?!
-Il viendra pas... Il viendra pas parce que qu'on n'est même pas au PUTAIN DE BON LAC!


J'ai déjà précisé que ces vacances s'annonçaient définitivement... Bien?



============================================
Voilààà merci aux courageuses de m'avoir suivie jusque là. N'oubliez pas que vous pouvez prendre la suite vous même, elle sera publiée icisi vous le désirez.
Pour les coups et blessures que vous projetez de me donner, adressez vous à Alex ou Véiane, elles s'occupent de ma sécurité.
Bisous je vous aime quand même =D


Par Absynthe - Publié dans : Cock Tales Cocktails - Communauté : A l'ombre des romances...
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