Rêves d'Absynthe
Un toussotement interrompit notre échange buccal approfondi. Je constatais avec un amusement non dissimulé qu’un grand nombre de mes stylos, carnets, papiers et dossiers étaient tombés sur le carrelage immaculé du cabinet d’autopsie.
Sans séparer mon corps de celui de mon aimé je me penchais un peu plus sur lui, saisissant une boite de gants en plastique stérilisés qui se trouvait loin derrière lui.
Aussi nous nous retrouvions à moitié allongés sur le bureau sous le regard hébété du dénommé Carlos.
Stef semblait lui aussi amusé de la situation, et gardait les mains posées sur ma taille glissant délibérément plus bas sur le tissus. Je me redressais à peine et enfilais les gants avec une lenteur calculée, glissant un à un mes doigts dans les emplacements qui leur étaient réservés sans quitter le regard du preux inspecteur.
Un glapissement étouffé se fit entendre derrière nous. Pauvre petit Carlos, il est tombé au milieu d’un duel de géants. Je me retournais finalement vers le corps pour approfondir l’autopsie.
Je passais mes doigts dans le sang et la masse informe que représentait à présent le visage et le crâne de mon premier.
–Comme vous pouvez l’observer le visage a été totalement détruit à partir des arcades sourcilières jusqu’au sommet du crâne. Mes doigts courent le long des impacts. Il y a eu un premier coup ici. Mes mains pénètrent dans la chair, creusant la peau détachée pour mettre à jour la forme de la pierre.
C’était un coup hésitant apparemment, il est le moins puissant. Sûrement du à une colère extrêmement puissante surmonté par une culpabilité naissante. Ce qui veut dire que cette personne a soit été déstabilisée par un évènement extérieur comme l’arrivée d’un témoin, ce qui n’est pas le cas, soit par une hésitation personnelle, un combat intérieur. Bon bien entendu c’est à vous de choisir, je ne suis ni psy, ni profiler.
Le meurtrier a attaqué sur le côté, et non par derrière comme on pourrait le croire au vu de l’état de sa tête. Deux conclusions possibles, soit un courage démesuré, soit une folie incommensurable.
Le second coup a vraisemblablement été porté juste au dessus alors que la victime s’affaissait sous la douleur. Les quatre autres ont été portés une fois l’homme à terre. A ces mots je tournais la tête de la victime sur le côté d’un mouvement sec. Exposant l’arrière du crâne à la vue des deux hommes.
–Il y a eu quatre tassements de l’os successifs suite aux coups et à la force mise en jeu.
Je me lève et me dirige vers des radiographies, faisant asseoir Stef sur un siège et glissant lascivement mes mains autour de ses épaules, et sur son torse.
Déjà annotées les radios montrent les ondes de chocs et de fracture de la boite crânienne.
–Conclusion mademoiselle ? Me demande Carlos avec impatience.
Je me baisse légèrement vers Stef, humant son odeur rafraîchissante et apaisante au milieu de tous ces cadavres.
–Conclusion, j’enfouis mon visage dans son cou et commence à lécher sa peau avec délectation, le meurtrier est certainement féminin, ne dépassant pas le mètre soixante-dix, et doit peser entre cinquante et soixante kilos s’il est en santé normale, et a une musculature classique.
Je recommence mes baisers, ignorant le regard de braise que pose Carlos sur moi en ce moment.
Je sens Stef se tendre et je le vois se redresser, foudroyant son employé du regard.
–Nous en avons fini ici, Carlos tu peux m’attendre dehors. J’arrive.
Une fois le policier sortit j’ignore mon amant, le laissant seul devant le bureau, et m’affaire à rattacher certains lambeaux de peau ouverts pour l’autopsie. Des mains se posent une nouvelle fois sur mes hanches, et je sens un corps chaud se serrer contre moi.
Je me retourne et murmure, acerbe :
-Alors mon petit poulet, tu ne m’en veux plus ?
–Parle moi sur un autre ton Ley… marmonne-il feignant l’indifférence.
–Sur un autre ton ? Non tu ne le mérites pas. Si t’es pas content barre toi. Ca me fait halluciner ça, les petits flics dans ton genre qui sont capable d’en vouloir à une personne parce qu’elle a eu peur.
–Tu sais autant que moi que ça n’a rien à voir avec mon boulot Ley tu es chiante.
– He ben je n’aime PAS ton boulot, je siffle entre mes dents avec un regard mauvais tout en m’approchant de ses lèvres, et j’aime PAS ton comportement vis à vis de moi.
Il s’approche encore plus ostensiblement de moi :
-J’aime pas le tiens non plus t’inquiètes pas. T’es la pire merdeuse indécise et égoïste que je connaisse.
A ces mots il m’embrasse avec violence, forçant le barrage de mes lèvres, me serrant contre lui à m’en étouffer. Je le repousse contre un brancard vide, et réplique avant de mordre sa lèvre jusqu’au sang :
-Toi t’es le pire connard, le plus vulgaire et le plus chiant des hommes que j’ai connu !
–Putain comme je t’aime…
-Je t’aime aussi maintenant dégage !
Je le regarde partir, les cheveux en bataille, haletante au milieu de mes chers cadavres, une lueur de folie dans le regard.
Je suis amoureuse. D'un flic, d'un abruti.
Mais bon dieu comme je l'aime!
Je me retourne vers mon Premier, toujours là, allongé comme un con, la gueule fracassée à coups de brique.
Je me penche vers lui, et murmure à quelques centimètres de son ancienne belle gueule:
-Jt'en foutrais moi des premières fois de ce genre. Petit con. Tu fais moins le fier là hein?
Ho que oui t'as l'air d'un débile. Regarde moi ça... Tu ne vaux rien, t'as jamais rien vallu. Et maintenant, tu vaux encore moins depuis que j'ai croisé Stef. Crétin...