Mercredi 14 mai 3 14 /05 /Mai 02:04

Il était  encore  tôt. Nous  n’avions  plus  de  montres  ou d’horloges  depuis  longtemps.

Tout ce  qui était  métal avait  fondu, même  sur  leur propriétaire.

Le  soleil venait  à peine  de  se  lever  et  nous  partions  déjà du campement  pour  aller  chercher  de  la  nourriture pour  les  autres.

Voilà deux semaines  que  ces  monstres  ont  ravagé notre ville. On y était bien pourtant, plusieurs  milliers  d’êtres humains. C’est vrai qu’il y avait des inégalités, des  gens pauvres, des  morts, des  femmes  battues. Mais  dans  l’ensemble  la  vie  était  belle.

Aujourd’hui je  me retrouve  là avec  une quinzaine de survivants, de  rescapés. Coup de  bol ou pas, les  vieux et  les  blessés  sont  morts durant  les  premiers  jours.

A  présent  nous sommes une  bande, une tribu de jeunes. Aucun ne  le  montre, mais  nous  sommes  morts  de  peur.

Ces cavaliers fouillent les  forêts et les  vallées à la  recherche d’êtres  humains  à torturer.

Mais  ce matin il fait  beau. Certains d’entre  nous  sourient même. Quant à moi je  foule  ce  sol détrempé avec  plaisir, il n’y a  pas eu de  bagarres depuis quelques  jours, nous  allons  enfin pouvoir  entamer  une  reconstruction.

Quelque  chose, un abri n’importe  quoi, car  sans  ça  nous  ne  passerons pas l’hiver.

 –Hé ho Kaelith, tu rêves ?

Kaelith, oui, c’est bien moi. Bien sur  que  ce  n’est pas  mon nom de  naissance. Mais  comme  tout  le  monde ici, je  modifie mon nom.

Il n’est plus  question de  nom de  famille, de  ville  d’origine. Nous  ne sommes  plus  rien désormais.

Plus  rien n’est comme  avant. Certains  regrettent, moi j’estime que c’est une  bonne  chose. Nous  avions  besoin de  changement.

Peut-être  pas  aussi radical, mais  désormais  c’est fait.

Heu oui excuse  moi, je  rêvais…

Je  replace vivement  une  mèche de cheveux noirs de gai derrière  mon oreille.

Son nom ? Aucune  idée, et  à vrai dire  je  m’en contrefiche. Il ne  vivra  plus  longtemps  je  le  sent.

De toute  manière  il m’agace avec  ses  grand  yeux en amande qui me  scrutent  tout  le  temps, je  ne  comprend  pas  pourquoi il me  regarde  ainsi tout  le  temps.

Le  pire  c’est que je  n’arrive  jamais  à m’empêcher de rougir  bêtement. Je  baisse  les  yeux  vers  lui, il est plus  petit  que  moi, d’une  tête  au moins. C’est vrai que  je  frise  le  mètre quatre-vingt.

Qui a-t-il ?

–Rien je  voulais  juste  te  voir  troublé, t’es  tellement mignon quand  tu tripotes  tes  cheveux.

Il m’agace… Je  fronce les  sourcils  et passe ma main sur le visage de  consternation pour  masquer ma gêne.

Ca  y est il recommence  son sourire  colgate. Il m’énerve.

Quand  il sourit  ainsi je  peux  voir  ses lèvres  pulpeuses dévoiler ses dents impeccablement blanches. Je  détourne  les  yeux, nous approchons de  la plaine. Elle  est dangereuse en journée, les cavaliers passent de  temps  à autres.

Bon dieu de  merde  c’est quoi CA ?!

C’est un autre du groupe qui s’est exprimé. Celui là je ne l’aime pas, mais alors pas du tout. Il reluque tout le monde avec  un œil de boucher.

Et  en plus  il s’énerve tout  le  temps.

Je  suis  son regard dans  la  plaine  et  me  fige.

Spectacle  incroyable, un énorme cheval d’Outre  Terre se promène  sans  cavalier.

Il trottine  gaiement comme  un poulain que  l’on vient  de  sortir  du box. Je  ne  le  quitte  pas  des  yeux. J’en avais  déjà vus des  grands mais  celui là surpasse  tous  les  autres  par  sa  musculature !

Nous  nous  avançons, les  montures de  ces  Choses ne  nous  ont  jamais  fait  de  mal. Elles  semblent  passives.

Un éclair  jaune  me  parvient. Il nous  a  vus.

D’ailleurs  il s’immobilise.

C’est quoi ce  truc ?!

Le  truc  en question semble  être  un humain. Il s’immobilise et  regarde  dans  notre  direction. Il parle  avec  l’étalon. Génial, un être  humain timbré.

C’est une femme !

Oh non… Pas  ça… Tout  mais  pas  ça..

-Al Hataal, pourquoi ils nous  regardent  comme  ça ? –Ils  nous  regardent  comment ?

–Ben je  sais  pas  trop y en a  un qui m’a  l’air  consterné, un autre  inquiet, et  les  cinq derniers sourient comme  un chasseur  ayant  acculé  sa  proie.

–Ne  t’inquiète pas vous  êtes  de  la  même  race…

-C’est pas ça  qui les  empêchera d’être  mauvais  Al Hataal… Les  humains ne  font  pas  de  différence.

Dainsleifin, fronça les  sourcils. Prise  d’un doute  elle  défit Dainsleif de son fourreau improvisé et  la  tint d’une  main.

La  lame  scintillait sous  le  soleil, les sept hommes  s’immobilisèrent. L’un d’eux, celui qui avait  l’air  consterné auparavant sembla rassuré.

Il murmura quelque chose  à ses voisins  et  intima  l’ordre  aux  ordres de  faire  demi-tour avec  un petit  sourire  de  soulagement.

Ils ne  pourraient pas  la  toucher, elle  était armée et eux non. Le Meshamhaan se tenait droit  aux  côtés  de  la  jeune  femme et  ne  pipait  mot, il semblait  s’impatienter.

Aby on n’a pas le temps pour ces enfantillages, soit  vous  parlez, soit on s’en va.

La jeune  femme  leva  vers  lui des  yeux  surpris et  répondit  à voix haute.

 –M’enfin attend, c’est les  premiers  survivants  que  j’aperçois et  tu voudrais  que  je  ne  leur  adresse  pas  la parole ?

–Sisi adresse  leur  la  parole  mais  DEPECHE TOI !

–Rah ça  va  ça  va hin.

Les  hommes avaient interrompu leur demi-tour en voyant  la  demoiselle  parler  à un animal. L’un d’eux  ricana:

 –Hahaha, elle est complètement timbrée !

Elle  tourna  le  regard  vers lui et  le  détailla de  haut  en bas  avec un regard  plus  que  dédaigneux qui lui fit  froid  dans  le  dos.

–Tu peux  répéter tas  d’os ? Intima-elle, plus  que  menaçante  en faisant  un pas  en avant, imitée  par  l’étalon.

–Hé  bien je  disais  que…

-On va  y aller, tu la  laisse  tranquille Roehn, ordonna  d’une  voix claire l’homme  aux  longs  cheveux  noirs.

–Mais…

-Il a  dit qu’on y allait, alors  on y va  et tais  toi maintenant, dit  un autre, plus  petit avec des magnifiques  yeux  en amandes qui ne semblaient s’intéresser qu’ Kaelith.

Ils  firent lentement demi-tour, lançant  des regards  haineux vers la  jeune femme et  son épée. Cette  dernière  remis l’épée  à sa  taille, et  grimpa  en selle. Kaelith se  retourna et lui fit  un geste de  la  main auquel elle répondit d’un hochement de  tête.

Elle  murmura à Al Hataal d’avancer et  il partit  au petit  galop. Quelques instants  après  elles  ne  pouvait  plus  voir  les  hommes : « Géniaux  les  survivants tu trouves pas  mon beau ? »

-Personnellement je ne comprends pas pourquoi ces rapports ont été  aussi antipathiques.

–Hm c’est assez simple  dans  l’ensemble. Les  êtres  humains estiment  que  selon l’age, le  sexe, la  couleur  de  peau ou l’origine sociale, un être  a  plus de  raison qu’un autre  de  briller  et  d’être respecté. Tous  sont  de  la  même  race mais  ils  semblent  avoir  toujours  besoin d’un rapport de  force entre eux. Quand  bien même nous  serons tous  de  la  même  couleur de peau et  de  cheveux, ils  feront une  séparation par  rapport à la  couleur  de  nos  yeux. Lorsque nous  serons tous  clones, ils chipoteront sur le territoire  d’origine. Et  le  jour ou tous  les  êtres en vie, seront  identiques et nés au même  endroit au même  instant, ils  trouveront  un gène ou une  pensée  qui les  différencient et  se  feront  à nouveau la  guerre.

–Vu comme  ça  je  comprend  mieux, mais  j’aurais  pensé  qu’avoir  un ennemi commun les  aurait  ralliés.

–Je  pense  que  face  à l’ennemi ils  seront tous  sur  le  même  pied  d’égalité oui, mais  une fois  le danger  passé, la  fierté  et  l’orgueil reprendront le dessus. Mais  dis  moi Al Hataal, pourquoi t’intéresse tu d’un coup à notre  race ? D’habitude tu t’en contrefiches, de  moi comme  de  mon peuple.

–Tu veux  la  vérité ?

–Oui je  veux la  vérité.

–Très  bien… Il  soupira. C’estjustequej’entenddescrisetdespleursetjesupposeà justetitrequ’ilssesontfaitsarrèterpardescavaliersmaisvuquetunesaisabsolument pastebattrej’aipasenviequetumeuresmaitenantvuqu’iln’yapersonnedignedemoi. L’air sembla s’alourdir d’un coup, l’étalon pouvait sentir monter la colère en sa cavalière.

Bien qu’il avait  débité cette tirade  à toute  allure  dans  l’espoir  qu’elle  n’y comprenne  rien, elle  avait  saisi l’essentiel, et l’immobilisa d’un coup sec.
Par Absynthe - Publié dans : Dainsleifin ou La Menace d'Outre Terre
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