Six heures du matin.
J’ai les yeux irrévocablement grands ouverts. Le réveil n'a pas encore sonné, et je le fixe longuement, priant pour qu'il se dépêche. Il y a une demi heure encore, je regardais patiemment le
plafond, étudiant toutes les fissures de mon nouvel appartement plutôt délabré. Mais là.... Là je ne tiens plus.
C’est aujourd’hui.
Premier jour de cours en fac de lettre.
Premier jour où je me retrouverai devant deux cent étudiants plus intéressés par la manucure ou la mini jupe de leur voisine que par Hobbes.
Je soupire, remontant les draps bleu clair jusque mon menton. C’est Cathy qui les a choisis ces draps… J’aime pas franchement le bleu, mais elle trouvait que c’était beau. Alors ok, de toute manière je ne vais pas râler pour des draps.
Avant hier je suis allé à la faculté, pour préparer mon cours, déposer mes affaires, et faire connaissance.
Ils sont mignons les collègues. Super rassurants j'ai trouvé. A mon entrée dans la cafeteria, ils m'ont tous regardés, chacun son mug de couleur entre les mains, attendris ou sadiques, je ne saurais le dire:
-T'inquiète pas va, le premier jour c'est le pire. Soit tu t'affirmes, soit tu
peux d'ores et déjà changer de fac.
Tous là en rond autour de moi, souriant hypocritement. Je me sentais petit... Petit...
Pourtant je suis grand. C’est un comble. Je les dépassais presque tous, un mètre quatre-vingt cinq, il y en a que
ça agace, moi j’apprécie.
D’autant plus que ma petite amie est ce que l’on appelle une perche. Un mètre quatre-vingt trois. Blonde, yeux bleus, anglaise installée en France depuis peu. Je me tourne
vers elle, elle semble encore dormir.
C’est vrai qu’elle peut commencer tard, quand on est esthéticienne, on n’a pas de clients à huit heures du matin en général. Je la contemple puis glisse ma main dans ses cheveux, écartant des
mèches de son si beau visage. Elle ouvre lentement les yeux, et me fait un grand sourire :
-Bonjour mon choupinou, tu es stressé ? C’est chou !
Chou… Oui chou. On va dire ça. Ce mot, je tuerai bien l’abruti qui l’a inventé, car depuis que Cathy l’a entendu elle ne le lâche pas d’une semelle. Si elle pouvait le mettre trois fois dans la même phrase je crois qu’elle n’hésiterai pas.
Je la regarde et sourit. Mon réveil sonne enfin, je dois me lever. D’un coup j’en ai nettement moins envie. Allez du nerf, je me dirige vers la salle de bain et me glisse sous la douche bien chaude.
J’aime bien cette douche, j’aime bien cet appart. C’est sympa ici en fait. Cathy a accepté de
me suivre jusque ici, je ne connais absolument pas la ville, elle non plus mais on est jeunes. Il faut vivre.
Je sors de la douche après quelques minutes, attrape une serviette et la noue à ma taille avant d’effacer la buée sur le miroir. Je secoue rapidement mes cheveux châtain
clair en pagaille. Un petit clin d’œil vert à mon miroir et je part m’habiller.
Après tout ce ne sont pas des petits gamins boutonneux qui vont me faire peur !
-Après tout mon chou, ce ne sont pas des petits gamins chous qui vont te faire peur hein ?
Des fois je me dit que nous sommes vraiment sur la même longueur d’ondes elle et moi. Presque trop, c’en est
inquiétant par moments. Je soupire et m’installe face à ma petite Cathy, qui me regarde en souriant avec son visage de poupée de porcelaine. Je regarde ma montre, sept heures et
demie.
J’attrape ma veste de costard et dévale les escaliers de l’immeuble sans oublier de dire au revoir à Cathy, car si je l’oublie, j’ai droit à une semaine de silence radio.
Je traverse rapidement mon petit quartier assez mal famé, passe à côté d’un grand parc que je n’ai encore jamais visité, et arrive enfin devant ma fac.