Rêves d'Absynthe
Jalil le retour.
37pages le cadeau, si c'est pas la classe ça =D
Jonas ricane sombrement et murmure à l'oreille du jeune homme, alors que ses mains se mettent en mouvement.
-Voila, c'est bien, continue. Tu vois... ça fait moins mal comme ça n'est-ce pas...? Je vais t'aider...
Sa paume continue encore un peu à étaler le gel puis remonte lentement sur son torse. Sa voix murmure doucement des mots apaisants mais ce n'est pas assez.
« Qu'est ce que je dois faire?... Ça? Je ne l'ai jamais essayé... » Il se fige un instant puis se décide. Sa main se pose sur son épaule et il lance un dernier regard à Jalil qui hoche la tête, avant de fermer les yeux.
Sa voix doit prendre un ton plus bas, encore plus bas, juste à la limite. A peine au dessous de la compréhension humaine, assez pour que l'inconscient l'entende, assez pour qu'il obéisse.
-Amplification des sens. Plaisir.
Un claquement de doigt près de l'oreille du jeune homme... déclenche un soupir. Jonas sent le cœur de l'autre battre plus vite sous ses doigts et il sourit. Mais ce n'est pas assez.
-Aucune douleur. Désir et plaisir. Amplification progressive.
Un autre claquement de doigt.
-Hn...
-C'est bien... c'est bien.
Un pur gémissement de plaisir jaillit de la bouche du garçon. Il a réussit. Jonas se relève alors et saisit un énorme coussin qu'il pose au sol, près du fauteuil de son maître et contre le mur, pour s'y installer. Il évite de toutes ses forces le regard de Daamon posé sur lui. Il ne sait pas vraiment pourquoi ce démon le dégoute autant. Pourtant il n'y a aucune raison à ça, à vrai dire il pourrait sûrement le supporter mais...Comparé à Jalil il...
D'ailleurs, il se demande qui il est pour lui. Si son maître lui obéit c'est qu'il est son supérieur non? Ou son aîné.
Le dos au mur, le jeune homme ferme les yeux, bercé par les gémissements de plus en plus forts de l'esclave. Jalil en lâche quelques uns aussi. Quelques grognements. Rien que d'imaginer son regard enfiévré et ses griffes traçant des sillons sur sa peau, il sent la chaleur augmenter.
Qu'est-ce que ça peut lui faire si son maître en prend un autre? Rien. Il suppose que ça devrait. La seule chose qui l'a agacé c'est qu'il le prenne à sec. Ce n'est pas comme s'il ne pouvait rien faire contre ça pourtant! Cet espèce de sadique.
Un cri plus fort que les autres et c'est le silence. Jonas ouvre les yeux. Ceux du garçon le fixent, puis se tournent vers leur maître qui le remarque enfin.
-Qu'est-ce que tu veux, demande Daamon posément. Oh, je vois. Tu veux rejoindre Jonas n'est-ce pas? Je t'y autorise pour cette fois.
Jalil se permet encore une fois de lécher une des plaies du garçon, par pure gourmandise, et se dégage. Le rouquin ouvre alors les bras, laissant le jeune homme venir se pelotonner contre lui. Il est en sueur, encore haletant. Il ne doit pas avoir l'habitude de ce genre de chose. Sa main se pose sur la tête blonde.
-Kirsan, murmure-t-il.
-C'est vraiment ton fils? demande soudain Jalil tout en réajustant son vêtement.
Même s'ils ont l'air d'avoir le même âge, il sait qu'en réalité vingt ans les séparent. Il pourrait vraiment être son père.
-Bien sûr que non. Je n'ai jamais été assez stupide pour faire un enfant et avoir de telles responsabilités Jalil, tu devrais le savoir.
-Je finis par me méfier avec toi.
-Tu fais bien.
-Je croyais que tu ne te souciais de personne.
-Ça m'arrive rarement.
Jonas enroule doucement une boucle autour de ses doigts. Kirsan... Il se disait bien qu'un jour il le reverrait. Il l'avait presque oublié. Il a tellement grandit en cinq ans qu'il a eu du mal à le reconnaître. Mais évidemment... avec Daamon comme maître, ça ne pouvait être que lui.
Ce n'est pas un mensonge, ce qu'il a dit au démon. Sa main caresse lentement le dos du garçon et il se souvient. Tous les hommes qu'il a apprécié, Adriel, Shadow, son maître, Jalil, Raziel, Bélial, Kirsan et peut-être Dust.
Kirsan qu'il protège. C'est inattendu, même lui n'aurait jamais pensé faire une chose pareille.
Qu'est-ce que ça lui apporte? La paix de l'âme?
A-t-il tellement changé qu'il peut à présent s'effacer pour les autres? Non...
Mais Kirsan... pour la première fois dans toute son existence, il a l'impression d'être comme un autre, de lui ressembler, de le comprendre.
-Tu vas l'emmener, à la prochaine fête? demande la voix de Daamon, brisant le silence.
-Je pense que oui.
-Quelle fête? demande alors Jonas en se redressant, attirant le regard perçant de son maître.
-Tu n'as pas besoin de le savoir maintenant.
-Pourquoi?
-Tu comptes le laisser te répondre comme ça encore longtemps Jalil? Ça commence à m'irriter...
-De toute façon, commente Jonas, je sais comment ça va finir. Il va me frapper, me griffer, je vais résister et à la fin on finira au lit et tout le monde sera content.
Daamon fronce des sourcils et saisit en l'air les chaînes auparavant invisibles de son esclave, d'un geste presque naturel, puis le tire brutalement vers lui. Le premier réflexe de Jonas est de le retenir mais que peut-il faire contre ça? Et le pire... le pire, ce qui lui donne une si désagréable impression, c'est cette absence d'expression sur le visage de Kirsan. Comme s'il ne ressentait rien...
-Je vais vous laisser vous amuser dans ce cas. Jalil Yérë, ce fut un plaisir.
-De même, Daamon.
Et il se lève en serrant étroitement le blond contre son corps froid, l'entraînant à la suite de leur hôte, Jonas les suivant jusqu'à l'entrée, son regard alternant entre eux. Le dos puissant et bronzé de Jalil, celui plus fin et diaphane de Daamon, et enfin celui de Kirsan. Pâle et doux.
Juste au dernier moment, avant que la porte ne se referme, il a la surprise de voir le démon agripper le bras de son maître et lui murmurer gravement.
-Je vais essayer d'arranger tout ça, mais prépare-toi Jalil. Je ne suis pas tout puissant à la cour, plusieurs démons veulent te voir tomber. Je sais que certains crèverais pour subir ce qu'Il compte te faire mais...
-Je sais Daamon.
-J'ai une mauvaise impression sur tout ça aussi, que ma visite vient de confirmer. Je ne veux pas te voir refaire la même erreur que la dernière fois. N'oublie pas que ça a failli te coûter la vie.
Jonas voit alors une lueur de tristesse passer dans leur yeux.
-Je sais. Je viendrais te rejoindre bientôt.
Et il referme la porte. Son regard croise celui de Jalil et ils se toisent un instant, sans animosité. Puis Jonas remarque.
-Il n'est pas du tout comme toi.
-... Tu n'y connais vraiment rien aux Enfers, n'est-ce pas? Je te croyais plus cultivé que ça!
-Vos secrets sont bien gardés. Tout n'est que légendes la plupart du temps sur Terre...
-Daamon, fait-il en l'enlaçant possessivement, n'est pas un démon de luxure. Son domaine, c'est la mort.
-Je ne sais pas pourquoi, cela ne m'étonne qu'à moitié...
-Il est spécialisé dans les morts lentes, les suicides, tout ce qui étiole la vie des humains jusqu'au dépérissement.
-Pâle comme la mort, et les yeux rouges d'avoir trop pleuré hein?
-Oui.
-Et toi tu es...
-Rouge comme le sang, la passion.
-Et Dust?
Il sent le démon se tendre et le fixer d'un air mauvais, son visage penché au dessus du sien.
-Ne le nomme pas devant moi.
-Pourquoi? Qu'est-ce qu'il t'a fait?
-Cela ne te regarde pas!
Jonas fait la moue mais n'insiste pas. Après tout, il finira bien par savoir de quoi il retourne. Sa patience n'a pas disparu...
Plus tard, beaucoup plus tard, il finit par trouver le moment opportun pour mettre à exécution ce qu'il avait en tête depuis pas mal de temps. Jalil n'est pas à la maison, aucun des esclaves n'est en vue (de toute façon il n'y en a pas plus que ça, bizarrement) et il a découvert une fenêtre au dernier étage. Bon évidemment il ne sait pas encore comment voler mais ça lui donne un accès parfait vers l'extérieur.
Il a du puiser dans toutes ses ressources pour se souvenir comment appeler un démon, fouiller comme un dément dans la bibliothèque pour connaître son nom complet, mais enfin ça y est. Il va pouvoir appeler Dust.
Jonas plaque ses deux mains sur le rebord de la fenêtre, se concentre au point que tout s'efface autour de lui, les yeux fermés, il psalmodie encore et encore son appel. Sans relâche, des heures durant, il continue en y mettant toute sa volonté.
Et finalement... Une main chaude se pose sur sa joue, une voix caressante murmure son nom, juste au creux de son oreille... Jonas sursaute et rouvre vivement les yeux pour trouver le visage du démon presque collé au sien, ses yeux noirs brillant étrangement. Comment...?
D'un coup d'œil, il découvre dans son dos deux grandes ailes couvertes de plumes noires au centre et blanches sur les bords, le soutenant dans les airs et causant un bruit puissant qu'il vient à peine de remarquer.
-Pourquoi m'as-tu appelé?
-Viens.
Il le laisse entrer dans la demeure sans le quitter des yeux une seule seconde. Ses ailes se replient et disparaissent, son regard est perçant, vaguement interrogateur. Un léger sourire joue sur ses lèvres fines. Jonas lui a l'air très sérieux.
-J'aimerais savoir pourquoi Jalil te hait.
-Et bien... Tu le sauras si tu arrêtes de me tutoyer déjà, et embrasse-moi. Est-ce une façon de recevoir un invité?
-Jalil ne sait pas que tu es ici.
-Je m'en doute. Mais je n'ai pas entendu le "vous".
Jonas lui lance alors un regard de travers et saisit doucement sa main pour le mener jusqu'à un canapé qui traine dans un coin. Puis il s'approche de lui et l'embrasse délicatement, enroulant ses bras autour de son cou. Il se sent bien. Un soupir d'aise lui échappe, amusant le démon qui finit par lui répondre.
-Jalil me hait car j'ai contribué à la perte de quelqu'un qui lui était cher... Mais même avant ça il ne me supportait que très difficilement. Je ne sais pas trop pourquoi.
Sa main vient s'enfouir dans les cheveux roux et ses lèvres effleurent son front. Jonas ferme les yeux « Il est doux... » et murmure.
-La couleur de Jalil est le rouge, celle de Daamon le blanc, et toi le noir. Pourquoi cette couleur?
-Tu connais Daamon? Et arrête de me tutoyer.
-Oui... Il me dégoute.
-Vraiment? Pourquoi...?
-Il a l'air fourbe. Je sais que je le suis aussi mais lui... Et tu n'as pas répondu à ma question.
-Ah, je vois ce que tu veux dire petit esclave. Méfie-toi, c'est un ami de Jalil, quelqu'un d'influent qu'il ne faut jamais sous-estimer.
-Et ta couleur?
-Je suis né comme ça.
-Oui mais...
-Le noir... J'aime aussi le blanc. Mais je suis plutôt le mystère, l'occulte. Je m'occupe des secrets, de l'amour sans retour, de l'amour solitaire. Je suis le désespoir aussi. Cela te convient?
-Je vois... Et donc tu t'amuses à séduire ceux qui appartiennent à quelqu'un d'autre. Seigneur de la masturbation...
Jonas se met à rire légèrement.
-Non, la tromperie est à quelqu'un d'autre. J'aime juste le sexe, c'est ma nature.
-Oui... Et qui est cette personne que Jalil désirait?
-Une femme. Un être de la classe au dessus, plus puissante que nous. Tu tiens vraiment à entendre toute l'histoire? Tu ne préfèrerais pas...
-Je veux l'entendre! Et si vous racontez bien Monsieur le démon, je me donnerais à vous...
Dust a un léger rire et place soudain sa tête sur les genoux du jeune homme qui se met lentement à lui caresser les cheveux. Il espère bien que Jalil ne rentrera pas avant longtemps. Il sait qu'en appelant son ennemi il dépassé une limite très dangereuse mais pourtant à cet instant il se sent tout-à-fait serein. Calme, en sécurité. Et fier. Il a presque l'impression d'être l'égal de ce démon.
Et Dust se met à lui raconter de sa voix basse et harmonieuse, apaisante, l'histoire de leur haine. Comment il a découvert l'attirance de Jalil pour cette femme, la rébellion de cette dernière contre ses pairs et le drame qui s'en suivit. Sa propre contribution à sa capture, la manière dont Jalil a tenté de la libérer et comment lui-même l'en a empêché, attisant sa haine. Et au fur et à mesure qu'il raconte, Jonas repasse dans sa tête les dernières paroles de Daamon en se demandant si elles ont un lien quelconque avec ces évènements, observant distraitement les canines du démon, ses yeux noirs fixant le plafond.
-Je n'aurais jamais pensé que Jalil serait tombé amoureux. Ça ne lui ressemble pas.
-Elle n'était pas humaine, elle était capable de le lier à elle. Aucune autre créature n'en a le pouvoir...
-C'est ce qu'il m'a dit un jour. C'est là qu'il m'a appelé le Diable.
-Je vois...
-Peux-tu me faire sortir d'ici?
-Oui. Tu es léger comme une plume.
-Avant, je pesais presque cent kilos.
-C'est ce que je dis, léger comme une plume. Pourquoi veux-tu partir?
-Je ne supporte pas d'être enfermé.
-Jalil est ton maître, le seul qui puisse te rendre fou de désir d'un simple regard et le seul dans cette contrée en qui tu puisses avoir confiance. Malgré sa haine, je l'estime encore assez pour ne pas lui arracher son esclave chéri.
-Tu ne ressembles vraiment pas à un démon...
-Tu ne sais même pas ce que c'est exactement!
Et tandis qu'il parle, Dust tourne sa tête vers le corps de Jonas et se met à embrasser sa peau, sous la tunique. Le jeune homme soupire. Il se demande péniblement si un jour il réussira à résister à un démon comme celui-là, du moins assez longtemps pour l'envoyer sur les roses et partir la tête haute. Le fait même de sentir ses lèvres sur son ventre le rend fou.
-Je veux te prendre tout de suite... souffle le démon en descendant un peu plus bas.
-Tu es... tu es plus jeune ou plus vieux que Jalil?
-Plus jeune.
-Quel age?
-Près de six cent ans.
Un gémissement et Jonas se cambre un peu sous la caresse de Dust. Brusquement, il s'approche du visage du jeune homme, un sourire narquois jouant sur ses lèvres alors que sa victime se retient presque de lui sauter dessus.
-Si tu me vouvoie, je continue.
-Si tu ne continues pas, je te castre.
Ils se mettent à rire avant de se jeter littéralement sur la bouche de l'autre. Jonas se sent de nouveau emporté par une vague déferlante, désirant plus, toujours plus, le corps du démon.
Mais au bout d'une unique fois seulement, Dust décide d'arrêter malgré les protestations du jeune homme.
-Je n'ai plus envie de toi. Peut-être un autre jour.
Jonas s'étonne. Il ne comprend pas et sent son ego en prendre un coup. Il fronce des sourcils mais ne dit rien. « La prochaine fois, il pourra toujours se gratter... » pense-t-il, même s'il n'est pas sûr au fond de lui d'être capable de tenir cette promesse. Le changement d'attitude du démon l'agace. Qu'est-ce qui lui prend d'agir de cette manière? Comme si lui ne pouvait plus être désirable, pourtant il était sûr de pouvoir séduire n'importe qui, il en est sûr!
-Connard... marmonne-t-il alors qu'il redescend après l'envol du démon, et l'écho d'un rire froid se fait entendre, l'énervant encore plus.
Et Jalil revient. Jonas sait qu'il aurait dû faire plus attention mais qu'est-ce qu'il y peut si son maître a un odorat surdéveloppé?! Le démon comprend tout de suite, sûrement avant même de passer la porte, que son ennemi est entré et qu'il a eu ce qu'il voulait, que son esclave l'a encore trompé et qu'il a des cheveux à se faire s'il veut réussir à garder ne serait-ce qu'une once de fierté en tant que maître. Sa rage monte d'autant plus lorsqu'il apprend que Jonas connait une partie de son passé, qu'il pourrait par inadvertance ou plutôt par désir de le défier, le révéler à n'importe qui. C'est une erreur qui pourrait lui coûter la vie. Et pour couronner le tout il s'est fait doubler dans sa dernière mission sur Terre, manquant une occasion de récupérer un objet puissant qu'il convoitait depuis déjà un bon moment.
Bref, son humeur est tout simplement massacrante. Comme celle de Jonas en fait.
Des heures durant, la maison résonne de leurs cris. Les coups pleuvent, ils se battent férocement, évacuant toute leur rancœur. Jonas a la haine contre cette race idiote qui lui a gâché une bonne partie de sa vie et a même osé l'asservir. Jalil a la haine contre cet esclave trop enflammé qui s'amuse à lui faire perdre la tête et se plaint constamment.
Et l'inévitable arrive. Ils se retrouvent affalés l'un sur l'autre, le démon ayant nettement l'avantage mais malgré tout épuisé, pesant de tout son poids sur son esclave qui n'est pas dans un meilleur état que lui, couvert d'ecchymoses et de plaies.
C'est Jonas qui abandonne le premier, son instinct lui murmure que quelque chose ne va pas chez son maître. Jamais il ne s'était senti aussi désespéré, anéanti par des tonnes de sentiments contradictoires, des tonnes d'angoisses.
Ils finissent par se serrer l'un contre l'autre à même le sol. La douleur menace de les submerger, la tristesse, la peur aussi.