Rêves d'Absynthe
Hello les filles ! Ici Deadly.
Le chapitre 6 de Sensitiv' est publié sur mon blog => ICI
Je le publierai dans cet article plus tard, je vous laisse le temps de le découvrir chez moi et de laisser des commentaires
(Owii des commentaires ! ça me motivera d'autant plus à accélérer l'écriture du prochain chapitre :) )
Je profite donc de cet article pour vous donner des news d'Aby.
Elle est à la Réunion pour ses études, elle a une connexion internet de merde et de façon sporadique. Mais elle va bien ! Par contre la suite de ses histoires est malheureusement en suspend pour le moment.
Chapitre 6
Ce n’était que la seconde journée et déjà, Andrès effleura l’idée de commettre un meurtre. Pas que se faire prendre en photo le gênait tant que ça - à part qu’il avait l’impression de passer pour un véritable abruti avec un objectif constamment braqué sur lui - mais, là il mangeait bordel ! Est-ce qu’un cliché de quelqu’un qui mange un putain de sandwich a réellement quelque chose d’artistique ? Est-ce qu’il ne pouvait pas avaler quoique ce soit sans être observé à la loupe ? Faire quoique ce soit d’ailleurs ? Il allait bientôt lui falloir des photos de son brossage de dents matinal ? Ou peut-être même de sa douche devenue quotidienne ? Arf, non en fait pas la douche. Ça pourrait prêter à confusion...
Quand il reposa enfin son appareil pour mordre dans son déjeuner, Andrès laissa échapper un soupir de soulagement. Il allait peut-être enfin le laisser profiter de son repas ! Il engloutit le dernier morceau de pain et avala une gorgée d’Inca Kola.
Le soleil au zénith donnait une irréelle couleur scintillante à l’océan. Le regard perdu au loin, il se sentait bien, là, simplement assis sur la plage de Chorillos. Les rayons lui chatouillaient agréablement la peau, il ferma les yeux une seconde.
Le bruit du déclic de l’obturateur lui fit les rouvrir aussitôt. Et c’était reparti ! Pouvait pas être tranquille cinq minutes ! Il lui lança un regard noir qui fut immortalisé dans la seconde. Andrès se retint de grogner. Dante était vraiment insupportable. Ça avait été ça toute la matinée !
Lit, douche, nourriture. Ne pas craquer ! Lit, douche, nourriture. Ne PAS craquer ! Il expira lentement pour se calmer et éviter de lui faire bouffer son appareil. Ce n’était pas l’envie qui lui manquait pourtant...
Il se leva d’un bond n’arrivant plus à supporter le viseur de l’appareil photo braqué droit sur lui en permanence. Il avait accepté ce deal par plus ou moins obligation mais là... ça devenait un peu trop.
Il secoua la tête et passa une main dans ses mèches pour en décrocher les quelques grains de sable qui s’y étaient logés quand il s’était allongé une seconde. La chaleur était telle qu’il sentait la sueur dégouliner le long de son dos. Dans le coin externe de son champs de vision, il voyait Dante qui le détaillait.
Andrès serra les dents, enleva son tee-shirt, arracha presque son jean et se jeta dans l’eau. Il se mit à nager, nager, nager, aussi loin qu’il pu pour calmer ses nerfs. Là, tout de suite, il ne voyait pas comment il ferait pour tenir au moins une semaine sous un regard aussi scrutateur. C’était dérangeant. Très dérangeant. Il avait la mauvaise impression d’avoir un spot braqué sur lui H-24. Bon, techniquement ce n’était pas faux, hormis le fait que Dante n’utilisait pratiquement jamais le flash, lui préférant la lumière naturelle.
En l’espace de deux jours, il était passé d’invisible à incontournable. Et ce n’était pas spécialement la meilleure chose au monde. Il aimait bien l’indifférence des gens. Pas trop. L’invisibilité totale, il la laissait volontiers aux super héros mais, entre ça et être constamment regardé de toute part et sous toutes les coutures... il y avait un fossé !
Tous ces regards, ceux de Dante mis à part, le mettaient terriblement mal à l’aise. Mais : lit, douche, nourriture. Il ne pouvait pas craquer maintenant. Alors, en atteignant la bouée jaune qui délimitait la zone de baignade, il se promit de supporter encore sans se plaindre. Ça serait dur et il lui faudrait une dose considérable de sang froid mais, il se sentait capable d’y arriver.
En retournant sur la plage, alors qu’il avait encore de l’eau jusqu’au bassin, il se pencha légèrement en arrière et passa ses doigts dans ses cheveux pour les plaquer en arrière. Il jeta un coup d’oeil aux alentours. Pas grand monde. Hmpff, tant mieux. Il n’avait pas franchement réfléchit avant de sauter dans l’eau comme un gamin mais il se sentait quelque peu idiot maintenant, pas vraiment à l’aise. Il plaqua ses bras sur son torse et rejoignit l’endroit où Dante et lui avaient installé une couverture de fortune en scrutant le sol, et s’y assit.
L’autre n’avait toujours pas lâché son appareil. Evidemment... A croire qu’il était né avec ou qu’on lui avait greffé. Ce truc était une extension de lui-même, c’était incroyable ! Il dormait avec aussi ?
Andrès s’appuya sur ses coudes et ferma les yeux. Il laissait volontier le soin au soleil de le sécher. Vu la chaleur ambiante, dix minutes seraient certainement suffisantes. Il tritura vaguement son collier, dernier vestige de sa famille. Sa soeur lui avait confectionné alors qu’elle avait douze ans, à l’école, avec un élastique et des cercles en bois. Il appréciait de voir le contraste entre les cinq bouts foncés alignés puis le bout plus clair, d’un bois blond, seul perdu au milieu. Et c’était comme ça tous les cinq morceau de bois. Son petit préféré était celui où elle s’était trompé et en avait mis six bruns et quatre autres autour du petit blond. Le seul qui n’était pas symétrique. Seul dans sa solitude et sa différence. Elle avait été scandalisé de voir son erreur mais c’était comme ça qu’il l’aimait ce collier. Imparfait.
Après un énième déclic, il plissa un oeil. Le profil de Dante se découpait nettement sur l’horizon. Ses longs cheveux noirs se fondaient totalement dans sa chemise noire entrouverte au col, si bien qu’on ne pouvait en définir parfaitement la longueur. Son début de barbe lui donnait un petit côté hérisson, légèrement négligé mais propre.
Et ses yeux... Ses yeux... On a tous joué aux billes étant enfants. Andrès avait sa petite favorite. La verte pâle nacrée qui brillait au soleil quand on la mettait sous un certain angle. Elle était magnifique. Et unique. Il n’en avait jamais vu de semblable chez ses amis. Là il en avait trouvé deux. Et elles le scrutaient en ce moment même. Et elles brillaient. Tout le temps. Différemment selon les humeurs. Mais il y avait toujours cet éclat de vie quelque part au fond. Cet éclat qui laisse pantois. Sauf quand il partait au loin dans ses pensées, elles se ternissaient légèrement mais ça ne durait jamais très longtemps, ou alors c’était juste que personne n’avait eu le privilège de le voir plus de quelques secondes. Quand il n’était plus seul, ce voile se levait aussitôt.
Commençant à se sentir à l’étroit sous ce regard, Andrès rompit le contact et enfila son tee-shirt. Il passa automatiquement une main sur son bouc en attrapant son jean. C’était la seule concession que Dante lui avait faite sur sa pilosité faciale. Et il avait sans doute eut raison car ça le rendait assez sexy et ça présentait tout de suite mieux. Pas qu’il soit poilu de base, il avait une pilosité assez peu développée mais un petit coup de rasoir ça vous changeait un homme. Ça lui donnait au moins l’air d’avoir son âge. S’il rasait tout, il prenait le risque de passer pour mineur ou pré-pubère, il n’avait pas quitté l’adolescence pour y replonger aussi sec... Ne serait-ce qu’en apparence.
Il se tortilla pour passer son jean sur son caleçon encore légèrement humide puis il se relava en se contorsionnant, remit rapidement ses chaussettes en sautillant sur place et sauta dans ses vieilles baskets qui avaient vu des jours meilleurs. Andrès, ou comment passer pour un incapable en manquant s’étaler pour une paire de chaussettes.
Il se campa face à Dante qui n’avait pas bougé d’un iota. Il comptait passer la journée sur la plage ? Ça faisait presque deux heures qu’ils étaient là. Deux heures à ne rien faire. Ce n’était pas que ne rien faire l’ennuyait en général - il avait eu plusieurs mois d’entrainement dans la rue ces derniers temps - mais, là il avait besoin de s’activer un minimum parce que s’il se concentrait encore sur les déclics incessants de l’obturateur même involontairement, il finirait réellement par lui faire avaler son objectif et il n’était pas sûr que ce soit très digeste. Tant mieux ! Qu’il s’étouffe avec !
Non, non, non. Calme. Caaaaalme !
Il se retourna en respirant profondément et observa distraitement l’horizon. Le sable s’étendait à perte de vue, se noyant au loin dans l’horizon. Ce qui détruisait malheureusement la paysage étaient tous ces immeubles immondes qui surplombaient la plage depuis le haut de la falaise. Les rayons du soleil réussissaient à peine à l’embellir. C’était dire… Andrès sursauta quand on lui effleura le bras et vit que Dante s’était levé et avait remballé les affaires en silence. Il ne l’avait même pas entendu.
- Tu viens ? Lui lança-t-il en le dépassant.
L’hôpital qui se fout de la charité. Littéralement.
Le jeune péruvien soupira puis entreprit de le suivre. Il regarda l’eau qui lui tendait les bras. Maintenant qu’il était habillé il avait vraiment chaud, il sentait ses vêtements lui coller à la peau. Il jeta un oeil à ses baskets qu’il avait eu un mal fou à remettre et soupira. Andrès leva sa jambe droite vers l’arrière, attrapa sa chaussure qu’il ôta et glissa ses doigts dans le tissus de sa chaussette pour l’enlever et la glisser dans la basket qui pendait au bout de son bras. Inutile de dire que tout ce stratagème lui fit perdre l’équilibre bon nombre de fois. Cela ne le découragea pourtant pas de faire de même avec la seconde jambe.
Maintenant il avait un énorme train de retard sur Dante mais au moins ça lui permettait de marcher les pieds dans l’eau. Le jeune homme le rattrapa donc à son propre rythme. Chacun son tour d’attendre l’autre.
- On va faire une dernière série de photo avant d’aller manger.
Andrès fit un mouvement vague de la tête dans sa direction. Manger ?
- Quoi comme genre de photos ?
- Reste naturel.
Dans le genre déstabilisant, c’était pas mal. Comment peut-ont rester naturel quand on nous demande de l’être ?
Andrès grimaça et essaya de faire abstraction de l’objectif, se contentant de jouer avec l’eau fraiche qui enserrait ses chevilles tout en continuant son chemin. A vrai dire, il se demandait surtout ce qu’ils allaient bien pouvoir manger. Son estomac gargouillait. Vivement qu’ils en finissent avec ces clichés…
A première vue, ils se dirigeaient vers le quartier de Miraflores, donc il y aurait du choix pour la nourriture. Là bas, tous les restos se faisaient concurrence et étaient implantés les uns en face des autres. A force d’avoir trainé dans le coin, il savait qu’il y avait de nombreux restaurants péruviens, quelques restaurants italiens et il croyait en avoir aperçu un chinois ou un japonais, quoique la nourriture japonaise ne l’attirait guère… Manger du poisson cru comme ça n’avait pas grand chose d’intéressant, il préférait de loin un bon Ceviche. Ça avait déjà plus de goût et était bien plus assaisonné.
Le soleil chauffait sa peau mate et il se surprit à apprécier la caresse froide de l’eau autour de ses chevilles. Le ressac de l’océan la faisait remonter toujours plus haut le long de ses mollets, le rafraîchissant brutalement, puis se retirait tout aussi vite. Le clapotis irrégulier des vagues était une mélodie très apaisante quand on savait l’écouter.
Andrès ferma les yeux un long moment, réduisant son champ de perception à la mer. Ne rien avoir à penser, ne plus avoir d’obligations, se sentir libre de faire ce que bon lui semblait. Ça, c’était magique. Il avait l’impression d’être entouré d’une bulle bleue infranchissable où rien ne pouvait l’atteindre.
Rester dans cet état de semi-conscience un peu plus longtemps aurait été le bienvenu mais, ils approchaient de Miraflores et l’estomac du péruvien criait famine. Il ouvrit les paupières et redécouvrit les grains de sable sous ses pieds, les bâtiments au loin baignés de la lueur vive du soleil et l’éternel objectif de Dante. Sauf que cette fois il pendait simplement autour de son cou.
Le retour à la réalité lui paru moins brutal quand le photographe lui demanda où il désirait déjeuner avec un sourire.
Peut-être une pizza ? En fait non. Manger italien ferait sans doute trop plaisir à son tortionnaire, il était serein mais pas à ce point là. C’est avec un petit sourire sournois au coin des lèvres qu’il lui indiqua donc un restaurant traditionnel qu’il avait repéré un jour en passant, et qui l’avait fait saliver. Dante ne s’en formalisa absolument pas et acquiesça en se dirigeant vers la devanture qu’Andrès lui avait indiqué. Sans en connaitre la réelle cause, le jeune homme fut un peu déçu de voir que ça ne le touchait pas plus que ça mais le suivit en silence.
Les ordres irrévocables d’un estomac vaincront toujours toute requête requérant une quelconque concentration.
Ils s’installèrent en terrasse, profitant de la chaleur du soleil sans en subir les désagréments, abrités sous une tenture de couleur pourpre. Andrès observa les alentours et constata que comme à l’accoutumée le quartier était animé mais beaucoup moins qu’en soirée. La sieste de midi était encore très prisée des habitants, le moment où le soleil est à son apogée était source de fatigue, on lui préférait souvent les heures plus fraîches de la fin d’après midi, voire de la nuit.
Quand le serveur vînt leur apporter les menus, Andrès commanda sans même y jeter un oeil, il rêvait d’un bon Seco [ndla : plat à base de boeuf, riz, pomme de terre et sauce de coriandre avec des petits pois] depuis un bon moment déjà. Dante l’imita et choisit de lui faire confiance dans le choix de son plat. Le jeune homme l’observa et mesquin, se dit qu’il aurait dû prendre un ulluco [tubercule péruvienne effilée, cuisinée avec du lama], peu d’occidentaux adoraient ce repas qu’ils trouvaient particulier. Quoiqu’il en soit, leurs assiettes arrivèrent rapidement, surement à cause du fait qu’il n’y ait que peu de clients attablés à cette heure, et ils commencèrent à déguster tranquillement.
- Alors ?
Dante leva la tête de son assiette, le regard interrogateur puis comprit quand il vit le regard de son modèle descendre vers la table.
- C’est très bon, tu as bon goût.
Andrès hocha la tête, satisfait. La nourriture de son pays était bien la meilleure qu’il ait jamais mangé. Mais, n’en était-il pas de même pour chacun ? Chaque homme apprécie ce qu’on lui a apprit à aimer.
Ils continuèrent à déjeuner en silence avant que Dante ne se remette à parler, levant à peine les yeux de son assiette.
- Et si tu me racontais un peu comment tu as atterrit dans la rue ?
Andrès plissa les yeux et sa mâchoire se crispa.
- Pas envie d’en parler. Répondit-il sèchement.
L’atmosphère plutôt bon enfant qui régnait à peu près deux minutes auparavant venait de sombrer au fin fond d’un abysse. Andrès était tendu comme un arc sur sa chaise et Dante lui lançait un regard presque incompréhensif, qui se mua rapidement en résignation, si le jeune homme en croyait ses déductions.
- J’aurais juste aimé en savoir plus. Pas la peine de te braquer comme ça.
Seul le silence lui répondit, il décida de ne pas insister plus que ça mais se pencha une dernière fois vers son modèle avant de clore le sujet.
- C’est si douloureux que ça ?
- C’est… Compliqué.
- Bien.
A dire vrai, le reste du repas fut tout aussi joyeux, les seuls sons qui s’échappaient d’entre eux, étaient les bruits des couverts et de mastications. Classe.
Dante ne tentait même plus de faire la conversation, sentant combien le jeune homme était crispé. Étonnant d’ailleurs, habituellement les gens ne se privaient pas pour insister et avoir le fin mot de l’histoire. Andrès détestait en parler, surtout à un mec qu’il ne connaissait que très peu, mais il devait avouer que la partie la plus intéressante était quand les gens réussissaient à lui faire cracher le morceau et qu’ils ne savaient plus quoi dire ensuite. Ils semblaient perdus et extrêmement gênés. Ça c’était drôle. Sa petite revanche sur ces imbéciles. Ils avaient été plutôt rares, c’est vrai mais c’était jouissif quand même.
- Qu’est-ce qui vous a poussé à venir aussi loin ?
Le silence tendu qui stagnait entre eux avait eu raison de la patience d’Andrès.
- C’est… Commença le photographe.
Son regard devint vague, il semblait ne plus se focaliser sur quoique ce soit en particulier. Il s’était perdu, avait dérivé assez loin et s’était laissé prendre au piège par le chant des sirènes empoisonné de ses souvenirs.
- Compliqué. Acheva-t-il rapidement.
- Hum. Acquiesça Andrès. On est dans le même bateau.
- Pardon ? Releva Dante.
- On est dans le même bateau.
- Oui, j’imagine. Répondit le photographe d’une voix lasse.
Andrès grattouilla le fond de son assiette avec sa fourchette. Dante ne semblait pas avoir une vie si fabuleuse que ça finalement.
- C’est bien.
Dante leva un regard surpris vers lui.
- Qu’est-ce qui est bien ?
- Ça vous rend plus humain. On dirait que ça vous arrive d’avoir des sentiments.
Le photographe ricana faiblement et se cala dans le dossier de sa chaise.
- Je donne tant que ça l’impression d’être sans coeur ?
- Oui.
Dante eu un mouvement vague de la tête vers l’avant, les lèvres légèrement entrouverte comme pour acquiescer tout en prenant un coup dans les gencives.
Il souffla quelque chose qu’Andrès ne comprit pas avant de sortir son portefeuille de la poche arrière de son jean foncé et déposa un billet sur la table.
- Tu as fini ?
Andrès hocha la tête.
- Alors on rentre.