Rêves d'Absynthe

Une  légère  brise  souffle  sur  mon visage  tandis que  nous dévalons les rues en courant, bousculant les  passants, effrayant les  vieillards.

Les magasins défilent, la  musique  aux  fenêtres  se fait  joyeuse, entraînante. Ce  doit  être  le  quartier latin.

Magnifique. On se sentirait presque dans  une autre  ville. Les couleurs se font  vives, pour  un peu je penserai qu’il fait  plus chaud.

Mais  ce  n’est que  ma course  qui fait  monter  le rouge  à mes  joues. Je ne lâche pas sa main, pas une  seconde je  m’imagine  m’en séparer. Pourtant mes  poumons  hurlent  au désespoir.

Cet homme est sportif, il a  de  l’endurance. Moi, rien que de monter mes escaliers au pas  de  course  m’épuise pour  la  journée.

Il ralentit la cadence, et tourne les yeux vers moi, laissant la lumière orangée  d’un restaurant familial nous  éclairer.

Je dois  être  immonde  à voir. Rouge, essoufflée, le visage  humide. Je  détourne les yeux vers le sol, honteuse.

Sa  main se  glisse  dans mon cou, remontant le long de ma mâchoire, relevant mon visage  vers lui. Il se  serre  doucement  contre moi, collant son torse  brûlant contre mon corps  haletant, je  frémis  doucement et détourne une nouvelle fois mes  yeux des  siens pour  observer distraitement des jeunes  filles  dansant sur  une  musique latine entraînante, jouée par l’un de leurs cousins  sans  doute.

Les  yeux  du jeune homme  à la  guitare glissent sur Stef et moi, nous  détaillant avec  un doux  sourire. Ses  notes  changent, muent  en une musique plus  douce, plus  intimiste.

Je  lui souris et passe ma  main dans  les cheveux de  l’homme  que  j’aime. Ce  dernier se  penche vers moi et  saisit  mes  lèvres  entre les  siennes, avec  douceur tout  d’abord, puis  la  fougue se faisant ressentir, ses baisers  se  font  plus osés, sa  langue plus  entreprenante.

La  musique  change  à nouveau, se faisant déchaînée  tout comme nos baisers. Je les  prolonge  un instant  avant  de sourire contre ses lèvres, et  de  murmurer :

-Je crois qu’il faut  y aller  là… Nous  avons  un grand  public…

Stef relève les yeux pour  contempler toute la famille de  l’immeuble devant lequel nous  nous sommes  arrêtés.

Les jeunes  filles  au pied des  marches, le jeune  homme  à la  guitare  adossé au mur, la mama dans le chambranle de la porte, et  les grands  parents  à la  fenêtre. Il leur fait  un immense sourire  ainsi qu’un signe de  la  main, et  m’entraîne dans  les rues.

 Je  n’avais  jamais  remarqué que  son sourire  fût  aussi magnifique. Lumineux.

Irréel.

 

Si bien que je franchis le  seuil de  son appartement sans m’en rendre compte. Il était tout  à l’image de  son propriétaire, glacial et  chaleureux à la fois, alliant  confort et classe avec brio.

A peine entrée il m’embrassait délicatement, m’appuyant contre le mur de l’entrée, décrochant le téléphone de sa main libre et   composant le numéro d’un traiteur chinois.

Je  croyais  rêver, et lui collait  un coup dans  le ventre  d’indignation.

Tu fais  quoi exactement là ?! Grognais-je, agacée.

Hum oui, donc  oui, deux  bœuf sâté, riz  cantonnais et samoussas. Parfait. Continuait-il sans me prêter plus attention qu’à une  mouche dérangeante.

Heyyyy ! Râlais-je  une fois de  plus  avant  de  me  diriger vers  l’intérieur de l’appartement, pestant tout  ce  que  je  pouvais et le moins discrètement possible.

Je  me  poste  finalement devant  une  des  grandes baies  vitrées, les bras  croisés, une  moue  d’enfant sur le visage. Il arrive  enfin. Tu vas  voir mon grand.

Ley ?

 Pas  de  réponse, je  me  penche un peu plus  vers  la  vitre. Il pose  sa  main sur  ma  taille, glissant ses  doigts sur le tissu, faisant frissonner mon épiderme.

Je  m’écarte d’un pas, fixant toujours  l’extérieur.

Ley je plaisantais, je  ne pensais pas que…

-Hé  bien tu pensais  mal ! C’est bête  n’est-ce pas ? Raillais-je, la  voix volontairement sèche, masquant la  lueur d’amusement au fond  de  mes  prunelles.

Manque  de  chance  pour  moi, il dut  s’en rendre  compte  car à peine entamé  mon mélodrame de reproches, je le  voyais  s’approcher de moi tel un prédateur, me  retourner vers lui brusquement, et saisir mes  lèvres  avec  avidité, bloquant mon corps  contre la vitre avec  ses hanches serrées contre les miennes.

Tais  toi, tu mens mal, marmonna-il entre  deux baisers alors  qu’il s’égarait dans  mon cou.

Autant vous avouer qu’avec de pareils arguments seul une  nonne  aurait continué  à faire la tête pour  une  raison qui n’en était pas  une.

La  soirée se déroula calmement, sans  questions  personnelles ou tentatives d’approches douteuses, nous  partagions ce que  nous  pouvions partager sans  nous  blesser  mutuellement.

 

Lorsqu’il me  proposa de dormir sur le canapé et de me laisser son lit, je  le  regardais avec  air  si incrédule  qu’il se  mit  à rougir de  honte, et  vint me rejoindre dans  son lit, laissant  à la  nuit et aux  tempêtes leurs  sombres desseins.

Nous  laissant tous  deux  profiter de la chaleur et  de  la  tendresse qui s’émanait l’un de  l’autre. Je  n’avais  jamais  passé  une si belle nuit tout en restant prude.

La sensation de sécurité et de bien être  qui m’envahissait m’était totalement  inconnue. Jamais  je  ne  voudrais  la quitter. Jamais  au grand  jamais. Je l’aime  tant.

 

Au matin, je  m’éveillais seule dans un grand  lit… La  place  à mes  côtés étant glacée, je  me demandais si je  n’avais pas rêvé cette idylle.

 

« Merveilleux rêve en tout cas », me  souffla une voix au loin

Jeu 18 sep 2008 Aucun commentaire