Seth descendit tranquillement les marches du train, prenant le
temps d’observer les torches des barques sur le lac au loin ainsi que les calèches sur le chemin de Poudlard, de sentir l’air surchargé de sourires et d’insouciance.
Pour ces enfants l’école est une forteresse imprenable tenue par Severus Snape, un de ces nombreux héros de guerre que l’on vénère sans retenue, bien qu’on leur ai presque craché dessus auparavant. Ses
bottes lacées crissèrent légèrement tandis qu’il marchait sur le gravier en direction de la soute à bagage.
Du coin de l’œil il aperçu la dernière calèche qui l’attendait calmement, les deux sombrals qui y étaient attelés patientant jusqu’à ce qu’il arrive, tirant sur les branches des arbres dans l’espoir, non d’en manger une ou deux feuilles, mais plutôt dans celui de
voir tomber un quelconque moineau ou
écureuil.
Il leva les yeux vers le ciel qui s’assombrissait peu à peu. Cinq années de répit, cinq années sans utiliser la magie…
Y arriverait-il encore ?
Retrouverait-il sa force et sa puissance d’antan ?
Aurait-il le même niveau qu’après ses mois d’entraînement intensifs avec toutes sortes de duellistes, et surtout comme entraîneur principal, l’impitoyable Severus, maître en magie noire et blanche ?
A ce souvenir il sourit, se remémorant les premiers cours durant lesquels aucun des deux ne voulait ravaler sa fierté pour avancer ensemble…
Ca avait été Hermione qui, après une énième dispute, les avait réconciliés pour de bon, les laissant pas forcément amis, mais au moins coéquipiers.
–Hermione…
Seth soupira longuement au souvenir de ce nom tant aimé.
-Vous avez dit quelque chose ?
La voix fluette le fit relever les yeux vers un petit homme à moustache et robe de sorcier violet sombre.
–Non, rien du tout, répliqua-il rapidement.
–Ah très bien, vos bagages sont les derniers restant je suppose.
Seth hocha la tête en toisant froidement le petit homme. Les sorciers ont une capacité assez étonnante à parler pour ne rien dire, se dit-il.
–Je vous les mets dans la calèche ?
–Non laissez, je vais les y mettre moi-même, puis on ne peut pas dire qu’elle soit bien loin, répondit-il en faisant un vague geste de la main vers l’attelage de sombrals.
A ce mouvement du poignet, les deux
valises s’élevèrent dans les airs comme si elles n’avaient pesé pas plus de vingt grammes chacune, et atterrirent sous le siège du carrosse, reprenant leur poids d’origine et faisant grincer les
suspensions de la carriole.
« Bon… Pour la magie, je crois que la puissance est encore là… Reste à réussir à la maîtriser à nouveau… », se dit le jeune homme
pour lui-même, surpris mais prenant la chose avec flegme, foudroyant du regard le bagagiste qui avait
levé les sourcils de surprise face à sa magie sans baguette, et en plus sans concentration apparente.
–Bon, ben avec ça, on a pas de souci à se faire pour les élèves, entre vous et les autres vétérans de la guerre, ils sont bien gardés. Vous-Savez-Qui serait vous bien stupide d’attaquer Poudlard cette année.
–Il est mort depuis cinq années, vous ne savez pas lire les journaux ?!
–Haha, mais dans les journaux comme vous dites mon bon monsieur, on n’a rien dit de la sorte ! Juste que Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom et le Survivant avaient disparu de la surface de la Terre ! Pauvre gosse d’ailleurs…
-C’est pas vrai, siffla Seth en tournant le dos au moustachu, dites moi que c’est pas vrai…
Il grimpa dans la calèche, marmonnant un mot annonçant le départ aux Sombrals, et s’installa sur le siège noir, croisant les jambes et passa ses doigts sur son œil. C’est pas possible…
« Faut croire que si… » Susurra le serpent à son bras. Tout ça pour que ces imbéciles continuent à craindre un monstre…
-Au revoir monsieur ! Bon courage ! S’égosilla l’employé du Poudlard express en remontant dans le train, passant lui aussi ses doigts sur sa paupière :
-Sacrément moche son œil à celui là, carrément effrayant… Pauvre gosse moi jdis…
Les minutes passèrent en silence, Seth ruminait toujours, il ne comprenait pas. Il l’avait tué, et personne n’en savait rien. Tous ces gens continuaient à vivre dans le doute.
Il ferma les yeux lorsque le sang et l’horreur de la dernière bataille lui revinrent en mémoire.
Ne préférant pas y penser il se pencha à l’avant de la calèche,
posant sa paume sur la croupe abîmée d’un des Sombrals.
–Dites moi, y aurait-il une possibilité d’aller un petit
peu plus vite s’il vous plait ?
Deux têtes aux
yeux blancs se tournèrent vers lui dans un angle
impossible en temps normal tout en continuant de trotter
vivement, l’une d’elle hocha la tête en le fixant, et en
un instant ils passèrent à l’allure supérieure, faisant
claquer leurs sabots creux sur le sol à une
allure toujours plus rapide.
–Merci beaucoup, murmura le jeune homme, conscient de la générosité des bêtes.
Il retira sa main de la texture glacée de la chair nue, et se r’assit, passant déjà sa sacoche jaune fluo autour de son cou.
Les grandes portes de
Poudlard avaient déjà été refermées lorsqu’il arriva. Il lança un sort de lévitation non formulé et ses
bagages s’élevèrent dans les airs une nouvelle fois, à la différence que ce sort ci fut
contrôlé.
Un semblant de sourire effleura ses lèvres, avant de
faner pour laisser place à un masque impassible. Il flatta rapidement les Sombrals et passa les portes, arrivant dans le hall, déposant ses
bagages à côtés des autres et se hâtant d’avancer vers la
grande salle dans laquelle régnait une effervescence
rare.
Dans le couloir y menant, il aperçu Amanda et Seamus menant les élèves vers la salle, Amanda se trompant de chemin, et Seamus riant à plein poumons.
–Amanda ! Je viens de te dire que c’était la première porte à droite !
–Ah oui? J’avais oublié !
Tous deux éclataient d’un grand rire, et les élèves les imitaient, bien que plus discrets. Chacun retrouvait de vieilles connaissances, les
élèves se racontaient en pouffant les cours élémentaires
dispensés par les employés du ministère durant cinq années.
La plus part d’entre eux avaient du prendre des cours par correspondance pour avoir un niveau correct, les plus chanceux avaient pu être intégrés dans l’école de Beauxbatons. Aucun pourtant n’avait osé postuler à celle de Durmstrang, le côté magie noire, et science du combat rebutait les nouvelles générations.
Lorsque Seth atteint les portes, une partie des élèves étaient installés au hasard aux tables. Seuls les cinquièmes, sixièmes et septièmes années connaissaient déjà leurs
maisons respectives.
Au milieu de tout ce chahut, un homme gardait son sang froid.
Un seul restait impassible. Même Harry était troublé par l’ambiance et ne pouvait s’empêcher de se souvenir de ses années dans l’établissement.
Et il s’élevait là, au pied des marches de l’estrade.
Severus Snape.
Entièrement vêtu de noir.
L’air toujours aussi glacial. Toisant chaque élève ou professeur qui pénétrait dans la pièce, le transperçant de son regard, usant d’occlumancie sur certains, ceux assez confiants pour être sondés. Son regard se posa sur Seth.
Tous d’eux eurent un instant d’arrêt. L’un par surprise de voir que son professeur n’avait pas pris une ride ou un centimètre de cheveux en cinq ans, l’autre par surprise de voir un élève n’ayant aucun esthétisme être devenu une sorte de créature de la nuit.
Un être étrange qu’on ne devrait pas même voir à la lueur d’autre chose que du clair de lune.
Le directeur de Poudlard cligna des yeux, faisant briller ses orbes noires dont on ne distinguait pas la pupille tant le reste était sombre.
Il était loin l’élève dont on se moquait pour ses vêtements trop grands, ses cheveux en pagaille et ses lunettes immondes. Il était loin le garçon souriant dont les yeux pleuraient sans cesse et sans larmes, qui faisait fi de ses malheurs au profit d’un espoir trop fou…
Ce n’était plus la même personne.
C’était un autre être.
Quelqu’un qui semble avoir accepté sa part de noirceur…
Trop grande pour ne pas dépasser les limites de la pensée. Un jeune homme…
Non.
Un homme.
Un homme qui s’assume entièrement. Qui vit avec ses erreurs et ses horreurs. Un être qui subit les fantômes de son passé. Qui les subit et les combat. En quelques enjambées sur le passage desquelles les élèves s’écartaient craintivement, Snape rejoint le jeune homme immobilisé à dix mètres de la porte.
Trop de souvenirs remontaient à la surface.
–Monsieur Evans… Il fit siffler la dernière lettre de longues secondes après l’avoir prononcée.
–Professeur Snape…
Tous deux se fixaient en chiens de faïence. Tous deux
re-visionnaient leurs dernières années, les derniers mois qu’ils avaient passé ensemble, à s’apprendre tous les tours et les
ficelles de l’art de combattre.
« Serpent Shyinn… » Siffla le sang glacé au poignet de Seth, avant de remonter en gloussant comme peut glousser un serpent qui a fait une blague.
–Joli œil monsieur Evans, chuchota Severus.
–Et vous j’aurais juré vous voir vous prendre des sorts de découpage, pourtant pas une ride depuis notre dernière entrevue, répondit Seth sur le même ton.
–Les miracles des sorts de dissimulation que voulez vous.
Pas un sourire ne fut échangé. Pourtant ces deux êtres amers, ces deux hommes malmenés par la vie eurent une lueur dans le regard.
Le genre de lueur qui signifie que l’on a en face de soi quelqu’un comme nous. Quelqu’un qui nous comprend. Pas de la joie. Du soulagement de ne pas être seul.
–Ne le dites à personne, mais je crois que je suis heureux de vous voir parmi nous, susurra le plus âgé.
–J’emporterais ce secret dans ma tombe. Après tout, ce serait honteux pour moi de le dévoiler.
–Voilà qui m’arrange monsieur Evans, sa voix reprit un ton normal, glaçant pour ceux qui ne le connaissent pas. Je vous invite à me suivre jusqu’à la table des professeurs. A moins que vous n’ayez décidé de continuer à observer la grande salle avec un air de goret surpris accroché au visage encore longtemps bien sur.
En un claquement magistral de cape, le directeur retourna à son estrade, gravissant les marches et s’appuyant contre la table des professeurs.
Après quelques secondes de battement, Seth le suivit, non sans contempler les différentes tablées. Très peu d’élèves osaient approcher la table des serpentards. Après tout… C’était la table du Mal.
Tous s’agglutinaient le long des tables Serdaigles, Pouffsoufles et Griffondor. « S’ils savaient d’où viennent les pires traîtres… ».
Harry s’installa, déposant son sac, qui jurait affreusement avec les couleurs alentours, sur la table de bois vernis, taillé et décoré.
« Comme au Moyen-âge… ».
La voix du maître des potions s’éleva dans la salle, amenant chaque élève ou professeur au silence. Invitant tacitement les plus jeunes à s’asseoir, et les plus vieux à le rejoindre au plus vite.
Pas même besoin d’un sonorus, la voix clair et sifflante de l’ancien mangemort instaurait une atmosphère d’écoute et de silence prenante.
–Bien. Si vous voulez bien à présent stopper les effusions de joie plus dégoulinantes les unes que les autres, le professeur Twain et moi-même allons procéder à la répartition entre maison. Bien entendu, cette cérémonie sera bien plus longue que les précédentes vu le nombre de sorciers à répartir. Je vous demanderais d’être patients, de ne pas passer des heures à converser avec le choixpeau pour telle ou telle décision qui ne vous plairait pas, etcetera, etcetera. Venons en au sujet le plus controversé dans vos petites têtes ignares en cet instant précis. Serpentard.
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