Rêves d'Absynthe
Je m’engouffre rageusement dans ma voiture, grimpant sur le siège en cuir noir et faisant pénétrer la clef sans douceur pour mettre le contact.
Ma respiration est haletante. Je sens mon cœur battre la chamade dans ma poitrine. Colère et désespoir.
Encore. Encore une fois j’ai été trop bête pour réfléchir. Un homme si beau, franchement. Tu pensais vraiment qu’il serait là pour autre chose que pour allonger sa liste de débraillées qui écartent les cuisses à tout va ?!
Des larmes de colère roulent sur mes joues et s’écrasent sur le volant. Je me penche en avant et appuie le front contre ce dernier. Le cuir synthétique rafraîchit et s’incruste dans ma peau encore brûlante de ma course dans les rues de la ville.
La voiture gronde et moi je ne bouge pas.
Ca y est je cale. J’imagine déjà les quelques regards d’abrutis finis qui observent ma voiture avec une bulle au dessus de la tête « T’as calé, T’as calé !! ».
Je sais j’ai calé, Ouai. Bravo. Observateurs messieurs dames !
Je cramponne le volant jusqu'à en faire blanchir mes articulations, et me cogne désespérément le front contre. Grandis ma fille.
Grandis, grandis. Tu n’es plus une enfant. Le prince charmant c’est fini, dépassé, bouclé. Désormais le prince ordinaire c’est le crétin qui compte toujours les capotes dans son porte feuille avant de sortir de son appart.
Je remet le contact et me glisse dans les files de voitures. Les lumières défilent, il y a encore des restes de la tempête de ça de là.
Dans mon cœur également.
Vraiment, j’ai cru qu’il était différent ? Je n’arrive même pas à croire à ma propre bêtise à présent. J’ai fais confiance à un homme aux yeux violets qui est venu s’incruster lourdement alors que j’étais dans un bar. Je lui ai fait confiance simplement parce qu’il avait l’air triste…
Si ça se trouve il n’était que déçu de n’avoir eu aucune minette dans son lit durant la nuit…
En fait c’est ça… Je suis tellement désespérée et déboussolée par les événements que je me suis imaginé des choses. J’ai enjolivé la réalité. Je l’ai enroulée dans toute une panoplie de rubans de mystères.
Soie et velours.
Paquet cadeau magique et empoisonné au final.
Il était si beau mon inconnu. Enroulé dans un tissu aussi sombre et merveilleux que ses yeux. Je le vois au fond de mes pupilles, dansant, se roulant dans un lit de soie, puis riant de ma naïveté.
S’il ne m’avait pas avoué lui-même sa monstruosité, je l’aurais cru. Je l’aurais suivi… Je ne l’aurais jamais lâché. Jamais, jamais… Il me manque…
« Putain mais t’es conne ! » siffle-je entre mes dents, cognant une fois de plus mon volant tout en m’engageant dans ma rue. Je m’extirpe du break et claque brutalement la portière.
« Il te manque pas, c’est un salaud. Un salaud. Un salaud. »
Je jette ma main en arrière et verrouille les portes d’un clic avant de gravir les escaliers avec peine et colère. D’un coup de pied la porte claque et je me jette sur le canapé la tête la première, enfouissant mon visage dans un des nombreux coussins.
Moins de dix minutes plus tard je suis à nouveau debout, tournant en rond comme un animal en cage. Encore. A nouveau emprisonnée dans mes bonnes manières, dans mon esprit civil…
Ca suffit comme ça. Je me dirige vers la salle de bain et me glisse sous la douche pour me changer les idées. Encore cette sensation de bonheur et de volupté intense. Je laisse mon esprit s’envoler au gré de ses envies tandis que je me savonne le corps.
J’en viens à imaginer que ces caresses d’eau bouillantes ne sont que Ses mains sur mon corps. Ses mains si chaudes si rassurantes… Un faible sourire s’immisce sur mon visage, bien vite remplacé par de la rage. Encore lui.
Il faut qu’il disparaisse de ma pensée jusqu'à n’être plus qu’un simple souvenir comme un autre…
Je sors de la salle d’eau et traverse mon appartement entièrement nue, laissant une traînée d’eau sur le sol derrière moi, et me plonge dans l’examen de mon armoire.
J’aurais voulu un vieux t-shirt trop large pour pouvoir traînasser… Mais rien…
Je continue de fouiller de plus en plus désespérée et finit par tomber sur un t-shirt d’un de mes exs… Je pensais les avoir tous brûlés.
Je serre le tissus contre ma peau nue, le laissant se coller contre mon corps à cause de l’eau. Il était le 19ème. Mathias. Retrouvé avec ma dernière amie dans mon propre lit. Je soupire… Que fait-il à cet instant ? Minuit et demi, il doit être en pleine préparation pour le Golden Gate (*). Tenue de tombeur au programme, je le vois presque, ajustant son gel, cherchant son parfum. Tandis que je passe un pantalon beige ultra moulant, surmonté d’un top marron bien décolleté.
Il passe ses superbes pompes blanches de dragueur émérite, et je chausse mes escarpins.
Le voilà qui attrape ses clefs et quelques condoms. Moi je prend au vol mes clefs et un couteau.
On va bien danser ce soir mon beau.
La plus belle danse après l’amour.
La Mort.
(*)C’est le premier bar qui me soit venu à l’esprit. Il existe c’est un bar gay super sympa sur Strasbourg ^^