Le vide…
Le vide, le vent et moi.
Dieu ou Diable, prépare toi j’arrive. Ma main se tend vers le ciel comme si un ange allait la saisir.
Je me surprends à esquisser un sourire. Ca y est. Dans quelques instants je toucherais le sol. Mon corps sali sera brisé. Mon âme, ou ce qu’il en reste s’évadera, et rejoindra les démons.
Le vent souffle, mes yeux se ferment lentement, je pense avoir fait le bon choix.
C’est lui ou moi.
Quoi qu’il arrive, quoi qu’il se passe dans nos vies, un seul de nous deux peut vivre. Dans quelques jours il saura que c’est moi qui ai détruit sa vie, il saura que son ami a détruit la mienne. Il apprendra que tout est ma faute. Alors vas y meurs.
Meurs, crève monstre ! Souffre c’est tout que ce tu mérites. Je veux mourir. Je veux crever. Je veux payer un peu du mal que j’ai fait. Je veux… Je veux…
Un craquement sinistre se fait entendre tout près de mon oreille. La douleur me parvient. Alors je ne suis pas encore morte ? Un cri sort d’entre mes lèvres, mon corps a mal. J’ai si mal.
Dieu, si un jour je passe par chez toi, je te promets de violer tous tes anges, de racketter saint Pierre, de cramer tous tes pommiers. Lucifer, si un jour j’arrive enfin à toi, je te jure que je lirais la bible à tous tes démons, et que je leur ferais bouquiner Martine, Oui Oui, et Pingui !
Mes yeux sont ouverts depuis de longues secondes. Et je commence seulement à distinguer ce qui me fait si mal. Au dessus de moi, le visage effrayé de mon Amour. Il m’a rattrapée ?
Imbécile sais-tu seulement ce que tu es entrain de faire ? Une partie de moi, celle ironique me souffle qu’a part me déboîter l’épaule et me craquer le poignet il ne fait pas grand chose de véritablement utile. Mon dos entre en contact avec le vieux mur de pierre. J’ai mal. Si je pouvais j’en crèverais.
Bon dieu comme j’aimerais être morte. Je lève une nouvelle fois les yeux vers lui, il y tient à mon poignet ce con ! Putain j’ai mal. J’ai l’impression que ma peau se déchire sous sa poigne de fer.
–Pourquoi… Tu me déchires la moitié du bras pour me sauver alors que je suis mauvaise, complètement folle et que si tu ne me tues pas je te tuerais moi-même ?
–Parce que tu es tout pour moi et que je ne te laisserais jamais partir sans moi !
Ben voyons… Le voilà qui me remonte, mon corps hurle de toutes ses forces, et moi je suis complètement déconnectée de la réalité. La douleur passe au dessus de moi, au dessus de mes cris.
Qu’as-tu fait malheureux ? J’avais enfin trouvé le moyen de remettre l’animal en cage…
Je pleure toutes les larmes de mon corps, mon épaule semble avoir pris une forme étrange, j’ai mal… J’ai peur…
J’ai diablement peur pour lui. Je ne veux pas le tuer et je veux mourir… Mais merde, pourquoi est-il arrivé cet abruti ? Maintenant elle va revenir, elle va recommencer…
Je ne veux pas, même si au fond ça a été un bonheur de tuer… Mes sanglots semblent durer des heures, je le sens tâter mon épaule, je relève vers lui et le voit grimacer :
-Il va falloir la remettre en place, je suppose que tu ne veux pas aller à l’hôpital…
J’acquiesce de la tête et il me tourne doucement vers lui, plaquant sa main au niveau de ma clavicule, l’autre sur mon avant bras. J’aurais pensé le voir faire comme dans les émissions télévisées, le pied sur la poitrine et les deux bras au dessus du coude.
Mais non. Il faut dire que docteur Quinn était une crétine sans force, toujours intelligente et toujours gentille.
Je suis encore plongée dans mes pensées lorsqu’il fait craquer mon épaule, une nouvelle fois. La même douleur.
La même surprise, le même haussement de sourcils avant de hurler à la mort… Il attrape mes lèvres au moment ou je les entre ouvre pour hurler, bloque le cri dans ma gorge et entame un baiser violent de remords et de reproches.
Je sens toute sa colère dans ce baiser. Je sens toute sa hargne et tout son désespoir. Nos lèvres se séparent un instant, et je murmure contre sa bouche une faible « Pardonne moi, pardonne moi pour ce que j’ai fait, ce que je fais et ce que je vais faire… ».
Je le vois m’interroger du regard, mais je presse à nouveau ses lèvres contre les miennes, glissant mon poignet abîme derrière sa nuque, caressant ses cheveux, puis tirant légèrement dessus pour me relever contre lui et glisser mes jambes de part et d’autre des siennes.
Nous voilà assis à même le sol sur ce toit, au dessus de la ville, au dessus des cris, des crimes et des poursuites. Nous sommes là, coupés du monde. Rien que nous deux.
Une dernière fois.
Je vois dans ses yeux un amour sans faille, voilé par de l’inquiétude et de la peur… J’imagine dans les miens le même amour, voilé lui par de l’appréhension, de la douleur. Je sais déjà ce que je vais devoir faire. Mais pour l’instant nous sommes deux.
Deux au dessus du monde. Deux contre le monde.
Le juste et la tueuse.
Le vent tiède balaye nos vêtements ôtés avec rage et tendresse à la fois. Sous le ciel rouge de nuit, nos corps se rencontrent une ultime fois. Salive, sueur et sentiments une dernière fois partagés. Peurs et douleurs une dernière fois dissipées par notre amour. Les heures passent, la passion laisse place à la tendresse, la tendresse à la fatigue, la fatigue au sommeil.
Les premières lueurs m’éveillent en douceur, je me tourne vers le visage endormi de mon ange, il est si beau… De ma main gauche, la seule en bon état je redessine ses traits du bout des doigts pour ne jamais les oublier, caresse doucement ses lèvres et y dépose un baiser.
Je m’extirpe de ses bras, glissant mes jambes nues hors de sa veste, m’habille rapidement et cache ses vêtements dans un conduit de cheminée. C’est pas franchement gentil de ma part mais je ne veux pas qu’il me suive.
Je marche lentement sur le toit, glissant une dernière fois ma main sur la barrière abîmée, retournant auprès de mon homme, caressant ses cheveux comme un mère à son enfant. Je jette un dernier coup d’œil au soleil qui se lève et embrasse les lèvres de mon amour. Une fois, deux fois. Mes larmes coulent il s’éveille enfin.
–Ley ? Qu’est-ce que…
-Jim était mon ex. Mon dernier ex en date Stef. Je ne regrette rien, à part t’avoir rendu malheureux. Je me suis juré de tuer celui qui t’avait fait du mal Stef. Jamais je n’aurais cru que c’était moi. Au revoir.
Je me redresse, ses yeux ont changé de couleur, ils sont emplis de douleur. Je me jetterais bien à ses pieds, pleurant que je suis désolée mais je ne peux pas. Ce n’est pas moi.
Alors une fois de plus, je verse une larme, le fixe une dernière fois, et m’enfuis. Comme toujours je fuis.
Comme toujours je fais souffrir.
Je passe en coup de vent dans mon appartement puis à l’hôpital, me faisant poser une semi attelle au poignet, et je remonte au plus vite dans ma voiture chargée du strict minimum.
Une bretelle d’accès et me voilà sur l’autoroute, passant les vitesses en bloquant mes bandages autour du levier, maudissant mon rejet des boîtes automatiques. Mes yeux glissent sans arrêt vers le rétroviseur.
Je ne sais pas pourquoi, mais je pense bientôt le savoir…