Chapitre 5 : L’enterrement.
Je suis dans la voiture qui nous emmène moi et mon père à l’ent… A « ça ».
Je fais la gueule.
Bien comme il faut, le front appuyé sur la vitre, les lèvres et les poings serrés, les yeux dans le vague, fusillant un point imaginaire.
Non pas uniquement parce que je suis triste.
Ne croyez pas que la m… Que « ça » me passe au dessus de la tête. Mais pardessus cette épreuve s’y est ajouté la honte que je me suis tapé il y a une heure.
Je ne sais pas pourquoi il faut toujours que je joue au con. C’est une habitude. C’est comme ça…
Chez moi ça passe très bien, personne n’ose jamais me rembarer, tout le monde se vexe, est triste, s’en va ou pleure.
C’est un réflexe irrésistible que je garde. Quelqu’un est gros, je vais l’emmerder sur son physique, quelqu’un est intello, ce sera sur ce qu’il ne sait pas et que moi si alors que j’ai la dégaine d’un cancre. Quelqu’un est gay, je vais le faire chier sur ses penchants.
Je n’arrive jamais à me retenir…
Et là il a fallu que je me la joue, et que je me fasse laminer.
De toute évidence ce mec n’était pas un con…
Je le hais.
J’ai retiré mon t-shirt…
-Pourquoi ? T’as peur de trop aimer ce que tu vas voir ?
Et ai révélé à ses yeux quelque chose dont je suis extrêmement fier. Il y a de quoi.
J’ai travaillé pour. Un torse divin, musclé, bronzé, imberbe… Parfait.
Le genre de torse qui fait s’empourprer toutes les minettes à qui je le montre. Ou au moins déglutir. Mais là rien.
Rien.
Rien, rien, rien de rien.
Pas un mouvement.
Pour un peu je me serais caché derrière un meuble tant son regard sur moi m’a mis à nu.
Rien de pervers, rien d’envieux. Simplement une étude approfondie pour finir par une mimique blasée.
-Je ne sais pas si tu sais où tu te trouves jeune homme, mais tu as du voir les quelques hommes que je fréquente. Ils sont là parce qu’ils sont beaux. Parfaits. Tu ne vaux rien à côté d’eux.
Et là…
A cette unique pensée je cache mon visage dans ma main, Bryan me demande si je vais bien.
Non je ne vais pas bien, je suis mort de honte.
-D’ailleurs t’as un… là. Il fait une mimique désapprobatrice un brin dégoutée et poursuit. C’est assez laid. Mais bon c’est de ton âge, ça pousse.
Immédiatement j’ouvre de grands yeux choqués, et les baissais sur mon corps à la recherche du traître à ma race. Pour n’y rien trouver.
En me redressant je le vis simplement me faire un clin d’œil du type « grand frère » avant de sortir de la pièce.
-Putain de merde !
-Qu’est-ce qui t’arrive ?
J’ai même pas réussi à donner envie à un gay. Voilà ce qui m’arrive.
-Rien Bryan… C’est qui ces mecs dans ta maison ?
-Hm… Mes employés.
-De quoi ? De bécotage intensif ?
-On peut dire ça oui.
Il tourna les yeux vers la fenêtre, fuyant mon regard.
-Quoi ?!
-Déboucle ta ceinture et ferme ta veste. On est arrivés.
Vous l’aurez compris je pense, tout ça est secondaire. Le boulot de ces mecs je m’en tape en cet instant.
Je sors de la voiture et me dirige vers la grille de fer forgée. Le
cimetière est magnifique. Pour une fois dans un évènement triste, il fait beau. Un superbe ciel bleu, chose rare dans ce
pays.
Changeons de point de vue, histoire que l’auteur puisse m’envoyer des fleurs sans que je passe pour un narcissique fini.
Owen était donc là, costume trois pièces de grande qualité, une gueule conçue pour l’occasion, de grosses cernes sous ses yeux rouges. Pas le genre d’état qui irait à tout le monde. Et
pourtant !
Tandis qu’il s’avançait vers la grille, tous ceux qui se trouvaient sur les lieux ne purent empêcher leur esprit de réagir une fraction de seconde. Qu’il était beau ! On ne voyait de son apparence funèbre que ses yeux verts qui transperçaient tout ce qu’ils effleuraient. Si verts qu’ils semblaient irréels. Loin de l’émeraude, c’était bien plus vif, vivant, surréel.
Lui avait le regard fixé sur un attroupement devant les grilles. Deux énormes gorilles bloquaient l’entrée, empêchant de passer tout un groupe de jeunes. Ses amis. D’un geste brusque il écarta les membres de son quartier et se retrouva face aux deux hommes.
-C’est quoi ce bordel ?! C’est l’enterrement de ma mère, vous n’avez pas à refuser l’entrée de ce putain de cimetière ! Bougez de là !
-Laissez-le passer messieurs, intervint une voix froide derrière lui.
-Monsieur Carlisle. L’un des gorilles baissa religieusement la tête avant de s’écarter des portes et d’en ouvrir une lui-même.
Owen sourcilla à peine et tourna le regard vers son « père » qui semblait être à l’origine de ce blocage.
-Bryan ?
-Appelle moi Papa Owen, c’est ce qui je suis non ? Le roux sourit nerveusement et fit un pas dans le cimetière, bien vite intercepté par son fils qui avait bondit en voyant que les gardes ne semblaient pas prêts à laisser passer les autres jeunes tous habillés du mieux qu’ils pouvaient pour l’occasion.
-Bryan putain, vire ces deux connards, pour qui tu te prends ?! Tu devrais même pas être là ! Tu nous as laissés pourrir dans une chienne de cité pendant 17ans ! Les mecs que tu vois là sont mes frères, et la famille de Nora. Toi t’es rien à côté d’eux.
Le regard du roux s’était assombri tout au long de la tirade de sa progéniture.
- Parle-moi sur un autre ton Fils ! Il cracha ce dernier mot comme une insulte. Ces racailles ne sont pas de notre monde ! Et elles ne sont plus du tiens désormais.
- Ecoute-moi bien, Bryan. T’as aucun droit sur ma vie, par contre moi
je peux faire de la tienne un enfer. Le ton du gamin s’était fait menaçant. Et le plus vieux avait l’impression d’être devant la personne qui lui faisait le plus peur en ce bas monde. Une
impression de déjà vu. Seulement là il n’avait personne pour le faire bisquer, pour retourner la partie à son avantage.
-Alors maintenant, tu vas faire signe à tes employés de laisser mes amis passer. Capish Papa?
-Allons allons, des menaces ? Le ton devenait mielleux, ironique. Le grand roux se retourna, raide comme un piquet, et fit un mouvement de la main vers ses hommes. Ne me prends pas pour un monstre fiston, mais tes connaissances vont changer désormais.
De longues minutes plus tard, le prêtre avait achevé son discours de conneries plus énormes les unes que les autres. Owen avait fini d’insulter mentalement son père.
Un prêtre ? Sa mère avait cessé d’être une fervente catholique depuis qu’elle s’était fait engrosser par Bryan hors mariage.
Et il se tenait là, les yeux rougis, mais pas la moindre trace de larmes à l’horizon, au bord du trou creusé pour la tombe de sa mère. Ses amis passaient, l’enlaçant fiévreusement, les mains tremblantes, murmurant des paroles réconfortantes.
Elle avait été une mère de substitution pour un bon nombre d’entre eux. Avec un sourire il se souvint des fessées qu’elle distribuait à la chaîne après qu’ils aient dévalisé l’épicerie du quartier lorsqu’ils avaient huit ou neuf ans, son chiffon dans les cheveux, ses créoles tintant sous le soleil.
Karim fit son apparition, le serra dans ses bras, murmura « Je me souviendrais toujours de tout ce qu’elle a fait pour moi, toutes les fois où elle est venue me chercher au poste, toutes les gifles méritées qu’elle m’a donné. Putain elle va me manquer mec. »
Ils se séparèrent, et Karim s’avança jusqu’à Bryan, le détailla de haut en bas et cracha à ses pieds.
Le suivant à venir était le chef du quartier.
-Tu seras toujours mon second Owen. Ta place t’attend à mes côtés, j’ai besoin de toi. Tout le quartier a besoin de toi.
-Je crois que mon retour n’est pas prévu pour tout de suite mec. On verra ça un autre jour.
-Désolé pour ta mère. C’était une meuf bien. Le genre qui devrait pas partir aussi tôt.
-Personne ne devrait partir aussi tôt man. Enfin...
Owen tourna les yeux vers son père.
-Certaines le devraient en fait.
-Je peux arranger ça tu sais, sourit le chef.
-T’en fais pas je me débrouille, répondit Owen en lui collant une tape amicale dans le dos.
Arrivant devant Carlisle, le jeune homme qui parlait précédemment à son fils sourit sadiquement et imita Karim quelques secondes plus tôt.
D’autres personnes passèrent, notamment les mères des enfants de la cité, toutes en larmes, inondant la veste que Raziel lui avait prêtée.
« Bien fait pour toi…
Connard »
Ledit connard venait d’ailleurs d’arriver au cimetière en compagnie d’Ambre, tous deux habillés en noir, le minimum qu’ils puissent faire.
Le blond n’avait pourtant pas pu s’empècher de s’habiller « à son aise » malgré les regards noirs du plus agé.
-Non Ambre on ne porte pas de corset à un enterrement !
-Et si je prends un des en cuir de Plume ?
-Mais ça reste un corset non ? Tu vas pas y aller habillé comme une… comme un… Comme d’habitude !
-Non mais celui là je peux le mettre par-dessus une chemise ! S’il te plait Raziel !
-Bon sang, fais comme tu veux mais dépêche toi ! Je t’aurais prévenu que c’était pas une bonne idée !
-Je me suis pas encore coiffé !
Et Raziel de l’attraper par ses longs cheveux blonds et de le traîner jusqu’à son coupé sport pour l’y balancer, suivi de ses vêtements.
-Tu t’habilleras en voiture, je suis sûr que tu aimeras l’idée que tout le monde puisse te voir.
Suite dans le chapitre 5 bis
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