Rêves d'Absynthe

Kaelith observait le  jeune homme, attendant  qu’il continue avec  impatience. Elle était  en vie, et  elle  continuait de se défendre. Mais  ce  qui l’inquiétait était  qu’elle  semblait plus que  souffrante.

Loen Grihn reprenait  son souffle, les  souvenirs  lui semblaient  douloureux. Il renversa son visage  en arrière et  s’accouda dans l’herbe, laissant son regard  embrasser l’obscurité qui les  entourait. (bug atroce : les  tokio hotel fument, bah dis donc de  vrais  petits  hommes -_-) Bref.

« Elle  s’était relevée avec  difficulté, s’appuyant sur l’étalon qui la fixait de ses  yeux  jaunes. Elle  parlait seule, enfin elle  conversait avec  la monture. Apparemment l’heure était aux  explications.

Al Hataal, si je ne t’en ai pas  parlé ce n’était pas  pour te  le  cacher, mais  uniquement parce que je  pensais  que  c’était  une simple  menace par rapport  à moi.

 Silence, l’étalon piaffait et grognait. On le  sentait véritablement en colère.

M’enfin je pouvais pas  deviner !!! Si j’avais  su que  cela  signifiait que ton maître était toujours  en vie je te l’aurais  dit.

– Non je ne vois pas pourquoi je te l’aurais caché !

–Mais  tu fais ce que  tu veux  de ta  vie  merde !!!!

Je  la  vois s’appuyer contre  la  falaise, elle  semble éreintée. C’était une toute autre personne que celle que  j’ai observé plus  tôt. Elle  semblait faible et  malade.

Mais  va ! Barre toi ! Je  te rend Dainsleif et dégage ! Va le retrouver !

Ses  yeux  luisaient étrangement, son épée attachée à sa  taille avait pris  une teinte plus  que  blanche, presque  translucide. Elle  semblait réagir à ce  que  son porteur disait. Comme  une  plainte  sourde, une  façon d’entrer  dans  la  conversation. 

 Ouai c’est ça… Quand  il t’appellera.

Elle  commença  à s’avancer vers moi, les  yeux cernés  de  noir, le  teint pâle. Mais  elle  s’arrêta et se tourna  vivement pour  crier

MAIS JE NE PARLE PAS LEUR LANGUE, JE POUVAIS PAS SAVOIR CE  QU’IL DISAIT !

De  tout évidence, l’étalon lui en voulait  énormément et ne comptait  pas  la  laisser tranquille. Je  me suis avancé pour  la  prendre  dans  mes  bras  alors  que je  voyais  ses  jambes céder sous elle. Je  l’allongeais sur  le  sol, elle semblait  encore  à demi consciente, mais  l’étalon continuait d’avancer, je  pouvais  presque  l’entendre lui faire  des  reproches.

Il avançait lentement, comme  un enchanteur, et  elle  bougeait  la  tête  au gré de  ses pas, cherchant  à éviter  ce  qu’il lui disait. Je  la  sentais souffrir près  de  moi, c’était  insupportable je vous le jure. J’ai craqué et  me suis  jeté devant l’étalon :

-CA SUFFIT ! LAISSE LA !

Il semblait enfin se  rendre  compte  de  ma  présence. Ce  cheval, je  vous  l’affirme, n’avait  rien à voir avec  un animal, tout  en lui reflétait  l’humanité. Y compris la  colère. Réflexe  stupide  ou non, je  fis  de  grands  gestes  pour  l’effrayer, bien qu’il ne  soit  pas  un cheval il en avait  l’apparence, et  le  cerveau humain a, semble-il, de  nombreuses  réactions débiles.

Je  me  voyais là, à faire  des gestes dans sa direction tandis que lui me  regardait, calme, menaçant. Terrifiant.

Il s’avança encore  d’un pas, et  appuya son chanfrein contre  mon front, me  fixant de ses  yeux, et  souffla  un grand  coup de ses  naseaux en poussant  un terrible grognement.

Je peux  vous  jurer  mes  amis, que nous avons  de la  chance que les  Meshamhaans soient passifs  dans  cette  guerre, car  je sentais  mon cœur  défaillir, au même  instant  que  sa  gueule  s’ouvrait  pour laisser  place  à des  dents de carnivore  pur et  dur.

Oui je dis  gueule, bien que pour  un cheval tout le monde dit bouche, mais celui là n’avait  qu’une gueule  d’animal sauvage, ornée de dents qui pourraient toutes être cataloguées de canines. Il continuait  à écarter ses mâchoires  à quelques centimètres de  mon visage, lorsque la  jeune femme  reprit ses esprits :

-Al Hataal, va-t-en ! C’est un ordre. Va  t’en et ne  reviens  que  d’ici demain matin. Je te  rendrais Dainsleif si tu le désires. Maintenant pars c’est un ordre je le répète.

Il y eut  une lueur  dans  son regard  qui s’éteint  à cet  instant. Je ne  saurais  dire quoi, Elle  ne le  vit pas, mais je le  sentis  tout  de  même. L’étalon semblait  avoir été… Blessé. Oui peut être blessé.

Après  le  départ  de son coéquipier, nous  parlâmes toute la nuit durant. Elle  me  racontât tout. Tout  ce que  vous savez  déjà semble-il. Elle  m’exprima également ses  inquiétudes quant à la  conduite  à avoir.

Elle  détacha Dainsleif de sa  ceinture et  la  posa  au loin, m’expliquant que cette arme était ce  qui la reliait  à l’étalon par  la  pensée. Elle  pu enfin me  confier  ses  craintes. Elle ne savait  pas  ce  qu’ils allaient faire  s’il restait avec  lui. Elle  savait  qu’il désirait traverser l’Espagne pour parvenir à l’Afrique.

Mais il refusait tout  bonnement  de lui dire ce qu’ils iraient faire  sur le  continent  Sud. Je remontais quelques  instant voir les membres  de  mon groupe et  leur  demandait  de  patienter ici jusqu’au lendemain.

Je  soignais sa plaie, toute  la  nuit. Craquant la  peau refermée pour  ôter cette  lueur grise de  son être. Je sentais  qu’elle  était  mauvaise. Elle  souffrit pendant des heures, je  n’étais pas  tendre  avec  elle  mais  je  n’avais  pas  le  choix. Cette  plaie  la rongeait.

Elle  appela  Al Hataal dans  son sommeil.

Bien qu’elle ne touchât pas l’épée, je le vis arriver au grand galop. J’étais  surpris. Il semblait  l’être aussi. Et lorsqu’il me vit les mains  dans  son sang, il entra dans  une rage  folle.

J’attrapais Dainsleif et  me  mis  à lui expliquer  que  je ne  faisais que la soigner. Il se  calma et  je  pu lui conter la véritable version de  leur  embrouille par rapport  à la  phrase  que  Dainsleifin avait  entendu durant  l’agonie de  son adversaire.

« sé bog ar ais cuartaigh Dainsleif. Sé bog ar ais ! », Ainsi cela  voulait  dire

« Il reviendra chercher Dainsleif, Il reviendra », mais  ça, elle l’ignorait jusqu'à que l’étalon ne lui dise.

Elle  n’y pouvait  rien, et  elle ne pouvait pas deviner que el véritable maître de l’étalon était en vie d’après  ces paroles. Mais  quand  reviendrait-il ? Ni l’étalon ni moi ne  purent  y répondre…

 

Le  lendemain, après  de touchantes retrouvailles entre l’étalon et la jeune femme qui boitait toujours légèrement, il lui avoua quelque chose qui l’ébranla. Elle se  tourna  vers  moi, un air surpris et heureux à la  fois.

 

« Loen grihn, nous  allons en Afrique pour… Pour  lever  les  Armées  Sud. »

Tandis que Kaelith et Loen Grihn continuaient de discuter, Dainsleifin s’endormait entre les membres de l’étalon, se  réchauffant comme  elle  le  pouvait. L’étalon avait  posé sa tête sur sa poitrine, réchauffant son ventre  du souffle  brûlant qui s’échappait de ses  naseaux.

Elle  s’était  habituée  à cette  odeur  de souffre qui émanait  de  lui, elle avait appris  à l’apprécier et  s’y était  attachée. Lui aussi s’était  attaché  à cette  petite  chose fragile  mais  il refusait  de  l’admettre.

Même  si son maître  était  en vie, il ne pouvait  la  laisser  ainsi, et  puis s’il était  en vie, il aurait déjà pu l’appeler. Pourtant  il n’avait pas  entendu un mot. Les deux  équipiers, tentaient tant  bien que  mal de  s’endormir sous la  pluie  glacée qui tombait  sur eux.

Aby avait caché ses  affaires  sous  un buisson pour qu’elles  soient au sec, mais  ne  pouvait  en faire de  même. Elle  demeurait les  yeux fermés, mais  ce  semi sommeil révélait d’étranges  craintes.

Sa  plaie se refermait lentement, les soins  que  lui avait porté  Loen Grihn quelques  jours plus  tôt lui avaient été bénéfiques. Cependant elle n’arrivait pas à se  remettre de  l’influence qu’avait la  lame  blanche sur  elle. Dainsleif la dirigeait, elle avait  une volonté  propre  qui influait sur  la  sienne. Une  volonté de vivre, qui surpassait la sienne.

Elle  semblait  habitée par une  aura qui s’infiltrait en elle, une puissance invisible, l’éclat de la lame l’habitait. Elle  savait que c’était grâce  à elle  qu’elle  avait  pu tenir  éloigné Loen Grihn. Mais  ces étranges « pouvoirs » l’effrayaient quelque peu. Si elle pouvait faire cela, pourquoi les  êtres des sous Sols n’en faisaient pas de même ? Pourquoi Al Hataal ne lui en avait pas  parlé ?

Le sommeil la gagnait lentement.

 

Al Hataal gardait les yeux ouverts, il entendait quelque chose  au loin. Le bruit  d’un peloton de chevaux. Un détachement de cavaliers, au moins  une  quinzaine. Mais  ils  étaient  loin, pas la peine de réveiller la jeune femme maintenant.

La  route  allait  être  longue  jusqu'à l’Espagne, ils  n’étaient qu’a la  côte méditerranéenne, et venaient tout  juste  de  passer Toulon (en bas à droite).

 

Une  heure passa, l’étalon était de  plus  en plus  inquiet, les  cavaliers  s’approchaient de  plus en plus  comme  s’ils  les  pistaient. Il éveilla  doucement la jeune femme, et ils se préparèrent rapidement sans  bruit, elle grimpa en selle sans rechigner et  il partit au petit  galop, s’éloignant  au maximum des Meshamhaans arrivant vers eux. La pluie  continuait de tomber  sur  eux, et  le  ciel semblait  s’être transformé, l’aube approchant avait remplacé les cieux  noirs  par  une couleur argentée presque  inconnue de  l’œil humain.

Le rideau de pluie  qui obstruait la vue de  la  jeune femme  achevait de rendre le  paysage surnaturel. L’eau glissait sur  l’étalon comme  s’il avait été recouvert  d’un film imperméable, apparemment il lui fallait plus  qu’une pluie pour  tremper  sa robe et ses  crins. Un éclair  traversa le ciel, le fissurant de  part en part, et Dainsleifin regarda en arrière, au loin les  collines sombres semblaient s’être revêtues d’onyx et d’argent.

Elle  ne vit pas  au loin la  masse  sombre  en mouvement, épées  scintillantes déjà dégainées mais elle entendit  le  cri déchirant d’un des Autres. Elle  frémit et se retourna  vers  Al Hataal qui avait  doublé l’allure.

Ils  sont  nombreux n’est-ce pas ?

–Oui… Trop nombreux même.

–Si nous  ne les  semons pas, qu’arrivera-il ?

–Tu mourras sans aucun doute.

Le  galop de  l’étalon s’accéléra encore, et  ils gravirent  une nouvelle  dune. –Ils  sont  reposés, ils  nous  attendaient  apparemment Dainsleifin…

Aby ne  répondait rien mais avait  compris  que sous ces  paroles  l’étalon voulait lui dire  qu’ils allaient les  rattraper puisqu’il était d’ores et déjà à bout de  force. De nouveaux  cris  retentirent, plus  proches qu’avant.

Aby sentait à chaque foulée de l’étalon, le tremblement de terre que créait le piétinement des autres Meshamhaans.

 

Tout se faisait sourd, alourdi, la  pluie semblait silencieuse, la  jeune  femme ne se concentrait plus que sur les bruits que  faisaient ses poursuivants. Le  cuir  grinçait sous eux, le  métal glacé de leurs côtes de maille s’entrechoquait, elle entendait  même  jusqu’au claquement de leur mâchoire.

Sa vision se troublait et  elle sombrait dans  une semi conscience tant  elle était absorbée dans  son écoute.

Elle les voyait presque, elle  distinguait leurs ombres bien que  ses yeux soient  dirigés vers  l’avant, et  non vers  l’arrière, elle voyait leur stature, leur magnificence. Les  chevaux  lancés au grand  galop puissant, l’écume ornant leur poitrail, sa  respiration se faisait de  plus  en plus  faible.

Elle  voyait  à présent leurs  yeux, bleus, verts, bruns, jaunes, ocre, elle  pouvait les  compter, son cœur sembla s’arrêter dans sa poitrine. Elle sentait  leur  colère, elle  ressentait leur hargne.

 

Des feuilles  lui griffant  le visage  la  ramenèrent à la  réalité, et  elle  se  pencha  vers  l’étalon :

-Dix-sept, Al Hataal.

–Quoi ?

–Ils sont  dix-sept. Nous n’arriverons jamais à les semer.

-Je sais. Du moins pas  sur les  terres.

–Je ne comprend pas…

-Tu vas  vite  comprendre ma grande. Soit nous  y arrivons, soit nous mourrons. Enfin toi surtout.

Elle  rit, cette situation était stupide, ils avaient traversé le pays, et ils allaient  mourir  acculés  à la  mer.

« Au moins  sur  la  plage » murmura-elle.

Faites qu’on arrive  à la  plage. Une dernière colline fut montée, les assaillants sur les talons, toujours  plus hurlants, toujours  plus  proches, un éclair révéla enfin la mer. Une  longue plage de sable gris  s’étendait devant eux. 

"Ainsi c’est ici que  tout  cela se termine. C’est beau. Je  peux vous  jurer  que  vous  ne m’aurez pas facilement".

A ces mots Dainsleifin dégainé l’épée blanche, s’apprêtant à mener  son dernier combat, mais  l’étalon ne s’arrêtait pas. Elle  fronça les sourcils… Où va-t-il ?

« Aby fais moi plaisir, attrape  un de tes  foulards, et  attache toi à la  selle »

« Quoi ? »

L’étalon ne  répondait pas, et  la  jeune  femme sentait le souffle de l’un des  autres Meshamhaans dans son dos, elle  obéit rapidement, et Al Hataal franchit les derniers mètres qui le séparaient de l’eau, et  se  jeta  avec  force dans les  hautes vagues de cette mer rendue argentée par le ciel gris.

Mer 14 mai 2008 Aucun commentaire