Rêves d'Absynthe
Aby réalisant qui venait de s’écrouler sur elle, se jeta sur le corps sans vie de sa cousine, la secouant dans tous les sens tandis que ses larmes coulaient à flot, nettoyant son visage du sang de la grande blonde.
Les tueurs continuaient leur massacre au milieu de la foule.
Elle arrêta bien vite sa crise d’hystérie, et caressa du bout des doigts le visage encore tiède d’Adeline.
Elle l’observa longuement, avec ses cheveux blonds plein de sang, son visage si clair, si pur, et cette plaie béante qui lui taillait le cou.
Horizontale, 10 centimètres de longueur et environ 4 de profondeur.
La veine jugulaire avait été parfaitement tranchée.
"Du travail de maître" se dit elle.
Pas de trace, une coupure bien nette.
Cependant un détail la fit ciller et se rapprocher de la plaie. Sous ce sang on pouvait tout de même distinguer une sorte de traînée presque invisible.
Invisible tout compte fait, si on ne la cherchait pas. Une traînée blanche.
Pas un résidu, une lueur.
Voilà. Une lueur blanche demeurait là ou avait glissé l’épée.
Aby demeurait figée devant cette lueur, et se surprit même à tenter de la toucher du bout du doigt, glissant à travers le sang d’un être humain mort.
Manque de respect certain que de laisser la curiosité l’emporter sur la peine. Mais cette lueur l’attirait.
Un attrait de plus en plus fort prenait forme en elle.
Relevant les yeux elle aperçut l’épée responsable de la mort de sa cousine.
Longue, luisante, ensanglantée, si pale sous ce sang.
Un métal argenté extrêmement clair. Une sorte de lumière l’habitait.
Elle était différente des autres épées que portaient les tueurs…
Elle ne semblait pas faire partie du même monde.
Plus majestueuse, presque royale.
Ses yeux glissèrent de l’épée vers la monture du cavalier.
Magnifique, sombre mais magnifique. Un port de tête digne des plus beaux étalons arabes, mais une musculature bien plus développée.
Son attitude la choquait, tous les autres « chevaux » semblaient en harmonie avec leurs cavaliers, or ce dernier n’était absolument pas accordé, le cavalier montait avec une rage infernale.
Ses mouvements étaient brusques, bien plus brusques que ceux des autres qu’elle trouvait déjà trop violents.
Le destrier prenait pratiquement autant de coups dans la bouche via son mors que les lycéens qui s’écroulaient devant lui. Un filet de sang s’échappait de sa bouche ainsi que de ses naseaux, mais malgré la douleur que semblait lui infliger ces coups, il ne montrait pas la moindre résistance, se bornant à attendre des ordres sans devancer les désirs du cavalier.
Aby continua son observation en remontant vers ses yeux qu’elle pouvait distinguer malgré la plaque de métal sur son chanfrein.
Terriblement humains. Vivants. Plein de rage.
Pas contre les humains car il ne faisait pas un pas pour leur faire du mal de son plein gré, mais contre son cavalier.
Une rage sourde qui ne demandait qu’a être libérée.
La même attirance qu’elle avait ressentit pour la lueur s’émanant de l’épée s’empara d’elle.
Mais elle se voyait seule au centre de la foule hurlante.
Seule, avec le cadavre d’un être aimé sur les genoux.
Un être qui voulait vivre plus que tout. Un être qui a perdu la vie à cause d’elle.
Mais aussi à cause de Lui.
Ce cavalier si ténébreux et pourtant si caricatural par rapport à sa monture et à son arme.
Aucune classe, simplement de la rage, de la colère sans but.
Aby reposa délicatement sa cousine à terre, et se releva lentement, marchant d’un pas sur vers ce cavalier, enjambant corps et tas de terre retournée.
Elle avançait vers lui, et plus l’espace qui était entre eux s’amenuisait, plus elle sentait sa volonté de le faire payer s’endurcir…
Elle était décidée, il allait mourir.