Rêves d'Absynthe



J’ouvre les yeux, le ciel est noir.

Enfin noir. Noir  de  ville. Donc  brun orangé avec  des  tons rouges. Couleur  pollution.

Je sens ses mains si douces  caresser mes cheveux emmêlés, moi qui suis  habituellement  impeccable sur moi, j’en ai presque honte. Un geste  doux, tendre, régulier, sa main  passe de mon front  à mon cou, doucement, effleurant ma peau qui frissonne  sous  ses caresses.

Je suis allongée sur le rebord de  l’immeuble, la tête sur ses  genoux. Je ne me souviens pas avoir bougé pourtant.

Devant moi des  dizaines d’immeubles, des rues  éclairées, des voitures et des passants pressés. Et  nous  sommes  là, installés  en haut  de  cet  immeuble  comme  si le temps autour de  nous  s’était  arrêté. Comme  si nous  étions dans bulle, séparée  de  la  réalité  par notre  volonté et notre désespoir.

Son autre  main est posée  sur  ma  hanche, comme  une  ceinture de  sécurité  au cas  ou je  bougerais trop.

 

Je  me  retourne  doucement, le  dos  collé  aux  pierres encore  tièdes, la tête  toujours  sur  ses  genoux. Je  lui souris.

Il me  rend  tendrement  mon sourire et  je  lève la main pour  effleurer son visage. Si doux, si triste. Il penche  légèrement  la  tête en avant pour  que  je  puisse  toucher  tout  son visage.

Mes doigts défilent sur ses  paupières, caressent ses joues, glissent sur l’arrête de sa mâchoire. Nous  nous contemplons ainsi quelques minutes  puis  je  murmure :

-Je me suis  endormie je  crois… (*)

Il sourit  à nouveau :

-Je m’en suis aperçu.

A cet  instant  je  me  sens stupide, mais  je ris doucement et  me redresse. Glissant  ma  main dans  la sienne. Je  rougis  à ce  geste, ce  n’est pas  que  je  sois  forcément  timide, mais  je  ne  le connais  pas. A part  le fait  que  lui soit  avec  moi, et  que  lui ne m’abandonne pas je ne  sais  rien de  lui.

Il se  tourne  vers  moi et  nous  nous  fixons  longuement, détaillant  nos visages  comme si nous  n’allions  jamais  les revoir. Mais  moi je  ne  veux même pas  le  quitter. Je veux croire  qu’il est différent. Différent des  autres.

Mais une  partie de mon esprit  me  hurle  que les  seuls  hommes  différents envers les femmes  sont gays.

 

Au loin des  sirènes  d’ambulances et de police retentissent. Tout  ce  petit  monde est  en pagaille. Tout  ce  monde  est trop serré, trop dense, trop sérieux, trop à cheval sur les règles.

La  preuve, pour  avoir  un minimum d’intimité il faut  se  réfugier sur  le  toit  d’un immeuble. Et  encore, les  étages inférieurs sont des  squats. Le  silence qui était  installé  entre nous devient doucement pesant.

Chacun de  nous  se  pose des  questions sur  l’autre, mais  je sens  que  nous avons  la  même  peur l’un que l’autre.

La  peur  de  perdre l’autre. Pourtant  il faudra  bien passer le cap de  l’anonymat  un jour… Mais que  puis-je  lui demander ? Je  respire calmement, tentant de calmer mon cœur qui s’emballe  dans  ma  poitrine au fur  et  à mesure  que le silence se  prolonge.

J’ai peur  qu’il s’ennuie  avec  moi.

Pose  une question vite ! N’importe  quoi ! Allez  ma  grande  tu peux  le  faire !

Vous…Vous… Heu.

Il tourne un visage  intrigué vers  moi, je  grimace  de  ma  propre  bêtise, de  mon vouvoiement soudain et  murmure :

-Pourquoi ?...

Il a  compris que  je  venait de lui demander  sans  aucun tact, sans  aucune  pudeur  ni préparation la  raison de sa  présence  ici, et de  son humeur. Il baisse  les  yeux,  peiné.

C’est un peu tôt je crois… Trop frais  pour  en parler.

Je  me  sens  stupide, plus  que  stupide. Totalement nulle. Le pauvre, il passait  un moment  loin de  tout  et  je  lui rappelle ses mauvais moments…

 -Hum pardon… Excusez moi je ne pensais pas à grand-chose…

-Et  vous ?

–Moi ?

–Oui vous il n’y  a personne  d’autre ici.

–Ha…

« Ha » Quelle réponse. Je me félicite mentalement et  pose  ma  main sur mon front de fatigue.

Je… C’est  compliqué… Peine de cœur on va  dire…

-Votre petit ami ?

–Ex petit ami oui… Avez  vous quelqu’un dans  votre  vie ?

Je demande  cela  uniquement  pour  changer de  sujet, car je sens que s’il me  demandait  quoi que  ce  soit  je  n’arriverais  pas à mentir. Du moins pas  pour  l’instant. Il baisse  les  yeux, gêné à nouveau et semble  hésiter.

 –Moi… Heum… En bref  je  ne  suis  pas  du genre  à me  mettre  en couple. Je…

Ces  mots me  figent.

 

Pas  lui…

 

Mes  yeux me brûlent et  ma  main me  pique, je  la  retire  brutalement des siennes, me  redresse vivement et recule, les  pieds  à quelques  centimètres du bord. Il me regarde :

-Attention !

Je me moque de  son avertissement et le fixe.

Vous n’êtes  qu’un monstre comme les  autres. Une plaie, une  horreur !

Ses  yeux s’agrandissent d’effroi à mes  mots, il tend  la  main vers  moi et entre  ouvre les  lèvres, puis les  referme, n’ayant apparemment rien à ajouter.

Son regard se  refroidit instantanément. Il ne  bouge  plus.

Et  je  m’enfuis dans  la nuit, laissant là mon prince  charmant d’un jour.

Ma merveille  d’une  journée qui s’abîme  la  nuit  venue, qui révèle  sa vraie nature.

 

(*) On observera que  mes  persos ont  toujours l'air  cons. Aussi bien en mode "Romantique" (ici) qu'en mode  "drole" (ex: Tom dans Délires). Mais  heureusement, Danouch est là pour  remonter  le  niveau

Mer 10 sep 2008 3 commentaires
tu sais que pendant les vacances j'ai relu cette histoire ! Je l'aime troop je trouve qu'on a été balaise sur ce coup :ppp

j'arrive encore à mettre ems chaussures je t'assure mes chevilles n'ont pas du tout enfler lOL

KISS je t'aimme !!!! =)
danouch74 - le 10/09/2008 à 20h29
C'est une très belle histoire, vous êtes toutes les deux talenteuses et c'est un plaisir de vous lire ^^.
L'intrigue est interessante, surtout que j'aime les histoires tristes. Cela montre la peine de gens normaux mais qui deviennent petit a petit presque fou a cause des souffrances de la vie. Par exemple la fille, elle a juste eu a essuyer des peines d'amour, mais cela l'a pourtant brisé au plus haut point et elle est venue a tuer Jim. Je trouve ça beau et réaliste. Des peines qu'on peut appeller de futiles peuvent détruire une personne. Et si bien écrit comme ça, tu rentres dans l'histoire, et quand tu en sors, tu es dans une bulle de tristesse et de mélancolie (enfin moi oui.)
Voila, j'espère que vou continuerai cette histoire, et que je pourrais lire la fin ^^.
Bisous
Nariel Alcarin - le 11/09/2008 à 06h29

petit commentaire qui ne sert à rien vu que l'histoire est terminée depuis des lustres :

elle abuse quand même un peu la meuf. je veux bien qu'elle se fasse des films et tout mais bon là quand même c'est exagéré. elle "connait" le mec depuis quelques heures et panique déjà quand le mec lui dit qu'il n'est pas du genre à se mettre en couple.

bon je veux bien qu'elle soit du genre à tout prendre au sérieux, et de plus le mec lui a appporté un peu de lumière en ce jour sombre. mais bon il n'en reste pas moins un inconnu !

mais bon, en réalité, j'avoue que cette réaction cadre parfaitement avec le personnage et je dirai même que j'aurai trouvé ça illogique qu'elle ne réagisse pas comme ça au vu de tout ce qui a été écrit avant.

oui oui, je suis une chieuse et je l'assume !

ps : si tes écrits m'inspirent de telles réactions c'est qu'ils sont vraiment biens.

Darelle - le 04/12/2010 à 14h42

Arf m'en parle pas, elle est pas hyper hyper logique comme nana ^^' en même temps c'est moi qui la manie, donc forcément y a un truc qui déconne =3 Et puis je sais pas faire vivre un personnage féminin, donc le rendre complètement fracasse, ça aide à passer la pilule =D

Meuh non t'es pas une chieuse, tu m'as juste fait peur je me suis dit "merde, elle va me démolir..." et puis en ffait non, merci xD

Absynthe