Dimanche 12 décembre 7 12 /12 /Déc 21:34

Yo !

 

Chapitre 7 pour votre bon plaisir. Je vous annonce au passage de que ce chapitre marque la moitié de ma fic (sans compter l’épilogue parce que je sais pas encore si je le mettrais en même temps que le dernier chapitre ou la semaine suivante, histoire de bien faire rager tout le monde). Bref.

Au fait, si ça vous intéresse, j’ai dessiné Stef’ et les autres. Je peux les mettre en image pour le prochain chapitre si vous n’avez pas peur de voir vos idéalisations, illusions et conceptions visuels écraser ma propre vision de mes persos. Je ne suis pas une as du dessin mais je me suis pas trop mal débrouillée – en tout cas ils ressemblent à ce que moi j’avais imaginé. Bref, laissez moi votre avis !

 

Voilà voilà. Bon bah je crois qu’on va y aller hein.

 

Bonne lecture !

 

{l'image viendra un autre jour, si souci, voyez avec le staff d'erog, moi j'abandonne...}

 

Image : God, by Ahermin (DA)

 

 

 

 

 

                « Bon tu vas faire la gueule encore longtemps ? C’est bon, il a dit qu’il s’en foutait ! C’est quand même pas ma faute à moi si il finissait plus tôt aujourd’hui, si ? »

                Sale gamin, petit con d’adolescent stupide et borné ! Cela fait plusieurs minutes que j’essaie en vain de sortir de son mutisme encombrant un putain de vampire visiblement peu disposé à écouter ce que j’ai à lui dire. Le truc c’est que j’aimerais bien prendre ma douche, moi. Je me retiens de défoncer cette porte de salle de bain, tournant comme un lion en cage devant ce panneau de bois qui reste obstinément fermé. Je vais faire un massacre.

                « Axel, sors de cette salle de bain.

                -Tu pourrais au moins faire semblant d’être désolée !

                -Mais de quoi ? C’est bon, tu n’as pas perdu tes prérogatives, il est toujours complètement sous ton charme, alors sors de cette salle de bain espèce de petit con !

                -Stef’ ! »

Ça y est, le frère s’y met maintenant. Ils sont tous contre moi aujourd’hui ! Je fais volte-face pour le foudroyer du regard.

                « Quoi, c’est pas vrai peut-être ? »

Il rougit furieusement, opère un repli stratégique dans un coin aussi éloigné de moi que possible – c'est-à-dire à peine trois mètres, pour aller bouder avec toute la maturité dont il est capable. Bien sûr qu’il craque complètement, vampire ou pas, sur mon colocataire. Qu’il essaie seulement de me soutenir le contraire.

                « Alors tais-toi ! Et puis d’abord c’est de ta faute, t’avais qu’à pas rentrer si tôt !

                -Non mais ça va bien ouais ! Et tu comptais me le cacher encore combien de temps ?

                -Jusqu’à ta mort si possible ! AXEL ! SORS DE CETTE SALLE DE BAIN !! 

                -C’est pas en gueulant plus fort que tout le monde que t’obtiendra ce que tu veux !

                -JE SUIS CHEZ MOI ICI ET JE GUEULE SI JE VEUX !!! »

Au bord de l’explosion, j’empoigne avec empressement mon blouson en cuir et claque la porte aussi fort que je le peux. J’entends un truc ou deux s’écraser au sol dans l’appartement – ils ont intérêt  à avoir nettoyé à mon retour. Je sors fumer sous le perron, pour me calmer. Je ne fume pas souvent, mais ça me prend en général très soudainement, comme ça, comme la fois où je contemplais Axel affalé dans la ruelle. Là, c’est surtout parce que je suis énervée. La cigarette n’a pas vraiment bon goût et pas précisément d’effet sur mes nerfs, mais c’est une manie qui me vient de temps en temps, beaucoup plus facilement quand j’ai bu d’ailleurs, mais passons.

                Tiphaine s’est trouvé un petit boulot quelques rues plus loin, il fait le ménage à l’épicerie tenue par le Polonais, que je n’ai jamais appelé autrement et qui n’a pas l’air de vouloir que ça change. Le jeudi soir, il rentre en général vers minuit, ce qui nous permet de nous occuper rapidement de la nourriture du vampire. Et puis ce soir, pour on ne sait quelle raison sans doute pas valable, il est rentré une heure trop tôt, et il est tombé pile pendant la partie critique de l’opération, à savoir Axel, mon poignet à la bouche, le sang dégoulinant de son menton et les yeux brillants d’un plaisir mal contenu, et moi serrant les dents, grimaçant de souffrance.

                Ça a été un sacré bordel. Tiphaine, je ne sais pas trop ce qu’il a cru, mais il a sauté sur Axel pour l’éloigner des giclées d’hémoglobine qui tâchaient (encore) les draps. Sauf que comme il avait planté ses dents bien comme il faut dans ma chair, il m’a arraché une bonne partie de la peau. J’ai hurlé, ce qui n’a pas spécialement amélioré la situation, et encore moins quand je lui ai lâché un « t’inquiète pas, c’est un vampire » qui n’a pas vraiment eu l’effet escompté. Et donc Axel a fui la colère de mon petit frère et mon propres accès d’hystérie provoquée par la douleur en s’enfermant dans la salle de bain, et j’ai dû expliquer pendant une heure à Tiph’ ce qu’il en était, mais il n’a pas voulu s’excuser, étant au moins aussi orgueilleux et borné que moi. J’avais mal, j’ai galéré pour faire cesser les effusions de sang, et donc, après m’être énervée un bon coup, et je me retrouve dehors  pour essayer de me calmer. Je suis assise contre la façade de l’immeuble, le nez levé vers les étoiles à peine visible, mon bras meurtri replié contre moi, en regardant s’évanouir les volutes de fumées blanches de mon tube de nicotine qui se consume lentement. Il fait froid.

                « Salut, Stef’ !

                -Lukas… »

Et voilà le seul garçon de moins de trente ans qui ne soit ni un vampire ni mon frère et qui n’aie pas peur de m’adresser la parole. Lukas, le fils du concierge de l’immeuble, a tout juste 18 ans, et il bosse au garage de voiture de son père depuis qu’il a fini le secondaire. Sa spécialité, c’est de retaper des vieilles caisses avec des pièces d’occasion pour les revendre aux autres garages, plus légaux mais donc moins libre de leurs mouvements. C’est un éternel optimiste, qui ne se démonte jamais. Le genre à attirer naturellement la sympathie, la confiance des gens, le genre à qui l’on a envie de parler quand on le croise dans la rue, qui sourit un peu à tout le monde en général et à personne en particulier. Le genre qui m’insupporte en somme, et qui m’est, de toute façon, totalement inaccessible, comme évoluant dans un autre monde. Je ne sais pourquoi celui-là a décidé de s’intéresser à moi, mais en tout cas, il trouve toujours une occasion pour m’aborder en souriant, voir pour me draguer discrètement. Il a peur de rien, celui-là. Enfin, je ferais preuve d’une horrible mauvaise foi – et c’est ce que je fais – en disant qu’il me laisse complètement indifférente.

                « Ça n’a pas l’air d’aller très fort. Je peux faire quelque chose pour t’aider ?

                -Commence par la boucler Lukas. J’essaie de me calmer les nerfs.

                -Problème de colocation ? »

Je me tourne vers lui, surprise qu’il évoque mes deux résidents, ce qui n’a en fait rien d’étonnant. Depuis que Tiphaine s’est installé sur mon matelas, Axel s’est soudainement montré beaucoup plus intéressé par les sorties, d’autant que la nuit se couche tôt, en novembre. Sa nouvelle lubie, c’est de suivre mon frère un peu partout dès que le jour est couché : aux courses, au boulot, au parc où ils passent leur soirée à faire on ne sait trop quoi… J’impose tout de même un couvre-feu à Tiphaine pour la forme, parce qu’il va en cours, mais sinon, je ne fais pas spécialement attention à leurs allées et venues – moi-même entre la fac et le vidéoclub, je suis souvent sortie. L’avantage, c’est qu’Axel met le nez dehors, maintenant. Il m’a même accompagnée deux ou trois fois à la boxe.

                « Je t’espionne pas hein, s’empresse d’ajouter Lukas sur un ton d’excuse. C’est juste que je les voie régulièrement rentrer et sortir alors… 

                -Ils sont idiots. Et comme si cela ne suffisait pas, ils se courent après sans oser se lancer. Ça me gonfle. »

Il me surprend encore en éclatant d’un rire léger qui résonne dans la nuit glaciale. Deux fossettes se forment sur son visage carré quand il rit, je n’avais jamais remarqué. Je lui en parle aussi ouvertement parce que Lukas est le fils de Samuel, et qu’il est donc par définition plus tolérant et ouvert d’esprit que la plupart des gens qui peuplent cette planète.

                « Les premiers émois hein ? Pas étonnant qu’ils rament ! Laisse-leur le temps… Quoi ?

                -Tu es beaucoup plus mature que tu en as l’air.            

                -Je vais considérer que c’est un compliment ! »

Il rit de nouveau, et je me prends à rire un peu, moi aussi, même si je ne vois pas vraiment ce qu’il y a d’amusant.        « Finalement, j’ai réussi à t’aider !

                -Ah oui ?

                -Tu n’es plus aussi remontée. »

Comment rester en colère en face de cette tête aussi ? Lukas est brun, les cheveux en bataille, la barbe à peine visible et la barbiche sur le menton, les yeux noirs et sans fond, la peau très bronzée. En bref, le pur physique méditerranéen en plein cœur de Prague, légèrement démenti par ses lunettes rectangles à monture épaisse, qui lui confère un petit charme décalé, surtout quand il sourit. Il fait vraiment plus vieux que son âge – plus vieux que moi-même.

                « Il faut croire que tu as un effet bénéfique sur mon humeur. 

                -De rien, c’est gratuit ! »

Sa façon de sourire n’a vraiment rien à voir avec celle de Mandy. C’est vrai, il me remonte le moral, même si les gens aussi rayonnants m’exaspèrent à la longue. Je me relève, secouant un peu mes jambes engourdies par le froid qui commence à me faire claquer des dents, frictionnant mes deux mains l’une contre l’autre.

                « Bon aller j’y retourne, il fait vraiment trop froid, et j’ai peur qu’ils fassent une bêtise.

                -Si vous pouviez éviter de mettre le feu à l’immeuble…

                -Je vais y penser.

                -Alors bonne nuit ! »

D’aussi loin que je me souvienne, Lukas a toujours terminé nos entrevues ainsi : « Bonne nuit », « Bonne journée », « Bonne chance », « Bon courage ». Toujours avec ce large sourire, ses yeux pétillants derrière ses verres de contact, et toujours imperméable à mon absence de réponse. Je ne lui ai jamais répondu. Jamais. Il avait, en quelque sorte, toujours le dernier mot de nos rencontres.

                « Merci. À toi aussi. »

Et comme souvent quand je me trouve dans une situation embarrassante, dont je ne préfère pas connaître l’issue, je tourne les talons avec précipitation ; en d’autre terme, je m’enfuis.

                « À bientôt ! »

Quel con, franchement…

 

O

 

                C’est dans de bien meilleures dispositions que je remonte au quatrième, amusée par ma petite discussion avec Lukas. J’ai sans doute réagi un peu brusquement face aux deux idiots. On va discuter calmement, si il le faut je forcerai tranquillement la porte de la salle de bain, sans brusquerie. Heureusement que mes clés étaient restées dans mon blouson, ça aurait un peu cassé le pardon que je vais daigner leur accorder si j’avais dû faire le pied de grue devant la porte en attendant qu’ils viennent m’ouvrir.

                C’est donc totalement en paix que je rentre dans l’appartement.

                Où il y a toujours du sang par terre et sur le mur du fond, où les débris de ce que j’ai fait tomber en sortant – deux verres vides de l’étagère du haut – sont toujours éparpillés sur le sol et où il y a … Axel et Tiphaine qui se dévorent la bouche au milieu de la pièce.

                « Je-vais-vous-BUTER… »

Ils se séparent précipitamment tandis que mon frère tente un maigre « attends, je vais t’expliquer ».

                « Vous croyez que c’est le moment de vous rouler des PELLES ? BANDE DE CRETIN !!! »

Si je ne ressors pas immédiatement, je vais faire un massacre. Comment OSENT-ILS expérimenter leur amourette de jeune cons dans MA piaule que je viens de quitter en hurlant, et ce sans daigner s’excuser, ranger, m’attendre avec des crêpes, ramper à mes pieds en me suppliant de les pardonner ? Je vais les tuer, je vais les tuer tous les deux.

                « Y’A INTERET A CE QUE CE SOIT NICKEL QUAND JE REVIENS ! »

Et je re-claque la porte comme une furie – de nouveaux objets finissent leur vie en morceau sur le parquet – pour aller m’en re-griller une, en espérant que je sois calmée avant d’avoir fini le paquet. Et en plus ils essaient de me tuer avec mes propres clopes…

                « Ça s’est pas arrangé, finalement ? »

Je sursaute en voyant Lukas débarquer à notre étage. Je ne l’avais absolument pas entendu monter, le son de ses pas probablement couvert par mes hurlements enragés.

                « J’abandonne, ce sont des cas désespérés. 

                -Oh, à ce point-là ?

                -T’as pas idée… »

À nouveau ma tension redescend. Il est très fort ce mec-là. Un silence confortable, ni tendu ni pesant, s’installe brièvement, avant d’être brisé par ma porte d’entrée qui s’ouvre brusquement.

                « …tends, je vais la cher… »

Axel s’interromps en me voyant planter sur le palier.

                « C’est bon, je suis là.

                -Stef’, écoute, je voulais te dire… »

Il se tait de nouveau, ayant visiblement remarqué l’autre jeune homme toujours debout en haut des marches. Je vois le vampire marqué un temps d’arrêt, hésiter à parler. Il est en train de se passer quelque chose mais je serais bien incapable de dire quoi. L’instant s’étire, s’éternise, devient presque palpable. Et puis Lukas met fin à la scène en déclarant :

                « Bon, je dois redescendre moi, alors bonne nuit à tous ! »

Encore une fois, il a le dernier mot : je suis trop préoccupée par la réaction d’Axel pour lui répondre. Il est sur le point de me dire quelque chose, mais se ravise.

                « Dis, tu le connais ? »

Il ne semble pas savoir quoi répondre.

                « Non, mais… enfin… »

C’est le moment que choisit Tiphaine pour débarquer, n’ayant absolument rien suivit de la scène.

                « Ah, tiens, t’es là… Bon bah rentrez, on va pas faire salon de thé dans le couloir. »

Axel le suit sans croiser mon regard, les yeux obstinément baissés. Je doute de pouvoir un jour le faire parler de ce qui vient de se produire. Je sais que c’est idiot et égoïste, mais je ne le souhaite pas. Ses connaissances sont fatalement des vampires, comme lui, n’est-ce pas ? Ou un truc du genre. Et s’il les retrouve… s’il se souvient… Ne risque-t-il pas de partir, tout simplement ? Ou de nous tuer, mon frère et moi ? Je sais bien qu’on en a déjà parlé, avec Ax, et que je ne peux pas répondre à ces questions, mais ça ne me concerne plus seulement moi. Tiph’ est mon seul et unique petit frère, celui sur qui je porte tous mon amour maintenant qu’il ne reste plus que nous deux, et je ne veux pas qu’il souffre de mes faiblesses. Notre histoire a beau être horriblement cliché, nous ne sommes pas dans un film. Tout ne se finira pas nécessairement bien.

                « Au fait, j’étais censée être très remontée contre vous, vous vous souvenez ? »

Les deux garçons se raidissent brusquement. Ce n’est pas le moment de s’inquiéter pour rien. En attendant, je vais leur en faire baver. Le reste attendra.

 

O

 

                Je vais à la boxe deux fois par semaine, en moto. Il se trouve que ce soir, ma moto était en panne, à cause de mon idiot de frère qui a essayé de jouer avec des engins trop agressifs pour lui. Résultat, j’ai dû la laisser au bon soin de Lukas et me taper le trajet en métro, et l’arrêt n’est vraiment pas à côté de la salle. D’ordinaire, marcher ne me dérange pas plus que ça. Sauf que là…

                Je suis sortie  un peu tard parce que j’aime bien traîner sur le ring avec les autres, dont je ne connais aucun prénom et qui pourtant me réservent toujours un casier aux vestiaires. Du coup, il faisait nuit noire quand j’ai repris le chemin du métro. Je pressais le pas en serrant ma veste un peu trop fine pour la saison contre moi, de un nuage de fumée blanche s’échappant avec irrégularité de ma bouche.

                Pour m’être battue une fois un peu sérieusement avec Axel, je sais que question force, je ne fais pas le poids contre un vampire. Alors contre trois… J’ai compris dès la première droite que ce n’était certainement pas des mecs ordinaires.

                Ils m’ont chopé juste avant que je sorte sur l’artère éclairée où se trouve la station, dans un petit coin bien sombre et bien désert. Dans un sens, j’ai eu du bol, parce qu’il est clair qu’ils n’avaient pas l’intention de me tuer, ni même de me blesser sérieusement, parce qu’ils y seraient arrivé sans peine si ils l’avaient voulu. Mais ils souhaitaient juste que je le sente passer. Et effectivement, je l’ai bien senti passer. A cet instant, j’aurais pu être aussi faible que Mandy ou être Mike Tyson, ça n’aurait strictement rien changé, et être capable d’étaler sur le ring des types de vingt kilos de plus que moi ne m’a certainement pas empêcher de me prendre la dérouillée de ma vie. Je me suis retrouvé couché sur le sol, sans rien pouvoir faire d’autre que protéger tant bien que mal mon visage avec mes mains, la douleur irradiant chaque partie de mon corps meurtri.

                Le quatrième connard, celui qui avait un long manteau noir et qui se prenait pour le roi du pétrole, est le seul qui a ouvert la bouche. Il aurait pu avoir la classe s’il ne commandait les types en train de me refaire le portrait et s’il n’avait pas été sans cesse en train de secouer la tête comme un guignol pour essayer de dégager ses cheveux trop long de son visage. C’est dingue comme je peux m’attarder sur des détails sans intérêt. Enfin, c’est encore un des moyens les plus efficaces pour oublier la douleur.

                « Dis à Johan que le châtiment en ai déjà à la moitié. Il n’aura pas intérêt à traîner pour rentrer. Il a de la chance qu’on ne fasse pas cramer ton immeuble, ma belle, sa casse-couilles de femme nous l’a interdit. Aller, on se casse. »

                Et ces enfoirés m’ont laissée là, la lèvre fendue, le nez en sang et de bons gros hématomes en formation sur mes flancs, dans cette rue obscure qui puait l’urine. Quand j’étais gamine, ce genre de chose arrivait tous le temps. Mais en général j’étais du côté de ceux qui tiennent debout à la fin, moi. En plus, qu’est-ce qu’il voulait que je comprenne à son charabia, ce gros crétin ? Je me suis traînée tant bien que mal jusqu’à la station. Les autres voyageurs m’ont regardés comme si un troisième œil m’avait poussé au milieu du front mais j’ai préféré faire comme si de rien était, essayant plutôt de me concentrer pour gérer la douleur et éviter de tourner de l’œil. Je ne savais pas quoi faire, en tout cas, je ne pouvais pas aller à l’hôpital, trop cher, trop curieux, et encore moins rentrer dans cet état.

                « Tu as de la chance que Samuel ne soit pas là. Il aide au refuge des sans-abris ce soir… »

C’est ainsi que j’ai échoué sans trop savoir comment chez Lukas, qui essaie de me rendre présentable à grand renfort de compresse et de désinfectant depuis une demi-heure. Histoire d’être crédible quand je dirai à mes deux squatteurs que j’ai juste mis un peu plus d’ardeur à l’entrainement que d’habitude.

                « Je sais pas ce que j’aurais fait sans toi. Je me voyais mal débarqué chez Mandy avec cette gueule-là.

                -Mandy… la petite blonde qui vient de temps en temps ? Elle a l’air plutôt sympa pourtant.

                -Trop sympa. Elle aurait hurlé avant d’appeler la police, les pompiers et les urgences dans la seconde suivante. Elle réagit mal au stress.

                -Alors que moi…

                -Toi, t’es zen. Tu contrôles. Je me suis dit que tu pourrais m’aider.

                -À ton service ! »

Je n’ose lui parler d’Axel et de l’autre jour. Encore une fois, je préfère lâchement ne pas savoir. De toute façon, d’après l’enfoiré en manteau noir, je serai vite fixée. Je ne veux pas y penser, je ne veux pas savoir, je veux me voiler tranquillement la face, parfaitement en paix avec mon ignorance délibérée.

                « Bon, je vais y aller. Merci pour ton aide, vraiment.

                -De rien. Et au fait, Stef’… »

Et là, c’est le retour des clichés en force. Il me choppe par le bras avant que je ne passe la porte, et il m’embrasse. Furtivement, à peine un contact. Je rougis instantanément, les yeux écarquillés, pas très sûr de ce qui vient de se produire. La colère se dispute à la honte, y’en a qui ont fini le nez cassé pour moins que ça…

                « Bonne nuit ! » lance-t-il, tout sourire.

J’hésite à lui casser la gueule. Pour qui il se prend ? Je déteste ça, je déteste. Mais j’ai mal, je veux rentrer chez moi, et il m’a aidé, et… je ne sais pas, c’est lui, ce type tellement rayonnant que ça en devient insupportable, et je ne peux rien contre lui. Alors à la place, je balbutie une réponse incompréhensible, et je m’enfuis, partagée entre la fureur, la gêne, et bien enfouit quelque part, le plaisir. Petit con…

Par Absynthe - Publié dans : Un Vampire? Non merci! Par Inrainbowz - Communauté : Lawful Drug
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